COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE
ARRET N°006/16 du 21 JANVIER 2016
Audience publique ordinaire du jeudi 21 janvier 2016
Pourvoi :n°150/RS/13 du 10 octobre 2013
Affaire : ATLANTIQUE TELECOM TOGO (ATT) SA
[Me ADENKA]
contre
B Ad Ac
[Me EDORH-KOMAHE]
Ne viole pas les dispositions de l’article 67 du code du travail, le juge qui s’est fondé sur les pièces du dossier pour constater le caractère abusif du licenciement d’un employé sous contrat à durée indéterminée, et s’est basé sur l’article 63 du code du travail pour calculer les dommages et intérêts à lui payer.
A l’audience publique ordinaire de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de la Cour à Lomé, le vingt et un janvier deux mille seize, est intervenu l’arrêt suivant :
Etaient présents :
Messieurs
BASSAH
PRESIDENT
ADI-KPAKPABIA
SAMTA
MEMBRES
EDORH
DEGBOVI
KANTCHIL-LARRE
M. P.
Et Maître
ADDI
GREFFIER
LA COUR
Sur le rapport de monsieur SAMTA Badjona, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;
Vu l’arrêt n°047/2013 rendu en matière sociale le 13 août 2013 par la Cour d’appel de Lomé ;
Vu la requête à fin de pourvoi de maître Adéribigbé ADENKA, conseil de la société ATLANTIQUE TELECOM, demanderesse au pourvoi ;
Vu le mémoire en réponse de maître EDORH-KOMAHE, conseil du sieur B Ad Ac, défendeur au pourvoi ;
Vu les conclusions écrites de monsieur le procureur général près la Cour suprême ;
Vu les autres pièces de la procédure ;
Vu la loi organique n°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;
Ouï le conseiller SAMTA Badjona en son rapport ;
Nul pour les conseils des parties absents et non représentés ;
Le Ministère public entendu ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant en matière sociale et en état de cassation sur le pourvoi formé par maître ADENKA, avocat à la Cour, contre l’arrêt n°47/2013 rendu par la chambre sociale de la Cour d’appel de Lomé dans le différend qui oppose sa cliente, la société ATLANTIQUE TOGO TELECOM (ATT) S.A. au sieur B Ad Ac, lequel arrêt a infirmé en toutes ses dispositions le jugement du tribunal du Travail et statuant à nouveau a dit le licenciement de B abusif et a, par conséquent, condamné ATLANTIQUE TOGO TELECOM à 30 millions de francs CFA au titre des dommages et intérêts ;
EN LA FORME
Attendu que le pourvoi a été fait dans les forme et délai requis par la loi ; qu’il est alors formellement recevable ;
AU FOND
Attendu qu’il ressort de l’arrêt infirmatif querellé que le sieur B Ad Ac, employé de la société ATLANTIQUE TOGO TELECOM (ATT) S.A. et au moment des faits, chef division exploitant des agences principales, Kara, Grand marché, Ae et Ab, à été, à la suite de la découverte d’anomalie dans la gestion des stocks des cartes des agences MOOV, licencié pour faute grave ; que cependant, l’employeur lui a servi les droits au préavis et à l’indemnité de licenciement ;
Attendu qu’à la suite, B a saisi la juridiction prud’homale pour voir juger son licenciement abusif et l’octroi de dommages et intérêts ; que cette juridiction a jugé le licenciement légitime ; que sur appel, la Cour d’appel de Lomé, par l’arrêt dont pourvoi, a infirmé le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, a déclaré abusif le licenciement et condamné la société ATLANTIQUE TOGO TELECOM S.A. à payer au titre des dommages et intérêts la somme de 30 millions de francs CFA ;
Sur le premier moyen
Sur la première branche en ce que, aux termes de l’article 9 de l’ordonnance n°78-35 du 07 septembre 1978 « Les jugements et arrêts doivent être motivés à peine de nullité. Ils doivent contenir l’indication qu’ils ont été rendus en premier ou en dernier ressort ou s’ils sont contradictoires ou par défaut » ; or selon la branche du moyen, l’arrêt querellé ne contient pas cette indication impérative et doit par conséquent être cassé sur ce point ;
Attendu qu’aux termes de l’article 9 de l’ordonnance visée au moyen, « les jugements et arrêts doivent être motivés à peine de nullité. Ils doivent contenir l’indication qu’ils ont été rendus en premier ou en dernier ressort ou s’ils sont contradictoires ou par défaut… » ;
Que s’il ressort clairement des dispositions sus produites que la non motivation d’une décision judiciaire est sanctionnée par la nullité, il n’en est pas de même du non-respect de l’indication ‘’décision rendue en premier ou en dernier ressort’’ ou « contradictoire ou par défaut » ;
Mais attendu que l’arrêt déféré dit in extenso ‘’statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en appel’’, que la demanderesse au pourvoi n’indique pas l’intérêt juridique de la distinction entre le terme « en dernier ressort » du texte visé et celui de « en appel » retenu par l’arrêt dont pourvoi et encore moins, le grief que lui cause l’indication en ‘’appel’’ ;
D’où il suit que la branche n’est pas fondée ;
Sur la seconde branche tirée de l’insuffisance de motifs en ce que la Cour d’appel, en énonçant que « la faute grave ou lourde est exclusive de toutes allocations des droits fixes », n’a pas précisé le texte qui fonde cette énonciation alors qu’elle a l’obligation de préciser le texte, à défaut, la jurisprudence ou même le principe de droit qui veut que les droits fixes ne soient pas payés en cas de licenciement pour faute grave ou que le paiement de ces droits est constitutif de faute pour l’employeur qui les paye, l’exposant ainsi au paiement des dommages et intérêts ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour n’a pas motivé sa décision ;
Mais attendu que la branche du moyen vise à la fois l’insuffisance de motifs et le défaut de motifs ; qu’elle n’est pas précise or le moyen doit être précis ; qu’il suit que cette seconde branche ne peut non plus prospérer ;
Sur le second moyen en sa première branche tirée de la violation de l’article 67 alinéa 3 du code du travail en ce que dès lors qu’aux termes du texte susvisé, ‘’toute rupture du contrat de travail à durée indéterminée peut donner lieu à des dommages et intérêts et que la juridiction compétente constate l’abus par une enquête sur les circonstances de la rupture’’, la Cour, en l’espèce, en s’abstenant d’y procéder a insuffisamment motivé sa décision ;
Mais attendu que s’il est vrai qu’aux termes de l’article 67 alinéa 3 visé au moyen, « toute rupture du contrat de travail à durée indéterminée peut donner lieu à des dommages et intérêts et que la juridiction compétente constate l’abus par une enquête sur les circonstances de la rupture » ce texte n’indique aucune forme de l’enquête et celle-ci est bien l’ensemble des mesures devant éclairer la religion du tribunal telles les conclusions des parties, les pièces du dossier, les débats à l’audience, les témoignages, les transports…, il n’est, en l’espèce, pas nié que des pièces versées au dossier ont été examinées et souverainement appréciées par les juges du fond ; qu’il est aussi constant que la demanderesse n’a pas expressément sollicité de mesure d’enquête que le juge a, sans motif, rejetée ;
D’où il suit que la branche ne peut prospérer ;
Sur la seconde branche tirée de la confusion juridique en ce que les juges d’appel, pour accorder les dommages et intérêts, se sont fondés sur l’article 63 du code du travail, texte applicable aux contrats à durée déterminée alors que le texte approprié est l’article 67 du même code ;
Attendu que suivant l’article 67 du code du travail, les dommages et intérêts en cas de rupture abusive d’un contrat à durée indéterminée sont souverainement appréciés par le juge du fond alors qu’aux termes de l’article 63 du même code, les dommages et intérêts en cas de rupture d’un contrat à durée déterminée sont les salaires et avantages à percevoir pendant le temps restant à courir avant la fin normale du contrat ;
Mais attendu que s’il est vrai, qu’en l’espèce, les juges ont visé l’article 63, il est tout aussi vrai que pour déterminer les dommages et intérêts, ils se sont fondés sur l’article 67, encore qu’il est constant que les parties étaient liées par un contrat à durée indéterminée et non un contrat à durée déterminée ;
Attendu que le visa erroné est sans influence sur les motifs intrinsèques de la décision ;
D’où il suit que la seconde branche du moyen ne peut prospérer ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement, en matière sociale et en état de cassation ;
EN LA FORME
Reçoit le pourvoi ;
AU FOND
Le rejette, les deux (02) moyens n’étant pas fondés ;
Ordonne la confiscation de la taxe de pourvoi ;
Condamne la demanderesse au pourvoi aux dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt soit portée en marge ou au pied de l’arrêt querellé.
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi vingt et un janvier deux mille seize (21/01/2016), à laquelle siégeaient :
Monsieur Koffi Agbenyo BASSAH, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ;
Messieurs ADI-KPAKPABIA Essozinam, SAMTA Badjona, Emmanuel Gbéboumey EDORH et DEGBOVI Koffi, tous quatre, conseillers à ladite chambre, MEMBRES ;
En présence de monsieur Aa A, deuxième avocat général près la Cour suprême ;
Et avec l’assistance de maître ADDI Kokou Lakpaye, greffier à ladite chambre, greffier ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier. /.