COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE
ARRET N° 033/20
du 20 Février 2020
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Pourvoi N° 85/RS/15
du 16 juin 2015
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AFFAIRE
Dame Ac C
C/
Dame Aa A
PRESENTS: MM
BASSAH : PRESIDENT
KODA*
LOXOGA MEMBRES
ABBEY-KOUNTE
AYEVA
FIAWONOU : M.P.
BISSETI-MARDJA : GREFFIER
REPUBLIQUE- TOGOLAISE
Travail-Liberté-Patrie
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI VINGT FEVRIER DEUX MILLE VINGT
(20-02-20)
A l’audience de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi vingt février deux mille vingt, est intervenu l’arrêt suivant :
LA COUR,
Sur le rapport de monsieur Koffi KODA, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;
Vu l’arrêt n°315/14 en date du 10 décembre 2014 rendu par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé ;
Vu la requête à fin de pourvoi de maître Odadjé HOUNNAKE, conseil de la demanderesse au pourvoi ;
Vu les conclusions écrites de monsieur Ad B, deuxième avocat général près la Cour suprême ;
Vu les autres pièces de la procédure ;
Vu la loi organique n° 97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n° 82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;
Ouï monsieur Koffi KODA en son rapport ;
Nul pour maître HOUNNAKE, conseil de la demanderesse au pourvoi, absent et non représenté ;
Ouï maître Euloge EDORH, conseil de la défenderesse au pourvoi ;
Le ministère public entendu ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant en matière civile et en état de cassation sur le pourvoi formé le 16 juin 2015 par maître Odadjé HOUNNAKE, avocat au barreau du Togo, agissant au nom et pour le compte de dame Ac C, contre l’arrêt n°315/14 rendu le 10 décembre 2014 par la Cour d’appel de Lomé qui a confirmé en toutes ses dispositions le jugement n°2984/2010 rendu le 24 septembre 2010 par lequel le Tribunal de première instance de première classe de Lomé a :
constaté que la vente de l’immeuble querellé, consentie à dame A Aa, n’a jamais fait l’objet d’une résolution ;
confirmé, en conséquence, le droit de propriété de dame A Aa sur l’immeuble litigieux d’une superficie de 98a 03ca, sis à Aflao-Akato-Viépé ;
ordonné la démolition de tous ouvrages érigés sur ledit immeuble et l’expulsion de dame C Ac Ab ainsi que de tous occupants de son chef de l’immeuble dont s’agit, et ce, sous astreintes de cent mille (100.000) francs CFA par jour de résistance ;
autorisé dame A Aa à procéder elle-même à la démolition des ouvrages, au besoin avec l’assistance de la force publique, au cas où la requise n’y procédait pas elle-même dans un délai d’un mois suivant la signification du jugement ;
ordonné au conservateur de la propriété foncière d’inscrire les droits de dame A Aa sur l’immeuble litigieux lorsqu’il en sera requis ;
EN LA FORME
Attendu que tous les actes de procédure ont été faits dans les forme et délai de la loi ; qu’il y a lieu de recevoir le pourvoi ;
AU FOND
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’un litige foncier a opposé dame Ac C à dame Aa A au sujet d’un immeuble d’une superficie de 98a03ca, sis à Aflao-Akato-Viépé ;
Que, saisi de ce litige, le Tribunal de première instance de Lomé a, suivant le jugement n°2984/2010, confirmé le droit de propriété de dame A Aa sur l’immeuble en cause et ordonné l’expulsion de dame Ac C ainsi que de tous occupants de son chef du lieu litigieux ;
Qu’appel a été interjeté dudit jugement et par arrêt n°315/14 rendu le 10 décembre 2014, la Cour d’appel de Lomé a confirmé le jugement susvisé en toutes ses dispositions ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DU POURVOI
Tiré de la violation des articles 96 et 98 du décret foncier du 24 juillet 1906 ;
Attendu qu’à l’appui de ce moyen, la demanderesse au pourvoi, par l’organe de son conseil, maître Odadjé HOUNNAKE, soutient qu’au cours des débats en appel, elle a produit le titre foncier n°34066 RT qu’elle a fait établir sur l’immeuble litigieux ;
Que la Cour d’appel a écarté le titre foncier des débats au motif que les conditions de son immatriculation étaient illégales et a confirmé le jugement susvisé ;
Que le législateur a prévu dans le décret foncier du 24 juillet 1906, la voie de recours à exercer lorsqu’un titre foncier est suspecté d’être établi dans des conditions illégales et réserve cette voie de recours aux tiers qui s’estiment lésés ;
Que la Cour d’appel n’a pas qualité pour se prononcer sur la régularité de la formalité d’immatriculation du titre foncier surtout que le contentieux qui lui a été soumis ne portait pas sur la régularité de l’immatriculation ;
Qu’en confirmant le droit de propriété de la défenderesse au pourvoi alors que la demanderesse est titulaire d’un titre foncier sur l’immeuble litigieux, la Cour a violé les articles 96 et 98 susvisés ;
Que l’arrêt encourt la cassation ;
Mais attendu qu’il est constant ainsi qu’il ressort de l’arrêt que bien que le litige né entre les parties est porté devant le Tribunal de Lomé, dame C, au mépris de multiples ordonnances de cessation de travaux à elle notifiées, a, non seulement poursuivi lesdits travaux, mais aussi requis et obtenu l’immatriculation du domaine litigieux en son nom en dépit de l’opposition à immatriculation signifiée le 10 juin 2008 à dame X, secrétaire de monsieur le conservateur de la propriété foncière suivant exploit de maître Yawo ASSIMADI, huissier de justice à Lomé ;
Attendu que le titre foncier obtenu dans ces circonstances est un défi qui s’analyse en un refus de se soumettre aux décisions et procédures judiciaires, notamment les ordonnances de cessation de travaux et l’opposition à immatriculation susvisées ;
Attendu que les juges du fond ont le droit de choisir parmi les éléments de preuve proposés par les parties litigantes, ceux qui leur paraissent plus convaincants et d’écarter des débats ceux qui ne le sont pas ;
Que, dans ces conditions, quoique le titre foncier soit définitif et inattaquable aux termes de l’article 96 du décret foncier visé au moyen, c’est à bon droit que la Cour d’appel qui a pris soin de ne pas annuler le titre foncier querellé, l’a tout simplement écarté des débats avec toutes les conséquences de droit, notamment le droit de propriété de la défenderesse au pourvoi ;
Qu’il s’ensuit que le moyen ne peut prospérer ; qu’il convient de le rejeter purement et simplement comme non fondé ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement, en matière civile et en état de cassation ;
EN LA FORME
Reçoit le pourvoi ;
AU FOND
Le rejette ;
Prononce la confiscation de la taxe de pourvoi ;
Condamne la demanderesse au pourvoi aux dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision critiquée ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi vingt février deux mille vingt et à laquelle siégeaient :
Monsieur Agbenyo Koffi BASSAH, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ;
Messieurs Koffi KODA, Kuma LOXOGA, Kayi ABBEY-KOUNTE et Tcha-Tchibara AYEVA, tous quatre, conseillers à la chambre judiciaire de la Cour suprême, MEMBRES ;
En présence de monsieur Ae Y, 3ème avocat général près la Cour suprême ;
Et avec l’assistance de maître Tilate BISSETI-MARDJA, greffier à la Cour suprême, GREFFIER ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier./.