COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE
ARRET N°021/16 DU 18 FEVRIER 2016
Audience publique ordinaire du jeudi 18 février 2016
Pourvoi : n°171/RS/13 du 11 novembre 2013
Affaire : X Ac
contre
C Ab et autres
Est à bon droit infirmée par la Cour d’appel, l’ordonnance d’expulsion prise en violation des dispositions de l’article 146 du code de procédure civile qui règle les conséquences du défaut de comparution d’une partie à un procès pour lequel une assignation lui a été régulièrement délivrée.
A l’audience publique de la chambre Judiciaire de la Cour suprême du Togo, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi dix-huit février deux mille seize, est intervenu l’arrêt suivant :
Etaient présents :
Messieurs
BASSAH
PRESIDENT
KODA
ADI-KPAKPABIA
MEMBRES
A
B
Z
M. P.
Et Maître
AGBEMADON
GREFFIER
LA COUR
Sur le rapport de monsieur Badjona SAMTA, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;
Vu l’arrêt n°031/13 du 26 février 2013 rendu par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé ;
Vu la requête à fin de pourvoi de maître DOSSEY, conseil du demandeur au pourvoi ;
Vu le mémoire en réponse de maître YOVO Sika, conseil des défendeurs au pourvoi ;
Vu les conclusions écrites de monsieur le deuxième avocat général près la Cour suprême ;
Vu les autres pièces de la procédure ;
Vu la loi organique n°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;
Ouï le conseiller SAMTA en son rapport ;
Nul pour maître DOSSEY, absent et non représenté, conseil du demandeur au pourvoi ;
Ouï Y KODJOVI, substituant maître YOVO Sika, conseil des défendeurs au pourvoi ;
Le Ministère public entendu ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant en matière civile sur le pourvoi formé le 14 novembre 2013 par maître Jean Foli DOSSEY, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte du sieur X Ac contre l’arrêt n°31/13 rendu le 26 février 2013 par la Cour d’appel de Lomé qui a infirmé l’ordonnance n°0824/09 du 05 octobre 2009 en ce qu’elle a été irrégulièrement prise et en outre ordonné au demandeur au pourvoi de faire réintégrer les défendeurs au pourvoi irrégulièrement expulsés dans les lieux sous astreinte de 500.000 francs CFA par jour de résistance ;
EN LA FORME
Attendu qu’il ressort des pièces de la procédure que le pourvoi a été fait dans les forme et délai de la loi ; qu’il est alors recevable ;
AU FOND
Attendu que, selon l’arrêt infirmatif attaqué, malgré l’occupation, les constructions, les réquisitions à immatriculation et titre foncier dont les défendeurs au pourvoi, C Ab et autres, sont auteurs ou détenteurs sur les lieux litigieux, sieur X Ac, demandeur au pourvoi, a exhibé, à titre de preuve de droit de propriété des lieux, le jugement n°686/00 rendu le 26 mai 2000 par le tribunal de première instance de Lomé ;
Attendu que les défendeurs au pourvoi ou leurs auteurs, étant tiers à cette décision ont formé tierce-opposition et que suite à celle-ci, le tribunal de première instance de Lomé l’a rétractée ;
Que malgré l’appel qu’il a formé contre le jugement de rétractation, appel non encore abouti, le demandeur au pourvoi a obtenu une ordonnance de défaut prise contre les défendeurs au pourvoi ;
Attendu que suite à l’appel interjeté contre cette ordonnance, la Cour d’appel de Lomé a rendu l’arrêt dont pourvoi et dont la teneur est sus-indiquée ;
Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 146 du code de procédure civile ;
Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt que, pour infirmer l’ordonnance déférée devant elle, la Cour d’appel a soutenu que les défendeurs au pourvoi étaient absents alors que ceux-ci avaient été régulièrement assignés ;
Attendu qu’aux termes du texte visé au moyen, « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée. Le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si l’assignation n’a pas été délivrée à personne. Il est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur » ; que de l’analyse du texte sus-énoncé, il est clair qu’il règle les conséquences du défaut de répondre par une partie à un procès à une assignation à elle régulièrement faite ;
Mais attendu que c’est en vain qu’il est, dans la présente cause, à relever ou démontrer que les défendeurs ont été régulièrement assignés ou du moins appelés lors de la prise de l’ordonnance ; qu’il suit que c’est à bon droit que la Cour d’appel a infirmé l’ordonnance et qu’en conséquence le moyen mérite rejet car non fondé ;
Sur le deuxième moyen pris de la violation de l’article 545 du code civil ;
Attendu que par ce moyen, il est reproché à l’arrêt que, pour ordonner la réintégration des défendeurs au pourvoi, les juges d’appel ont estimé que le jugement n°686/00 du 26 mai 2000 confirmant le droit de propriété au demandeur au pourvoi ayant fait l’objet de rétractation suivant le jugement n°898/04 du 14 mai 2004 contre lequel le demandeur au pourvoi a, par ailleurs, relevé appel, il ne pouvait valablement obtenir en référé l’expulsion de ses contradicteurs surtout qu’il ne rapporte pas la preuve que la Cour d’appel s’est prononcée sur le mérite de son appel, or, selon le moyen, le droit de propriété du demandeur au pourvoi a été reconnu sur l’immeuble par jugement et arrêt confirmatif, il ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité comme le prescrivent les dispositions de l’article 545 du code civil français, et qu’en conséquence ayant statué comme ils l’ont fait, les juges d’appel ont violé le texte visé au moyen ;
Mais attendu que la Cour d’appel dans la décision critiquée a relevé que l’ordonnance de référé a été obtenue alors que les contradicteurs n’avaient pas été régulièrement assignés ou appelés et qu’aussi sans attendre la décision de la Cour d’appel relativement à la question de droit de propriété (question de droit de propriété non encore tranchée), c’est sans titre de propriété que le demandeur au pourvoi a expulsé les défendeurs au pourvoi ; que mieux, pour prononcer la réintégration des défendeurs au pourvoi dans les lieux, elle s’est appuyée sur la mauvaise exécution de l’ordonnance, exécution qui est allée au-delà de ce qui y était prescrit et non sur le droit de propriété ;
Qu’il suit que la Cour n’ayant pas discuté du droit de propriété, le moyen pris de la violation de l’article 545 du code civil n’est pas fondé ;
D’où il suit que le moyen doit être rejeté ;
Sur le troisième moyen tiré de la violation de l’alinéa 2 de l’article 41 du code de procédure civile ;
Attendu que le demandeur au pourvoi reproche aux juges d’appel de s’être appuyés sur le procès-verbal dressé unilatéralement le 13 août 2010 soit dix (10) mois après l’expulsion au lieu du procès-verbal de constat en date du 02 novembre 2009 pour conclure à une mauvaise exécution de l’ordonnance violant ainsi l’article 41 en son alinéa 2 suivant lequel « parmi les éléments du débat, le juge peut prendre en considération même les faits que les parties n’auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions » ;
Attendu qu’aux termes de l’alinéa 1 de l’article 41 du code de procédure civile, « il est défendu au juge de fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat » et qu’à ceux de l’alinéa 2, « parmi les éléments du débat, le juge peut prendre en considération même les faits que les parties n’auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions » ;
Mais attendu qu’il s’agit de faits ayant un lien étroit à la cause, en tout cas pas étrangers, or, en l’espèce, s’il est vrai que le procès-verbal sur lequel s’est appuyée la Cour est intervenu plus tard, il est aussi constant qu’il a été établi dans le cadre de la même procédure, dans tous les cas pas dans une procédure étrangère ; qu’il suit que contrairement à la position du demandeur au pourvoi, les juges de la Cour d’appel en décidant comme ils l’ont fait n’ont en rien violé le texte visé au moyen ;
D’où il suit que le moyen doit être rejeté ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement, en matière civile et en état de cassation ;
EN LA FORME
Reçoit le pourvoi ;
AU FOND
Le rejette, les trois (03) moyens n’étant pas fondés ;
Ordonne la confiscation de la taxe de pourvoi ;
Condamne le demandeur au pourvoi aux dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision critiquée ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi dix-neuf novembre deux mille quinze et à laquelle siégeaient :
Monsieur Koffi Agbenyo BASSAH, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ;
Messieurs Koffi KODA, Essozinam ADI-KPAKPABIA, Badjona SAMTA et Gbèboumey EDORH, tous quatre, conseillers à ladite chambre, MEMBRES ;
En présence de monsieur Aa Z, troisième avocat général près la Cour suprême ;
Et avec l’assistance de maître Sassougan AGBEMADON-SEKPLA, greffier à la Cour suprême, greffier ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier./.