REPUBLIQUE DU SENEGAL AU NOM DU PEUPLE SENEGALAIS ¤¤¤¤¤ COUR SUPREME CHAMBRE ADMINISTRATIVE ¤¤¤¤¤ AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI VINGT HUIT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX ¤¤¤¤¤ ENTRE :
Ag Ad Ah, Ai Ac, Ae Ah et Ab Ah, tous demeurant à Bargny quartier Mboth, élisant domicile … l’étude de Maître Cheikh Tidiane Faye, avocat à la Cour, à Dakar ; DEMANDEURS,
D’une part,
ET : Le Chef de Bureau des Domaines de Rufisque demeurant au centre des Services Fiscaux de ladite ville, route des HLM à Rufisque ;
L’État du Sénégal pris en la personne de Monsieur l’agent judiciaire de l’État, en ses bureaux sis au Ministère de l’Économie et des Finances, building Peytavin, Avenue de la République x Avenue Carde à Af ;
A,
D’autre part,
Vu la requête reçue le 29 octobre 2019 au greffe central par laquelle Ag Ad Ah, Ai Ac, Ae Ah et Ab Ah, élisant domicile … l’étude de Maître Cheikh Tidiane Faye, avocat à la cour, sollicitent l’annulation de la décision implicite du Ministre des Finances et du Budget rejetant leur recours hiérarchique du 13 mai 2019 contre la réquisition n°1627 du 28 mars 2017 du Chef du Bureau des Domaines de Rufisque demandant au Conservateur de la Propriété et des Droits fonciers de ladite ville, de procéder à la rectification des limites du titre foncier n°3385/R appartenant à l’Etat du Sénégal ;
Vu la loi organique n°2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ; Vu la loi n°2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la Propriété foncière ; Arrêt n°16 Du 28 avril 2022 ¤¤¤¤¤ Administratif ¤¤¤¤¤ Affaire n° J/446/RG/19 29/10/19
- Ag Ad Ah, Ai Ac,
Ae Ah et Ab Ah (Me Cheikh Tidiane Faye)
CONTRE
Le Chef de Bureau des Domaines de Rufisque
- Etat du Sénégal (AJE)
RAPPORTEUR Fatou Faye Lecor Diop
PARQUET GENERAL Amadou Mbaye Guissé
AUDIENCE 28 avril 2022 PRESENTS Abdoulaye Ndiaye, président,
Oumar Gaye,
Mbacké Fall, Jean Aloise Ndiaye,
Fatou Faye Lecor Diop, conseillers,
Cheikh Diop, greffier MATIERE Administrative RECOURS Annulation
Vu la loi n°2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la Propriété foncière ;
Vu la loi 64-46 du 17 juin 1964 relative au domaine national ; Vu le décret n°64-573 du 30 juillet 1964 fixant les conditions d’application de la loi relative au Domaine national ;
Vu le décret n°70-1216 du 7 novembre 1970 portant création d’une agence judicaire de l’Etat et fixant ses attributions ;
Vu l’exploit du 12 décembre 2019 de Maître Yankhoba Camara, huissier de justice à Dakar, portant signification de la requête ;
Vu le mémoire en défense de l’agent judiciaire de l’Etat reçu le 14 février 2020 au greffe ;
Vu le mémoire en réplique reçu le 17 mars 2020 au greffe ;
Vu le procès-verbal de transport sur les lieux du 5 août 2021 des membres de la chambre administrative;
Vu les pièces du dossier ;
Ouï Madame Fatou Faye Lecor Diop, substituant Monsieur Adama Ndiaye, conseiller, en son rapport ;
Ouï Monsieur Amadou Mbaye Guissé, avocat général, en ses conclusions tendant à l’irrecevabilité ; Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que par réquisition n°1627 du 28 mars 2017, le Chef du Bureau des Domaines de Rufisque a demandé au Conservateur de la Propriété et des Droits fonciers de ladite ville de procéder à la rectification des limites du titre foncier n°3385/R appartenant à l’Etat du Sénégal ;
Que Ag Ad Ah, Ai Ac, Ae Ah et Ab Ah ont estimé qu’à l’occasion de cette rectification, le Chef du Bureau des Domaines de Rufisque en a profité pour étendre les limites du titre foncier d’une contenance de 2 ha 24 ares 33 ca, à une dimension de 3 ha 77 a 34 ca, soit un surplus de 1 ha 53 a 1 ca prélevé sur un terrain non immatriculé dont une partie, héritée de leur aïeul et relevant du domaine national, leur est régulièrement attribuée par le Conseil rural Aa puis par la Commune de Bambilor, ledit terrain faisant même l’objet d’une demande de régularisation par voie de bail depuis 2016 ; Que n’ayant jamais reçu notification de ladite réquisition, ils ont, par une lettre du 13 mai 2019, introduit un recours hiérarchique devant le Ministre des Finances et du Budget, avant de solliciter l’annulation de la décision implicite de rejet de cette autorité, en articulant deux moyens tirés du défaut de base légale et de la violation de la loi ;
Considérant que l’agent judiciaire de l’Etat a conclu à sa mise hors de cause au motif qu’il n’a ni compétence ni vocation à intervenir dans un recours se rattachant à la matière domaniale, foncière ou cadastrale et dirigé contre un acte du Chef du Bureau des Domaines de Rufisque portant sur ces questions, cette prérogative étant exclusivement confiée au Directeur général des Impôts et Domaines, en vertu des articles 2 du décret n°70-1216 du 7 novembre 1970 portant création de l’agence judiciaire de l’Etat et 25 de l’arrêté ministériel n°20287/MEF/DGID du 31 décembre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Direction générale des Impôts et Domaines ;
Considérant qu’aux termes de l’article 2 du décret précité, « l’agence judicaire de l’Etat est chargée du règlement de toutes les affaires contentieuses où l’Etat est partie et de la représentation de l’Etat dans les instances judiciaires.
Toute action portée devant les tribunaux et tendant à faire déclarer l’Etat créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l’impôt et au domaine doit, sauf exception prévue par un texte spécial, être intentée à peine de nullité par ou contre l’agent judiciaire de l’Etat » ;
Qu’en vertu de ce texte, l’agent judiciaire est chargé de la représentation de l’Etat dans toutes les instances judiciaires sauf dans le cas où un texte spécial désigne une autre personne morale ou physique ou lorsque la procédure suivie a pour objet de déclarer l’État créancier ou débiteur pour une cause relative à l’impôt et au domaine ;
Considérant qu’en outre, l’arrêté ministériel n°20287 du 31 décembre 2013 dont se prévaut l’agent judiciaire a été abrogé et remplacé par l’arrêté ministériel n°10012 du 14 juin 2017 portant organisation de la Direction générale des Impôts et des Domaines ;
Que ce texte ne saurait conférer à la Direction générale des Impôts et des Domaines un mandat spécial de représentation de l’État dans les recours en annulation des actes administratifs pris en matière domaniale ;
Qu’ainsi, l’agent judiciaire de l’État, qui a régulièrement reçu signification du recours, est malvenu à solliciter sa mise hors de cause dès lors que l’instance ne vise pas à déclarer l’Etat créancier ou débiteur, mais plutôt à poursuivre l’annulation, pour excès de pouvoir, d’une décision implicite portant rejet d’un recours hiérarchique contre la réquisition n°1627 du 28 mars 2017 du Chef du Bureau des Domaines de Rufisque demandant au Conservateur de la Propriété et des Droits fonciers de ladite ville, de procéder à la rectification des limites du titre foncier n°3385/R appartenant à l’Etat du Sénégal ; Sur le premier moyen tiré d’un défaut de base légale en ce que le Chef du Bureau des Domaines de Rufisque a, sans motif valable, ordonné l’extension du TF n°3385/R sur des terres du domaine national qui leur ont été attribuées et qu’ils exploitent, au mépris de la procédure prévue à cet effet, leur ôtant toute possibilité de réclamer et d’obtenir le remboursement des impenses érigées sur lesdites terres et ce, conformément aux articles 29 et suivants du décret n°64-573 du 30 juillet 1964 fixant les conditions d’application de la loi relative au Domaine national ;
Sur le second moyen tiré de la violation des articles 27 du décret n°66-858 du 7 novembre 1966 portant application de l’article 5 de la loi relative au Domaine national, 36 à 38 du décret n°66-573 du 30 juillet 1966 portant application de ladite loi en ce que le Chef du Bureau des Domaines de Rufisque a, d’autorité, ordonné l’extension du TF n°3385/R sur des terres du domaine national régulièrement attribuées par les autorités compétentes, sans au préalable recueillir l’avis du conseil municipal ni respecter la procédure prévue aux textes susvisés ;
Les moyens étant réunis Considérant que selon les articles 36 et 37 du décret n°64-573 du 30 juillet 1964 fixant les conditions d’application de la loi relative au Domaine national, les terrains faisant partie du domaine national, situés dans les zones urbaines, sont immatriculés au nom de l’Etat dans les formes et conditions déterminées par un décret qui désigne la zone à immatriculer et après publication de ce décret, sous réserve des dispositions de l’article 38, il est procédé comme il est dit aux articles 31 et 32 du même texte déterminant les conditions d’expropriation et d’indemnisation;
Considérant qu’en l’espèce, il résulte de l’examen des pièces du dossier que par réquisition du 28 mars 2017, le Chef du Bureau des Domaines de Rufisque a demandé au Conservateur de la Propriété et des Droits fonciers de procéder à la rectification des limites du TF n°3385/R appartenant à l’Etat du Sénégal pour l’étendre à une assiette foncière relevant du domaine national ;
Qu’en procédant ainsi, en dehors de toute procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique et sans respecter les conditions requises par les textes précités, la décision attaquée encourt l’annulation ;
Considérant toutefois qu’il résulte du procès-verbal de transport sur les lieux du 5 août 2021 et de l’état des droits réels du 2 octobre 2018 que la procédure subséquente à la réquisition a abouti à l’immatriculation définitive du terrain sous le TF n°3385/R d’une superficie de 3ha 77a 34ca au nom de l’Etat du Sénégal ;
Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la loi n°2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de la Propriété foncière, « L’immatriculation est définitive.
Aucun immeuble immatriculé ne peut être soustrait au régime ainsi adopté pour être placé à nouveau sous l’empire de celui auquel il était soumis antérieurement. »;
Que l’article 44 du même texte précise que « Les personnes dont les droits auraient été lésés par suite d’une immatriculation ne peuvent se pourvoir que par voie d’action personnelle en indemnité. » ;
Considérant qu’en l’espèce, l’immatriculation étant définitivement opérée il n’est plus possible de revenir sur la situation antérieure de l’immeuble tant sur ses limites que sur les droits consacrés ;
Qu’ainsi, l’annulation est encourue mais seulement en ce qui concerne la décision implicite du Ministre des Finances et du Budget rejetant leur recours hiérarchique du 13 mai 2019 contre la réquisition n°1627 du 28 mars 2017 du Chef du Bureau des Domaines de Rufisque demandant au Conservateur de la Propriété et des Droits fonciers de ladite ville, de procéder à la rectification des limites du titre foncier n°3385/R appartenant à l’Etat du Sénégal ;
Par ces motifs Annule la décision implicite du Ministre des Finances et du Budget rejetant leur recours hiérarchique du 13 mai 2019 contre la réquisition n°1627 du 28 mars 2017 du Chef du Bureau des Domaines de Rufisque demandant au Conservateur de la Propriété et des Droits fonciers de ladite ville, de procéder à la rectification des limites du titre foncier n°3385/R appartenant à l’Etat du Sénégal ;
Dit que l’annulation sera limitée à ladite décision ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre administrative de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents :
Abdoulaye Ndiaye, président,
Oumar Gaye, Mbacké Fall, Jean Aloise Ndiaye, Fatou Faye Lecor Diop, conseillers,
Amadou Mbaye Guissé, avocat général ;
Cheikh Diop, greffier ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, les conseillers et le greffier. Le président Le rapporteur Abdoulaye Ndiaye Fatou Faye Lecor Diop Les conseillers :
Oumar Gaye Mbacké Fall Jean Aloise Ndiaye Le greffier Cheikh Diop