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Ohadata J-11-100 PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT – ORDONNANCE SUR REQUETE – SAISIE CONSERVATOIRE – ORDONNANCE DE REFERE – ANNULATION DE LA SAISIE – APPEL – CREANCE NON FONDEE EN SON PRINCIPE – ABSENCE DE TITRE – CONFIRMATION DE L’ORDONNANCE DE REFERE
Il ressort des dispositions de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement des créances que la saisie conservatoire obéit à un certain nombre d’exigences notamment l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe ainsi que l’existence d’un titre en vertu duquel elle a été pratiquée, à défaut d’une autorisation judiciaire.
En l’espèce, la relaxe pure et simple, au profit du doute d’un prétendu débiteur suite au non lieu de la chambre d’accusation de la Cour d’appel, rend non fondée en son principe la prétendue créance de l’appelante contre le débiteur accusé de détournement de fonds à son préjudice.
La Cour retient en outre, que l’argumentation selon laquelle la saisie conservatoire pratiquée est conforme aux dispositions de l’Acte uniforme pour avoir été fondée sur une autorisation judiciaire (article 79 AUPSRVE) procède d’une interprétation erronée des dispositions légales. Dès lors, elle confirme l’ordonnance attaquée. ARTICLE 54 AUPSRVE ARTICLE 79 AUPSRVE Cour d’Appel de Lomé, Chambre civile, Arrêt n° 020/2010 du 28 janvier 2010, l’Union Togolaise de Banque c/ Sieur C Ab A. La Cour d’Appel de Lomé, statuant en matière civile en son audience publique ordinaire du jeudi vingt huit janvier deux mille dix, tenue au Palais de Justice de ladite ville, à laquelle siégeaient Messieurs :
Gabriel Kodjo WOAYI, Président de la cour d’Appel de Lomé, PRESIDENT ;
DEGBOVI Koffi et BLAMCK Léeyé tous deux Conseillers à ladite Cour, Membres ;
En présence de Madame Ad B, Premier Substitut du Procureur Général ;
Avec l’assistance de Maître MENSAH Kokou Messanh Joseph, Greffier ;
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause entre :
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L’Union Togolaise de Banque (UTB), SA, ayant son siège social à Lomé, Boulevard du 13 janvier, Nyékonakpoé, agissant poursuites et diligences de son Directeur général, demeurant et domicilié à Lomé, assistée de Maître TCHALIM, Avocat à la Cour, son conseil ;
Appelante d’une part ;
ET
Le sieur C Ab A, demeurant et domicilié à Lomé, assisté de Maître SAMBIANI, Avocat à la Cour, son conseil ;
Intimé d’autre part ;
Sans que les présentes qualités puissent nuire ou préjudicier aux droits et intérêts des parties en cause mais au contraire sous les plus expresses réserves de fait et de droit ;
POINT DE FAIT : Par exploit d’huissier en date du 16 Février 2007, l’Union Togolaise de Banque (UTB), SA, ayant son siège social à Lomé, Boulevard du 13 janvier, Nyékonakpoé, agissant poursuites et diligences de son Directeur Général, demeurant et domicilié à Lomé, assistée de Maître TCHALIM, Avocat à la Cour, a interjeté appel de l’ordonnance de référé n° 096/07 rendue le 6 février 2007 par le Président du Tribunal de Première Instance de Lomé et dont le dispositif est ainsi libellé ;
« Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront ; mais dès à présent, vu l’urgence ; Déclarons nulle et de nul effet la saisie pratiquée le 14 Novembre 2006 sur les comptes du requérant ; Ordonnons la mainlevée pure et simple de la saisie querellée sous astreinte de 500.000 francs CFA par jour de résistance ; Disons la présente ordonnance exécutoire sur minute nonobstant toutes voies de recours et sans caution ; Condamnons la requise aux dépens ; »
Par le même exploit l’appelante a fait donner assignation à l’intimé, à comparaître le jeudi 17 mai 2007 à l’audience et par-devant la Cour d’Appel de Lomé séant au Palais de Justice de ladite ville, statuant en matière civile ;
L’objet de l’appel est de demander à la Cour, d’annuler l’ordonnance N° 096/2007 rendue le 6 février 2007 par Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Première Classe de Lomé, et d’adjuger à l’appelante l’entier bénéfice des conclusions qui seront exposées devant la Cour d’Appel de Lomé ; PAR CES MOTIFS : EN LA FORME : Voir recevoir la requérante appelante de l’ordonnance N° 096/2007 rendue le 6 février 2007 sus-énoncée ; AU FOND : Voir annuler l’ordonnance entreprise ; voir adjuger à l’appelante l’entier bénéfice des conclusions qui seront prises devant la Cour d’Appel ; S’entendre l’intimé déclaré non recevable, en tout cas mal fondé en ses demandes, fins et conclusions, s’en débouter ; S’entendre en outre condamner aux dépens ;
Suite à cette procédure, la cause fut inscrite au rôle général de la Cour d’Appel sous le N° 124/07 et appelée à l’audience du 17 mai 2007 ;
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A l’appel de la cause à l’audience du 17 mai 2007, le dossier a été renvoyé au 15 mai 2007 pour Maître TCHALIM. A cette date, le dossier a subi quelques renvois pour divers motifs pour être clôturé le 20 janvier 2009 et renvoyé à l’audience de plaidoirie du 28 mai 2009 ;
A l’audience du 28 mai 2009, l’affaire a été évoquée, retenue et plaidée ;
Le Ministère Public qui a eu la parole pour ses réquisitions a déclaré s’en rapporter à justice ;
Les débats ont été publics ;
POINT DE DROIT : La cause en cet état présentait à juger les différentes questions de droit résultant des conclusions des parties et des débats ;
Sur quoi la Cour a mis l’affaire en délibéré pour l’arrêt être rendu le 26 novembre 2009 ;
A la susdite date, le délibéré a été rabattu et mis en délibéré pour le 28 janvier 2010 ;
Advenue l’audience du 28 janvier 2010, après en avoir délibéré conformément à la loi, la Cour a statué en ces termes :
LA COUR
Vu les pièces du dossier ;
Vu les conclusions des conseils des parties ;
Le Ministère public attendu ;
Vu l’ordonnance N° 096/07 rendue le 6 Février 2007 par le Président du Tribunal de Première Instance de Lomé ;
Et après en avoir délibéré ;
EN LA FORME
Attendu que par exploit d’huissier en date du 16 Février 2007, l’Union Togolaise de Banque (UTB), SA, ayant son siège social à Lomé, Boulevard du 13 janvier, Nyékonakpoé, agissant poursuites et diligences de son Directeur Général, demeurant et domicilié à Lomé, assistée de Maître TCHALIM, Avocat à la Cour à Lomé, a interjeté appel de l’ordonnance de référé n° 096/07 rendue le 6 Février 2007 par le Président du Tribunal de Première Instance de Lomé ;
Attendu que l’appel interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi est régulier ; qu’il y a lieu de le déclarer recevable ;
AU FOND
Attendu que l’Union Togolaise de Banque, appelante en la cause fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir déclaré nulle et de nuls effets la saisie conservatoire par elle pratiquée sur les comptes de l’intimé et d’avoir ordonné sa main levée pure et simple sous astreinte de 50.000F par jour de résistance ; qu’elle sollicite qu’il plaise à la Cour infirmer purement et simplement
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l’ordonnance querellée et statuant à nouveau, déclarer valable la saisie conservatoire de créances pratiquée sur les comptes de l’intimé ;
Attendu que des faits il ressort que par ordonnance sur requête en date du 21 septembre 2006, une saisie conservatoire de créances a été pratiquée par l’UTB le 14 novembre 2006 sur deux comptes créditeurs de 8.198.913 F et 475.584 F appartenant au sieur C Ab Ae Aa, ex-agent de l’UTB, ouverts dans les livres de l’UTB, pour garantir le paiement de la somme totale de 85.253.700 F en principal et frais ;
Que le sieur C Ab A a saisi le Président du Tribunal de Première Instance de Lomé pour voir ordonner main levée de ladite saisie ; que le premier juge après avoir déclaré nulle et de nuls effets la saisie, a ordonné sa main levée au motif que l’Union Togolaise de Banque ne justifiait pas de titre exigée par la loi pour y procéder ;
Attendu que l’appelante soutient que l’ordonnance de référé procède d’une approche totalement erronée des éléments de fait et de droit fondant le litige en cause ; qu’elle affirme en effet qu’elle a été victime de soustraction frauduleuse et détournement de fonds par le sieur GBIKPI-BENISSAN Ac Af, employé au service du personnel de l’UTB en qualité de gestionnaire des comptes du personnel ; que pour ce faire il a bénéficié de la complicité et de complaisance de l’intimé qui a mis à cet effet gracieusement son compte à sa disposition ; qu’usant des facilités de ses fonctions, le sieur GBIKPI-BENISSAN a passé sans aucune contrepartie des écritures sur un compte personnel et sur celui de l’intimé en débitant un compte interne de la Banque d’un montant évalué provisoirement à la somme de 71.044.750 F ; que suite à sa plainte, l’auteur principal a réussi à prendre la fuite au cours de la procédure ; que dans la crainte de ne pouvoir recouvrer sa créance elle a fait pratiquer une saisie conservatoire de créances sur les comptes de l’intimé qui pourra profiter de la procédure pénale pour organiser son insolvabilité ; qu’elle conclut au caractère fondé en son principe de sa créance vis-à-vis de l’intimé conformément à l’article 54 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et Voies d’Exécution et partant à la conformité de la saisie querellée aux dispositions de l’article 79 dudit Acte ;
Que s’agissant du caractère fondé en son principe de sa créance, elle estime que le fait pour le juge d’instruction et la chambre d’accusation d’avoir décidé d’un non lieu ne saurait enlever à la créance son caractère fondé en son principe ;
Qu’en ce qui concerne la conformité de la saisie, elle estime qu’elle ne saurait être déclarée nulle pour défaut de titre alors qu’elle disposait d’une autorisation judiciaire en l’espèce l’ordonnance à pied de requête n° 1940/2006 du 21 septembre 2006 ;
Attendu qu’en réaction aux argumentations de l’appelante, l’intimé estime qu’une créance fondée en son principe s’entend d’une créance dont l’existence est vraisemblable, probable et non d’une créance imaginaire, hypothétique ; qu’en l’espèce dès lors que les décisions de non lieu démontrent l’absence de complicité et de responsabilité de l’intimé, il n’existe plus d’indices sérieux d’une prétendue créance pour justifier la saisie des biens de celui-ci ;
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Qu’en rétorquant au second moyen il relève que non seulement qu’il n’est annexé à l’exploit de dénonciation copie de l’autorisation judiciaire ou titre en vertu duquel la saisie a été pratiquée mais aussi que la mention en caractères apparents du droit appartenant au débiteur d’en demander main levée n’y figure pas ; qu’il estime que l’inobservation de ces exigences constitue une violation de l’article 79 susvisé et justifie la nullité de l’acte de dénonciation et partant la saisie elle-même ;
Attendu que l’article 54 de l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et Voies d’Exécution dispose : « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut par requête solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstance de nature à en menacer le recouvrement » ; que l’article 79 du même Acte Uniforme précise que dans un délai de huit jours la saisie conservatoire est portée à la connaissance du débiteur par acte d’huissier qui doit contenir à peine de nullité entre autres, copie de l’autorisation de la juridiction ou du titre en vertu duquel la saisie a été pratiquée ; Attendu que de la lecture combinée de ces deux dispositions, il ressort que la saisie conservatoire obéit à un certain nombre d’exigences au nombre desquelles l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe mais aussi d’un titre en vertu duquel elle est pratiquée ou à défaut d’une autorisation judiciaire ; Attendu que de l’examen des faits, il en résulte que les fonds prétendument détournés au préjudice de l’appelante ne sauraient satisfaire à l’exigence d’une créance paraissant fondée en son principe susceptible de justifier la saisie conservatoire sur les comptes de l’intimé qui se trouve relaxé purement et simplement de toutes fins de poursuites et par conséquent déchargé de toute responsabilité eu égard à la décision souveraine de non lieu de la chambre d’accusation de la Cour d’Appel de céans ; qu’en effet, une créance fondée en son principe doit s’entendre non d’une créance imaginaire, hypothétique, mais d’une créance dont l’existence est vraisemblable, probatoire, non sujette à contestation sérieuse dans son principe, en d’autres termes, une créance certaine, liquide et exigible ; qu’en l’espèce la relaxe au profit du doute de l’intimé suite au non lieu rend non fondée en son principe la pseudo créance de l’UTB vis-à-vis de l’intimé ; Attendu que l’appelante prétend par ailleurs que la saisie conservatoire par elle pratiquée sur les comptes de l’intimé est conforme aux dispositions de l’article 79 précité au motif que l’ordonnance à pied de requête n° 1940/2006 du 21 septembre 2006 équivaut à une autorisation judiciaire au regard de la loi ; Attendu qu’une telle argumentation procède indubitablement d’une interprétation erronée des dispositions sus visées ; qu’au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter tous les moyens de l’appelante comme non fondés ;
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PAR CES MOTIFS
Statuent publiquement, contradictoirement en matière civile et en appel ;
EN LA FORME
Reçoit l’appel ;
Au Fond
Le dit non fondé ;
En conséquence, confirme l’ordonnance n°096/07 du 06 février 2007 ;
Condamne l’appelante aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’appel de Lomé, Chambre Civile, les jour, mois et an que dessus ;
Et ont signé le Président et le greffier./-