COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE
ARRET N°057/16 DU 19 MAI 2016
Audience publique ordinaire du jeudi 19 mai 2016
Pourvoi : n°70/RS/11 du 23 mai 2011
Affaire : X Ab et quatre-vingt-treize (93) autres
contre
Société LAAICO-TOGO
(Hôtel 2 février)
Etat Togolais
Ne viole pas le principe de l’effet relatif des conventions posé par l’article 1165 du code civil, la Cour d’appel qui, après avoir relevé qu’un accord de reprise de personnel avait été conclu entre l’Etat togolais et la LAAICO-TOGO, a déclaré que cet engagement n’est pas susceptible d’entraîner la responsabilité de la LAAICO-TOGO vis-à-vis des employés licenciés par l’Etat Togolais et l’a mis hors de cause.
A l’audience publique ordinaire de la chambre judiciaire de la Cour suprême du Togo, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi dix-neuf mai deux mille seize, est intervenu l’arrêt suivant :
Etaient présents :
Messieurs
BASSAH
PRESIDENT
KODA
SAMTA
MEMBRES
B
A
C
M. P.
Et Maître
AGBEMADON
GREFFIER
LA COUR
Sur le rapport de monsieur Koffi DEGBOVI, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;
Vu l’arrêt n°023/11 rendu le 7 avril 2011 par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé ;
Vu la requête à fin de pourvoi de maître Edem KOUEVI, conseil des demandeurs au pourvoi ;
Vu les mémoires en réponse de la SCP AQUEREBURU and PARTNERS et de maître TCHALIM, conseils des défendeurs au pourvoi ;
Vu les conclusions écrites de monsieur le deuxième avocat général près la Cour suprême ;
Vu les autres pièces de la procédure ;
Vu la loi organique n°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;
Ouï le conseiller DEGBOVI en son rapport ;
Nul pour maître KOUEVI, conseil des demandeurs au pourvoi absent et non représenté ;
Ouï maître ESSOWA de la SCP AQUEREBURU and PARTNERS, conseil des défendeurs au pourvoi ;
Le Ministère public entendu ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant en matière sociale sur le pourvoi formé le 23 mai 2011 par maître Edem Akouètè KOUEVI, avocat au barreau du TOGO, agissant au nom et pour le compte de dame X Ab et quatre-vingt-treize (93) autres ex-employés de l’hôtel 2 février, contre l’arrêt n°023/11 rendu le 07 avril 2011 par la chambre sociale de la Cour d’appel de Lomé dans un différend qui oppose ses clients à la société LAAICO-TOGO ainsi qu’à l’Etat Togolais, ayant respectivement pour conseils la SCP AQUEREBURU and PARTNERS et maître Tchitchao TCHALIM, avocat au barreau du TOGO, lequel arrêt a infirmé le jugement n°172/2009 rendu le 13 octobre 2009 par le tribunal du travail de Lomé en ce qu’il a déclaré irrégulier et abusif le licenciement collectif des ex-employés de l’hôtel 2 février, condamné LAAICO-TOGO à leur payer, à titre de réparation, diverses sommes d’argent, ordonné à ladite société de leur délivrer un certificat de travail et lui a enjoint de reverser à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale leurs cotisations sociales et patronales et enfin ordonné l’exécution provisoire à hauteur de 75%, et statuant à nouveau, a mis hors de cause la société LAAICO-TOGO, dit que les ex-employés de l’hôtel 2 février ne rapportent pas la preuve du caractère abusif de la rupture de leurs contrats de travail et les a, en conséquence, déboutés de leurs demandes, et enfin confirmé le jugement sur tous les points non contraires ;
EN LA FORME
Attendu que pour être recevable un pourvoi doit, conformément aux dispositions combinées des articles 219 et 224 du code de procédure civile, être présenté sous la forme d’une requête dûment signée et motivée, comportant les moyens et indiquant la règle de droit ou de procédure que l’on prétend avoir été violée par la décision attaquée ;
Attendu que pour soulever l’irrecevabilité du pourvoi, la société LAAICO-TOGO prétend que la requête de pourvoi ne mentionne pas le texte prétendument violé et n’est pas motivée comme le prescrivent les textes susvisées ; qu’elle relève en outre que le mémoire ampliatif comporte quatre moyens au lieu de deux et ne porte ni signature ni cachet ;
Mais attendu que c’est à tort qu’il est prétendu que la requête de pourvoi est irrégulière ; qu’en effet, elle comporte deux moyens sommairement développés, s’appuyant sur un texte de loi, l’article 219 du code de procédure civile ; et sur un principe de droit tiré de l’article 1165 du code civil ; qu’il est donc conforme aux exigences des articles 219 et 224 visés au moyen ; qu’il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité ;
Attendu, par ailleurs, que s’agissant du mémoire ampliatif des demandeurs, il doit être écarté des débats pour non-conformité avec les moyens du pourvoi, sans que cette exclusion puisse porter atteinte à la validité de la requête du pourvoi ;
AU FOND
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les éléments du dossier, que les nommés X Ab et quatre-vingt-treize (93) autres, tous ex-employés de l’hôtel 2 février, ont fait l’objet d’un licenciement suivant lettres datées du 13 juin 2006 émanant du ministre togolais du tourisme et des loisirs, en sa qualité d’administrateur provisoire dudit hôtel, et leurs droits légaux ont été fixés et liquidés à l’issue d’une négociation menée conjointement par l’employeur et les employés ; que lesdits employés ont par la suite attrait par-devant le tribunal du travail de Lomé, l’hôtel 2 février devenu la société « Lybian Arab Africain Investment Company (LAAICO-TOGO), qui a été cessionnaire de l’entreprise par accord de cession en date du 09 mars 2006, pour s’entendre condamner cette dernière au paiement à leur profit de dommages-intérêts, des reliquats des indemnités de licenciements, des indemnités compensatrices de salaires pour les délégués du personnel, au reversement à la CNSS des cotisations salariales et patronales, à la délivrance de certificats de travail tenant compte des anciennetés réelles dans l’entreprise ; que par jugement n°172/2009 du 13 octobre 2009, le tribunal du travail a donné gain de cause aux demandeurs et condamné la société LAAICO-TOGO à leur payer diverses sommes d’argent et à régulariser leur situation du point de vue administratif et social ; que la Cour d’appel de Lomé, saisie de l’appel formé par la société LAAICO-TOGO a, par arrêt n°023/11 du 07 avril 2011, infirmé ledit jugement en ce qu’il a déclaré irrégulier et abusif le licenciement en cause, mis hors de cause la société LAAICO-TOGO, dit que les nommés X Ab et consorts ne rapportent pas la preuve du caractère abusif de la rupture de leur contrat de travail et les a déboutés de toutes leurs demandes ;
Attendu que le pourvoi formé contre ledit arrêt est articulé autour de deux moyens ;
Sur le premier moyen tiré de la violation du principe juridique selon lequel les conventions n’engagent que les signataires
Attendu que les demandeurs au pourvoi font grief à l’arrêt attaqué d’avoir évoqué l’accord liant l’Etat togolais à la société LAAICO, selon lequel cette dernière reprendrait le personnel après achèvement des travaux de réhabilitation de l’hôtel et d’avoir conclu que la société LAAICO –TOGO ne saurait être tenue pour responsable des retards observés dans la mise en application dudit accord ; qu’ils estiment être des tiers vis-à-vis de cet accord et soutiennent qu’en motivant ainsi sa décision, la Cour d’appel de Lomé a méconnu le principe de droit susvisé, posé par l’article 1165 du code civil français applicable au Togo, ou en a fait une interprétation erronée emportant violation de l’article 219 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’en déclarant dans son arrêt que la responsabilité de LAAICO-TOGO doit s’apprécier au regard des clauses de l’accord de cession du 09 mars 2006 liant l’Etat Togolais à ladite société, la Cour d’appel de Lomé n’a pas entendu lier les demandeurs par ledit accord mais, au contraire, elle a voulu mettre en exergue les engagements pris par LAAICO-TOGO vis-à-vis de l’Etat Togolais, lesquels ne sont pas susceptibles d’entraîner sa responsabilité vis-à-vis des employés licenciés par l’Etat togolais ; que la mise hors de cause de LAAICO-TOGO est la confirmation par ladite Cour du principe de l’effet relatif en ces termes : « les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes » ; qu’en statuant comme il l’a fait, l’arrêt attaqué n’a nullement violé le texte et le principe de droit visés au moyen ;
Sur le second moyen tiré de motif équivalent au défaut de motif
Attendu que les demandeurs au pourvoi font grief à l’arrêt attaqué d’avoir estimé qu’en application des dispositions de l’article 15 de l’ordonnance n°94-002/PR du 10 juin 1994, les contrats des ex-employés de l’hôtel 2 février n’étaient plus censés subsister à l’égard de la société LAAICO-TOGO et que de ce fait, l’on ne saurait faire grief à celle-ci de n’avoir pas observé la procédure de licenciement collectif prévue aux articles 72 et 75 du code du travail, 21 de la convention collective hôtelière et de la restauration alors, selon les demandeurs, qu’ils ne dénient pas à leur employeur le droit de les licencier mais lui reprochent de ne l’avoir pas fait dans les formes prescrites par lesdits textes ; qu’ils soutiennent qu’en outre les juges d’appel n’ont pas démontré comment la société LAAICO-TOGO peut ne pas être leur employeur alors qu’elle est propriétaire de l’entreprise dans laquelle ils travaillent ;
Mais attendu que c’est à tort qu’un tel grief est fait à l’arrêt attaqué ; que pour démontrer que les demandeurs ne sont pas des employés de la société LAAICO-TOGO, les juges d’appel ont exclu, à juste titre, l’application de l’article 42 du code du travail qui dispose : « s’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par cession, vente, fusion, transformation de fonds de commerce, apport en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel entrepreneur et le personnel de l’entreprise, leur résiliation ne peut intervenir que dans les mêmes formes et aux conditions prévus par la présente section » ; qu’en effet, ledit texte a été expressément abrogé par l’article 15 de l’ordonnance n°94-002/PR du 10 juin 1994 portant désengagement de l’Etat et d’autres personnes morales de droit public en ces termes : « les dispositions du premier alinéa de l’article 42 de l’ordonnance n°16 du 08 mai 1974 portant code du travail ainsi que celles des articles 56 et 66 de la loi n°90-26 du 04 décembre 1990, ne s’appliquent pas aux opérations de la présente ordonnance » ; qu’ils en ont déduit que les textes relatifs au licenciements pour motif économique, en l’occurrence la procédure de licenciement collectif prévue aux articles 72 et 75 du code du travail, 21 de la convention collective interprofessionnelle et 31 de la convention collective hôtelière et de la restauration sont également inapplicables à la société LAAICO-TOGO qui n’était pas leur employeur ; qu’il ne saurait en être autrement puisque les demandeurs n’ont aucun lien contractuel avec la société LAAICO-TOGO ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que les juges d’appel ont bien motivé leur décision ; qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;
Attendu que le pourvoi n’est fondé en aucun de ses deux moyens ; qu’il y a lieu de le rejeter, d’ordonner la confiscation de la taxe de pourvoi et de condamner les demandeurs aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement en matière sociale et en état de cassation ;
EN LA FORME
Déclare irrecevable le pourvoi dirigé contre l’Etat togolais ;
Reçoit en revanche le pourvoi dirigé contre la société LAAICO-TOGO ;
AU FOND
Rejette le pourvoi diligenté contre la société LAAICO-TOGO ;
Prononce la confiscation de la taxe de pourvoi ;
Condamne les demandeurs au pourvoi aux dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision critiquée ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi dix-neuf mai deux mille seize et à laquelle siégeaient :
Monsieur Koffi BASSAH, président de la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ;
Messieurs Koffi KODA, Badjona SAMTA, Gbèboumey EDORH et Koffi DEGBOVI, tous quatre, conseillers à ladite chambre, MEMBRES ;
En présence de monsieur Aa C, troisième avocat général près la Cour suprême ;
Et avec l’assistance de maître Sassougan AGBEMADON-SEKPLA, greffier à la Cour suprême, GREFFIER ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier./.