REPUBLIQUE DU SENEGAL AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS ¤¤¤¤¤ COUR SUPREME CHAMBRE ADMINISTRATIVE ¤¤¤¤¤ AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI VINGT CINQ NOVEMBRE DE L’AN DEUX MILLE VINGT UN ¤¤¤¤¤ ENTRE :
Ac Aa, agent de l’Administration pénitentiaire, demeurant à Dakar, mais faisant élection de domicile en l’étude de Maître Assane Dioma Ndiaye, avocat à la Cour, 10, rue de Saba, Immeuble Ad Ae, Fann à Ab ; DEMANDEUR,
D’une part,
ET : L’État du Sénégal pris en la personne de Monsieur l’agent judiciaire de l’État, en ses bureaux sis au Ministère de l’Économie et des Finances, building Peytavin, Avenue de la République x Avenue Carde à Ab ;
B :
D’autre part,
Vu la requête reçue le 28 mai 2019 au greffe central par laquelle Ac Aa, élisant domicile … l’étude de Maître Assane Dioma Ndiaye, avocat à la Cour, sollicite l’annulation de la décision n°181/MJ/ENAP du 17 avril 2019 du Directeur de l’Ecole nationale d’Administration pénitentiaire portant notification et remise d’acte à l’intéressé et la lettre n°0090-MJ/DAP/DMS du 16 avril 2019 du Médecin Capitaine, Chef de la Division Médico-sociale de l’Administration pénitentiaire le déclarant inapte lors de la visite d’entrée à l’Ecole nationale d’Administration pénitentiaire (ENAP) ;
Vu la loi organique n°2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ;
Vu la loi n°72-23 du 19 avril 1972 relative au statut du personnel de l’Administration pénitentiaire, modifiée par la loi n°2006-34 du 16 octobre 2006 ;
Arrêt n°50 Du 25 novembre 2021 ¤¤¤¤¤ Administratif ¤¤¤¤¤ Affaire n°J/206/RG/19 28/5/19
- Ac Aa (Me Assane Dioma Ndiaye)
CONTRE -Etat du Sénégal (AJE)
RAPPORTEUR Mbacké Fall
PARQUET A Ousmane Diagne AUDIENCE 25 novembre 2021 PRESENTS Abdoulaye Ndiaye, président,
Oumar Gaye,
Mbacké Fall, Jean Aloise Ndiaye, Latyr Niang, conseillers,
Cheikh Diop, greffier MATIERE Administrative RECOURS Annulation
Vu l’exploit des 29 et 31 mai 2019 de Maître Malick Sèye Fall, huissier de justice à Dakar, portant signification de la requête ;
Vu le mémoire en défense de l’Etat du Sénégal reçu le 23 juillet 2019 au greffe ;
Vu la lettre du 15 février 2021 de la chambre administrative demandant la production du rapport et du dossier médical de Ac Aa ;
Vu la lettre réponse du 1er avril 2021 de l’Etat du Sénégal transmettant le dossier médical ;
Vu la lettre de la chambre administrative du 10 juin 2021 portant réclamation du rapport médical de Ac Aa ;
Vu les actes attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Ouï Monsieur Mbacké Fall, conseiller, en son rapport ;
Ouï Monsieur Ousmane Diagne, avocat général, en ses conclusions tendant à l’irrecevabilité ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que Ac Aa, agent de l’Administration pénitentiaire, admis au concours professionnel des contrôleurs, s’est vu notifié, par procès-verbal de remise d’acte n°18/MJ/ENAP du17 avril 2019 du Directeur de l’Ecole nationale d’Administration pénitentiaire, la lettre n°0090-MJ/DAP/DMS du 16 avril 2019 du Médecin Capitaine, chef de la Division Médico-sociale de l’Administration pénitentiaire, le déclarant inapte lors de la visite médicale d’entrée à l’Ecole nationale d’Administration pénitentiaire (ENAP) ;
Considérant que l’Etat conclut à l’irrecevabilité du recours au motif qu’il est dirigé contre un procès-verbal de notification et de remise d’acte qui n’est pas un acte administratif décisoire puisque se limitant à transmettre à l’intéressé la lettre du Médecin Capitaine, chef de la Division Médico-sociale de l’Administration pénitentiaire ;
Considérant que selon les dispositions de l’article 74 de la loi organique sur la Cour suprême, le recours pour excès de pouvoir n’est recevable que contre une décision explicite ou implicite d’une autorité administrative ;
Considérant qu’il ressort de l’examen des pièces du dossier, qu’outre le procès-verbal de notification et de remise d’acte établi par le directeur de l’école, le recours est aussi dirigé contre la décision du médecin-chef ;
Qu’à la suite de l’instruction ordonnée par la Chambre, l’Etat a produit la lettre n°0090-MJ/DAP/DMS du 16 avril 2019 du Médecin Capitaine, chef de la Division Médico-sociale de l’Administration pénitentiaire, déclarant Ac Aa et six autres éléments inaptes lors de la visite médicale d’entrée à l’ENAP;
Que cette dernière décision qui fait grief au requérant, contrairement au procès-verbal de notification de remise d’acte, constitue un acte administratif susceptible de recours pour excès de pouvoir ;
Que dès lors, l’irrecevabilité n’est pas encourue en ce qui concerne l’acte par lequel le médecin-capitaine le déclare inapte ;
Considérant qu’au soutien de son recours en annulation, Ac Aa a développé six moyens ;
Sur le premier moyen pris de l’incompétence ratione-temporis en ce que la décision d’inaptitude est intervenue 45 jours après son entrée à l’ENAP;
Sur le deuxième moyen pris d’un défaut de motivation en ce que l’argument selon lequel la découverte par le médecin d’un taux élevé de sucre dans son sang constitue une preuve de son incapacité à participer à la fonction de contrôleur pénitentiaire n’est pas suffisant, alors qu’il a été soumis à d’intenses activités physiques durant les 45 jours de stage et effectué, pendant 19 ans, un service actif de jour et de nuit moins souple que le travail de contrôleur qui consiste à assister les inspecteurs dans l’exercice de leurs fonctions et de les suppléer à la direction des établissements pénitentiaires, le cas échéant ;
Sur le troisième moyen pris d’une violation du principe de l’égal accès aux emplois publics en ce que sa prétendue maladie ne pouvait constituer un motif suffisant pour le sortir du stage, d’autant plus que la maladie en tant que telle n’est pas avérée à cent pour cent et que sa gravité, sa progression n’ont pas été diagnostiquées surtout qu’un autre test d’analyse de la même catégorie, effectué à l’Institut Pasteur de Dakar le 15 mai 2019, révèle un taux de glycémie de1,19g/l dans le sang, attestant ainsi de la disparition simple de la prétendue maladie ;
Sur le quatrième moyen pris de la violation du principe des droits acquis en ce qu’il a été déclaré admis au concours professionnel d’entrée en qualité de contrôleur, après 19 ans de service et bénéficie, depuis le stage, des droits qui y sont attachés que la décision attaquée risque de lui faire perdre, alors qu’il résulte de la règle de droit qu’un acte administratif individuel, créateur de droits, ne peut pas être abrogé ;
Sur le cinquième moyen pris du manque de base légale en ce que la décision attaquée ne fait référence à aucune disposition sanctionnant, par l’inaptitude, des maladies telles que le diabète alors que, d’une part, la loi n°72-23 du 19 avril 1972 relative au statut du personnel de l’Administration pénitentiaire ne prévoit pas expressément une visite médicale pour les élèves stagiaires professionnels et, d’autre part, l’article 3 du même texte qui dispose que « nul ne peut être nommé dans l’administration pénitentiaire s’il n’est reconnu apte à un service actif de jour comme de nuit » se réfère spécifiquement aux personnes admises au concours direct et non au concours professionnel ;
Sur le sixième moyen pris d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la décision n’a fait mention d’aucune information sur les causes de son inaptitude alors que le médecin-chef se devait, en plus du constat des traces de diabète, évaluer la gravité de la maladie et son incompatibilité avec la fonction de contrôleur de l’Administration pénitentiaire ;
Sur le cinquième moyen pris du manque de base légale et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;
Considérant qu’aux termes de l’article 9-4° de la loi n° 2006-34 du 16 octobre 2006 modifiant et complétant la loi n°72-23 du 19 avril 1972 relative au statut du personnel de l’Administration pénitentiaire, « Nul ne peut être nommé dans un des corps constituant le cadre des fonctionnaires de l’Administration pénitentiaire s’il n’est pas reconnu indemne de toute affection exigeant un congé de longue durée et s’il ne remplit pas les conditions physiques exigées par l’exercice de ses fonctions et fixées par décret » ;
Considérant que la chambre administrative a demandé, en vain, la production du rapport du Médecin Capitaine, chef de la Division Médico-sociale de l’Administration pénitentiaire établissant que Ac Aa est atteint d’une affection exigeant un congé de longue durée et ne remplit pas les conditions physiques exigées pour l’exercice des fonctions de contrôleur;
Qu’ainsi, en l’écartant de la formation, sans s’assurer que le taux de glycémie dans son sang nécessite un congé de longue durée et qu’il ne remplit pas les conditions physiques exigées pour l’exercice des fonctions de contrôleur de l’Administration pénitentiaire, la décision qui le déclare inapte, sans autres précisions, encourt l’annulation ;
Par ces motifs Annule la décision n°0090-MJ/DAP/DMS du 16 avril 2019 du Médecin Capitaine, Chef de la Division Médico-sociale de l’Administration pénitentiaire, déclarant Ac Aa inapte lors de la visite médicale d’entrée à l’Ecole nationale d’Administration pénitentiaire ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre administrative de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents :
Abdoulaye Ndiaye, président,
Oumar Gaye, Mbacké Fall, Jean Aloise Ndiaye et Latyr Niang, conseillers,
Ousmane Diagne, avocat général ;
Cheikh Diop, greffier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, les conseillers et le greffier. Le président Le rapporteur Abdoulaye Ndiaye Mbacké Fall Les conseillers :
Oumar Gaye Jean Aloise Ndiaye Latyr Niang
Le greffier Cheikh Diop