COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE
ARRET N°018/16 du 18 FEVRIER 2016
Audience publique ordinaire du jeudi 18 février 2016
Pourvoi :n°109/RS/02 du14 octobre 2002
AFFAIRE
Y Ac
contre
A Ab
L’omission du nom de l’assesseur de coutume dans la qualité de la décision ne constitue qu’une simple omission matérielle susceptible d’être réparée et elle n’entache nullement la décision entreprise, dès lors que, d’une part, le demandeur au pourvoi ne rapporte pas la preuve d’avoir soulevé l’irrégularité de la composition de la Cour d’appel suivant les termes de l’article 114 du code de procédure civile et que, d’autre part, le dispositif de l’arrêt déféré, laisse apparaître que le juge d’appel s’est adjoint cet assesseur pour statuer.
Est irrecevable le moyen de pourvoi soulevé pour la première fois devant la Cour suprême.
Affaire : Y Ac
Contre
A Ab
A l’audience de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi dix-huit février deux mille seize, est intervenu l’arrêt suivant :
Etaient présents :
Messieurs
BASSAH
B
SAMTA
DEGBOVI
MEMBRES
Z
AG
C
M. P.
Et Maître
AGBEMADON
GREFFIER
LA COUR
Sur le rapport de monsieur Kuma LOXOGA, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;
Vu l’arrêt n°98/99 en date du 24 juin 1999 rendu par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé ;
Vu la requête à fin de pourvoi de maître Edem KAVEGE, conseil du demandeur au pourvoi ;
Nul pour maître EKON, substituant maître DOSSOU, conseil du défendeur au pourvoi, faute pour lui de n’avoir pas déposé de mémoire en réponse ;
Vu les conclusions écrites de monsieur le deuxième avocat général près la Cour suprême ;
Vu les autres pièces de la procédure ;
Vu la loi organique n°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;
Ouï le conseiller LOXOGA en son rapport ;
Nul pour les conseils des parties, absents et non représentés ;
Le Ministère public entendu ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant en matière civile et en état de cassation sur le pourvoi formé le 14 octobre 2002 par maître Edem KAVEGE, avocat à la Cour à Lomé, agissant au nom et pour le compte du sieur Y Ac, demeurant et domicilié à Dalavé (P/Zio), contre l’arrêt n°098/99 rendu le 24 juin 1999 par la chambre civile de la Cour d’appel qui a confirmé en toutes ses dispositions le jugement n°1185/89 rendu le 21 juillet 1989 par le tribunal de première instance de Tsévié, lequel avait débouté le sieur Y Ac de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
EN LA FORME
Attendu que tous les actes de la procédure ayant été faits et produits dans les forme et délai, il suit que le pourvoi est recevable ;
AU FOND
Attendu qu’il ressort des énonciations de l’arrêt confirmatif attaqué et d’autres éléments du dossier que le nommé X, père du sieur Y Ac avait donné un terrain au grand-père du sieur A Ab ; que le donataire de son vivant a exploité ledit terrain ainsi que tous ses descendants jusqu’au sieur A Ab qui lui ont succédé dans l’exploitation des lieux ; qu’étant dans un besoin pressant d’argent, ce dernier a mis une partie dudit immeuble en gage ; que, mécontent de cet acte, et surtout prétextant que le sieur A Ab, a vendu les lieux alors qu’il n’en avait pas le droit, le sieur Y Ac l’a attrait par-devant le tribunal de première instance de Tsévié en vue de reprendre le terrain que son grand-père avait donné au grand-père du sieur A Ab ; que par jugement n°1185/89, le tribunal de première instance de Tsévié a déclaré l’action du requérant mal fondée et l’a débouté de toutes ses demandes, fins et conclusions ; que le sieur Y Ac ayant relevé appel dudit jugement, la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé a, suivant l’arrêt dont pourvoi, confirmé en toutes ses dispositions, la décision du premier juge ;
Attendu que le présent pourvoi s’articule autour de trois (03) moyens de cassation ;
Sur le premier moyen
Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt contesté en ce que, statuant en matière coutumière foncière, la Cour d’appel de Lomé a omis de s’adjoindre un assesseur et ainsi, a violé l’article 27 alinéa 1er de l’ordonnance n°78-35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 114 du code de procédure civile, « la composition de la juridiction à l’audience est déterminée par le code de l’organisation judiciaire.
Les contestations afférentes à sa régularité doivent être présentées, à peine d’irrecevabilité, dès l’ouverture des débats ou dès la révélation de l’irrégularité si celle-ci survient postérieurement, faute de quoi aucune nullité ne pourra être ultérieurement prononcée de ce chef, même d’office » ;
Attendu que le demandeur au pourvoi ne rapporte pas la moindre preuve d’avoir soulevé l’irrégularité dans la composition de la Cour d’appel de Lomé conformément à l’article 114 du code de procédure civile et n’est donc pas fondé à se prévaloir de la violation de l’article 27 alinéa 1er de l’ordonnance n°78-35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire ;
Attendu d’ailleurs que le reproche fait à l’arrêt dont pourvoi ne saurait prospérer en ce qu’en effet, s’il est vrai que le nom d’un assesseur ne figure pas dans les qualités dudit arrêt, il n’en demeure pas moins vrai que la Cour d’appel de Lomé, pour rendre sa décision, s’est adjointe, un assesseur de coutume éwé applicable en la présente cause en la personne du sieur AGBO Yao, ainsi qu’il ressort clairement du dispositif de ladite décision ; que dès lors, le fait que le nom de cet assesseur n’apparaît pas dans la qualité de l’arrêt déféré n’est qu’une simple omission matérielle susceptible d’être réparée et n’entache nullement la décision entreprise ; qu’ainsi, les juges d’appel n’ont pas violé l’article 27 alinéa 1er de l’ordonnance n°78-35 du 7 septembre 1978 ; qu’il suit que le premier moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que le demandeur au pourvoi critique l’arrêt attaqué de s’être contenté d’affirmer que le terrain litigieux est complanté d’essences pérennes, alors que la Cour d’appel de Lomé n’a pas procédé aux investigations lui permettant de vérifier l’existence de ces cultures pérennes et de connaître qui en est l’auteur ;
Mais attendu qu’il convient de faire observer d’une part que le demandeur au pourvoi affirme que les juges d’appel ont commis la même erreur que le premier juge qui n’avait pas ordonné par un jugement avant-dire-droit, un transport sur les lieux pour vérifier les déclarations des parties et de leurs témoins respectifs et constater de visu l’existence des essences pérennes ; que cependant, en relevant appel du jugement n°1185/89 rendu le 21 juillet 1989 par le tribunal de première instance de Tsévié, celui-ci, pourtant assisté d’un conseil, n’a pas trouvé opportun de formuler un tel grief contre ledit jugement alors et surtout qu’il n’avait pas sollicité du premier juge un transport et qu’il n’avait jamais contesté que les lieux étaient complantés de cultures pérennes qui sont les œuvres des parents du défendeur au pourvoi sachant que le tribunal de première instance de Tsévié n’était pas tenu d’ordonner une mesure d’investigation sur un point qui ne fait l’objet d’aucune contestation, laquelle mesure d’investigation n’est d’ailleurs pour lui qu’une faculté ;
Que d’autre part, au sens de l’article 36 du code de procédure civile, « ce sont les parties qui conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d’accomplir les actes de procédures dans les forme et délai requis » ; qu’il ne ressort nulle part du dossier que devant les juges d’appel, le demandeur au pourvoi a répliqué aux conclusions de son contradicteur sur le point relatif à la complantation en lui contestant la propriété des espèces pérennes ; (…) qu’il s’agit donc d’un moyen qui ne peut pas être soulevé pour la première fois devant la Cour suprême ; qu’il y a lieu, en conséquence, de le déclarer irrecevable ;
Sur le troisième moyen
(…) Attendu que selon le troisième moyen, il est reproché à l’arrêt critiqué de s’être fondé sur l’exploitation du terrain litigieux par les parents du défendeur au pourvoi pour statuer comme il l’a fait sans aucune mesure d’investigation alors que ce dernier n’a pas pu rapporter la preuve formelle de la donation de l’immeuble querellé dont la limite avec son domaine n’est pas matérialisée par des plants conventionnels appelés « agnatis » ou « kpatima », et qu’en confirmant le droit de propriété du défendeur au pourvoi sur ledit immeuble, les juges d’appel ont violé la règle coutumière selon laquelle le droit de propriété est imprescriptible, il ne se perd pas par le non usage ;
Mais attendu que pour confirmer le jugement entrepris, les juges d’appel ont en outre énoncé que « …la limite entre la parcelle donnée et le reste du terrain du donateur a été matérialisée par des plants de délimitation, ce qui signifie que cette partie donnée est sortie définitivement du patrimoine du donateur » ;
Attendu que pour ainsi motiver, les juges d’appel se sont fondés sur les déclarations concordantes des parties et des témoins produits par le défendeur au pourvoi entendus par le premier juge, alors que le demandeur au pourvoi qui n’avait pas contesté ces déclarations avait affirmé à l’époque n’avoir pas de témoins à faire entendre ;
Attendu dès lors qu’il est constant que la preuve de la donation du terrain litigieux résulte non seulement de la délimitation dudit terrain du reste du domaine du donateur mais aussi des déclarations concordantes des parties et des témoins, le tout appuyé par un droit de tenure se traduisant par l’exploitation des lieux de façon publique, paisible et continue par la famille du défendeur au pourvoi qui les a complantés d’essences pérennes ; qu’il s’agit ici de faits que les juges d’appel ont souverainement appréciés et qui échappent au contrôle de la Cour suprême ; qu’ainsi, le troisième moyen n’est également pas fondé et doit être rejeté ;
Attendu en tout état de cause que le pourvoi n’est fondé en aucun de ses trois moyens ; qu’il y a lieu de le rejeter ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement, en matière civile et en état de cassation ;
EN LA FORME
Reçoit le pourvoi;
AU FOND
Le rejette ;
Prononce en conséquence la confiscation de la taxe de pourvoi ;
Condamne le demandeur au pourvoi aux dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de l’arrêt attaqué ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi dix-huit février deux mille seize et à laquelle siégeaient :
Monsieur Koffi Agbenyo BASSAH, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ;
Messieurs Badjona SAMTA, Gbèboumey EDORH, Koffi DEGBOVI et Kuma LOXOGA, tous quatre, conseillers à la chambre judiciaire de la Cour suprême, MEMBRES ;
En présence de monsieur Aa C, troisième avocat général près la Cour suprême ;
Et avec l’assistance de maître Sassougan AGBEMADON-SEKPLA, greffier à la Cour suprême, greffier ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier./.