Gabriel Kodjo WOAYI, Président de la Cour d’Appel de Lomé, PRESIDENT ;
Madame Opoka ZEKPA et Monsieur ADAMA-DJIBOM V. Fridou, tous deux Conseillers à ladite Cour, MEMBRES ;
En présence de Monsieur MXB Ab, PROCUREUR GENERAL ;
Avec l’assistance de Me Christian Tchawissi OURO-DJOW, GREFFIER ;
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause pendante entre :
La société CHEVRON TOGO S.A, avec son siège d’Administration, au capital de 173.000.000F CFA, ayant son siège social à Lomé, 57, Avenue Ad A,
représentée par son Directeur Général, demeurant et domicilié audit siège, assistée de Me TOBLE, Avocat au Barreau de Lomé, son conseil
Appelante d’une part ;
Et :
La société TOGO & SHELL S.A, ayant son siège social à Lomé, Route d’Aného, Zone industrielle, BP : 797 Lomé-Togo, représentée par son Directeur Général, demeurant et domicilié audit siège, assisté de la SCP AQUEREBURU & PARTNERS, Société d’Avocat au Barreau de Lomé, son conseil ;
Intimée d’autre part ;
Sans que les présentes qualités puissent nuire ou préjudicier aux droits et intérêts respectifs des parties en cause mais au contraire sous les plus expresses réserves des faits et de droit ;
POINT DES FAITS : Suivant exploit en date du 14 juillet 2009, de Me ALOU BANASA Komlan, huissier de justice à Lomé, la société Chevron Togo S.A (ex Aa Ac C) prise en la personne de son Directeur Général, assistée de Me TOBLE, Avocat au Barreau de Lomé a relevé appel du jugement N°1899/BIS/2009 rendu le 26 juin 2009 par le Président du Tribunal de Première Instance de Première Classe de Lomé et dont le dispositif est ainsi libellé ;
« Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort ; Accueille l’exception opposée ; Se déclare en conséquence incompétent ; Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision nonobstant toutes voies de recours et sans caution ; Condamne la demanderesse aux dépens »
Par le même exploit l’appelante a fait donner assignation à l’intimé d’avoir à comparaître le mardi 18 Août 2009, à l’audience et par-devant la Cour d’Appel de Lomé ;
L’objet de l’appel est de demander à la Cour, tant pour les motifs exposés devant le premier Juge que ceux à exposer ultérieurement devant la Cour, d’infirmer l’ordonnance entreprise et d’adjuger à l’appelante l’entier bénéfice de ses conclusions ;
Par ces motifs ; En la forme : voir recevoir la requérante appelante du jugement sus-énoncée ; au fond : voir mettre à néant ledit jugement émendant, voir décharger l’appelante des dispositions et condamnations prononcées contre elle par ledit jugement ; Statuant à nouveau et faisant ce que le premier juge aurait dû faire, voir adjuger à l’appelante les conclusions qu’elle prendra devant la Cour ; S’entendre déclarer l’intimée non recevable en tout cas mal fondée en ses demandes, fins et conclusions ; S’entendre en outre la condamner aux entiers dépens ;
Suite à cette procédure, la cause fut inscrite au rôle général de la Cour de céans sous le N° 694/09 et appelée à l’audience susmentionnée ;
A l’audience du 18 Août 2009, la cause fut renvoyée successivement aux 20 Octobre, 15 Décembre 2009, 16 Février, 20 avril et 18 mai 2010 pour les écritures des avocats ;
Par requête en date du 2 Mars 2010, l’appelante a obtenu l’ordonnance d’abréviation du délai de comparution N° 217/10 du 19 avril 2010 par laquelle elle fut autorisée à assigner l’intimé à comparaître à l’audience du 04 Mai 2010 de la Cour d’Appel de céans réunie en audiences des urgences ;
Advenue, l’audience du 04 Mai 2010, la cause fut renvoyée aux 25 Mai et 1er juin 2010 date à laquelle, l’affaire fut utilement retenue et plaidée ;
Le Ministère Public qui a eu la parole pour ses réquisitions a déclaré s’en rapporter à Justice ;
Les débats ont été publics ;
POINT DE DROIT : La cause en cet état présentait à juger les différentes questions de droit et les pièces y jointes ;
Sur quoi la Cour a mis l’affaire en délibéré pour l’arrêt être rendu conformément à la loi à l’audience du 25 Février 2010 puis prorogé aux 06 et 13 juillet 2010 ;
Et ce jour, 13 juillet 2010, la Cour vidant son délibéré a rendu son arrêt en ces termes :
LA COUR
Ouï les conseils des parties en leurs écritures respectives ;
Le Ministère Public entendu ;
Vu le jugement N° 1899 bis /09 le 26 juin 2009 rendu par le Tribunal de Première Instance de Lomé ;
Vu l’appel interjeté ensemble avec les pièces du dossier de la procédure ;
Et après en avoir délibéré ;
En la forme :
Attendu que suivant exploit de Me ALOU BANASSA Komlan, huissier de justice à Lomé, la société CHEVRON TOGO S.A., ayant son siège social à Lomé, 57, avenue Ad A, représentée par son Directeur Général, demeurant et domicilié audit siège, assistée de Me Gagnon TOBLE, Avocat à la Cour de céans, a interjeté appel, est-il dit dans ledit exploit du “jugement N° 1899 bis/09 rendu le 26 juin 2009 par le Président du Tribunal de Première Instance de Première Classe de Lomé’’ dans l’instance qui l’oppose à la société TOGO & SHELL ;
Attendu que l’appelante sollicite par l’organe de son conseil dans sa requête en date du 17 Août 2009 que l’appel soit déclaré recevable ;
Attendu que l’intimé s’oppose à cette demande ; Qu’elle fait valoir par le canal de son conseil dans ses conclusions exceptionnelles en date du 24 novembre 2009 que l’acte d’appel est entaché d’irrégularités ; qu’en effet au lieu de mentionner le jugement N°1889bis/09 en date du 26 juin 2009 rendu par le Tribunal de Lomé, il est écrit dans ledit acte d’appel ce qui suit : “le jugement N°1899bis/2009 rendu le 26 juin 2009 par le Président du Tribunal de Première Instance de Première classe de Lomé’’ ; que le numéro et la juridiction ayant rendu la décision attaquée sont erronés ; que ces irrégularités empêchent d’identifier clairement la décision en cause ; qu’il est de jurisprudence concordante et abondante que l’absence d’identification du jugement déféré cause grief et entraîne la nullité de l’acte d’appel (Civ 2e, 30 avril 1970, JCP 70.IV 15A ; Civ 2e ’14 novembre 1979, GP 80.1.117. Paris, 27 février 1986, JCP 90.11.16222 ; Riom, 31 Janvier 1974, JCP 75.11.17926, note Couchez ; CA Lomé, 31 mars 2009 ; qu’il convient dans ces conditions de déclarer irrecevable l’acte d’appel du 14 juillet 2009 ;
Qu’elle sollicite par ailleurs que la cour dise n’y avoir lieu à statuer au fond, condamne l’appelante à lui payer la somme de cent millions (100.000.000) FCFA à titre de dommages- intérêts pour procédure abusive et vexatoire, condamne ce dernier aux dépens et ordonne l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
Attendu que l’appelante lui réplique par le canal de son conseil dans ses conclusions en date du 2 mars 2010 qu’il s’agit en l’espèce d’une erreur matérielle portant sur le numéro de la décision en cause ; qu’une telle erreur n’est pas nécessairement sanctionnée par la nullité de l’acte d’appel ; que la jurisprudence exige que la partie qui a soulevé l’exception de nullité prouve le grief que lui cause l’irrégularité (civ 2e, 12 juillet 2001, Bull 2001 II N°139 P93 ; Ch mixte, 22 février 2002) ; que par ailleurs, ladite erreur a été corrigée dans la requête d’appel du 17 Août 2009 ; qu’en outre l’exception de nullité est incompatible avec le droit d’accès à un Tribunal garanti par la Constitution Togolaise ainsi d’irrecevabilité soulevée par l’intimé soit rejetée comme non fondée ;
Attendu que l’intimé fait observer par l’organe de son conseil dans ses conclusions en date du 14 mai 2010 que l’erreur ne concerne pas seulement le numéro du jugement dont appel mais aussi la juridiction qui l’a rendu ; qu’en effet, il est mentionné dans l’acte d’appel que ledit jugement a été rendu par le “Président du Tribunal de Lomé’’ alors qu’il s’agit du Tribunal de Lomé ; que c’est une irrégularité de fond ; que conformément aux dispositions de l’article 24 du code de procédure civile, une telle irrégularité ne requiert pas la preuve d’un grief ; que par ailleurs, concernant l’erreur sur le numéro, la régularisation ne peut se faire que par un acte d’appel et non par conclusion conformément au principe du parallélisme de forme ; que ladite régularisation ne saurait intervenir que dans le délai d’appel ; qu’en l’espèce, il y a forclusion ; qu’en outre, concernant le droit d’accès à la justice, c’est l’appelante elle-même qui met en péril le droit que la loi lui accorde de relever appel du jugement attaqué en ne respectant pas les règles de forme ;
Attendu que l’appel étant interjeté contre une décision précise, l’acte d’appel est censé mentionner les références permettant d’identifier la décision concernée ;
Attendu qu’il s’agit d’une formalité substantielle qui d’après la jurisprudence confère à l’acte d’appel sa nature, ses caractères et en constitue sa raison d’être ;
Attendu que divers éléments concourent à l’identification d’une décision judiciaire notamment le nom des parties, la nature de la décision (ordonnance, jugement, arrêt) le numéro, la date et la juridiction ;
Attendu concernant le numéro, que dans la mesure où la date est exacte et qu’à cette date, c’est la seule décision qui a été rendue entre les parties, rien ne s’oppose à l’identification de la décision même lorsque le numéro est erroné
Attendu par contre que l’erreur sur la juridiction est une source certaine de confusion ; qu’en effet, en mentionnant que le jugement attaqué a été rendu par le Président du Tribunal au lieu du Tribunal, l’acte d’appel peut faire croire que la décision entreprise est une ordonnance prise par le Président du Tribunal en matière de référé ou d’urgence (art 49 de l’acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution) ;
Attendu que cette confusion qui occasionne une absence d’identification claire de la décision entreprise cause grief suivant une jurisprudence concordante et abondante (Civ 2e 30 avril 1970 JCP 70. IV.157 ; Civ 2e 14 nov1979 GP 1980.1.117) ;
Attendu que s’il est vrai que par exploit en date du 18 mai 2010, l’appelante a régularisé l’acte d’appel erroné, il y a lieu de constater que non seulement cette régularisation ne saurait effacer ce grief en raison de sa gravité mais aussi qu’elle n’est pas intervenue dans le délai d’appel ;
Qu’en effet, le jugement attaqué ayant été signifié le 20 Octobre 2009, l’appelante se devait de régulariser l’acte d’appel erroné dans le délai de un mois à compter de la date de la signification ;
Que ne l’ayant pas fait dans ce délai, il y a forclusion ;
Attendu qu’au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de déclarer l’acte d’appel du 14 juillet 2009 nul et de dire que la nullité n’est pas couverte par la régularisation ultérieure dudit acte ;
Attendu par ailleurs que la demande de l’intimé au titre des dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire n’est pas fondée ;
Qu’il y a lieu de le rejeter ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en appel;
En la forme
Constate que l’acte d’appel du 14 juillet 2009 est erroné ;
Le déclare nul
Dit que la nullité n’est pas couverte par la régularisation ultérieure dudit acte d’appel intervenue après forclusion par exploit en date du 18 mai 2010 ;
En conséquence, déclare l’appel irrecevable ;
Rejette par ailleurs comme non fondée, la demande de l’intimé au titre des dommages- intérêts pour procédure abusive et vexatoire
Condamne l’appelante aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement, par la Cour d’Appel de Lomé, Chambre Civile, les jour, mois et an que dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier. /..