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COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE
ARRET N°041/16 DU 21 AVRIL 2016
Audience publique ordinaire du jeudi 21 avril 2016
Pourvoi : n°115/RS/12 du 25 juin 2012
Affaire Y X Aa
A (Maître Tchessa ABI)
contre
Banque Togolaise de Développement (BTD) S.A.
(Maîtres ATTOH-MENSAH et DUSI)
Ne viole pas l’article 9 de l’ordonnance n°78-35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire, la Cour d’appel qui, pour retenir la responsabilité contractuelle du demandeur au pourvoi et le condamner au paiement de dommages et intérêts conformément à l’article 1147 du code civil, a retenu que celui-ci n’a rapporté aucune preuve de ses allégations tel que le requiert l’article 43 du code de procédure civile, alors que les pièces versées aux débats établissent qu’il a primordialement manqué d’exécuter de bonne foi son obligation.
A l’audience publique ordinaire de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de la Cour à Lomé, le vingt et un avril deux mille seize, est intervenu l’arrêt suivant :
Etaient présents :
Messieurs
BASSAH
PRESIDENT
KODA
EDORH
MEMBRES
B
Z
AG
M. P.
Et Maître
ADDI
GREFFIER
LA COUR
Sur le rapport de monsieur Kuma LOXOGA, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;
Vu l’arrêt n°268/11 du 29 décembre 2011, rendu en matière civile par la Cour d’appel de Lomé ;
Vu la requête à fin de pourvoi de maître Tchessa ABI, conseil du demandeur au pourvoi ;
Vu le mémoire en réponse de maître Yawo DUSI, conseil de la défenderesse au pourvoi ;
Vu les conclusions écrites de madame le premier avocat général près la Cour suprême ;
Vu les autres pièces de la procédure ;
Vu la loi organique n°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;
Ouï le conseiller Kuma LOXOGA en son rapport ;
Nul pour maître Tchessa ABI, absent et non représenté, conseil du demandeur au pourvoi ;
Ouï maître Yawo DUSI, conseil de la défenderesse au pourvoi ;
Ouï maître SODJI Ahlimba, conseil de la défenderesse au pourvoi ;
Le Ministère public entendu ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant en matière civile sur le pourvoi formé le 25 juin 2012 par maître Tchessa ABI, avocat à la Cour à Lomé, agissant au nom et pour le compte du sieur X Aa, demeurant et domicilié à Lomé, contre l’arrêt n°268/11 rendu le 29 décembre 2011 par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé qui a infirmé en toutes ses dispositions, le jugement n°1078/08 du 11 avril 2008 rendu par le tribunal de première instance de Lomé, lequel avait dit que la rupture, par la Banque Togolaise de Développement (BTD) de la convention d’ouverture de crédit en date du 05 novembre 1992, est fautive et l’avait condamnée au paiement de diverses sommes d’argent dont le montant total est de 15.526.528 FCFA, au profit du sieur X Aa.
EN LA FORME
Attendu que tous les actes de la procédure ayant été faits et produits dans les forme et délai de la loi, il suit que le pourvoi est recevable ;
AU FOND
Attendu que des énonciations de l’arrêt infirmatif attaqué et d’autres éléments du dossier, il ressort que par convention d’ouverture de crédit en date du 05 novembre 1992, le sieur X Aa a obtenu de la Banque Togolaise de Développement, un crédit d’un montant de 5.200.000 FCFA pour l’acquisition d’une maison d’habitation dont la valeur est estimée à 4.800.000 FCFA, remboursable en 120 mensualités (10 ans) à raison de 87.482 FCFA par mois par prélèvement successifs sur son salaire, et portant taux d’intérêts de 16,50 % par an ; que sur une première tranche d’un montant de 4.309.220 FCFA débloqué par la banque, suivant les conditions qu’il a acceptées par engagement en date du 13 octobre 1992, et versé sur son compte le 13 novembre 1992, le sieur X Aa a tiré des chèques successifs de 1.297.000 FCFA le même jour, 119.000 FCFA le 02 juin 1993 et 10.000 FCFA le 29 juin 1993 ; que, suite à ces décaissements, la banque qui a constaté que les sommes encaissées ont été utilisées à d’autres fins en lieu et place de l’acquisition de la maison, et a découvert que le sieur X Aa a émis trois ordres de virement à son insu, a décidé de suspendre purement et simplement la convention de crédit en retirant sur le compte de son client, le reste des fonds débloqués ; que, tirant argument de ce que cette suspension « brutale » de la convention de crédit par la BTD l’a empêché d’acquérir l’immeuble alors que ladite banque a opéré des prélèvements injustifiés sur son compte, le sieur X Aa a, suivant exploit en date du 10 juillet 2002, attrait la BTD par-devant le tribunal de première instance de Lomé, pour s’entendre, entre autres, dire et juger que la rupture de la convention de crédit en date du 05 novembre 1992 est fautive et condamner, en conséquence, la BTD a lui payer la somme de 20.000.000 FCFA à titre de dommages-intérêts et celle de 3.569.200 FCFA pour prélèvements injustifiés opérés sur son compte, majorée des intérêts de droit qui s’élèvent à 3.533.508 FCFA ;
Que, par jugement n°1073/08 du 11 avril 2008, le tribunal de première instance de Lomé, statuant par défaut à l’égard de la BTD, a déclaré fautive, la rupture de la convention de crédit querellée et a condamné ladite banque à payer au sieur X Aa la somme de 10.000.000 FCFA à titre de dommages-intérêts et de celle de 2.777.150 FCFA pour prélèvements injustifiés sur son compte, majorée des intérêts de droit s’élevant à 2.749.378 FCFA, soit au total la somme de 15.526.528 FCFA ;
Que suivant l’arrêt dont pourvoi, la Cour d’appel de Lomé, statuant sur les mérites de l’appel relevé dudit jugement, a infirmé, en toutes ses dispositions, la décision du premier juge et a dit et jugé que les demandes du sieur X Aa ne sont pas fondées et l’en a débouté, tout en rejetant la demande reconventionnelle de la BTD non fondée ;
Sur le premier moyen
Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt déféré de ce que, pour déclarer son action non fondée et la rejeter, la Cour d’appel de Lomé a estimé que c’est lui qui, le premier, n’a pas respecté les termes de la convention le liant à la BTD, sous prétexte qu’il aurait détourné une partie de la première tranche d’un montant de 4.309.220 FCFA n’a jamais été décaissée par la division des opérations bancaires et qu’en statuant comme elle l’a fait sans procéder à une recherche des faits qui, seule, devrait lui permettre de vérifier la véracité des arguments de la défenderesse au pourvoi, la Cour d’appel de Lomé a entaché sa décision du grief de défaut de réponse à conclusions consécutif de la violation de l’article 9 de l’ordonnance n°78-35 du 07 septembre 1978 portant organisation judiciaire ;
Mais attendu que conformément aux dispositions de l’article 43 du code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au soutien de sa prétention » ;
Attendu qu’il ressort de l’arrêt infirmatif attaqué qu’en réponse aux conclusions de la BTD, le demandeur au pourvoi avait « sollicité qu’il plaise à la Cour confirmer le jugement en toutes ses dispositions puisque la rupture de la convention de crédit est due à la seule défaillance de la BTD qui n’a pas exécuté sa part d’obligation que la convention a mise à sa charge ; qu’en effet, le prêt sollicité par le sieur X était destiné à l’achat d’une maison d’habitation ; que l’appelante, au lieu de mettre tous les fonds à la disposition de l’intimé, n’a cru devoir débloquer que la somme de 4.700.000 FCFA seulement, ce qui est nettement inférieur au prix de vente de la maison ; que pourtant, l’intimé a rempli toutes les formalités, notamment l’hypothèque prise sur la maison à acheter et les intérêts à échoir ; que dès lors, la mauvaise foi de la banque ne fait pas de doute… »
Attendu que de ces prétentions émises par le demandeur au pourvoi devant le juge d’appel, il ressort que celui-ci, non seulement n’a rapporté la moindre preuve au soutien de ses allégations, mais aussi n’a formulé expressément aucun moyen véritable tendant à procéder à une quelconque recherche de fait en vue de vérifier la véracité des prétentions des parties et auquel la Cour d’appel n’aurait pas répondu, ces allégations étant de simples affirmations ou de simples arguments auxquels s’oppose un moyen formulant une demande explicite ;
Qu’il s’ensuit que les juges d’appel n’ont nullement violé l’article 9 de l’ordonnance n°78-35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire ; qu’ainsi, le premier moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Sur le second moyen
Attendu que le demandeur au pourvoi reproche à l’arrêt entrepris d’avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts au motif qu’il n’aurait pas exécuté son obligation de bonne foi, alors qu’il est constant que c’est la défenderesse au pourvoi qui s’est refusée à décaisser à son profit la totalité de la première tranche du crédit pourtant acceptée, violant ainsi les dispositions de l’article 1147 du code civil ;
Mais attendu que la condamnation à des dommages-intérêts n’est que la conséquence qui résulte directement de l’inexécution de bonne foi par le débiteur de sa part d’obligation ;
Attendu qu’il est constant, eu égard aux développements précédents que le demandeur au pourvoi n’a, conformément aux dispositions de l’article 43 du code de procédure civile, avancé la moindre preuve pour corroborer ses prétentions et allégations ; que, se fondant sur les pièces versées aux débats, les juges d’appel ont conclu qu’il n’a pas exécuté son obligation de bonne foi en ce que c’est lui, le premier, qui n’a pas respecté les termes de la convention et la non acquisition de l’immeuble promis lui est totalement imputable, ses arguments selon lesquels la banque devait débloquer la totalité du crédit en une tranche ne pouvant prospérer, la convention liant les parties ayant prévu le déblocage en deux tranches ;
Attendu que dès lors que les juges d’appel ont retenu sa responsabilité dans la rupture de la convention en cause, c’est en vain que le demandeur au pourvoi se plaint de la violation de l’article 1147 du code civil, ces derniers ayant fait une saine application dudit texte en rejetant sa demande de dommages-intérêts ;
Qu’il convient donc de rejeter également le second moyen comme non fondé ;
Attendu, en tout état de cause, que le pourvoi n’est pas fondé en aucun de ses deux moyens ; qu’il y a lieu de le rejeter ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement en matière civile et en état de cassation ;
EN LA FORME
Reçoit le pourvoi ;
AU FOND
Le rejette comme non fondé ;
Prononce en conséquence la confiscation de la taxe de pourvoi ;
Condamne le demandeur au pourvoi aux dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision critiquée ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi 21 juillet 2016 et à laquelle siégeaient :
Monsieur BASSAH Koffi Agbenyo, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ;
Messieurs Koffi KODA, Emmanuel Gbèboumey EDORH, DEGBOVI Koffi et LOXOGA Kuma, tous quatre, conseillers à ladite chambre, MEMBRES ;
En présence de monsieur Ab AG, deuxième avocat général près la Cour suprême ;
Et avec l’assistance de maître ADDI Kokou Lakpaye, greffier à ladite chambre, GREFFIER ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier./.