Une société qui a pendant longtemps recouru aux conseils d’un avocat, a, à la suite d’une mésintelligence entre eux, mis fin contrat de prestation de service de celui-ci. Ses honoraires ne lui ayant pas été versés, il s’est référé au Bâtonnier de l’Ordre des Avocats. La société n’ayant pas réagi à la signification des nombreuses ordonnances du Bâtonnier, l’avocat a fait revêtir les ordonnances de la formule exécutoire et a ensuite fait pratiquer des saisies-attributions sur les avoirs bancaires de la société dans les différentes institutions de la place. C’est alors que celle-ci réagi. Selon la Cour d’appel saisie, il résulte des dispositions l’article 49 AUVE que l’examen de tout litige se rapportant à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire relève en premier ressort de la compétence exclusive du juge des urgences. Il en est de même des contestations de saisies. Aussi, pour vérifier la régularité d’une saisie doit-il examiner les titres en vertu desquels cette saisie a été pratiquée pour ensuite la déclarer valable ou non et en conséquence rejeter la contestation de cette saisie ou dans le cas contraire en ordonner mainlevée. En conséquence, c’est à bon droit que le premier juge a retenu sa compétence et déclarés nulles et de nuls effets, de saisies-attributions pratiquée sur la base d’une ordonnance de taxe du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats revêtue de la formule exécutoire car une telle ordonnance ne constitue pas un titre exécutoire au sens de l’article 33 AUVE.
ARTICLE 49 AUPSRVE
Cour d’appel de Lomé, arrêt n° 088/09 du 26 mai 2009, Me Jean Sanvi K. de SOUZA / La Brasserie BB Lomé
La Cour ;
Ouï les conseils des parties en leurs écritures ;
Le Ministère Public entendu
Vu l’ordonnance N° 783/08 du 29 Septembre 2009 rendue par le président du Tribunal de Première Instance de Lomé ;
Vu l’appel interjeté ensemble avec les pièces du dossier de la procédure ;
Et après en avoir délibéré ;
En la forme :
Attendu que suivant exploit de Me Octave Roger TOUSSAH, huissier de Justice à Lomé en date du 02 Octobre 2008 Me Jean Sanvi de SOUZA, Avocat à la cour à Lomé y demeurant et domicilié … … … ……… … … Tél : 221 71 17 à Lomé, assisté de Maîtres APEVON Paul, Ab B et Aa A, tous Avocats au Barreau de Lomé, a déclaré interjeter appel de l’ordonnance de référé N° 078/08 rendue le 29 septembre 2008 par
le Président du Tribunal de Première Instance de Première Classe de Lomé pour les torts que lui cause ladite ordonnance ; que cet appel étant relevé dans les forme et délai prévus par la loi, il convient de le déclarer recevable;
Au fond :
Attendu que l’appelant fait grief au Juge des urgences de Première Instance de Lomé d’avoir, par violation et fausse application de l’article 49 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution, retenu sa compétence, invalidé les titres exécutoires, déclaré nulles et non avenues les saisies par lui pratiquées sur les avoir bancaires de la Brasserie BB Lomé entre les mains des différentes institutions financières de la place et d’en avoir enfin ordonné la mainlevée ; qu’il sollicite qu’il plaise à la Cour annuler purement et simplement l’ordonnance entreprise pour fausse application emportant violation de l’article 49, violation de l’article 132 du code de procédure civile et 9 de l’ordonnance de 1978 portant organisation judiciaire au Togo ;
Attendu qu’au soutien de son appel Me Jean Sanvi de SOUZA déclare qu’à la suite d’un débat contradictoire qui a eu lieu entre lui et son ancienne cliente la Brasserie BB de Lomé S.A. devant la juridiction du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Togo, ce dernier a rendu seize ordonnances aux termes desquelles il a, au vu des éléments de la cause, taxé les honoraires et frais réclamés par lui ; que ces ordonnances rendues contradictoirement ont été signifiées deux fois à la Brasserie BB S.A. de Lomé d’abord par voie de l’Ordre des Avocats, ensuite par voie d’huissier ; que ces significations ont été faites à toutes fins de droit à charge d’appel ; que le délai d’appel d’un mois a expiré sans qu’aucun recours n’ait été formé par la Brasserie BB Lomé S.A. contre ces ordonnances ; qu’au vu des certificats de non appel, le Greffier en Chef près le Tribunal de Première Instance de Lomé les a revêtues de la formule exécutoire ; qu’en vertu des ces seize ordonnances dûment revêtues de la formule exécutoire, il a fait pratiquer des saisies-attributions sur les comptes de la Brasserie BB Lomé S.A. entre les mains des différentes institutions financières de la place ; qu’en réaction à ces saisies attributions pratiquées, la Brasserie BB Lomé S.A. qui a omis de relever appel des ordonnances rendues et signifiées, a initié une action en contestation de ces saisies-attributions devant le Président du Tribunal de Première Instance de Lomé en lui demandant d’annuler ou de rétracter purement et simplement les seize ordonnances rendues le 11 Août 2008 par le Bâtonnier de l’ordre des Avocats de Lomé et par voie de conséquence ordonner la mainlevée pure et simple desdites saisies-attributions sous astreinte de 100 000 000 F CFA par jour de retard, aux motifs que ces ordonnances prises par le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats ne reposent sur aucune base légale car ce dernier ne saurait se substituer aux juridictions qui ont pour mission de rendre des décisions de justice conformément à la loi ; Que devant le juge des urgences il a eu à soulever l’incompétence de ce dernier à rétracter ou à annuler les ordonnances de taxe ayant valeur de jugement revêtues de la formule exécutoire et la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée conformément à l’article 29 de code de procédure civile ; que curieusement le juge des urgences s’est déclaré compétent rejetant ainsi l’exception soulevée et a déclaré nulles et non avenues les saisie-attributions qu’il a fait pratiquer ; qu’enfin il a ordonné la mainlevée sous astreinte de 100.000.000 F CFA par jour de résistance ; Que cette décision doit être infirmé car les ordonnances rendues par Monsieur le Bâtonnier de l’ordre des Avocats ont valeur de jugement et comme elles ont été revêtues de la formule exécutoire conformément aux dispositions des articles 291 du code de procédure civile et 34 de l’Acte Uniforme de l’ OHADA portant recouvrement, elles constituent des titres exécutoires ; qu’en réalité ce qui est demandé au premier Juge c’est la mainlevée des
saisies pratiquées ; que sachant qu’il ne peut accéder à cette demande de manière aussi brutale, il a choisi de contourner l’obstacle en dénaturant la demande pour enfin parvenir à maintenir sa compétence ; que le problème qui se pose est de savoir si le Juge des urgences de l’OHADA est compétent pour examiner au fond aussi bien la régularité de la procédure de saisie-exécution que la validité du titre exécutoire en vertu duquel elle est pratiquée ; qu’à cette question une réponse négative s’impose ; qu’il suit que le premier Juge a outrepassé ses pouvoirs qu’il tient de l’article 49 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant recouvrement et a violé l’article 132 du code de procédure civile qui dispose que « la nullité d’un jugement ne peut être demandée que par voies de recours prévues par la loi » ; qu’ainsi l’ordonnance N° 0783/08 du 29 Septembre 2008 doit être annulée pour violation des l’articles 49 de l’Acte Uniforme de l’OHADA précité, 132 du code de procédure civile et 9 de l’ordonnance de1978 portant organisation judiciaire au Togo ;
Attendu qu’en réponse Me BATAKA, conseil de la Brasserie BB Lomé S.A. a relevé que le Juge des urgences de l’article 49 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des Procédures Simplifiées de recouvrement et des Voies d’Exécution est le seul compétent pour statuer sur « tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire’’ en première instance ; qu’à travers la lecture de cet article on se rend compte que ce Juge est le seul qui puisse connaître des contestations de saisies en premier ressort ; qu’il n’y a qu’un plaideur de mauvaise foi qui peut lui dénier cette compétence ; que toute saisie attribution de créance doit, aux termes de l’article 153 de l’acte Uniforme de l’OHADA portant recouvrement, être pratiquée sur la base d’un titre exécutoire répondant aux exigences de l’article 33 du même Acte Uniforme ; que le Juge des urgences en statuant sur la contestation élevée par la Brasserie BB Lomé S.A. doit examiner la régularité des titres en vertu desquels cette saisie a été pratiquée ; que c’est cette vérification qui a amené le Juge à constater que les seize ordonnances de taxes de Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Lomé ne constituaient pas des titres exécutoires au regard des dispositions de l’article 33 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant recouvrement ; que le Bâtonnier ne constituant juridiction et qu’aucune loi Togolaise n’attachant à ses décisions les effets d’une décision judiciaire, il a conclu que c’est par usurpation de fonction que ces ordonnances de taxe ont été rendues et par surprise de la religion du Greffier en Chef que la formule exécutoire a pu être apposée sur ces ordonnances ; qu’ainsi le titre ayant servi de base à ces saisies-attributions étant irrégulier c’est logiquement que le Juge a déclaré nulles et non avenues les saisies-attributions pratiquées par l’appelant et en conséquence ordonné la mainlevée de ces saisies ; qu’en outre ces ordonnances n’étant pas des décisions judiciaires, la Brasserie BB Lomé S.A. n’a pas jugé nécessaire d’exercer un recours contre elles ; que de surcroît ces ordonnance ne contiennent aucune indication quant aux recours dont elles pouvaient être frappées et ne précisent pas non plus les délais dans lesquels ces recours pouvaient être exercés ni auprès de quelle autorité ; Qu’enfin l’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action constitue un droit mais ce droit peut dégénérer en abus pouvant donner naissance à des dommages intérêts dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol ; qu’en sa qualité d’Avocat et donc un professionnel du droit, l’appelant est censé être un fin connaisseur de l’ordonnance 80-11 du 9 Janvier 1980 relative à la profession d’Avocat, du décret N° 80-37 du 7 Mars 1980 pris pour l’application de ladite ordonnance et surtout de l’ordonnance 78-35 du 7 Septembre 1978 portant organisation judiciaire au Togo pour connaître les compétences du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Togo et les juridictions appelées à rendre la justice au Togo ; que c’est par mauvaise foi qu’il a cru devoir faire taxer ses honoraires par le Bâtonnier de l’ Ordre et en faisant pratiquer des saisies sur les avoirs
bancaires de la Brasserie, l’empêchant d’honorer ses obligations vis-à-vis de ses fournisseurs et en lui causant un trouble commercial ; que son action est abusive et vexatoire ; que c’est pourquoi reconventionnellement la Brasserie BB Lomé S.A. sollicite qu’il soit condamné à 100 millions de francs à titre de dommages intérêts ;
Attendu qu’il ressort des pièces versées au dossier et des débats à l’audience que Jean Sanvi K de SOUZA a été pendant longtemps le conseil de la Brasserie BB Lomé S.A. ; qu’à la suite d’une mésintelligence entre eux, la Brasserie BB Lomé a mis fin à son contrat de prestation de service ; que ses honoraires ne lui étant pas versés, il s’est référé au Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Lomé qui, après avoir entendu contradictoirement les deux parties a rendu le 11 Août 2008 seize ordonnances de taxes au profit de Me de SOUZA ; que ces ordonnances lui ont été signifiées d’abord par les soins de l’Ordre à la Brasserie BB Lomé S.A. puis par le Ministère d’huissier de justice , que la Brasserie n’ayant pas réagi suite à cette signification, Me SOUZA a fait revêtir ces ordonnances de la formule exécutoire après avoir obtenu des certificats de non appel ; qu’il a ensuite fait pratiquer des saisies-attributions sur les avoirs bancaires de la Brasserie BB Lomé entre différentes institutions financières de la place ; que c’est alors que la Brasserie a réagi en formant contestation desdites saisies devant le Président du Tribunal de Lomé statuant en urgence et demandé la mainlevée de ces saisies ; que le premier Juge après avoir constaté que c’est en vertu des ordonnances de taxe de monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Lomé revêtues de la formule exécutoire que ces saisies-attributions ont été pratiquées, les a déclarées nulles et non avenues et ordonné la mainlevée de ces saisies sous astreintes de 100.000.000F CFA par jour de résistance ;
Sur la compétence du juge des urgences de première instance
Attendu qu’il résulte de l’alinéa premier de l’article 49 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution que « a juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou une saisie conservatoire est le Président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le Magistrat délégué par lui »;
Attendu qu’il ressort de l’examen de ces dispositions que l’examen de tout litige se rapportant à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire relève en premier ressort de la compétence exclusive du Juge des urgences ; que toutes contestations de saisies relèvent de sa compétence ; que pour vérifier la régularité d’une saisie il doit examiner les titres en vertu desquels cette saisie a été pratiquée pour ensuite la déclarer valable ou non et en conséquence rejeter la contestation de cette saisie ou dans le cas contraire en ordonner la mainlevée ; qu’en l’espèce le premier Juge s’étant rendu compte que c’est en vertu des ordonnances de taxes rendues par le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Lomé revêtues de la formule exécutoire que ces saisies attributions ont été pratiquées a relevé que c’est indûment que la formule exécutoire a été apposée sur lesdites ordonnances, le Bâtonnier n’étant pas une juridiction aux termes de l’article 1er de l’ordonnance N° 78-35 du 7 Septembre 1978 portant organisation judiciaire au Togo ; que l’ordonnance de taxe revêtue de la formule exécutoire ne constitue pas un titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’Acte Uniforme OHADA portant recouvrement ; que c’est à bon droit que le premier Juge a retenu sa compétence et a déclaré nulles et de nul effet les saisies-attributions pratiquées par l’appelante ; qu’il convient de confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Sur la demande reconventionnelle
Attendu que l’exercice d’une action en justice tout comme la défense à une telle action constitue en principe un droit ; que s’il est vrai qu’elle peut dégénérer en abus pouvant donner lieu à des dommages intérêts, il ne peut en être ainsi que lorsqu’elle résulte d’une mauvaise foi, d’une erreur grossière équipollente au dol ; qu’en l’espèce, la Brasserie ne conteste pas qu’elle a, par le passé, eu recours au service de l’appelant ; que dès lors, ce dernier n’a initié cette procédure que dans l’intention de rentrer dans ses droits ; que son action n’est donc pas abusive ; qu’il convient dans ces conditions de rejeter cette demande comme non fondée ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en appel ;
En la forme : Reçoit l’appel ;
Au fond : Le déclare non fondé;
Confirme en ses terme et teneur l’ordonnance entreprise ;
Rejette la demande reconventionnelle de la Brasserie du Bénin S.A. comme non fondée
Condamne l’appelant aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Lomé, Chambre Civile et Commerciale, les jour, mois et an que dessus ;
Et ont signé le Président et Greffier.