COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE
ARRET N°055/16 DU 19 MAI 2016
Audience publique ordinaire du jeudi 19 mai 2016
Pourvoi : n°42/RS/13 du 28 février 2013
Affaire : Héritiers de feu B Aa Ae
contre
Y Ac
Viole les articles 2268 et 2269 du code civil, par inversion de la charge de la preuve, l’arrêt qui défend à l’acheteur d’un bien immobilier, demandeur au pourvoi, d’opposer sa bonne foi à son vendeur dès lors que le défendeur n’a rapporté aucune preuve sur la mauvaise foi de son acquéreur.
A l’audience publique ordinaire de la chambre judiciaire de la Cour suprême du Togo, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi dix-neuf mai deux mille seize, est intervenu l’arrêt suivant :
Etaient présents :
Messieurs
ABDOULAYE
PRESIDENT
SAMTA
EDORH
MEMBRES
A
X
C
M. P.
Et Maître
AGBEMADON
GREFFIER
LA COUR
Sur le rapport de monsieur Koffi BLAMCK, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;
Vu l’arrêt n°212/12 rendu le 28 août 2012 par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé ;
Vu la requête à fin de pourvoi de maître Ahlin KOMLAN, conseil des demandeurs au pourvoi ;
Vu le mémoire en réponse de maître Mawuvi MOUKE, conseil du défendeur au pourvoi ;
Vu les conclusions écrites de monsieur le deuxième avocat général près la Cour suprême ;
Vu les autres pièces de la procédure ;
Vu la loi organique n°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;
Ouï le conseiller SAMTA en son rapport ;
Ouï maître Ahlin KOMLAN, conseil des demandeurs au pourvoi ;
Nul pour maître MOUKE, conseil du défendeur au pourvoi ;
Le Ministère public entendu ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant en matière civile et en état de cassation sur le pourvoi formé le 28 février 2013 par maître Ahlin KOMLAN, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte des héritiers de feu Aa Ae B, contre l’arrêt n°212/12 rendu le 28 août 2012 par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé, lequel a confirmé le jugement n°010/08 rendu le 11 janvier 2008 en ce qu’il a annulé la vente intervenue entre feu Y Ab Af et B Aa Ae et, se prononçant sur le droit de propriété, a confirmé le droit de propriété de Y Ac sur l’immeuble litigieux ;
EN LA FORME
Attendu que le défendeur au pourvoi a conclu à l’irrecevabilité du pourvoi pour être intervenu le 28 février 2013 alors que le 04 février 2013, le greffier en chef de la Cour suprême lui avait délivré un certificat de non pourvoi dans l’affaire ;
Attendu que le certificat de non pourvoi dont il s’agit a été fait au vu d’un exploit de signification en date du 12 novembre 2012 et que l’arrêt querellé a été signifié le 06 mars 2012 aux demandeurs au pourvoi soit une dizaine de jours après que ceux-ci ont signifié la décision critiquée au défendeur ; que si le défendeur au pourvoi avait régulièrement signifié l’arrêt le 19 novembre 2012, l’on ne voit pas pour quelle raison il s’est vu obligé de « resignifier », le 06 mars 2013 après avoir été lui-même signifié le 26 février 2013 ;
Attendu que de ce qui précède, il se dégage que les significations faites par le défendeur au pourvoi sont irrégulières ;
Attendu que de l’interprétation combinée des articles 143, 166 et 222 du code de procédure civile, le pourvoi formé le 28 février 2013 est, en la forme, recevable ;
AU FOND
Sur le premier moyen
Vu les articles 2268 et 2269 du code civil ;
Attendu qu’aux termes de l’article 2268 du code civil ; « la bonne foi est toujours présumée et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver » et suivant l’article 2269 du même code, « il suffit que la bonne foi ait existé au moment de l’acquisition » ;
Attendu que la Cour d’appel a soutenu « qu’il appartenait à l’acheteur de bien vérifier si son vendeur était le véritable propriétaire de la parcelle, objet de la transaction ; que ne l’ayant pas fait, il a fait preuve de légèreté blâmable qui l’empêche d’opposer sa bonne foi à l’intimé » ;
Attendu qu’en ayant statué comme elle l’a fait alors que l’intimé (défendeur au pourvoi) n’a pas rapporté la preuve de la mauvaise foi des demandeurs au pourvoi encore que ceux-ci ont, dans leurs conclusions devant elle, soutenu leur bonne foi, la Cour d’appel, en se mettant dans la démarche de l’inversion de la preuve, a violé les textes visés au moyen ;
D’où il suit que le moyen est fondé ;
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le second moyen ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement en matière civile et en état de cassation ;
EN LA FORME
Reçoit le pourvoi ;
AU FOND
Casse et annule l’arrêt n°212/12 rendu le 28 août 2012 par la Cour d’appel de Lomé ;
Renvoie cause et parties devant la même Cour autrement composée pour être statué conformément à la loi ;
Ordonne la restitution de la taxe de pourvoi ;
Condamne le défendeur au pourvoi aux dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt soit portée en marge ou au pied de la décision critiquée ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi dix-neuf mai deux mille seize et à laquelle siégeaient :
Monsieur Yaya Bawa ABDOULAYE, président de la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ;
Messieurs Badjona SAMTA, Gbèboumey EDORH, Koffi DEGBOVI et Kuma LOXOGA, tous quatre, conseillers à ladite chambre, MEMBRES ;
En présence de monsieur Ad C, troisième avocat général près la Cour suprême ;
Et avec l’assistance de maître Sassougan AGBEMADON-SEKPLA, greffier à la Cour suprême, GREFFIER ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier./.