ORDONNANCE
n°21
du 2/9/21
Référé administratif
Affaire:
n° J/290/RG/21
5/8/21
-Guy Marius Sagna, es nom es qualité de
mandataire du parti
«Yoonu Askan Wi»
(En personne)
CONTRE
-Etat du Senegal
(AJE)
PRÉSIDENT :
Oumar Gaye
PARQUET GENERAL : Ousmane Diagne
GREFFIER:
Cheikh Diop
MATIÈRE:
Administrative
RECOURS:
Référé liberté REPUBLIQUE DU SENEGAL
AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS
COUR SUPREME
LE CONSEILLER DOYEN DÉSIGNÉ EN
QUALITÉ DE JUGE DES RÉFÉRÉS
SUR LA PROCEDURE DE REFERE
ADMINISTRATIF
A L’AUDIENCE PUBLIQUE DES VACATIONS DE REFERE DU DEUX SEPTEMBRE DEUX
MILLE VINGT UN
ENTRE :
e Guy Marius Sagna, es nom es qualité de mandataire du parti « Yoonu Askan Wi », récépissé numéro 13740/MIONT/DAGAT du 27 octobre 2009, demeurant CONACHAP, villa n°195 à Dakar ;
DEMANDEUR, D’une part, ET
L’État du Sénégal pris en la personne de Monsieur l’agent judiciaire de l’État, en ses bureaux sis au Ministère de l’Économie et des Finances, building Peytavin, Avenue de la République x Carde à Aa ;
B, D’autre part,
Le Conseiller doyen de la Chambre administrative,
statuant en qualité de juge des référés ;
Vu la requête en référé reçue le 5 août 2021 au greffe central de la Cour suprême par laquelle, Guy Marius Sagna, citoyen Sénégalais, né le … … … à Etonné, CIN n°1248197900137, agissant ès nom et es qualité de mandataire du parti politique Y A, élisant domicile … la ville n°195, CONACHAP à Dakar, sollicite la prise de mesures nécessaires aux fins :
- de suspendre l’application du décret n°2021- 976 du 26 juillet 2021 du Président de la République portant révision exceptionnelle des listes en vue des élections départementales çet municipales du 23 janvier 2022 en ce qu’il porte atteinte gravement a ses libertés fondamentales ;
de faire cesser, sans délai, les atteintes graves et manifestement illégales à plusieurs libertés fondamentales dont les partis politiques, les électeurs primo- inscrits, les électeurs primo-votants et les électeurs en général subissent les effets ;
- d’enjoindre à la Présidence de la République de prendre toutes les mesures propres à faire respecter le droit des partis politiques à concourir à l’expression du suffrage des électeurs primo-inscrits et primo-votants, le droit d’inscription des électeurs primo-inscrits, la liberté de candidature des électeurs primo-inscrits, le droit à l’égalité des électeurs et le droit de vote des électeurs primo-votants ;
d’ordonner toutes mesures à faire disparaitre les illégalités qu’il comporte, nécessaires à la protection des libertés fondamentales violées en application de l’article 85 de la loi organique n°2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ;
Vu la loi organique n°2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ;
Vu le Code électoral ;
Vu la loi n°2016-09 du 14 mars 2016 instituant une carte d’identité biométrique CEDEAO ;
Vu le décret n°2016-1536 du 29 septembre 2016 portant application de la loi instituant la carte d’identité biométrique CEDEAO ;
Vu l’exploit du 5 août 2021 de Maitre Malick Sèye Fall, huissier de justice à Dakar, portant signification de la requête à la partie adverse ;
Vu le mémoire de l’Etat du Sénégal reçu le 26 août 2021 au greffe ;
Vu le mémoire en réplique reçu le 27 août 2021 au greffe ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Ouï Monsieur Oumar Gaye, conseiller, juge des référés, en son rapport ;
Ouï Monsieur Ousmane Diagne, avocat général, en ses conclusions tendant au rejet;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que le Président de la République a pris le décret n°2021-976 du 26 juillet 2021 portant révision exceptionnelle des listes en vue des élections départementales et municipales du 23 janvier 2022 ; que ladite révision se déroule sur l’ensemble du territoire national du samedi 31 juillet au 14 septembre 2021 ;
Que selon l’article 3 du décret n°2021-976 du 26 juillet 2021 susvisé, la commission administrative procède à l’inscription de nouveaux électeurs qui doivent avoir, au moins, dix-huit (18) ans révolus au 23 janvier 2022 et que cette inscription est faite sur présentation exclusive de la carte d’identité biométrique CEDEAO ;
Considérant que pour Guy Marius Sagna, ce décret exclut trois catégories d’électeurs : les électeurs non-inscrits, les primo-votants et les primo-inscrits ; 216 que ce texte qui conditionne l’inscription sur les listes électorales à la présentation de la carte d’identité CEDEAO viole les droits et pouvoirs de suffrage des électeurs et surtout le droit des partis politiques de concourir à l’expression du suffrage des électeurs illégalement exclus ;
Qu’agissant ès nom et es qualité de mandataire du parti politique Y A, il a saisi le juge des référés pour la sauvegarde de cette liberté de son parti politique de concourir à l’expression du suffrage en sollicitant toutes mesures de nature à empêcher la mise en œuvre du décret n°2021-976 du 26 juillet 2021 portant révision exceptionnelle des listes en vue des élections départementales et municipales du 23 janvier 2022 ;
Que Guy Marius Sagna fonde sa requête sur l’urgence et l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; que s’agissant de l’urgence, il soutient que le décret en cause a pour objet d’accélérer le déroulement des opérations d’inscription dans un délai réduit et compressé et risque d’entrainer une exclusion massive des primo-votants et des primo-inscrits, voire des électeurs en général ;
Qu’en ce qui concerne l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, il distingue l’atteinte au droit des partis politiques et l’atteinte au droit des électeurs et leur gravité ;
Sur l’atteinte au droit des partis politiques de concourir l’expression du suffrage des primo-inscrits
Considérant que Guy Marius Sagna rappelle que l’article 4, alinéa 1” de la Constitution dispose que « les partis politiques et les coalitions de partis politiques concourent à l’expression du suffrage dans les conditions fixées par la Constitution et par la loi. Ils œuvrent à la formation des citoyens, à la promotion de leur participation à la vie nationale et à la gestion des affaires publiques » ;
Que cet article érige au rang de liberté fondamentale le droit des partis politiques de concourir à l’expression du suffrage et leur confère le droit voire même l’obligation d’enrôler les électeurs en vue de leur inscription sur les listes électorales ;
Que dès lors, l’exigence de la présentation de la carte d’identité CEDEAO en vue de l’inscription sur les listes électorales porte directement atteinte à la liberté des partis politiques d’investir des candidats ;
Sur l’atteinte au droit à l’égalité des électeurs devant la loi
Considérant que le requérant souligne que selon l’article 3 de la Constitution, tous les nationaux sénégalais des deux sexes, âgés de 18 ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques, sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi ;
Qu’il ajoute qu’en application de cette disposition constitutionnelle, l’article L.27 du Code électoral précise « Sont électeurs les sénégalais des deux sexes,
âgés de dix-huit (18) ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques et n’étant dans aucun cas d’incapacité prévu par la loi » :
Que par ailleurs, il précise que la loi n°2016-09 du 14 mars 2016 instituant une carte d’identité biométrique et son décret d’application n°2016-1536 du 29 septembre 2016 ne fixent pas la durée de la délivrance de la carte d’identité ; Que le décret n°2021-976 du 26 juillet 2021 susvisé ne prévoit pas la possibilité de s’inscrire avec d’autres documents, notamment, un extrait de naissance ou un récépissé de dépôt de carte nationale d’identité, alors que celle-ci est jumelée avec la carte d’électeur portant ainsi une atteinte au principe d’égalité des électeurs ;
Sur l’atteinte au droit de vote des électeurs primo-votants
Considérant que Guy Marius Sagna soutient qu’en vertu de l’article 3 de la Constitution précité, le droit de vote est un droit fondamental; Que ce droit est également consacré par les instruments internationaux tels que les articles 25 b du Pacte international relatif aux droits civiles et politiques, 19 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples, 4 (2) de la Charte africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance adoptée à Addis-Abeba le 31 janvier 2007 ;
Que le décret n°2021-976 du 26 juillet 2021 susvisé, en exigeant la présentation de la carte d’identité CEDEAO pour l’inscription sur les listes électorales risque de priver les partis politiques l’exercice effectif de leur liberté fondamentale de solliciter le vote des primo-votants et ces derniers de leur droit de vote ; que ce texte, qui instaure une discrimination entre les électeurs, viole de manière grave et manifeste la Constitution qu’il convient de faire cesser ;
Sur l’atteinte à la liberté de candidature des électeurs primo-votants
Considérant que le requérant rappelle que la liberté de candidature est consacrée par la Constitution, les articles 13 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples, 3 et 17 de la Charte africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance ;
Que l’article L.57 du Code électoral précise que pour être candidat, il faut être citoyen électeur inscrit ; Or, le décret n°2021-976 du 26 juillet 2021 précité, en exigeant la présentation de la carte d’identité CEDEAO pour l’inscription sur les listes électorales risque de priver les primo-votants de s’inscrire massivement et de poser leur candidature ;
Sur la gravité de l’atteinte et de son caractère illégal
Considérant que le requérant soutient le décret n°2021-976 du 26 juillet 2021 susvisé, en exigeant la présentation de la carte d’identité C et en prévoyant des délais réduits, ne garantit ni l’inscription des électeurs primo- inscrits sur les listes électorales ni leur candidature et porte gravement atteinte au droit des partis politiques de concourir à l’expression du suffrage ;
Considérant que l’article 85 de la loi organique n°2017-09 du 9 janvier 2017 susvisée prévoit que le juge des référés, saisi d’une demande justifiée par l’urgence, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ;
Considérant que le référé-liberté, prévu par l’article 85 précité, ne peut être mis en œuvre que lorsque, d’une part, le requérant a intérêt et qualité à agir et qu’il y a urgence et, d’autre part, une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, s’est abstenu de prendre une décision ou a pris une décision qui a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ;
Que l’urgence ne s’entend pas au sens où le requérant aurait hâte d’être fixé et il faut que la suspension soit indispensable, en ce que la décision administrative préjudicie de façon suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ;
Considérant que l’article 3 de la Constitution prévoit que tous les nationaux sénégalais des deux sexes, âgés de 18 ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques, sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi ;
Que ces conditions sont fixées par les dispositions combinées des articles L.39 et L.40 du Code électoral qui exigent, pour l’établissement de la liste électorale ou la révision annuelle ou exceptionnelle de ladite liste, que l’électeur justifie son identité par la présentation de sa carte d’identité biométrique CEDEAO, à l’exclusion de tout autre document ;
Considérant que l’article 2 de la loi n°2016-09 du 14 mars 2016 instituant une carte d’identité biométrique prévoit que cette carte, délivrée aux citoyens sénégalais, est obligatoire pour ceux qui sont âgés d’au moins quinze (15) ans et peut être délivrée au citoyen âgé de cinq (5) ans révolus ;
Considérant que Guy Marius Sagna, citoyen Sénégalais, titulaire de la carte d’identité nationale CEDEAO n°1248197900137, est susceptible de s’inscrire sur la liste électorale pour être électeur ou candidat au sens du Code électoral et ne saurait être affecté par le décret n°2021-976 du 26 juillet 2021 susvisé ;
Que par ailleurs, il ne prouve pas sa qualité de mandataire des partis politiques, et les citoyens, électeurs primo-inscrits et électeurs primo-votants, qu’il prétend défendre ayant la possibilité de disposer de leur carte d’identité biométrique avant même la révision des listes électorales ;
Considérant que Guy Marius Sagna ne justifie ni d’un intérêt suffisant ni d’une qualité à agir ;
Qu’il s’ensuit que l’irrecevabilité est encourue ;
Par ces motifs :
Déclare irrecevable la requête de Guy Marius Sagna tendant, d’une part, à la suspension de l’application du décret n°2021-976 du 26 juillet 2021 du Président de la République portant révision exceptionnelle des listes en vue des élections départementales et municipales du 23 janvier 2022, et, d’autre part, à la prise des mesures de sauvegarde des libertés fondamentales des partis politiques, des électeurs primo-inscrits, des électeurs primo-votants et des électeurs ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par le Conseiller doyen de la chambre administrative, désigné en qualité de juge des référés, en son audience publique des vacations tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents :
Oumar Gaye, président,
Ousmane Diagne, avocat général ;
Cheikh Diop, greffier ;
En foi de quoi la présente ordonnance a été signée par le président, et le greffier.
Le Président Le greffier
Oumar Gaye Cheikh Diop