REPUBLIQUE DU SENEGAL AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS ¤¤¤¤¤ COUR SUPREME CHAMBRE ADMINISTRATIVE ¤¤¤¤¤ AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI DIX JUIN DE L’AN DEUX MILLE VINGT UN ¤¤¤¤¤ ENTRE :
Aa Ah, demeurant à Thiès, mais élisant domicile … l’étude de Maître Assane Dioma Ndiaye, avocat à la Cour, 10, rue Saba, Immeuble Ai Ac, Ad Ab à Ae ;
DEMANDEUR,
D’une part,
ET : L’État du Sénégal pris en la personne de Monsieur l’Agent judiciaire de l’État, en ses bureaux sis au Ministère de l’Économie et des Finances, building Peytavin, Avenue de la République x Avenue Carde à Ae ; A :
D’autre part,
Vu la requête reçue le 6 juillet 2020 au greffe central par laquelle Aa Ah, élisant domicile … l’étude de Maître Assane Dioma Ndiaye, avocat à la Cour, sollicite l’annulation de l’arrêté n°015355/MFA/DPMM/EFF du 20 juin 2019 du Ministre des Forces armées, portant radiation des cadres d’un sous-officier de carrière de la Gendarmerie nationale ;
Vu la loi organique n°2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ;
Vu la loi n°2020-17 du 14 mai 2020 portant prorogation des délais échus et suspension de l’exécution forcées des décisions de justice ;
Vu le décret n° 89-1268/PR/MFA du 20 octobre 1989 fixant l’organisation et le fonctionnement du conseil d’enquête des personnels militaires des Armées, de la Gendarmerie et du Groupement national des Sapeurs-pompiers ;
Vu l’exploit du 23 juillet 2020 de Maître Malick Sèye Fall, huissier de justice à Dakar, portant signification de la requête ; Arrêt n°35 du 10 juin 2021 ¤¤¤¤¤ Administratif ¤¤¤¤¤ Affaire n°J/259/RG/20 6/7/20
- Aa Ah (Me Assane Dioma Ndiaye)
CONTRE - Etat du Sénégal (agent judiciaire de l’Etat)
RAPPORTEUR Adama Ndiaye
PARQUET B Ousmane Diagne
AUDIENCE 10 juin 2021
PRESENTS Abdoulaye Ndiaye, président,
Oumar Gaye,
Adama Ndiaye,
Idrissa Sow, Fatou Faye Lecor Diop, conseillers,
Cheikh Diop, greffier MATIERE Administrative RECOURS Annulation
Vu le mémoire en défense de l’Etat du Sénégal reçu le 23 septembre 2020 au greffe ;
Vu le mémoire en réplique reçu le 18 décembre 2020 au greffe ;
Vu l’acte attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Ouï Monsieur Adama Ndiaye, conseiller, en son rapport ;
Ouï Monsieur Ousmane Diagne, avocat général, en ses conclusions tendant à l’instruction ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier que le gendarme Aa Ah, matricule 9552/S, en service à la brigade territoriale de Bambey, a eu un échange de propos qualifiés d’injurieux avec le capitaine Af Ag, commandant de la compagnie de gendarmerie de Diourbel ; qu’il s’en est suivi le déclenchement d’une procédure disciplinaire à son encontre pour « faute contre la discipline militaire » et sa traduction devant un conseil d’enquête en vue de sa radiation des cadres de la gendarmerie ; que par une lettre du 3 mars 2020, le capitaine, commandant de l’escadron mobile de Thiès, lui a notifié, l’arrêté attaqué n°015355/MFA/DPMM/EFF du 20 juin 2019 portant sa radiation des cadres de la Gendarmerie nationale et son reversement dans les réserves comme soldat ;
Considérant que, selon l’article 3 de la loi n°2020-17 du 14 mai 2020 relative à la prorogation des délais échus et à la suspension de l’exécution forcée des décisions de justice, les actes, recours, actions en justice, prescrits par les lois et règlements, dans le cadre d’une procédure judiciaire, à peine de nullité, irrecevabilité, forclusion ou déchéance, qui auraient dû être accomplis pendant l’état d’urgence, sont réputés avoir été faits à temps s’ils ont été effectués dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de l’état d’urgence, le délai légalement imparti pour agir ;
Que, par conséquent, le recours formé par requête du 6 juillet 2020 au greffe, soit dans le délai de deux mois suivant la fin de l’état d’urgence proclamé par décret n°2020-830 du 23 mars 2020, prorogé jusqu’au mois de juillet 2020, est recevable ;
Considérant que Aa Ah sollicite l’annulation de l’arrêté en soulevant deux moyens tirés de l’absence de motivation et d’un vice de procédure ;
Sur le premier moyen tiré de l’absence de motivation en ce que le Ministre des Forces armées n’a pas indiqué dans sa décision, les éléments objectifs sur lesquels il s’est fondé pour retenir à son encontre une faute contre la discipline militaire justifiant sa radiation, alors qu’il est de jurisprudence que, pour les décisions administratives infligeant une sanction, leur seule lecture doit suffire pour connaitre les considérations de droit et de fait en constituant le fondement ;
Considérant que l’autorité administrative n’est tenue de motiver sa décision que si un texte l’y oblige ;
Qu’en l’espèce, le Ministre des Forces armées n’était pas astreint à faire figurer dans l’arrêté attaqué les motifs de fait et de droit en constituant le fondement ;
Qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen, en ses trois branches, tiré d’un vice de procédure en ce que d’une part, l’ordre d’envoi n°504/4/HC/RH/DC devant le conseil de discipline ne mentionne pas les faits motivant sa saisine, violant ainsi les prescriptions de l’article 2 du décret n°89-1268/PR/MFA du 20 octobre 1989 susvisé, d’autre part, le conseil d’enquête a été irrégulièrement constitué au motif qu’il ne compte que cinq membres dont le rapporteur alors que ce dernier doit s’ajouter aux cinq autres membres et porter leur nombre à six, conformément à l’article 9 alinéa 3 du décret précité, et enfin, le dossier disciplinaire ne lui a pas été communiqué pour lui permettre de produire ses moyens de défense alors que selon les articles 2 et 11 du décret organisant la procédure applicable devant le conseil d’enquête, le militaire soumis à l’enquête doit être convoqué en même temps que son défenseur et prendre connaissance de toutes les pièces constituant son dossier afin de pouvoir donner un avis sur l’existence et la qualification des faits retenus ;
Sur la première et la troisième branches réunies ;
Considérant qu’aux termes de l’article 2 du décret n°89-1268 du 20 octobre 1989 susvisé « l’ordre d’envoi devant le conseil d’enquête mentionne les faits motivant la saisine du conseil…/… » ;
Que l’article 11 du même décret dispose que : « Le rapporteur convoque le militaire et son défenseur. Il leur donne communication personnelle de toutes les pièces constituant les dossiers visés à l’article 10 ci-dessus, recueille leurs explications et reçoit les pièces présentées en défense. Le comparant ou son défenseur fait en outre connaître au rapporteur l’identité des personnes qu’il demande à faire entendre par le conseil d’enquête.
Le rapporteur dresse un procès-verbal mentionnant qu’il y a eu communication effective des dossiers. Il le date et le signe ainsi que le comparant : si celui-ci refuse de signer, mention est faite de son refus…/…» ;
Considérant qu’en l’espèce, le requérant a été ampliataire de l’ordre d’envoi du 7 mars 2019 duquel il ressort qu’il lui est reproché des fautes contre la discipline militaire ;
Que cet ordre d’envoi comporte un visa relatif à la décision n°0101/MFA/CAB. MIL/CPSCO du 19 février 2019 portant la punition antérieurement infligée et ayant trait aux faits qui lui ont valu sa traduction devant le conseil d’enquête ;
Qu’en outre, l’article premier dudit ordre renseigne sur la question à laquelle le conseil d’enquête était appelé à donner son avis en ces termes « le gendarme Aa Ah, matricule 9552/S, est-il dans le cas d’être rayé des cadres de la Gendarmerie nationale pour fautes contre la discipline militaire ?» ;
Considérant qu’il ressort de ce qui précède que Aa Ah ne pouvait pas ignorer les faits qui lui ont valu sa traduction devant le conseil d’enquête alors surtout qu’il a été largement entendu sur procès-verbal par le lieutenant Calaw Tine, rapporteur du conseil d’enquête, signé au carnet de déclarations après avoir reconnu les injures faites au capitaine Af Ag et relaté une sanction de radiation au stage DQEG, relativement à son comportement antérieur, sans jamais faire mentionner qu’il avait des pièces à faire verser ou un défenseur à constituer, se contentant de dire qu’il était victime de complot et de jalousie ;
Qu’il s’ensuit que le moyen, en ses deux branches, est inopérant ;
Sur la deuxième branche ;
Considérant qu’aux termes de l’article 3 en son 2°) du décret n°89-1268 du 20 octobre 1989, lorsque le militaire de carrière traduit devant le conseil d’enquête est un sous-officier « le conseil d’enquête comprend dans chaque armée ou formation rattachée dans la gendarmerie ou le groupement national des sapeurs-pompiers: -deux sous-officiers appartenant à la même arme ou au même service que celui du comparant…/…En cas d’impossibilité de désigner des sous-officiers ayant le grade ou l’ancienneté exigés, le conseil d’enquête est complété par un sous-officier ou à défaut par un lieutenant. - trois officiers. » ;
Que l’article 9 dudit décret précise in fine que : « le rapporteur est en même temps membre du conseil d’enquête et de ce fait participe aux délibérations et au vote » ;
Considérant que ces dispositions combinées fixent la composition du Conseil d’enquête à cinq membres dont le rapporteur, comme c’est le cas en l’espèce ; Qu’il s’ensuit que le moyen, en cette branche, n’est pas fondé ;
Par ces motifs Rejette le recours formé par Aa Ah contre l’arrêté n°015355/MFA/DPMM/EFF du Ministre des Forces armées du 20 juin 2019 portant radiation des cadres d’un sous- officier de carriére de la Gendarmerie nationale et reversement dans les réserves comme soldat ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre administrative de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents :
Abdoulaye Ndiaye, président,
Oumar Gaye, Adama Ndiaye,
Idrissa Sow, Fatou Faye Lecor Diop, conseillers,
Ousmane Diagne, avocat général ;
Cheikh Diop, greffier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, les conseillers et le greffier. Le président Le rapporteur Abdoulaye Ndiaye Adama Ndiaye Les conseillers :
Oumar Gaye Idrissa Sow Fatou Faye Lecor Diop
Le greffier Cheikh Diop