COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE
ARRET N°046/16 DU 19 MAI 2016
Audience publique ordinaire du jeudi 19 mai 2016
Pourvoi : N°93/RS/13 du 24 mai 2013
Affaire : Collectivité HOLO AVLA représentée par VIZA Aa Ai
contre
Collectivité X représentée par Af C et autres
Collectivité Ae représentée par Ae Ab
La Cour suprême n’est pas compétente pour censurer l’appréciation faite par les juges du fond sur la valeur probante d'un moyen de preuve évoqué par une partie au procès.
.
A l’audience publique ordinaire de la chambre judiciaire de la Cour suprême du Togo, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi dix-neuf mai deux mille seize, est intervenu l’arrêt suivant :
Etaient présents :
Messieurs
BASSAH
PRESIDENT
SAMTA
EDORH
MEMBRES
A
B
Z
M. P.
Et Maître
AGBEMADON
GREFFIER
LA COUR
Sur le rapport de monsieur Koffi DEGBOVI, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;
Vu l’arrêt n°42/13 rendu le 26 février 2013 par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé ;
Vu la requête à fin de pourvoi de maître AKPOSSOGNA, conseil de la demanderesse au pourvoi ;
Vu le mémoire en réponse de maîtres EKON et SOEDJEDE, conseils des défenderesses au pourvoi ;
Vu les conclusions écrites de monsieur le procureur général près la Cour suprême ;
Vu les autres pièces de la procédure ;
Vu la loi organique n°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;
Ouï le conseiller DEGBOVI en son rapport ;
Nul pour maître AKPOSSOGNA, absent et non représenté, conseil de la demanderesse au pourvoi ;
Ouï maître EKON, conseil de la défenderesse Ae au pourvoi ;
Nul pour maître SOEDJEDE, absent et non représenté, conseil de la défenderesse GBENYEDJI au pourvoi ;
Le Ministère public entendu ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant en matière civile sur le pourvoi formé le 24 mai 2013 par maître AKPOSSOGNA, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la collectivité HOLO-AVLA, contre l’arrêt n°42/13 rendu le 26 février 2013 par la Cour d’appel de Lomé dans le différend qui oppose sa cliente aux collectivités GBENYEDJI et Ae, ayant respectivement pour conseils, maîtres Galolo SOEDJEDE et Dossè EKON, avocats à la Cour, lequel arrêt a infirmé le jugement n°1044/09 du tribunal de première instance de Lomé en date du 09 avril 2009 qui a, entre autres dispositions, confirmé le droit de propriété des collectivités HOLO-AVLA et GBENYEDJI sur un domaine immobilier sis à Agoè-nyivé, au lieudit Ad Ah Ag, d’une contenance de 84ha 97a 17ca, ordonné le partage en deux parts égales dudit domaine entre les collectivités HOLO-AVLA et GBENYEDJI en se basant sur l’équité, déboutant ainsi de toutes ses prétentions la collectivité Ae, et a, enfin, commis le géomètre Y Aa aux fins d’exécution du partage, statuant à nouveau, a annulé la procuration notariée en date du 20 avril 2007 délivrée au sieur VIZA Aa Ai, et déclaré par conséquent la collectivité HOLO-AVLA irrecevable en son action pour défaut de qualité ;
EN LA FORME
Attendu qu’il ressort des éléments du dossier que le pourvoi a été fait dans les forme et délai de la loi ; qu’il y a lieu de le déclarer formellement recevable ;
Attendu toutefois que le mémoire ampliatif déposé par la demanderesse au pourvoi le 17 septembre 2014, soit plus d’une année après le pourvoi, viole les dispositions de l’article 227 du code de procédure civile qui prescrit un délai de 15 jours à compter du dépôt de la requête de pourvoi, qu’il y a lieu de l’écarter des débats sans que cette mesure soit susceptible de porter atteinte au pourvoi ;
AU FOND
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les éléments du dossier, qu’un litige oppose la collectivité HOLO-AVLA aux collectivité Ae et GBENYEDJI sur un domaine immobilier sis à Agoè-nyivé, au lieudit Ad Ah Ag, d’une contenance de 84ha 97a 17ca que prétendant en être la propriétaire exclusive par voie d’héritage, elle a attrait les deux collectivités susnommés par-devant le tribunal de première instance de Lomé, par exploit d’huissier de justice en date du 22 janvier 2008, pour voir confirmer son droit de propriété et expulser ces dernières des lieux ; que ses deux adversaires prétendaient elles aussi en être propriétaire par voie d’héritage ; que par jugement n°1044/09 en date du 10 avril 2009, le tribunal de Lomé a confirmé le droit de propriété des collectivités HOLO-AVLA et GBENYEDJI sur l’ensemble du domaine litigieux et ordonné son partage en deux parts égales entre lesdites collectivités, excluant ainsi la collectivité Ae ; que la collectivité Ae a relevé appel dudit jugement devant la Cour d’appel de Lomé en revendiquant une superficie de 39ha 54a 67ca ; que la collectivité GBENYEDJI a également interjeté appel dudit jugement pour voir annuler la procuration du sieur VIZA Aa Ai et voir déclarer irrecevable son action ; que par arrêt n°42/13 du 262 février 2013, la Cour d’appel de Lomé a annulé la procuration notariée en date du 20 avril 2007 et déclarée la collectivité HOLO-AVLA irrecevable en son action pour défaut de qualité ;
Sur le moyen unique tiré du défaut de base légale
Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, en application des dispositions de l’article 22 du code de procédure civile, considéré qu’il y a vice de fond dès lors que la procuration notariée donnée au sieur VIZA Aa Ai pour représenter la collectivité HOLO-AVLA en justice comporte plus de signatures (85 signatures) que de mandats comparants (39 comparants) et d’avoir dit que l’argument du tribunal de première instance de Lomé aux termes duquel la preuve n’est pas rapportée que les 39 mandats n’ont pas signé l’acte n’est pas fondé dans la mesure où il n’est même pas possible d’attribuer la paternité des signatures ou de les rattacher au moins aux mandats comparants ; qu’elle estime que l’arrêt n°42/13 de la Cour d’appel de Lomé en date du 26 février 2013 mérite la cassation ; qu’elle soutient que la contestation de l’acte est synonyme de contestation de la qualité de la personne l’ayant délivré et que la signature de l’acte par le notaire emporte validité dudit acte ; qu’un mandant peut signer autant de fois que de pages et que le nombre de signatures apposées sur l’acte ne devrait pas être assimilé au nombre de mandants ; que d’ailleurs les mandants ne nient pas avoir donné procuration au sieur VIZA Aa Ai ; que l’expédition de l’acte comportant la signature du notaire est valable selon les usages ; qu’ainsi l’application de l’article 22 susvisé n’est pas requise dans le cas d’espèce ;
Mais attendu que c’est à tort qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de manquer de base légale ;
Attendu, en effet, qu’aux termes des dispositions de l’article 22 du code de procédure civile, le défaut de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice constitue une irrégularité de fond affectant la validité des actes qu’il pose ; que la validité du mandat par la collectivité HOLO-AVLA au sieur VIZA Aa Ai conditionne la recevabilité de l’action de ladite collectivité ;
Attendu que pour annuler la procuration notariée et le jugement du tribunal de première instance de Lomé en date du 10 avril 2009 et déclarer irrecevable l’action de la collectivité HOLO-AVLA pour défaut de qualité de son représentant, l’arrêt critiqué a retenu que le premier juge a violé les dispositions de l’article 22 du code de procédure civile déclarant l’action recevable ;
Attendu qu’en l’espèce, l’acte qui doit être examiné à l’aune de l’article 22 susvisé est l’exploit d’assignation de la collectivité HOLO-AVLA en date du 22 janvier 2008 ; que l’irrégularité de fond alléguée est le défaut de pouvoir du sieur VIZA Aa Ai ; que la question qui se pose est de savoir si la procuration faite par-devant notaire le 20 avril 2007 est un acte pouvant valablement attribuer au sieur VIZA Aa Ai un pouvoir pour représenter ladite collectivité en justice ;
Attendu qu’il convient de scinder le moyen en deux branches ;
Sur la première branche du moyen
Attendu qu’il est fait grief à la procuration de comporter 85 signatures et empreintes pour 39 mandants, ce que les juges d’appel ont qualifié d’irrégularité « monstrueuse et flagrante » ; qu’en réalité, il revient aux juges du fond d’apprécier souverainement la valeur probante d’un moyen de preuve dont fait état l’une des parties au procès ; qu’ils peuvent, à cet égard, admettre un moyen de preuve ou le rejeter sans que leur décision puisse être censurée par la Cour de céans qui en est tenue en vertu de l’article 219 alinéa 2 du code de procédure civile qui dispose que : « la Cour suprême est tenue par les points de fait jugés par la juridiction de dernier ressort » ; qu’ainsi, c’est à bon droit que la Cour d’appel de Lomé a considéré que la procuration donnée au sieur VIZA Aa Ai, telle qu’établie par le notaire, est dénuée de toute valeur probante ; qu’ainsi, cette branche n’est pas fondée ;
Sur la seconde branche du moyen
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir relevé à l’encontre de la procuration incriminée, l’impossibilité d’attribuer les signatures ou empreintes à leurs auteurs respectifs, du moment où, selon l’arrêt attaqué, lesdites signatures et empreintes sont apposées pêle-mêle en bas de l’acte et non à côté des comparants ; que le grief fait audit arrêt de ce chef est également non fondé en raison du pouvoir souverain d’appréciation reconnu par la loi aux juges du fond pour ce qui est de l’appréciation des faits ; que par ailleurs, compte tenu de la nature grossière de l’irrégularité relevée de la procuration notariée, la production de l’expédition de la même procuration ne saurait constituer une régularisation au sens de l’article 26 du code de procédure civile qui dispose que : dans le cas où elle est susceptible d’être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue » ; qu’il s’ensuit que la seconde branche du moyen n’est pas fondée ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement en matière civile et en état de cassation ;
EN LA FORME
Reçoit le pourvoi ;
AU FOND
Le rejette ;
Prononce la confiscation de la taxe de pourvoi ;
Condamne la demanderesse au pourvoi aux dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision critiquée ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi dix-neuf mai deux mille seize, à laquelle siégeaient :
Monsieur Koffi Agbenyo BASSAH, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ;
Messieurs Badjona SAMTA, Gbèboumey EDORH, Koffi DEGBOVI et Koffi BLAMCK, tous quatre, conseillers à ladite chambre, MEMBRES ;
En présence de monsieur Ac Z, troisième avocat général près la Cour suprême ;
Et avec l’assistance de maître Sassougan AGBEMADON-SEKPLA, greffier à la Cour suprême, GREFFIER ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier./.