Gabriel Kodjo WOAYI, Président de la cour d’Appel de Lomé, PRESIDENT ;
DEGBOVI Koffi et BLAMCK Léeyé tous deux Conseillers à ladite Cour, Membres ;
En présence de Madame Af A, Premier Substitut du Procureur Général ;
Avec l’assistance de Maître MENSAH Kokou Messanh Joseph, Greffier ;
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause entre :
Le sieur B Ae Ag, demeurant et domicilié à Lomé, assisté de Maître ATTOH-MENSAH, Avocat à la Cour, son conseil;
Appelant d’une part ;
ET
La dame Aa Ad Ac, demeurant et domiciliée à Lomé, assistée de Maître AKAKPO, Avocat à la Cour, son conseil ;
Intimée d’autre part ;
Sans que les présentes qualités puissent nuire ou préjudicier aux droits et intérêts des parties en cause mais au contraire sous les plus expresses réserves de fait et de droit ;
POINT DE FAIT : Par exploit d’huissier en date du 1er septembre 2004, Le sieur B Ae Ag, demeurant et domicilié à Lomé, assisté de Maître ATTOH-MENSAH, Avocat à la Cour à Lomé, a interjeté appel de l’ordonnance N° 0540/04 rendue le 23 Août 2004 par le Président du Tribunal de Première Instance de Lomé et dont le dispositif est ainsi libellé ;
« Au principal, renvoyons les parties à mieux se pourvoir ainsi qu’elles aviseront ; mais dès à présent et vu l’urgence ; Ordonnons l’expulsion pure et simple du requis ainsi que de tous occupants de son chef de l’immeuble sis à Lomé Bè derrière le château d’eau sous astreinte de 50.000 F CFA par jour de résistance ; Ordonnons l’exécution sur minute de la présente ordonnance nonobstant toutes voies de recours ; Le condamne aux dépens ; »
Par le même exploit l’appelant a fait donner assignation à l’intimée à comparaître le jeudi 28 octobre 2004 à l’audience et par-devant la Cour d’Appel de Lomé, séant au Palais de Justice de ladite ville, statuant en matière civile ;
L’objet de l’appel est de demander à la Cour, tant pour les motifs exposés devant le premier juge que ceux à exposer ultérieurement devant la Cour, de réformer l’ordonnance entreprise et d’adjuger à l’appelant l’entier bénéfice de ses conclusions de première instance ; PAR CES MOTIFS : En la forme : - Voir recevoir le requérant appelant de l’ordonnance sus-énoncée ; Au fond : - Voir mettre à néant ladite ordonnance émendant, voir décharger l’appelant des dispositions et condamnations prononcées contre lui par ladite ordonnance ; Statuant à nouveau et faisant ce que le premier juge aurait dû faire, voir adjuger à l’appelant les conclusions qu’il prendra devant la Cour ; s’entendre en outre condamner la requise aux entiers dépens ;
Suite à cette procédure, la cause fut inscrite au rôle général de la Cour d’Appel sous le N° 628/04 et appelée à l’audience du 28 octobre 2004 ;
A l’appel de la cause à l’audience du 28 octobre 2004, le dossier a été renvoyé au 28 avril 2005 pour la requête d’appel. A cette date, le dossier a subi quelques renvois pour divers motifs pour être clôturé le 21 octobre 2009 ;
A l’audience du 26 novembre 2009, l’affaire a été évoquée, retenue et plaidée ;
Le Ministère public qui a eu la parole pour ses réquisitions a déclaré s’en rapporter à justice ;
Les débats ont été publics ;
POINT DE DROIT : La cause en cet état présentait à juger les différentes questions de droit résultant des conclusions des parties et des débats ;
Sur quoi la Cour a mis l’affaire en délibéré pour l’arrêt être rendu le 28 janvier 2010 ;
Advenue l’audience du 28 janvier 2010, après en avoir délibéré conformément à la loi, la Cour a statué en ces termes :
LA COUR
Vu les pièces du dossier ;
Vu les conclusions des conseils des parties ;
Le Ministère public attendu ;
Vu l’ordonnance N° 054/04 rendue le 23 août 2004 par le Président du Tribunal de Première Instance de Lomé ;
Et après en avoir délibéré ;
EN LA FORME
Attendu que par exploit d’huissier en date du 1er septembre 2004, Le sieur B Ae Ag, demeurant et domicilié à Lomé, assisté de Maître ATTOH-MENSAH, Avocat à la Cour à Lomé, a interjeté appel de l’ordonnance N° 0540/04 rendue le 23 Août 2004 par le Président du Tribunal de Première Instance de Lomé dans l’instance qui l’oppose à la dame Aa Ad Ac, demeurant et domiciliée à Lomé, assistée de Maître AKAKPO, Avocat à la Cour à Lomé ;
Attendu que l’appel interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi est régulier ; qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
Attendu que l’appelant fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir prononcé son expulsion de l’immeuble sous astreinte de 50.000 F par jour de résistance ;
Qu’il sollicite qu’il plaise à la cour infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau dire que le juge des référés n’est pas compétent pour connaitre de l’affaire et par conséquent, renvoyer les parties à mieux se pouvoir ; qu’il demande en outre la condamnation de l’intimée à lui payer la somme de 5.000.000 F à titre de dommages et intérêts ; Attendu que des faits il ressort que dame Aa Ad Ac avait par contrat en date du 26 février 1985 consenti au sieur B Ab un bail de terrain nu sis à Lomé au quartier Bè moyennant un loyer mensuel de 70.000 F pour la création et l’exploitation d’un établissement scolaire ; que suite au décès du preneur courant année 1999, son fils B Ae Ag a poursuivi le bail en ayant accumulé des arriérés de loyers ;
Que le 19 août 2004, dame Aa Ad Ac a assigné celui-ci devant le juge des référés aux fins de son expulsion ;
Que le premier juge a ordonné cette expulsion sous astreinte de 50.000 F par jour de résistance au motif que le non paiement de loyers est cause de résiliation du contrat de bail ;
Attendu que l’appelant soutient que le bail en cause est un bail commercial qui ne comporte pas de clause de résiliation de plein droit et donc sa résiliation doit être soumise à la procédure prévue par l’article 101 de l’Acte Uniforme de l’OHADA relatif au Droit Commercial Général ;
Qu’il précise que cette disposition donne compétence non au juge des référés mais à la juridiction de fond de prononcer la résiliation du bail avant d’ordonner l’expulsion du preneur ;
Qu’il estime qu’en ordonnant l’expulsion sans avoir à se prononcer sur la résiliation du bail, le premier juge s’est mépris du droit ;
Attendu qu’en réagissant aux moyens de l’appelant, l’intimée soutient que la conclusion et l’exploitation du contrat de bail la liant à l’appelant sont intervenues le 26 février 1985 donc antérieures à l’entrée en vigueur le 1er janvier 1998 du droit de l’OHADA ; qu’elle estime que ces actes ne sauraient être soumis au Droit de l’OHADA en vertu du principe de l’application de la loi nouvelle dans le temps ; qu’elle affirme en effet avoir engagé la procédure de résiliation par le congé qu’elle avait donné à l’appelant suite à son engagement de vider les lieux de corps et de biens ; qu’elle conclut que c’est donc à bon droit que le premier juge a ordonné l’expulsion ;
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 2 du code civil il en résulte que la loi ne dispose que pour l’avenir ;
Attendu que de l’analyse des faits de l’espèce il ressort que la conclusion du contrat de bail est intervenue entre les parties le 26 février 1985 avant l’entrée en vigueur le 1er janvier 1998 du Droit de l’OHADA, certes ; mais que la résiliation et partant l’expulsion contestée sont de toute évidence postérieures à l’entrée en vigueur du Droit de l’OHADA ; qu’en effet l’intimée reconnait et affirme sans ambages avoir engagé effectivement la procédure de résiliation depuis le 4 septembre 2003 soit près de cinq ans bien après l’entrée en vigueur du Droit de l’OHADA ;
Qu’on ne saurait prétendre écarter l’application du Droit OHADA des faits qui pourtant sont incontestablement et ostensiblement postérieurs à son entrée en vigueur ;
Attendu que dans ces conditions le droit applicable à la procédure de résiliation initiée le 4 septembre 2004 demeure le Droit de l’OHADA qui confère en son article 101 de l’Acte Uniforme portant Droit Commercial Général compétence non au juge des référées mais à une juridiction de fond pour prononcer la résiliation avant d’ordonner l’expulsion ;
Qu’en n’ayant pas décliné sa compétence au profit d’une juridiction de fond, le premier juge qui s’est simplement borné à ordonner l’expulsion sans pouvoir se prononcer sur la résiliation, n’a pas fait une saine appréciation des faits et une juste application du droit ; qu’il échet d’annuler purement et simplement l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions pour défaut de base légale ;
Attendu que la demande en dommages et intérêts de l’appelant est inopportune en l’état actuel de la procédure ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en appel ;
EN LA FORME
Reçoit l’appel ;
AU FOND
Le dit fondé ;
En conséquence, annule l’ordonnance n° 0540/04 du 23 Août 2004 ;
EVOQUANT :
Dit que le Président du Tribunal de Première Instance de Lomé n’est pas compétent pour connaître de cette affaire ;
En conséquence renvoie les parties à mieux se pourvoir ;
Condamne l’intimé aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Lomé, Chambre Civile, les jour, mois et an que dessus ;
Et ont signé le Président et le greffier. /-