ARRET N° 59 Du 19 mai 2021 ……………. MATIÈRE : Civile et commerciale
N° AFFAIRE: J/103/RG/20
Société Focus Immobilier SA (Me Boubacar KOÏTA & associés) C/ La Société Opportunités Immobilières (Me Babacar CAMARA) Rapporteur El Hadji Birame FAYE PARQUET GENERAL: Oumar DIEYE AUDIENCE
Du 19 mai 2021 PRÉSENTS :
El Hadji Malick SOW Souleymane KANE Amadou Lamine BATHILY Moustapha BA El Hadji Birame FAYE
GREFFIER : Mbacké LÔ
RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL ----------- Un Peuple – Un But – Une Foi --------------- AU NOM DU PEUPLE SÉNÉGALAIS COUR SUPRÊME ----------------- CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE ------------- A L’AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU DIX-NEUF MAI DEUX MILLE VINGT-ET-UN
ENTRE :
La société Focus Immobilier SA, ayant son siège social à Dakar, 97, Avenue Peytavin, poursuites et diligences de son représentant légal, lequel fait élection de domicile en l’Etude de Maître Boubacar KOÏTA et associés, avocats à la Cour, 76, Avenue Carnot, 3ième étage, Appartement A7 à Dakar ; Demanderesse D’une part ;
ET La société Opportunités Immobilières SARL, ayant son siège social à Dakar, prise en la personne de son représentant légal en ses bureaux sis à la rue Docteur Thèze x Ad Ac Aa, Immeuble la Rotonde, Dakar, faisant élection de domicile en l’Etude de Maître Babacar CAMARA, avocat à la Cour, 66, Avenue Ab A, 1er étage à Dakar ;
Défenderesse D’autre part ;
Statuant sur le pourvoi formé suivant requête enregistrée au Greffe de la Cour suprême le 9 mars 2020 sous le numéro J/103/RG/20 par Maître Boubacar KOÏTA & associés, avocats à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la société Focus Immobilier SA, contre l’arrêt n° 165 du 21 octobre 2019 de la Chambre Commerciale d’Appel de la Cour d’Appel de Dakar, dans la cause l’opposant à la société Opportunités Immobilières ;
Vu la quittance n° 1225035 du 12 mars 2020 attestant la consignation de la somme devant garantir le paiement des droits de timbre et d'enregistrement ;
Vu la signification du pourvoi du 24 mars 2020 par exploit de Maître Richard M. S. DIATTA, huissier de justice à Dakar ; Vu le mémoire en défense du 20 mai 2020, déposé par Maître Babacar CAMARA, avocat à la Cour, pour le compte de la société Opportunités Immobilières ;
Vu le mémoire en réponse du 22 juillet 2020, déposé par Maître Boubacar KOÏTA & associés, avocats à la Cour, pour le compte de la société Focus Immobilier ; La Cour,
Ouï M. El Hadji Birame FAYE, Conseiller en son rapport ;
Vu les conclusions écrites du parquet général tendant au rejet du pourvoi ;
Vu la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Dakar 21 octobre 2019, n°165), que les sociétés FOCUS IMMOBILIER SA et OPPORTUNITES IMMOBILIERES SARL (OPI SARL) étaient convenues d’un échange immobilier consistant pour la première à céder une superficie de 1578 m2 de son immeuble B C, en vue de son occupation par la Banque régionale des Marchés dite BRM, société mère de OPI SARL, en échange de la même contenance dans l’immeuble à construire appartenant à la seconde et du paiement d’un montant de 594.445.723 FCFA pour compenser l’indisponibilité des locaux jusqu’à l’achèvement des travaux ; que la société FOCUS IMMOBILIER ayant rompu le contrat, la société OPI SARL l’a assignée devant le tribunal de commerce en responsabilité et en remboursement et celle-ci a demandé reconventionnellement le paiement d’une indemnité d’occupation et des dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Sur les premier, troisième, en ses deux branches, cinquième, septième et huitième moyens réunis, tirés de la violation des articles 12, 96, 465, 107, 105, 258 alinéa 2 et 383 du Code des Obligations civiles et commerciales (COCC), de la dénaturation et de la contradiction de motifs :
Attendu que la société FOCUS IMMOBILIER fait grief à l’arrêt attaqué de rejeter la demande d’indemnité d’occupation, alors, selon le moyen :
1°/que l’écrit et l’aveu judiciaire sont des moyens de preuve reconnus par la loi ; que le contrat de mandat de gérance dont il s’agit a été produit et son existence reconnue par la société OPI SARL ;
2°/que le contrat crée entre les parties un lien irrévocable ; que le mandat de gérance lie exclusivement les sociétés OPI SARL et FOCUS MANAGEMENT qui ont leur personnalité juridique propre ; 3°/que le mandataire répond de l’inexécution totale ou partielle, de l’exécution défectueuse ou tardive du mandat ; qu’elle ne saurait répondre de l’inexécution du contrat de mandat de gérance, auquel elle n’est pas partie ;
4°/qu’en cas de résolution contractuelle chacune des parties est tenue à restitution ; que la société OPI SARL aurait dû être condamnée à lui payer l’indemnité d’occupation correspondant au coût de l’occupation de ses locaux durant la période contractuelle 2016-2018 ;
5°/qu’elle était chargée uniquement des études techniques et de la conception architecturale et qu’elle n’avait aucune obligation de veiller à la bonne exécution du contrat de mandat de gérance ; que la lettre du 26 février 2016 ne fait référence à un quelconque accord sur la construction de l’immeuble de BRM ; qu’aucune obligation contractuelle de veiller à la bonne exécution dudit contrat de mandat, auquel elle ne faisait partie ne pouvait être mise à sa charge ;
6°/que la cour d’appel s’est contredite en affirmant successivement que « l’entrée en jouissance par la société OPI SARL des locaux promis par la société FOCUS IMMOBILIER n’est pas prouvée » et que la société OPI SARL a signé avec la société FOCUS MANAGEMENT, un contrat de gérance desdits locaux ;
Mais attendu qu’ayant souverainement constaté que malgré la signature du contrat de gérance avec la société FOCUS MANAGEMENT, la société OPI SARL n’est jamais entrée en jouissance des locaux précités du fait de la société FOCUS IMMOBILIER, la cour d’appel a, sans dénaturation ni contradiction, légalement justifié sa décision ;
Sur les deuxième et quatrième moyens réunis, tirés de la violation des articles 166 alinéa 1 et 100 du COCC :
Attendu que la société FOCUS IMMOBILIER fait grief à l’arrêt attaqué de la condamner à restituer à la société OPI SARL, la somme de 400 000 000 FCFA, alors, selon le moyen :
1°/que tout paiement doit être fait au créancier tandis qu’elle a reçu ladite somme de la BRM au titre d’une avance de trésorerie ;
2°/que la cour d’appel a dénaturé le contrat d’échange, en retenant que le paiement de la compensation prévue ne se justifiait pas, dès lors que les parties n’étaient convenues d’aucun terme ; que le contrat prévoyait le paiement d’une compensation et fixait son exigibilité à compter du préavis de la BRM à son bailleur; Mais attendu qu’ayant souverainement retenu, d’une part, que la société FOCUS IMMOBILIER n’a jamais contesté avoir reçu l’avis de crédit que la BRM lui avait notifié le 13/05/2016, et qui mentionne sans équivoque que la somme de 400 000 000 FCFA a été créditée sur son compte à l’ordre de la société OPI SARL, et d’autre part, que dans sa correspondance adressée à sa cocontractante, elle reconnaissait ce paiement partiel et réclamait son reliquat, la cour d’appel en a déduit, sans dénaturation, que la société FOCUS IMMOBILIER avait reçu ladite somme au titre du paiement de la compensation prévue par le contrat d’échange immobilier ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le sixième moyen tiré de la violation des articles 105, 258 alinéa 2 et 383 du COCC :
Vu l’article 383 du COCC ;
Attendu que, selon ce texte, à peine de nullité absolue le contrat translatif de propriété portant sur un immeuble immatriculé doit être passé par acte notarié ;
Attendu que pour déclarer la rupture du contrat abusive, la cour d'appel a retenu qu’aux termes de l’article 95 du COCC lorsque la nullité résulte de la faute de l'une des parties, celle-ci ne peut demander l'annulation du contrat ; que la société FOCUS IMMOBILIER, en concluant par acte sous seings privés le contrat d'échange portant sur des immeubles immatriculés, a commis, en tant que professionnel de l'immobilier, une faute, qui l'empêche d'invoquer la nullité qui en résulte;
Qu’en statuant ainsi, alors que la faute de l’un des cocontractants ne peut faire obstacle à son action en nullité lorsqu’une règle d’ordre public a été violée, la cour d'appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé;
Et attendu qu’en vertu des dispositions de l’article 53 alinéa 5 de la loi organique sur la Cour suprême, il y a lieu de casser sans renvoi, la Cour pouvant, sur la base des faits souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
Casse et annule l’arrêt n° 165 rendu le 21 octobre 2019 par la Cour d’Appel de Dakar, mais seulement en ce qu’il a jugé que la rupture du contrat liant les parties est abusive ; Dit n’y avoir lieu à renvoi ;
Dit que le contrat d’échange immobilier qui liait FOCUS IMMOBILIER à OPI SARL est nul ;
Fait masse des dépens ;
Dit que le présent arrêt sera imprimé, qu’il sera transcrit sur les registres de la Cour d’Appel de Dakar, en marge ou à la suite de la décision attaquée ; Dit que le présent arrêt sera imprimé, qu’il sera transcrit sur les registres de la Cour d’Appel de Dakar, en marge ou à la suite de la décision attaquée ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, chambre civile et commerciale en son audience publique tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents Messieurs :
El Hadji Malick SOW, Président ;
El Hadji Birame FAYE, Conseiller-rapporteur ;
Souleymane KANE ;
Amadou Lamine BATHILY ;
Moustapha BA, Conseillers ; En présence de Monsieur Oumar DIEYE, Avocat général, représentant le Parquet Général et avec l'assistance de Maître Mbacké LÔ, Greffier.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président, le Conseiller-rapporteur, les Conseillers et le Greffier.
Le Président Le Conseiller-rapporteur
El Hadji Malick SOW El Hadji Birame FAYE Les Conseillers Souleymane KANE Amadou Lamine BATHILY Moustapha BA Le Greffier
Mbacké LÔ