CHAMBRE D’ACCUSATION-LIBERTE PROVISOIRE D’OFFICE-EXCLUSION-CAS-DEMANDE DE MISE EN LIBERTE PROVISOIRE SUR LE FONDEMENT DE L’ARTICLE 127 BIS DU CODE DE PROCEDURE PENALE APRES L’ORDONNANCE DE RENVOI DEVANT LA JURIDICTION DE JUGEMENT.
Selon l’article 130 du CPP, la mise en liberté provisoire peut aussi être demandée en tout état de cause par tout inculpé, prévenu ou accusé, et en toute période de la procédure. Lorsque la juridiction de jugement est saisie, il lui appartient de statuer sur la liberté provisoire ».
A méconnu le sens et la portée de ce texte, une chambre d’accusation qui statué sur la demande de mise en liberté provisoire de l’inculpé alors qu’une ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement a déjà été rendue.
La Cour suprême ;
Vu la loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que X... Y..., inculpé d’association de malfaiteurs, accès et maintien frauduleux dans un système informatique, complicité d’abus de biens sociaux, usage d’une carte bancaire obtenue frauduleusement, escroquerie, vols, accès et maintien frauduleux dans un système informatique en vue d’obtenir, sans droit, un avantage économique quelconque et blanchiment de capitaux, a été placé sous mandat de dépôt le 15 février 2022 par le juge d’instruction du Tribunal de grande Instance de Saint-Louis ; que par décision du 16 août 2022, ledit magistrat a ordonné le renvoi de X... Y... et ses co-inculpés devant le tribunal correctionnel; que par requête du 23 août 2022, le conseil de l’inculpé a saisi la Chambre d’accusation d’une demande de mise en liberté provisoire sur le fondement de l’article 127 bis du Code de Procédure pénale (CPP) ; que par arrêt du 13 octobre 2022, ladite juridiction a ordonné la main levée du mandat de dépôt décerné contre X... Y... et sa mise en liberté provisoire, s’il n’est détenu pour autre cause ;
Sur le premier moyen tiré de la violation des règles de compétence de la Chambre d’accusation en matière de détention en ce qu’en ordonnant la main levée du mandat de dépôt décerné contre X... Y... et sa mise en liberté provisoire, alors que l’information judiciaire est terminée et le dossier de la procédure enrôlée à l’audience de vacation de la chambre correctionnelle, la cour d’Appel a statué au-delà des limites de sa compétence ;
Sur le deuxième moyen tiré de l’irrégularité de la saisine directe de la Chambre d’accusation en ce que l’arrêt attaqué a déclaré la requête recevable, alors que la législation sénégalaise ne prévoit que deux cas dans lesquels les inculpés peuvent adresser directement à cette juridiction des demandes de mise en liberté à savoir les articles 129 alinéa 4 et 130 du CPP et en l’espèce, aucune demande mise en liberté n’a été adressée au juge d’instruction qui est dessaisi à la suite du renvoi de l’inculpé devant le tribunal correctionnel pour y être jugé conformément à la loi ;
Ces deux moyens étant réunis ;
Vu les articles 129 dernier alinéa et 130 du CPP ;
Attendu que selon le premier de ces textes, « faute par le juge d’instruction d’avoir statué dans le délai fixé à l’alinéa 4, l’inculpé peut saisir directement de sa demande la Chambre d’accusation qui, sur les réquisitions écrites et motivées du Procureur général, se prononce dans le mois de cette demande, faute de quoi l’inculpé est mis d’office en liberté provisoire, sur l’initiative du Procureur général. » ;
Que l’article 130 du même code précise que « la mise en liberté provisoire peut aussi être demandée en tout état de cause par tout inculpé, prévenu ou accusé, et en toute période de la procédure. Lorsque la juridiction de jugement est saisie, il lui appartient de statuer sur la liberté provisoire» ;
Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier que par ordonnance du 16 août 2022, le juge d’instruction a renvoyé l’inculpé devant le tribunal correctionnel des chefs d’association de malfaiteurs, d’escroquerie, de vols multiples, d’utilisation d’une carte bancaire obtenue frauduleusement, de blanchiment de capitaux et d’accès et maintien frauduleux dans un système informatique en vue de tirer un avantage quelconque pour soi-même ou pour autrui ;
Attendu qu’en statuant sur la requête aux fins de mise en liberté alors qu’une ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement a déjà été rendue, la Chambre d’accusation a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
Qu’il s’ensuit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
Et sans qu’il soit besoin de statuer sur le troisième moyen ;
Casse et annule l’arrêt n°64 du 13 octobre 2022 de la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Saint Louis ;
Ordonne le maintien de l’inculpé en détention et la transmission du dossier au tribunal correctionnel saisi pour continuation de la procédure ;
Reserve les dépens ;
Dit que le présent arrêt sera imprimé et qu’il sera transcrit sur les registres de la Cour d’Appel de Saint-Louis en marge ou à la suite de la décision attaquée ;
Ordonne l’exécution du présent arrêt à la diligence du Procureur général près la Cour suprême ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, chambre criminelle, en son audience ordinaire tenue les jour, mois et an ci-dessus et à laquelle siégeaient Messieurs :
PRESIDENT : ABDOURAHMANE DIOUF ; CONSEILLERS : ADAMA NDIAYE, MBACKE FALL, MAMADOU DIAKHATE, FATOU FAYE LECOR DIOP ; AVOCAT GENERAL : EL HADJI ALIOUNE ABDOULAYE SYLLA ; AVOCATS : MAITRES ABDOURAHMANE SO, MAMADOU CIRE BA, ARFANG NDAO ; GREFFIER : MAITRE SERIGNE IBRAHIMA DIEME