Une saisie revendication a été pratiquée sur un stock de marchandises. Le juge des référés s’est déclaré incompétent. Or, l’article 141 AUVE consacre la règle selon laquelle la question du droit de propriété ne fait pas obstacle à la compétence du juge de l’article 49, celui-ci étant dans le système judiciaire togolais, le Président du Tribunal de première Instance, juge des référés, juge de l’exécution et suivant le cas juge de l’urgence par excellence. Dès lors, le droit de propriété de l’appelante à l’égard des marchandises litigieuses étant d’une évidence telle que le juge des référés ne pouvait que le constater suivant l’article 283 de l’AUDCG, c’est à tort et au mépris des textes susvisés que le premier juge s’est déclaré incompétent pour statuer sur l’action en distraction introduite par celui-ci.
ARTICLE 49 AUPSRVE ARTICLE 141 AUPSRVE
Cour d’appel de Lomé, arrêt n° 22/07 du 17 juillet 2007, SOEXIMEX // PRAKRASH Sathian, A Aa, B Ad, Société Côte d’C Ab SA
LA COUR
Oui les Conseils des parties en leurs conclusions respectives ;
Le Ministre public entendu ;
Vu l’ordonnance N°0369/2007 rendu le 21 Mai 2007 par le Président du Tribunal de Première Instance de Lomé ;
Vu l’appel interjeté ensemble avec les pièces du dossier de la procédure ;
Et après en avoir délibéré ;
En la forme
Attendu que suivant exploit de Maître Remy EKLOU huissier de justice à Lomé en date du 31 Mai 2007, la société SOEXIMEX S.A. à conseil surveillance, assistée de la S.C.P Martial AKAKPO, société d’avocats au barreau du TOGO a relevé appel de l’ordonnance de référé n° 0369/2007 rendue le 21 mai 2007 par le Président du Tribunal de première instance de Lomé ;
Attendu que l’appel a été interjeté dans les forme et délai légaux ; qu’il échet de le déclarer recevable ;
Au fond
Attendu que la société SOEXIMEX, appelante, fait grief à l’ordonnance querellée
d’avoir déclaré que le juge des référés était incompétent d’avoir déclaré que le juge des référés était incompétent pour statuer sur l’action en distraction de biens saisis-revendiqués qui lui avait été soumise, au motif qu’il y avait une contestation sérieuse ;
Attendu que l’appelante soutient par l’organe de son conseil que c’est à tort que le président du Tribunal de premier instance de Lomé s’est déclaré incompétent car en l’espèce, l’article 49 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution lui donne compétence pour « statuer sur tout litige et toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire » ; que dans le cas d’espèce, il s’agit d’une saisie-revendication ; donc une saisie conservatoire faisant partie de ses attributions ; que la jurisprudence de la CCJA indique que « Le juge compétent pour connaître, même en appel du contentieux de l’exécution forcée est déterminé en fonction de l’article 49 de l’Acte Uniforme… » (CCJA, Arrêt N°008/2002 du 21 Mars 2002, RCCJA N° Spécial, page 49 ; Arrêt n° 011/2003 du 19 Juin 2003, RCCJA N°1 Janvier –Juin 2003 ,P .33) ; qu’elle souligne qu’a l’égard du stock de 140,977 tonnes de fèves de cacao saisies, son droit de propriété est établi dans la mesure où elle a acquis lesdites marchandises auprès de la société Cote d’C Ab à qui elle a versé le prix de vente ; que cette dernière a acquis lesdites marchandises auprès de la société African Trade Company (ATC) ,une société spécialisée dans la commercialisation du café et du cacao et opérant sur toute l’étendue du territoire ivoirien et qui peut, de ce fait, vendre des marchandises à tout acheteur sans qu’il y ait lieu d’affirmer que ces marchandises appartiennent à une tierce personne ; que toutes pièces afférentes à ces achats sont versées au dossiers ; qu’en vertu des dispositions de l’article 283 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant Droit Commercial Général, « le transfert de propriété s’opère par la prise de livraison par l’acheteur de la marchandise vendue » ; que dans le cas d’espèce , la prise de livraison des marchandises vendues, opérée par la SOMARCO agissant pour le compte de la SOEXIMEX a définitivement scellé le transfert de propriété desdites marchandises en faveur de cette dernière , qu’ainsi la saisie des 140,977 tonnes de fèves de cacao par les sieurs PRAKRASH et AWADJA n’est pas justifiée ; qu’elle est donc fondée à recourir aux dispositions de l’article 141 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des voies d’Exécution pour obtenir la distraction desdites marchandises ; qu’elle sollicite qu’il plaise à la cour infirmer l’ordonnance n° 0369 /2007 du 21 Mai 2007 et évoquant , ordonner la distraction à son profit du stock de 140,977 tonnes de fèves de cacao saisies entre les mains de la SOMARCO , sous astreinte d’un million de francs ( 1 000 000 F) CFA par heure de résistance ;
Attendu que les sieur X Ac et A Aa, intimés, assistés de maître Edem K. KAVEGE, avocat au barreau du TOGO soutiennent que c’est bon droit que le premier juge s’est déclaré incompétent pour connaître de l’action en distraction qui lui avait été déférée ; qu’en effet, cette action relève exclusivement de la compétence du juge du fond dans la mesure ou elle traite généralement des questions relatives au droit de propriété qui échappent à la compétence du juge des référés ; qu’en l’espèce, il y a contestation sérieuse dès lors que l’appelante ne rapporte pas la preuve formelle que ces biens saisies lui appartiennent ; que s’agissant d’une saisie-revendication qui est par essence une saisie conservatoire dans la mesure où elle rend momentanément indisponibles les fèves de cacao, le juge des référés n’est pas compétent pour en ordonner la distraction ; qu’en tout été de cause, l’article 49 de l’Acte Uniforme de l’OHADA ne doit pas recevoir application ; qu’il ajoute que la jurisprudence de la CCJA ne concerne essentiellement que l’exécution forcée des décisions de justice et non les mesures conservatoires ; qu’ils sollicitent qu’il plaise à la cour rejeter les moyens de
l’appelante et confirme purement et simplement l’ordonnance querellée ;
Attendu que les conclusions de maître KAVEGE en date du 05 Juillet 2007 ne sauraient être examinées dans la mesure où elles sont intervenues après la clôture des débats et ne constituent pas des notes en cours de délibéré ;
Attendu que le sieur B Ad et la société Cote d’C Ab, bien que régulièrement assignés n’ont pas comparu, ni personne pour eux ; qu’il y a lieu de rendre à leur égard un arrêt de défaut réputé contradictoire ;
Attendu qu’il ressort des éléments du dossier que le Président du Tribunal de premier instance de Lomé a été saisi par la société SOEXIMEX d’une action en distraction portant sur un stock de 140,977 tonnes de fèves de cacao saisie par les sieurs PRAKRASH et AWUDJA dans les mains de la société SOMARCO, détentrice desdites marchandises pour le compte de la SOEXIMEX qui les aurait acquises auprès de la société Cote d’C Ab, laquelle les aurait acheté de la société African Transaction Company (ATC) ; que pour justifier sa demande, la SOEXIMEX a versé aux débats divers documents dont un relevé de compte, un avis de crédit et des factures d’achats qui constituent selon elle la preuve de l’acquisition par elle du stock de cacao saisi ; que de leur côte , les intimés font valoir leur droit sur les marchandises vendues par la société ATC dirigée par le sieur B Ad, à qui ils reprochent d’avoir changé la destination des marchandises par elles préfinancées ; qu’il produisent aux débats divers documents constatant leur transaction ;
SUR LA COMPETENCE
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 49 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, « la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui » ; que dans le système juridique togolais, le Président du tribunal de première instance qui est juge des référés mais aussi juge de l’exécution suivant les cas est le juge de l’urgence par excellence ;
Attendu que la demande de distraction est fondée sur les dispositions de l’article 141 de l’Acte Uniforme précité qui dispose : « Le tiers qui se prétend propriétaire d’un bien aussi peut demander à la juridiction compétente d’en ordonner la distraction » ; que ce texte consacre la règle selon laquelle la question du droit de propriété ne fait pas obstacle à la compétence du juge de l’article 49, en l’occurrence le Président du Tribunal de Première Instance de Lomé ;
Attendu qu’en l’espèce, les pièces fournies par l’appelante prouvent à suffire la réalité de la vente intervenue entre la société Côte d’C Ab et elle ainsi que le transfert à son profit de la propriété des 140,977 tonnes de fèves de cacao saisies, par le seul fait de la prise de livraison par l’intermédiaire de la société SOMARCO située dans la zone portuaire de Lomé, et ce, en conformité avec l’article 283 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant Droit Commercial Général ; qu’il est de principe que la vente est parfaite dès qu’il y a eu accord de volontés sur la chose et le prix, peu importe qu’il y ait eu ou non un écrit la constatant ; qu’ainsi le droit de propriété de l’appelante à l’égard du stock litigieux ne constitue pas un obstacle sérieux à l’examen par le premier juge de l’action en distraction de saisie à lui
soumise ; qu’en réalité, le droit de propriété de l’appelante à l’égard des marchandises litigieuses est d’une évidence telle que le juge des référés ne pouvait que le constater ; que c’est à tort et au mépris des textes susvisés que le premier juge se déclare incompétent ; qu’il y a lieu par conséquent d’infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
SUR LA DEMANDE DE DISTRACTION
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que les intimés ont fait saisir à tort 140,977 tonnes de fèves de cacao appartenant à l’appelante ; qu’il convient d’évoquer et faire droit à la demande aux fins de distraction introduite par l’appelante en vue de la restitution desdites marchandises à cette dernière ;
SUR LA DEMANDE D’ASTREINTE
Attendu que les marchandises saisies constituant des bien périssables, que pour permettre une restitution rapide à l’appelante, il échet de l’assortit d’une astreinte raisonnable ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par défaut réputé contradictoire à l’égard du sieur B Ad et de la société Côte d’C Ab, contradictoirement à l’égard des autres parties, en matière commerciale et en appel ;
EN LA FORME
Reçoit l’appel
AU FOND Infirme l’ordonnance n°0369/2007 rendue le 21 Mai 2007 par le Président du tribunal
de première instance de Lomé en toutes ses dispositions ;
EVOQUANT, Dit que parmi le stock de marchandises saisies entre les mains de la SOMARCO
figurent 140,977 tonnes de fèves de cacao appartenant à la société SOEXIMEX ; Ordonne en conséquence la distraction de cette quantité de fèves de cacao et sa
restitution au profit de l’appelante sous astreinte de 500 000 F CFA par jour de résistance ; Condamne les intimés aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement, par la Cour d’Appel de Lomé, Chambre Civile et Commerciale, les jours, mois et an que dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier. /