Deux banques ont consenti un prêt à une société pour l’achat de matériel. Le remboursement de ce prêt est garanti par une hypothèque et un nantissement. N’ayant pas payé sa dette à l’échéance convenue, la société est assignée en liquidation des biens. Le Tribunal fait droit à la demande. La société interjette appel. Elle reproche à la Cour d’avoir constaté la cessation de paiements de la société sans avoir au préalable vérifié que la créance est certaine, liquide et exigible. Selon la Cour d’appel, étant stipulé dans leur convention de prêt que la créance devient exigible aussitôt la clôture du compte et le débiteur ne s’étant pas exécuté à cette échéance, c’est à bon droit que le premier juge a constaté la cessation de paiements et prononcé la liquidation des biens sans que le créancier disposant de garanties ne soit tenu de réaliser au préalable celles-ci.
ARTICLE 28 AUPCAP
Cour d’appel de Lomé, arrêt n°166/09 du 03 novembre 2009, Société Aa Industrielle de Métallurgie (TIM) SA. c/ Banque Aa pour le commerce et l’industrie (BTCI).
LA COUR
Oui les conseils des parties en leurs conclusions respectives ;
Le Ministère public entendu ;
Vu le jugement N°3409/2008 du 28 Novembre 2008 ;
Vu l’appel interjeté ensemble avec les pièces du dossier de la procédure ; Ouï le conseiller KOUYOU en son rapport
Et après en avoir délibéré :
En la forme
Attendu que suivant exploit de Maître Octave Roger TOUSSAH, huissier de justice à Lomé en date du 03 Décembre 2008, la société Industrielle de Métallurgie (TIM) dont le siège social est à Lomé 15, rue du Béniglato représentée par son Directeur Général, Monsieur Ab A demeurant et domicilié audit siège, assistée de Maître Jean-Marie ADENKA, Avocat à la Cour à la Lomé a déclaré interjeter appel du jugement n° 3409/2008 rendu le 28 Novembre 2008 par la chambre civile et commerciale du Tribunal de Première Instance de Première Classe de Lomé pour les torts et griefs qu’il lui cause ; que cet appel ayant été relevé dans les forme et délai prévus par la loi, il convient de le déclarer recevable ;
Au fond
Attendu que l’appelante fait grief au jugement entrepris d’avoir en toute violation du principe
de la contradiction et de l’article 28 de l’Acte uniforme de l’OHADA portant procédures collectives, confirmé la créance de la BTCI sur elle d’un montant de 358391279 F CFA en principal et frais et enfin prononcé sa liquidation avec toutes les conséquences de droit ; qu’elle sollicite qu’il plaise à la Cour, ordonner la suspension de la procédure en attendant qu’il soit statué sur la procédure d’inscription de faux qu’elle entend déclencher au principal et subsidiairement déclarer l’appel fondé et annuler le jugement attaqué en conséquence ;
Statuant à nouveau, constater que la créance réclamée n’est pas exigible, débouter l’intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions, la condamner à lui payer la somme de 100 millions de francs CFA pour action abusive, enfin la condamner aux dépens de Première Instance et d’appel ;
Attendu qu’au soutien de son appel la société TIM déclare par l’organe de son conseil Maître ADENKA que courant année 2003 la BIA-TOGO et la BTCI lui ont proposé l’achat d’une usine de fabrication de fûts qui traînait dans leur patrimoine ; que les pourparlers ont commencé et abouti au préfinancement par la BTCI de l’achat et du fonctionnement de cette usine ; que la société TIM a donc été créée à cet effet ; que par convention de prêt en date du 23 Décembre 2003 signée des deux parties, la BTCI a accepté apporter son concours financier à l’appelante, que la BTCI a pris soin de faire garantir le remboursement à son profit des fonds alloués en obtenant un nantissement en premier rang et sans concurrence les éléments composant le fonds de commerce de TIM et en prenant à son profit une hypothèque sur le terrain, site de l’usine ; que le financement de la BTCI a servi spécialement à l’achat de l’usine vendue par elle ; que cela s’est passé par un jeu d’écritures bancaire la TIM n’a pas vu la couleur de l’argent prêté ; que pendant longtemps elle n’a eu que de petites commandes dont les bénéfices ont permis d’assurer tant bien que mal le fonctionnement quotidien et de faire tourner le compte courant ; que c’est tardivement qu’elle s’est rendue compte que les précédents acquéreurs de cette usine avaient eu les mêmes problèmes et qu’il ne déplairait pas à la BTCI de reprendre son bien pour le revendre dolosivement à une autre victime ; que sans aucune mise en demeure, la BTCI a saisi le Tribunal pour voir constater sa cessation de paiements, prononcer sa liquidation et confirmer sa créance qui s’élevait à la somme de 358391279 F CFA ; Que l’affaire a été clôturée à l’audience de la mise en état du 18 Novembre 2008 ; que dès lors le Tribunal aurait dû informer les parties de la date de l’audience de plaidoirie ou a tout le moins en inscrivant ce dossier sur le rôle de l’audience par affichage devant la salle d’audience ; que bien que cette affaire n’ait pas été inscrite sur le rôle de l’audience de plaidoirie du 28 Novembre 2008 ainsi que le prouve le constat d’huissier, l’affaire a été curieusement mentionnée au répertoire civil du jugement du greffe comme « adjugé » donc comme vidée, et que mention a été faite que le défendeur n’a pas comparu ; qu’une décision rendue dans de telles conditions ne peut qu’être déclarée nulle, pour violation du principe du contradictoire ; qu’elle sollicite qu’il plaise à la Cour reformer le jugement entrepris sur ce point ; Qu’en outre le Tribunal reproche à l’appelante de n’avoir pas observé les dispositions des articles 25 et 33 de l’Acte uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif et conclu à la liquidation judiciaire ; qu’en procédant ainsi le Tribunal viole l’article 28 du même Acte uniforme qui stipule que « la procédure collective peut être ouverte sur demande d’un créancier, quelle que soit la nature de sa créance, pourvu qu’elle soit certaine, liquide et exigible » ; qu’il est donc évident qu’avant de recevoir au fond la demande du créancier, le juge doit préalablement examiner le caractère certain, liquide et exigible de la créance avant de voir si le débiteur est réellement en cessation de paiement ;
qu’en l’espèce le juge a adopté la démarche contraire ; qu’en effet le juge a été saisi sur la base de la grosse de la convention de prêt en date du 23 décembre 2003 signée des deux parties mais aussi sur la base d’un relevé de position unilatéralement dressé par la BTCI le 16 Juillet 2007 ; que si la convention de prêt constitue la loi des parties, le relevé de position ne lie pas l’appelante parce que dressé par la BTCI seule ; que le Tribunal, par son attitude, l’a mise dans l’incapacité d’éclairer sa religion sur ce point ; qu’il appartenait au Tribunal de conférer le caractère certain, liquide et exigible à la créance issue de l’acte unilatéral de la BTCI ; que le Tribunal a violé l’article 28 de l’acte uniforme précité ; qu’elle sollicite qu’il plaise à la Cour annuler le jugement attaqué sur ce point et statuant à nouveau, constater que la créance réclamée n’est pas exigible ; qu’aux termes de l’article 4 de la convention, « le solde sera exigible aussitôt le compte clôturé » ; que cela veut dire que seule la clôture dudit compte dans les formes contractuelles pourrait entraîner l’exigibilité du solde en résultant, qu’ensuite la convention a prévu qu’à défaut du paiement dans le mois de la mise en demeure d’une mensualité en souffrance, la créance totale sera exigible ; qu’en l’espèce la BTCI a d’abord saisi le Tribunal avant de procéder à la mise en demeure en violation des termes de la convention ; Qu’enfin la persécution de la BTCI lui cause un tort certain ; que cela lui a occasionné des frais pour la procédure ; que cette action était abusive, elle sollicite la condamnation de la BTCI à lui payer la somme de 100 millions de CFA a titre de dommages intérêts ;
Attendu qu’en réponse Maître DOGBEAVOU Koffi, conseil de la BTCI a déclaré pour sa part qu’il est indéniable que la société TIM reste devoir à sa cliente la somme de 358391279 F CFA en principal et frais ; qu’ayant été assignée en liquidation de biens depuis le 02 Août 2007, l’appelante se devait de proposer un concordat dans un délai de 30 jours ; qu’il s’est écoulé une période de 15 mois après l’assignation avant que le Tribunal ne rende sa décision ; que n’ayant pas contesté la créance et n’ayant proposé aucun concordat conformément aux articles 25 et 33 de l’Acte uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, qu’elle n’est pas en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que c’est à bon droit que le Tribunal a prononcé sa liquidation des biens ; qu’il sollicite qu’il plaise à la Cour confirmer le jugement déféré devant elle ;
Attendu que par d’autres conclusions en réplique en date du 10 Juillet Maître DOGBAVOU a précisé, que contrairement aux allégations de l’appelante plusieurs mises en demeure ont été faites à la société TIM par courriers en date du 12 Août 205 et du 19 Décembre 2005 lui demandant de payer ; que toutes ces tentations d’amener la société TIM à régulariser sa situation dans les livres de la BTCI se sont soldées par un échec ; que dès lors elle était dans l’obligation de recourir à justice ; Qu’en outre l’appelante invoque l’article 94 du code de procédure civile en ce qu’au cours d’une instance « lorsqu’une partie prétend qu’une pièce signifiée, communiquée ou produite est fausse ou falsifiée, cette partie peut être reçue à s’inscrire en faux contre ladite pièce » ; qu’en vocabulaire juridique une pièce est un document alors qu’un jugement est une décision de justice ; qu’il sollicite qu’elle soit déboutée de cette demande purement et simplement ; qu’ensuite l’assignation a été délaissée en personne à monsieur Ab A en sa qualité de Directeur Général de la société TIM, que le dossier a connu six (6) renvois du 21 Août 2007 au 18 Novembre 2008 pour les écritures de la société TIM SA ; que s’agissant d’une procédure de liquidation de biens, elle aurait dû proposer un concordat ; que ne l’ayant pas fait, elle ne peut aujourd’hui alléguer que le Tribunal a violé le principe du contradictoire ; qu’il convient de rejeter ce moyen ;
Qu’enfin la BTCI n’a commis aucun abus car quand bien même elle dispose des garanties elle peut valablement décider de demander en justice la liquidation des biens de son débiteur sans au préalable réaliser la garantie ; qu’il n’y a aucun abus ; qu’il échet de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Attendu que dans ses notes en cours de délibéré en date du 20 Octobre 2009, Maître ADENKA a subsidiairement demandé le remplacement du liquidateur commis par le jugement attaqué au motif que le comportement de ce dernier laisse croire qu’il est acquis à la cause de la BTCI ; Qu’il sollicite qu’il plaise à la cour pourvoir à son remplacement par tel autre liquidateur qu’il lui plaira et dire que les dépens comprendront également ses honoraires et frais distraits à son profit ;
Attendu qu’en réponse, Maître DOGBEAVOU a fait remarquer que les notes en cours de délibéré ne reprennent que les développements faits par les parties à l’audience de plaidoirie ; qu’en l’espèce, l’appelant a formulé de nouvelles demandes et que celles-ci doivent être écartées du dossier ;
1°) Sur la suspension de procédure
Attendu que pour solliciter la suspension de la procédure devant la cour, la société TIM SA a invoqué l’article 94 du code de procédure civile selon lequel lorsque au cours d’une procédure, une partie prétend que la pièce qui lui est signifiée, communiquée ou produite est fausse ou falsifiée, elle peut, s’il échet être reçue à s’inscrire en faux ; que dans ce cas, l’instance est suspendue en attendant qu’il soit statué sur ce faux incident avant que la procédure ne se poursuive ; que le jugement à elle signifiée étant un faux elle sollicite la suspension de la procédure puisqu’elle entend s’inscrire en faux contre cette pièce ;
Mais attendu qu’il est constant que c’est à la suite d’une procédure que le jugement entrepris a été rendu et signifié à l’appelante ; que non seulement on est en cours d’instance mais aussi et surtout un jugement est une décision de justice et non une pièce ; que toute voie de recours contre un jugement est soit l’opposition ou l’appel ; qu’en l’espèce le recours contre la décision attaquée est l’appel que la société TIM en a déjà interjeté ; qu’il convient dans ces conditions de rejeter cette demande comme non fondée ;
2°) Sur le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire
Attendu qu’il est reproché au Tribunal de Lomé de n’avoir pas respecté le principe du contradictoire dans la procédure ayant abouti à la décision attaquée ; que la société TIM SA déclare qu’après la clôture du dossier à l’audience de la mise en état du 18 Novembre 2008 , le Tribunal ne l’a pas informée de la date à laquelle le dossier devrait être appelé à l’audience de plaidoirie ; que bien que le dossier n’ait pas été adjugé à cette date ; et qu’il a été mentionné au répertoire que l’appelante n’a pas comparu ;
Mais attendu qu’il est constant que l’assignation de la BTCI a été faite à personne ; que c’est le Directeur Général de société TIM SA en la personne de monsieur Ab A qui a reçu cette assignation ; qu’aux audiences de la mise en état ni le Directeur Général lui-même ni son conseil Maître ADENKA ne se sont présentés ; que le dossier a été renvoyé au moins six (6) fois pour la société TIM SA du 21 Août 2007 au 18 Novembre 2008 que devant toute cette période la société TIM a décidé de ne pas se présenter ; que les dispositions de l’article
48 du code de procédure civile selon lesquelles « nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée » n’ont nullement été violées en l’espèce ; qu’il convient de conclure que ce moyen n’est pas fondé et de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;
3°) Sur le moyen tiré de la violation de l’article 28 de l’acte uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif
Attendu qu’il est reproché au Tribunal de Lomé d’avoir constaté la cessation des paiements de la société TIM sans avoir au préalable vérifié si la créance que la BTCI réclame est certaine, liquide et exigible ;
Mais attendu qu’il ressort des pièces versées au dossier notamment de la convention de prêt en date du 23 Décembre 2003 du relevé de position en date du 16 Juillet 2007 et des courriers en date du 12 Août 2005 et 19 Décembre 2005 que le prêt accordé à la société TIM SA est arrivé à échéance ; qu’à cette date le compte de cette société était débiteur dans les livres de la BTCI d’un montant de 304.470.076 F CFA ; que sommée de rembourser, la société TIM n’a daigné régulariser sa situation ; qu’ainsi le compte a été clôturé le 31 Octobre 2006 ; qu’il est stipulé dans la convention de prêt que la créance est exigible aussitôt la clôture du compte que ce compte étant clôturé le 31 Octobre 2006 la créance est devenue certaine liquide et exigible que la BTCI bien que disposant de garantie n’était plus obligée de réaliser cette garantie avant de demander la liquidation des biens de sa débitrice que c’est à bon droit que conformément à l’article 28 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, la BTCI a saisi le Tribunal pour lui demander de constater la cessation de paiements de sa débitrice et de prononcer la liquidation de ses biens ; qu’il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce point ;
4°) Sur la demande reconventionnelle
Attendu que la procédure initiée par la BTCI vise à lui permettre de rentrer dans ses fonds; qu’elle n’est nullement abusive et vexatoire ; qu’elle est légitime et justifiée ; qu’il convient dans ces conditions de rejeter la demande de l’appelante tendant à condamner l’intimée pour procédure abusive et vexatoire comme non fondée ;
5°) Sur les demandes subsidiaires
Attendu que les demandes subsidiaires ont été présentées en cours de délibéré ; qu’elle n’avait pas fait l’objet de débat ni en première instance, ni à la mise en état en appel ; qu’elles ne peuvent par conséquent pas être recevables en l’état ; qu’il convient de les rejeter purement et simplement ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement après débats en audience non publique en matière commerciale et en appel ;
En la forme Reçoit l’appel ;
Au fond Le déclare mal fondé;
Confirme en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Rejette toutes les autres demandes formulées par la société TIM comme non fondées ;
Condamne la Société TIM aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Lomé, Chambre civile, les jours, mois et an que dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier.