Un litige commercial oppose deux sociétés de la place. Il sera sanctionné par un jugement prononçant une saisie-attribution. Le débiteur fait appel et obtient un sursis à son exécution. Plus tard, les parties transigeront et s’engageront à mettre fin à toutes les procédures judiciaires ayant abouti ou pendantes devant les juridictions nationales. Sur cette base, les parties s’interdisaient de mettre à exécution le jugement ayant prononcé la saisie-attribution. Le Conseil du créancier ayant fait pratiquer au préjudice du débiteur, une saisie-attribution de créances sur la base de l’ordonnance de taxe qu’il a obtenue, qui liquide les dépens et qu’il fait revêtir de la formule exécutoire, ce dernier conteste la saisie devant le Vice-président du Tribunal de Lomé. Débouté, il interjette appel. La Cour d’appel, après avoir visé l’article 33 AUPSRVE qui considère comme titres exécutoires les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et relevé que l’ordonnance de taxe fait partie de cette catégorie de décisions, elle a estimé que l’article 32 AUPSRVE permet de poursuivre l’exécution forcée entamée jusqu’à son terme même en vertu d’un titre par provision. Dès lors, les demandes de l’appelant tendant à voir ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée ne sauraient prospérer.
ARTICLE 32 AUPSRVE ARTICLE 33 AUPSRVE ARTICLE 153 AUPSRVE
Cour d’appel de Lomé, arrêt n° 138/09 du 1er septembre 2009, BIA-TOGO C/ Me Komivi Tchapo BOTOKRO
La Cour ;
Ouï les conseils des parties en leurs conclusions respectives ; Le Ministère Public entendu ;
Vu l’ordonnance N° 0065/09 rendue le 30 avril 2009 par le Vice-président du Tribunal de Première Instance de Lomé ;
Vu l’appel interjeté ensemble avec les pièces du dossier de la procédure, Et après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme ;
Attendu que par acte en date du 06 février 2009 de Me EKLOU, Huissier de justice à Lomé, la Banque Internationale pour l’Afrique au Togo (BIA-TOGO) SA ayant son siège social sis au 13, Avenue Aa A, représentée par son Directeur Général, demeurant et domicilié à Lomé, au siège de ladite banque, assistée la SCP MARTIAL AKAKPO, société d’Avocats, a interjeté appel de l’ordonnance n° 0065 / 09 rendue le 30 janvier 2009 par le
Vice-président du Tribunal de Lomé ;
Attendu que l’intimé a également relevé appel de l’ordonnance précitée par le canal de son conseil dans ses conclusions en date des 16 avril et 26 juin 2009 ;
Attendu que les deux appels ont été interjetés dans les forme et délai de la loi ; qu’il y a lieu de les déclarer réguliers et partant recevables ;
Au fond ;
Attendu que l’appelante fait grief à l’ordonnance attaquée de l’avoir à tort déboutée de sa demande tendant à voir déclarer nulle la saisie-attribution pratiquée par l’intimé le 06 octobre 2008 et ordonner en conséquence sa mainlevée;
Qu’elle expose par le canal de son conseil dans sa requête en date du 16 juin 2009 , qu’un litige commercial l’a opposé à la société TOGO FOOD dont l’intimé était le Conseil ; que ce litige fut sanctionné par le jugement n° 001/06 rendu le 06 janvier 2006 par le Tribunal de Première Instance de Lomé, qu’elle a relevé appel dudit jugement et obtenu sursis à son exécution ; que malgré cela, l’intimé a fait liquider en son nom les dépens prononcés par ce jugement ; qu’entre temps, une transaction est intervenue entre TOGO FOOD et elle ; qu’aux termes de l’article 7 du procès verbal de conciliation établi à cet effet le 09 août 2007, les parties litigantes s’engageaient à mettre fin à toutes les procédures judiciaires ouvertes entre elles à l’initiative de l’une ou de l’autre ayant abouti à une décision ou non, pendantes ou non devant les cours et tribunaux nationaux ; qu’en application de cet accord, les parties s’interdisaient de mettre à exécution le jugement n° 001/06 du 06 janvier 2006 ; que cependant l’intimé a fait pratiquer à son préjudice une saisie attribution de créances sur la base de l’ordonnance de taxe qu’il a obtenue et qui liquide les dépens; qu’elle a contesté cette saisie mais que le Vice-président du tribunal de Lomé, par ordonnance n° 0065/09 du 30 janvier 2009 ne lui a pas donné gain de cause ; que c’est contre cette ordonnance qu’elle a relevé le présent appel ;
Qu’elle soutient que cette ordonnance de taxe est contraire à la convention du 09 août 2007 ; qu’elle a été prise alors qu’il était sursis à l’exécution du jugement n° 001 / 06 du 06 janvier 2006 dont elle liquide les dépens, qu’ayant formé opposition à ladite ordonnance de taxe et par la suite relevé appel de cette ordonnance, c’est à tort que l’intimé a procédé à son exécution au mépris de l’effet suspensif résultant de l’exercice de ces voies de recours, que dans ces conditions, la créance poursuivie par l’intimée n’est pas exigible ; que la saisie-attribution pratiquée par l’intimé en vertu de l’ordonnance de taxe dont s’agit viole les dispositions de l’article 153 de l’acte uniforme de l’OHADA relatif à l’organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, que par ailleurs, concernant la demande incidente relative à l’exécution provisoire, elle n’est pas fondée dans la mesure où l’ordonnance de taxe dont s’agit fait l’objet de recours et que les dépens qu’elle liquide sont constitués de frais qui n’ont pas tous un caractère alimentaire ;
Qu’elle sollicite que l’ordonnance entreprise soit infirmée en toutes ses dispositions ; que la cour, statuant à nouveau, ordonne la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 06 octobre 2008 en vertu de l’ordonnance de taxe n° 722/06 du 18 avril 2006, déboute l’intimé de sa demande incidente et le condamne à payer les dépens de première instance et d’appel après en avoir fait masse ;
Attendu que l’intimé conclut pour sa part à la confirmation de l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf celle rejetant son exécution provisoire ; qu’il fait valoir par l’organe de son conseil dans ses conclusions en date du 26 juin 2009 qu’il n’y a pas identité de parties, de cause ou d’objet entre le procès-verbal de conciliation évoqué par l’appelante et l’ordonnance de taxe mise à exécution forcée, que le titre exécutoire en l’espèce est ladite ordonnance de taxe contenant une créance liquide et exigible ; que par ailleurs, l’appel ne saurait avoir d’effet suspensif sur un titre exécutoire définitif en exécution forcée, qu’en tout état de cause aux termes de l’article 32 de l’acte uniforme organisant les voies d’exécution, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision ;
Attendu qu’il est constant que l’ordonnance de taxe en vertu de laquelle la saisie-attribution en cause a été pratiquée date du 18 avril 2006 ; qu’elle a été signifiée à la personne de l’appelante par acte d’huissier de justice en date du 23 janvier 2007 ; qu’aux termes de l’article 413 du code de procédure civile, le recours contre une ordonnance de taxe est l’opposition devant le Président du Tribunal de Première Instance de Lomé ; que le délai d’opposition prévu à l’article 178 du même code est de 15 jours ; qu’au lieu de former opposition à l’ordonnance de taxe, la BIA a préféré relever appel de cette ordonnance devant la cour d’appel de céans qui s’est déclarée incompétente, que ce n’est finalement que le 31 octobre 2008 qu’elle a formé ladite opposition devant le Président du Tribunal de Lomé qui par ordonnance n° 1048/2008 du 10 décembre 2008 a déclaré le recours irrecevable pour cause de forclusion ; que pendant que la BIA errait en procédure, l’intimé a fait revêtir l’ordonnance de taxe dont s’agit de la formule exécutoire le 24 juin 2008 ; que c’est ce titre exécutoire définitif qui a servi à pratiquer la saisie-attribution dont mainlevée est demandée;
Attendu que l’appelante soutient que la créance objet de l’ordonnance de taxe du 18 avril 2006 n’est pas exigible en raison de l’effet suspensif des nombreux recours qu’elle a exercés contre les différentes décisions rendues et des sursis qu’elle a obtenus, qu’ainsi les conditions prévues à l’article 153 de l’Acte Uniforme de l’OHADA sur les voies d’exécution ne seraient pas réunies ;
Attendu qu’aux termes de l’article 33 de l’Acte Uniforme précité, sont considérées comme titres exécutoires notamment les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire ;
Attendu que l’ordonnance de taxe du 18 avril 2006 fait partie de cette catégorie de décisions juridictionnelles et constitue incontestablement un titre exécutoire revêtu de la formule exécutoire ; qu’il s’ensuit qu’il n’y a pas en l’espèce violation de l’article 153 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution ;
Attendu que l’effet suspensif d’un recours ne saurait être envisagé en présence d’un titre revêtu de la formule exécutoire ;
Attendu que les moyens tirés de la contradiction avec le procès-verbal de conciliation du 09 août 2007 et de l’inexigibilité de la créance étaient à faire valoir devant le Président du Tribunal de Première Instance de Lomé lors de la contestation de l’ordonnance de taxe et non à ce stade de la procédure ;
Attendu qu’en tout état de cause, l’article 32 de l’Acte Uniforme précité permet de
poursuivre l’exécution forcée entamée jusqu’à son terme même en vertu d’un titre par provision, qu’il s’ensuit que les demandes de l’appelante tendant à voir infirmer l’ordonnance entreprise et en conséquence ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée doivent être également rejetées comme non fondées ;
Attendu concernant la demande incidente relative à l’exécution provisoire, elle doit être également rejetée dans la mesure où les dépenses, n’ont qu’en partie un caractère alimentaire,
Attendu que de tout ce qui précède, il résulte que l’ordonnance attaquée doit être confirmée en toutes ses dispositions,
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en appel ;
En la forme
Reçoit les appels principal et incident
Au fond
Les dit mal fondés
En conséquence, confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Condamne l’appelante aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’appel de Lomé (TOGO), chambre commerciale, les jour, mois et ans que dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier./-