Invoquant le non paiement d’une créance née dans le cadre d’une convention d’assurance juridique courant la période de 1999 jusqu’en avril 2008, le créancier a assigné la société d’assurance soumise au Code CIMA devant le Tribunal de Lomé en liquidation des biens et, subsidiairement, en paiement de sa créance. Le Tribunal se déclare incompétent pour connaître de la demande en paiement de la créance et juge l’action en liquidation des biens irrecevable, le créancier interjette appel. Selon la Cour d’appel saisie, la société d’assurance débitrice est régie par le Code CIMA, qui est une norme particulière dérogeant à l’application de la norme applicable aux sociétés commerciales en général. Dans ces conditions, l’initiative de la procédure échappant à tout créancier, c’est donc à bon droit que le Tribunal a déclaré la demande irrecevable. (1)
La procédure collective prévue par l’article 28 AUPCAP est une procédure non publique alors que la procédure en condamnation d’une créance est une procédure publique. Saisie d’une procédure non publique, le Tribunal ne peut se déclarer compétent pour se prononcer sur une demande dont la procédure est publique. C’est donc à bon droit que le Tribunal s’est déclaré incompétent pour se prononcer sur la condamnation en paiement d’une créance (2).
ARTICLE 28 AUPCAP
Cour d’appel de Lomé, arrêt n° 150/2009 du 20 octobre 2009, Sieur Jean Samvi K. de A C/ La Compagnie GTA-C2A IARDT
La Cour ;
Ouï les conseils des parties en leurs déclarations et conclusions respectives ;
Le Ministère Public entendu ;
Vu le jugement N° 563/2009 rendu le 06 Mars 2009 par le Tribunal de Première Instance de Lomé ; Vu l’appel interjeté ensemble avec les pièces du dossier de la procédure ;
Vu le rapport du Conseiller KOUYOU ;
ET après en avoir délibéré conformément à la Loi,
En la forme :
Attendu que suivant exploit de Maître Georges AZIANKEY, huissier de Justice à Lomé en date du 12 Mars 2009, le sieur Jean Samvi de A, Avocat à Lomé, demeurant et
domicilié à Lomé, assisté de Maître Adama DOE-BRUCE, Avocat au Barreau de Lomé, a déclaré interjeter appel du jugement N°563/2009 rendu le 06 Mars 2009 par le tribunal de Première instance de Lomé pour les torts et griefs qu’il lui cause, que cet appel «étant relevé dans les forme et délai prescrits par la loi, il échet de le déclarer recevable,
Au fond :
Attendu que l’appelant fait grief au Tribunal de Première Instance de Lomé d’avoir déclaré irrecevable sa demande de liquidation de la Compagnie GTA-C2A IARDT et de s’être déclaré incompétent pour statuer sur sa demande de condamnation de cette même compagnie à lui payer sa créance ; qu’il sollicite qu’il plaise à la Cour :
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, constater l’état de cessation des paiements de la GTA-C2A IARDT à la date du 16 Août 2008 ; prononcer la liquidation de ses biens avec toutes les conséquences de droit notamment,
nommer un Juge-commissaire et le syndic qu’il plaira à la Cour de désigner, ordonner la publication d’un extrait de la décision à intervenir dans tout journal d’annonce légale paraissant au Togo à la requête de Monsieur le Greffier en Chef de la Cour ;
- dire et juger que la créance en principal de l’appelant d’un montant de 271 150 373 FCFA sera payée par le ou les syndics et que celle relative aux frais de recouvrement à hauteur de 15 % du principal soit 40.672.555 F CFA bénéficiera d’un privilège de frais et dépens de la liquidation et sera payée conformément à la loi ;
mettre les dépens à la charge de la liquidation ;
subsidiairement et pour le cas où la cour ne croira pas devoir reconnaître l’état de cessation de paiement de la Compagnie GTA-C2A IARDT, évoquant :
condamner la Compagnie GTA-C2A IARDT à payer à l’appelant la somme en principal de 271.150.373 FCFA augmentée des frais de recouvrement à hauteur de 15% du principal, soit 40 672 555 FCFA;
reformer toutes les dispositions du jugement attaqué ;
condamner l’intimée aux entiers dépens tant en première instance qu’en appel ; Attendu qu’au soutien de son appel, le sieur Jean Samvi de A déclare par
l’intermédiaire de son conseil qu’il est créancier du GTA-C2A IARDT de la somme en principal et frais de recouvrement de 311.822928 F CFA correspondant au total de frais et honoraires dus pour ses prestations de services comme conseil pour la période de 1999 au mois d’avril 2008 ; que cette somme est échue et est restée impayée jusqu’à ce jour, que toutes les tentatives qu’il a engagées pour recevoir paiement sont restées infructueuses, que la compagnie GTA-C2A IARDT étant une filiale de la société COFIRA SA actuellement en redressement judiciaire en France, les difficultés du GTA-C2A IARDT trouvent certainement leur origine dans celle de la société COFIRA ; que cette dernière est propriétaire du GTA-C2A IARDT à 90% ; que bien que la compagnie GTA-C2A IARDT soit en cessation des paiements depuis le 16 Août 2008, le Tribunal de première Instance de Lomé a, par jugement N° 563/2009 en date du 6 Mars 2009 dont appel, déclaré la demande principale du concluant
tendant à la liquidation des biens de cette compagnie irrecevable et s’est dit incompétent pour condamner la GTA-C2A IARDT à lui payer le montant de sa créance ; qu’en déclarant irrecevable sa demande de liquidation des biens de l’intimée, le Tribunal s’est fondé sur l’article 325 du code CIMA tout en laissant de côté l’article 28 de l’Acte uniforme de l’OHADA portant procédures collectives au motif que le code CIMA étant une norme particulière, il déroge à la norme générale qu’est le code OHADA, et l’article 325 du Code CIMA soumet la procédure collective à certaines conditions inhérentes à la nature particulière des compagnies d’assurance, que c’est au mépris de l’article 10 du traité de l’OHADA du 17 Octobre 1993 qui dispose que « les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire du droit interne, antérieure ou postérieure » ; que la compagnie GTA-C2A IARDT étant une société commerciale, l’Acte uniforme de l’OHADA sur les sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique lui est applicable ainsi que l’acte uniforme portant procédures collectives ; que d’ailleurs les actes uniformes étant plus récentes (1998) que le code CIMA (1995) ce sont les actes uniformes qui doivent s’appliquer en cas de conflits, que c’est à tort que le Tribunal de Lomé a préféré appliquer le code CIMA ; qu’il sollicite qu’il plaise à la Cour infirmer le jugement entrepris sur ce point et statuant à nouveau faire droit à sa demande de liquidation des biens ; qu’en outre le Tribunal de Lomé s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande subsidiaire tendant à condamner la compagnie GTA-C2A IARDT parce qu’une telle demande tendrait à faire de la procédure collective des articles 28 et suivants de l’Acte uniforme de l’OHADA une action à la fois en obtention du titre de créance et en liquidation de biens ; que cette argumentation est curieuse dans la mesure où c’est le tribunal de Première Instance de Lomé qui, en premier ressort a la plénitude de compétence dans toutes les matières dont la compétence n’est pas attribuée à aucune autre juridiction par une disposition législative expresse ; que dès lors les deux actions quoique suivant un même exploit d’huissier ressortent de la compétence du tribunal de Première Instance de Lomé ; que c’est à tort que le tribunal s’est déclaré incompétent, que sa décision doit être reformée sur ce point par la Cour d’Appel de céans et qu’il sollicite qu’il plaise à celle-ci condamner l’intimée à lui payer le montant de sa créance augmenté de frais de recouvrement ;
Attendu qu’en réponse la compagnie GTA-C2A IARDT fait valoir qu’aux termes des dispositions de l’article 325 du code des Assurances des Etats membres de la CIMA « la faillite d’une société régie par le présent code ne peut être prononcée à l’égard d’une entreprise soumise aux dispositions du présent livre qu’à la requête de la commission de contrôle des assurances, le Tribunal peut également se saisit d’office ou être saisi par le Ministère Public d’une demande d’ouverture de cette procédure après avis conforme de la commission de contrôle des assurances ; le Président du Tribunal ne peut être saisi d’une demande d’ouverture du règlement amiable qu’après avis conforme de la commission de contrôle des assurances » ; qu’à travers ce texte, l’on constate que l’initiative de la procédure collective contre une société d’assurance échappe à tout créancier, que le code CIMA étant une norme internationale spéciale par rapport au code OHADA qui est une norme internationale générale, c’est lui qui reçoit application en cas de conflit ; qu’il sollicite qu’il plaise à la Cour débouter l’appelant de sa demande en liquidation des biens, qu’en outre le Tribunal s’est déclaré incompétent dans la même procédure pour statuer sur la demande de l’appelant tendant à obtenir un titre de créance car la procédure de l’article 28 de l’Acte uniforme de l’OHADA portant procédure collective est différente de la procédure de l’acte uniforme portant recouvrement, qu’il sollicite qu’il plaise à la cour rejeter ce second moyen comme non fondé et reconventionnellement condamner l’appelant à lui payer la somme de 500 000 000 F CFA à titre de dommages-intérêts,
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier et des débats à l’audience que courant la période de 1999 jusqu’en avril 2008 Maître jean Samvi de A était lié à la société GTA-C2A IARDT par une convention d’assistance juridique ; que se prétendant créancier de cette Compagnie d’Assurance, d’une somme en principal et frais de recouvrement et en paiement de sa créance subsidiairement ; que par jugement n°563/09 en date du 06 mars 2009 dont appel le Tribunal de Première Instance de Lomé a déclaré irrecevable son action en liquidation des biens et s’est déclaré incompétent dans la même procédure pour connaître de sa demande subsidiaire en condamnation au paiement de sa créance ;
1°/ Sur l’irrecevabilité de la demande en liquidation des biens de l’intimé
Attendu qu’il est constant que la Compagnie GTA-C2A IARDT est une société d’assurance, que la procédure de liquidation de ses sociétés d’assurance est régie par les articles 325 et suivants du code CIMA, une norme internationale particulière et non par les dispositions de l’article 28 de l’acte uniforme de l’OHADA portant procédures collectives qui est aussi une norme internationale mais applicable aux sociétés commerciales en général ; que lorsqu’il y a conflit entre une norme particulière et une norme générale, c’est la norme particulière qui reçoit application ; que c’est donc à bon droit que le Tribunal de Lomé a par application de l’article 325 du code CIMA, déclaré irrecevable la demande de Maître de A tendant à obtenir la liquidation du GTA-C2A IARDT, l’initiative de cette procédure, au regard de ce texte, échappant à tout créancier qu’il convient de déclarer ce moyen non fondé et de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;
2°/ Sur l’incompétence du Tribunal de Première Instance à connaître de l’action en obtention du titre de créance dans cette procédure.
Attendu qu’il est aussi constant que la procédure collective telle que prévue par l’article 28 de l’acte uniforme de l’OHADA est une procédure non publique ; que par contre la procédure en obtention d’un titre ou en condamnation au paiement d’une créance est une procédure publique ; que saisi d’une procédure non publique, le Tribunal ne peut se déclarer compétent pour se prononcer sur une demande dont la procédure est publique ; que c’est à bon droit que le Tribunal s’est déclaré incompétent dans la procédure de l’article 28 et suivants de l’acte uniforme de l’OHADA portant procédures collectives pour prononcer une condamnation en paiement d’une créance ; qu’il convient de confirmer le jugement attaqué sur ce point ;
3°/ Sur la demande reconventionnelle du GTA-C2A IARDT
Attendu que l’action initiée par Maître de A n’est qu’une action tendant à lui permettre de rentrer dans ses droits ; qu’une telle action n’a pas pour objet de nuire à l’intimée ; de même l’appel interjeté par ce dernier est une voie de recours prévue par la loi et ne tend pas à nuire aux intérêts du GTA-C2A ; que c’est en bon droit que le tribunal a rejeté cette demande ; qu’il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement après débats en Chambre de Conseil en matière de procédure collective et en appel ;
En la forme
Reçoit l’appel ;
Au fond
Le déclare mal fondé ;
Confirme en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Condamne l’appelant aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Lomé, les jour, mois et an que dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier en chef intérimaire en remplacement du Greffier audiencier empêché ;