COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE ARRET N°150/21 du 16 DECEMBRE 2021 _________ Pourvoi N°155/RS/19 du 23 septembre 2019 AFFAIRE
Succession X Ag représentée par X Ae
C/
Collectivité Y représentée par Y Ab Ah Am A Al Ac et autres PRESENTS: MM BASSAH : PRESIDENT
SAMTA LOXOGA MEMBRES ABBEY-KOUNTE* AMOUSSOU-KOUETETE KANTCHIL-LARRE : M.P. BISSETI-MARDJA : GREFFIER
REPUBLIQUE-TOGOLAISE Travail-Liberté-Patrie
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI SEIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN (16-12-21)
A l’audience de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi seize décembre deux mille vingt et un, est intervenu l’arrêt suivant : LA COUR, Sur le rapport de madame Kayi ABBEY-KOUNTE, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ; Vu l’arrêt n°444/19 en date du 26 juin 2019 rendu par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé ; Vu la requête afin de pourvoi de maître Folly Gnavo ATTIVI, avocat au barreau du Togo, conseil de la demanderesse au pourvoi ; Vu les mémoires en réponse de maîtres Pascal-espoir Yawo DUSI et Amégnon SOWOU, tous avocats au barreau du Togo, conseil des défendeurs au pourvoi ; Vu le mémoire en réplique de maître Folly Gnavo ATTIVI, avocat au barreau du Togo, conseil de la demanderesse au pourvoi ; Vu les conclusions écrites de monsieur Ad C, 5ème avocat général près la Cour suprême ; Vu les autres pièces de la procédure ; Vu la loi organique n°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ; Ouï madame Kayi ABBEY-KOUNTE en son rapport ; Nul pour les conseils des parties, absents et non représentés ;
Le ministère public entendu ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant en matière civile et en état de cassation sur le pourvoi formé le 23 septembre 2019 par maître Folly Gnavo ATTIVI, avocat au barreau du Togo, agissant au nom et pour le compte de la succession X Ag, représentée par X Ae contre l’arrêt n°444/19 rendu le 26 juin 2019 par la Cour d’appel de Lomé sur tierce opposition de la collectivité Y, représentée par Y Ab Ah Am et assistée de maître Amégnon SOWOU, avocat au barreau du Togo contre l’arrêt N°150/13 rendu le 25 avril 2013, lequel arrêt, recevant en la forme la tierce opposition, a déclaré au fond, la collectivité Y propriétaire de l’immeuble litigieux, et dit que l’arrêt dont tierce opposition est inopposable à la collectivité et condamné la collectivité X aux dépens ; EN LA FORME
Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure et des éléments de la cause que le pourvoi a été fait dans les forme et délai de la loi ; qu’il convient de le déclarer recevable ; SUR LA DISJONCTION DE PROCEDURE
Attendu que dans son mémoire en réponse en date du 28 avril 2020, maître Yawo DUSI, conseil des consorts A a sollicité la jonction de la présente procédure à celle déjà initiée par eux contre la demanderesse au pourvoi le 21 mars 2014 contre l’arrêt n°150/13 rendu le 25 avril 2013 dans le différend les opposant à la collectivité X pour la revendication du même domaine litigieux ; Attendu qu’il est constant que les deux procédures dont la jonction a été sollicitée, se rapportent à la revendication du droit de propriété d’un seul et même immeuble et mettent en cause les mêmes parties ; que cependant, les deux pourvois ne sont pas formés contre un même arrêt, mais, contre deux arrêts différents ; qu’en l’état actuel des deux procédures, et pour une bonne administration de la justice, il n’y a plus lieu de maintenir la jonction initialement retenue dans la mise en état des présentes procédures ; qu’au vu de ce qui précède, il y a lieu de procéder à la disjonction des deux pourvois ; AU FOND
Attendu que par requête à An BPréfecture des Lacs) en date du 15 mars 2007, le nommé Al Ac A et autres, demeurant et domiciliés à Lomé, ont attrait par-devant le tribunal de première instance d’An BP/ Lacs), la succession X représentée par X Ae, pour s’entendre confirmer leur droit de propriété sur un domaine foncier sis à Agbodan-Kopé, dans la préfecture des Lacs et dire et juger que la vente consentie au requis est nulle et de nul effet et ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours et sans caution ; qu’au soutien de cette action, les requérants exposent que suivant acte d’achat en date du 20 novembre 1950, leur grand-mère, feue Aa Ag avait acquis le domaine querellé par voie d’achat auprès du nommé Y Ab Aj; qu’au décès de dame Aa Ag, un de ses héritiers, le nommé Af Ai A, désigné mandataire, exploitait les lieux; qu’au décès de ce dernier, les héritiers de feu X Ag ont commencé par nourrir des velléités de propriété et d’accaparement des lieux ; que sans contester que le domaine litigieux ait appartenu à l’origine à feue Aa Ag, ils soutenaient cependant que leur auteur avait acquis le domaine litigieux auprès du mandataire, sieur A Af Ai ; que pour soutenir cette prétention, ils ont produit un contrat de vente daté du 4 janvier 1975; que par jugement n°073/09 rendu le 27 mars 2009, le Tribunal d’An a confirmé le droit de propriété pleine et entière des héritiers de feue Aa Ag sur le domaine litigieux ; que sur appel de la succession X Ag, la Cour d’appel de Lomé par arrêt n°150/13 rendu le 25 avril 2013, a infirmé en toutes ses dispositions ledit jugement et Statuant à nouveau, elle a dit et jugé que : la vente du terrain intervenue entre le nommé A Ai Af et le sieur X Ag est parfaite et régulière,
puis confirmé par conséquent le droit de propriété de ce dernier et partant celui de sa succession sur le domaine litigieux d’une superficie de 2ha 56a 87ca sis à Agbodan-Kopé (P/ Lacs) ; Que contre cette décision, la collectivité Y, représentée par Y Ab Am, a formé une tierce opposition et par arrêt n°444/19 rendu le 26 juin 2019, la Cour d’appel a déclaré la collectivité Y propriétaire du terrain litigieux et dit également que l’arrêt dont tierce opposition est inopposable à la collectivité Y, tiers opposant ;
Vu les articles 9 de l’ordonnance n°78-35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire, 39 et 128 du code de procédure civile ; Attendu que les jugements doivent exposés succinctement, les prétentions respectives des parties et leurs moyens de défense et ils doivent, à peine de nullité être motivés ; que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; Attendu que pour attribuer le domaine litigieux à la collectivité Y, les juges de la Cour d’appel ont retenu, entre autres que, le fait de faire affirmer le reçu de vente du 20 novembre 1950 par le chef AMAGLO III de Togo-Comé en 1975 alors qu’en cette période datant de 1959 à 1982, il y avait un chef à Agbodan-Kopé, lieu de situation du terrain litigieux, met en doute la sincérité dudit reçu de vente et de la reconnaissance de vente de 1980 qui s’en est suivie ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’il ressort de l’arrêt querellé que pour revendiquer le domaine litigieux, la collectivité Y avait sollicité une expertise graphologique du reçu de vente produit aux débats par la collectivité X qu’elle taxait de faux et créé pour les besoins de la cause et alors que quand bien même cette demande d’expertise graphologique a été relevée dans l’arrêt par les juges du fond, ceux-ci n’en ont donné aucune suite mais ont plutôt ordonné par jugement avant-dire-droit un transport sur les lieux ; que ce faisant, les juges d’appel n’ont pas répondu aux conclusions des parties sur cette demande d’expertise graphologique sollicitée, ni au moyen en défense de la collectivité X à ce propos, violant ainsi les dispositions légales visées au moyen ; qu’il s’ensuit que le moyen est fondé et emporte cassation et annulation de l’arrêt déféré sur ce point ; Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 234 du code de procédure civile, si la Cour retient l’un des moyens invoqués, elle n’a plus à statuer sur les autres moyens, dès lors que le moyen retenu entraîne cassation ; PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement, en matière civile immobilière et en état de cassation ; En la forme Reçoit le pourvoi ; Prononce la disjonction du présent pourvoi d’avec celui formé le 21 mars 2014 par les héritiers A et autres contre l’arrêt n°150/13 rendu le 25 avril 2013 ; Au fond
Casse et annule l’arrêt déféré ; Renvoie cause et parties devant la Cour d’appel de Lomé, autrement composée pour y être statué conformément à la loi ; Ordonne la restitution de la taxe de pourvoi à la collectivité X, demanderesse au pourvoi ; Condamne la collectivité Y, défenderesse au pourvoi aux dépens ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi seize décembre deux mille vingt et un et à laquelle siégeaient : Monsieur Agbenyo Koffi BASSAH, président de la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ; Messieurs Badjona SAMTA, Kuma LOXOGA, madame Kayi ABBEY-KOUNTE et Anani AMOUSSOU-KOUETETE, tous quatre conseillers à la chambre judiciaire de la Cour suprême, MEMBRES ; En présence de monsieur Ak Z, 2ème avocat général près la Cour suprême ; Et avec l’assistance de maître Tilate BISSETI-MARDJA, greffier à la Cour suprême, GREFFIER ; En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier. /.