Un créancier fait pratiquer une saisie conservatoire sur les avoirs de son débiteur auprès d’une banque qui se borne à indiquer au créancier le solde créditeur des comptes de son client. Par la suite, une ordonnance de mainlevée a été signifiée au banquier tiers saisi. Ce dernier autorise des mouvements sur les comptes et les clôture. Le premier juge condamne le tiers saisi à virer sur les comptes du créancier saisissant les soldes créditeur des comptes du débiteur. Invoquant l’impossibilité de représenter les comptes, le tiers saisi interjette appel. La Cour d’appel constate qu’en présence d’une ordonnance de mainlevée rendue même à pied de requête, le tiers saisi n’engage pas sa responsabilité en se pliant à l’injonction d’une décision de justice.
ARTICLE 156 AUPSRVE ARTICLE 168 AUPSRVE
Cour d’appel de Lomé, arrêt n° 163/06 du 21 décembre 2006, ECOBANK-TOGO/ Nouvelle Aa Ab d’Energie et de Travaux Bâtiments
LA COUR Ouï les conseils des parties en leurs écritures respectives ; Le Ministère Public entendu ; Vu l’ordonnance N° 410/04 du 09 Juillet 2004 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance de Lomé ; Vu l’appel interjeté, ensemble avec les pièces du dossier de la procédure ; Et après en savoir délibéré ;
En la forme : Attendu que par exploit de Me BAWA Bouraïma, huissier de Justice à Lomé, en date du 14 Juillet 2004, la société ECOBANK-TOGO, prise en la personne de son Directeur Général, a déclaré interjeter appel de l’Ordonnance N° 410/04 rendue le 9 Juillet 2004 par le Président du Tribunal de Lomé ;
Attendu que cet appel, interjeté dans les forme et délai de la loi est régulier et partant recevable ;
Au fond : Attendu que la société ECOBANK-TOGO, fait grief à l’ordonnance entreprise de l’avoir condamnée au paiement des sommes objet de saisie opérée par la société Nouvelle Aa Ab d’Energie et de Travaux de Bâtiment ( NTTE-TB) ; qu’elle sollicite la reformation de la décision entreprise et sa décharge par voie de conséquence de condamnations prononcées contre elle ;
Attendu qu’il résulte des éléments du dossier de la procédure que la société NTTE-TB a le 26 Septembre 2001, fait pratiquer une saisie conservatoire de créances d’un montant de 41.954.928 F sur les avoirs du sieur A Ad et les Etablissements transit TAYBA-MOBA entre les mains de la société ECOBANK-TOGO ; que la conversion de ladite saisie en saisie attribution sera ordonnée par jugement N° 123 /04 du 23 Février 2004 rendu par le Tribunal de Lomé ; que par suite de la délivrance d’un certificat de non contestation en date du 06 Avril 2004 qui a été notifié à la société ECOBANK, celle-ci refuse de s’exécuter ; qu’estimant que ce refus est constitutif d’abus, elle saisit le Tribunal afin que ECOBANK soit contrainte à s’exécuter sur la base de l’article 168 de l’Acte Uniforme régissant la matière des saisies ;
Attendu que le Tribunal après avoir renvoyé au principal les parties à mieux se pourvoir, a ordonné à ECOBANK-TOGO de virer sur le compte BTD N° 402308224-Y appartenant à Me MOUKE conseil de la NTTE-TB les soldes des comptes ouverts dans ses livres par le sieur A Ad et les établissements transit TAYBA-MOBA jusqu'à concurrence de 41 954 922 F sous astreinte de 30 000 F par jour de retard à compter de la signification de ladite décision ; Attendu que c’est contre décision que la société ECOBANK-TOGO a interjeté appel ; Attendu qu’au soutien de son action, la société ECOBANK-TOGO expose que le 26 Septembre 2004, date de la saisie opérée entre ses mains, la situation des comptes objet de la mesure était la suivante :
A Ad, compte N° 101625011017 avait solde créditeur de 1 311 814 F ;
Etablissements TAYBA-MOBA, compte N° 100062016 avait un compte créditeur de 159 732 F ; qu’il excipe que le 6 Août 2003 , par exploit de Me Jean Marie KOURA Huissier de justice à Lomé, il lui a été signifié une ordonnance de mainlevée N° 996/02 datant du 23 Octobre 2002 et revêtue de la formule exécutoire ; qu’à la signification de ladite ordonnance, elle a levé la mesure de saisie affectant lesdits comptes ; qu’elle précise qu’à la suite de cette mainlevée, le sieur A Ad a sollicité et obtenu la clôture du compte ouvert en son nom dans ses livres ; qu’elle fait observer que telle a été la situation lorsque le 10 Mars 2004 Me AGBOVI lui a délivré un acte de conversion en saisie attribution de la saisie conservatoire du 26 Septembre 2001 ; mais qu’elle ne pouvait s’exécuter motif pris d’une part , de ce que le compte dont le sieur A Ad était titulaire a été soldé et clôturé et que d’autre part, le Commandant de gendarmerie nationale par un acte de ‘’ demande de concours’’ en date du 6 Février 2004 l’a requise pour fournir les renseignements sur les mouvements des comptes ouverts dans ses livres par A Ad , les Etablissements TAYBA-MOBA et dame B épouse A Ac et ce depuis l’ouverture desdits comptes puis de les bloquer et les tenir à leur disposition ; qu’elle précise qu’à la date de cette demande, le compte N° 1006520066 présentait un solde créditeur de 232 787 F;
Attendu qu’elle excipe que le premier Juge a non seulement ignoré son impossibilité juridique de représenter les fonds qu’elle ne disposait plus mais il n’a pas non plus motivé sa décision se contentant d’affirmer la nécessité de l’application de l’article 168 de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’elle précise qu’il ne s’est pas non plus prononcé sur la décision de mainlevée revêtue de la formule exécutoire qui lui a été notifiée et qu’aucune faute n’est relevée à sa charge ; qu’elle fait valoir enfin que le premier Juge n’a pas tenu compte de la situation exacte des
comptes qui était de 1 500 000 F au moment de la saisie conservatoire ; que ce faisant, il a rendu une décision inexécutable en droit ;
Attendu qu’elle déduit de tout ce qui précède que l’article 168 précité ne peut recevoir application en espèce, qu’elle en conclut à l’annulation de l’ordonnance entreprise ;
Attendu que la NTTE-TB , sous la plume de son conseil, Me MOUKE , excipe que c’est de mauvaise foi que l’appelante soutient que le premier juge n’a pas tenu compte de la réalité des avoirs des débiteurs dans ses livres en ce sens qu’à la date de la saisie conservatoire, elle n’a pas fait d’exactes déclarations sur lesdits avoirs en violation de l’article 156 de l’OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu qu’elle estime qu’ayant omis non seulement de porter à leur connaissance les prétendus soldes dans ses livres mais encore de leur communiquer les pièces justificatives afférentes auxdits soldes au moment de la saisie ou dans les cinq jours qui ont suivi conformément à l’article 156 précité, elle en déduit que le premier Juge a fait une saine application de la loi ;
Attendu qu’elle fait valoir en outre que ni la décision de mainlevée de la saisie ni la demande de concours de la gendarmerie dont se prévaut l’appelante ne peuvent valablement amener la Cour à reformer la décision entreprise ;
Attendu qu’elle argue, en effet, que la saisie dont s’agit étant pratiquée en vertu des dispositions de l’Acte Uniforme, sa mainlevée est soumise à l’application rigoureuse desdites dispositions ; qu’ainsi la mainlevée dont se prévaut l’appelante étant faite à pied de requête et donc non contradictoire contrairement aux dispositions de l’OHADA, elle ne peut valablement libérer l’appelante de ses obligations, nul n’étant censé ignorer la loi ;
Attendu que se prévalant des dispositions des articles 49 ,81, 156 et 168 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, l’intimée sollicite non seulement la confirmation de la décision entreprise mais encore la condamnation de l’appelante à 10 000 000 F de dommages-intérêts pour appel dilatoire et résistance abusive ;
Attendu que pour condamner la société ECOBANK au paiement des causes de la saisie dont s’agit, le Tribunal a tiré argument de l’article 168 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement de créances et des voies d’exécution;
Mais attendu qu’il résulte des éléments du dossier de la procédure que l’appelante ECOBANK n’a violé aucune des dispositions réglementant la matière des procédures de recouvrement et des saisies telles que prévues par l’OHADA ;
Attendu qu’en effet , s’agissant de l’exactitude ou non des déclarations de l’ECOBANK sur les avoirs de ses clients visés par la saisie, il est constant que l’usage consistait pour les banques à énoncer le nombre de chiffres du montant dont le compte objet de la saisie , est débiteur ou créditeur ; qu’ainsi le fait pour la société ECOBANK de donner seulement le nombre de chiffres du montant dont chacun des deux comptes objet de la saisie est créditeur ne constitue pas une déclaration inexacte pouvant engager sa responsabilité ; que
plus encore, en l’absence d’une autre mesure de saisie affectant lesdits comptes, ECOBANK n’était pas tenue de fournir une quelconque pièce justificative ;
Attendu, d’autre part, sur l’appréciation de la régularité ou non de l’ordonnance de mainlevée de la saisie dont s’agit prise à pied de requête, que s’il est évident que la saisie dont s’agit étant pratiquée en vertu des dispositions de l’OHADA , sa mainlevée est soumise à l’application desdites dispositions, il n’en demeure pas moins vrai que la société ECOBANK qui n’est pas partie à la décision mais tenue seulement de se plier à l’ordonnance de la Justice , apprécie la régularité d’une décision judiciaire rendue en toute souveraineté par le Juge ; qu’il en résulte qu’elle ne peut engager sa responsabilité en se pliant à l’injonction de cette décision ;
Attendue que tel n’en est pas pour l’effet attaché à la demande de concours qui n’a aucune force exécutoire envers la banque ; Mais qu’étant libérée par l’ordonnance de mainlevée, cette demande de concours n’a aucune incidence sur l’impossibilité d’inexécution qui a frappé la banque au moment de la libération des fonds ;
Attendu qu’en effet , il y a lieu de relever qu’avant l’aboutissement de la procédure de conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution, il y a eu l’ordonnance de mainlevée qui a été signifiée à ECOBANK ; que par la suite, il y a eu des mouvements de fonds sur lesdits comptes dont l’un a été clôturé ; qu’ainsi , il est évident que ECOBANK n’a commis aucune faute ou mieux violé les dispositions règlementant la manière contrairement à l’argumentaire développé par le Tribunal ; qu’il échet de reformer la décision entreprise en toutes ses dispositions et de décharger ECOBANK du paiement des causes de la saisie dont s’agit ;
Attendu que la NTTE –TB sollicite que la société ECOBANK soit condamnée à des dommages-intérêts évalués à 10 000 000 F pour procédure abusive et vexatoire ; Mais attendu que l’action de l’appelante, ECOBANK est justifiée ; qu’il ne s’agit donc pas d’une action abusive et vexatoire pouvant donner lieu à réparation ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile immobilière et en appel ;
En la forme : Déclare l’appel recevable ; Au fond : Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau : Dit que la société ECOBANK n’a violé aucune disposition règlementant la matière des procédures de recouvrement et de saisies telles que prévues par l’OHADA ; La décharge par conséquent des condamnations prononcées contre elle ; Dit n’y avoir lieu à la condamner à des dommages-intérêts ; Condamne la NTTE-BT aux dépens ; Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’appel de Lomé, chambre civile et
commerciale, les jour, mois et an que dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier. /-