COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE ARRET N°155/21 du 16 DECEMBRE 2021 _________ Pourvoi N°149/RS/18 du 19 septembre 2018 AFFAIRE
Y Af
C/
Famille B A, représentée par B Ab
Z: MM KODA : PRESIDENT
SAMTA
LOXOGA* MEMBRES ABBEY-KOUNTE AYEVA KANTCHIL-LARRE : M.P. BISSETI-MARDJA : GREFFIER
REPUBLIQUE-TOGOLAISE Travail-Liberté-Patrie
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI SEIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN (16-12-21)
A l’audience de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi seize décembre deux mille vingt et un, est intervenu l’arrêt suivant : LA COUR, Sur le rapport de monsieur Kuma LOXOGA, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ; Vu l’arrêt n°29/17 en date du 26 janvier 2017 rendu par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé ; Vu la requête à fin de pourvoi de maître Tchessa ABI, avocat au barreau du Togo, conseil du demandeur au pourvoi ; Vu le mémoire en réponse de maître F.K. HOUNAKEY-AKAKPO, avocat au barreau du Togo, conseil de la défenderesse au pourvoi ; Vu les conclusions écrites de monsieur Ac C, 5ème avocat général près la Cour suprême ; Vu les autres pièces de la procédure ; Vu la loi organique n°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ; Ouï monsieur Kuma LOXOGA en son rapport ; Nul pour les conseils des parties au pourvoi ;
Le ministère public entendu ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant en matière civile et en état de cassation sur le pourvoi formé le 19 septembre 2018 par maître Tchessa ABI, avocat au barreau du Togo, contre l’arrêt n°29/17 rendu le 26 janvier 2017 par la Cour d’appel de Lomé qui a confirmé, en toutes ses dispositions, le jugement n°3094/09 rendu le 16 octobre 2009 par le Tribunal de première instance de Lomé, lequel a confirmé le droit de propriété de feu B A sur le terrain litigieux ; EN LA FORME
Attendu que l’arrêt déféré a été signifié le 6 septembre 2018 ; que le pourvoi formé le 19 septembre 2018 contre ledit arrêt étant intervenu dans le délai légal de deux mois, il est recevable, tous les actes de la procédure ayant été faits et produits dans les forme et délai de la loi ; AU FOND
Sur le moyen unique
Vu les articles 505 et 507 du code des personnes et de la famille du 6 juillet 2012
Attendu qu’aux termes de l’article 505 de ce code, « tout indivisaire qui entend céder à titre onéreux à une personne étrangère à l’indivision, tout ou partie de sa part dans les biens indivis ou dans l’un de ces biens, est tenu de notifier à ses co-indivisaires et au gérant par acte extrajudiciaire, le prix et les conditions de la cession projetée ; Tout co-indivisaire peut dans le délai d’un mois qui suit cette notification, faire connaître au cédant, par acte extrajudiciaire qu’il exerce un droit de préemption aux prix et conditions qui lui ont été notifiés ; Est nulle toute décision consentie par un indivisaire à une personne étrangère à l’indivision du cédant » ; que selon les dispositions de l’article 507 du même code, « Toute cession par un indivisaire, soit à un co-indivisaire, soit à une personne étrangère à l’indivision, doit, pour être opposable aux autres co-indivisaires et au gérant, leur être signifiée ou être acceptée par eux » ; Attendu que, des énonciations de l’arrêt confirmatif attaqué et d’autres éléments du dossier, il ressort que par exploit d’huissier en date du 13 juin 2008, la famille GAKPE-AVOULETE représentée par B Ab, a fait donner assignation au sieur Y Af, à comparaître par-devant le Tribunal de première instance de Lomé, pour s’entendre, entre autres, confirmer son droit de propriété sur la parcelle de terrain, objet du lot n°525, ordonner l’expulsion du requis des lieux, ainsi que celle de tout occupant de son chef ; qu’au soutien de son action, la requérante a exposé que feu B A a acquis en 1986 de feu Y Aa, une parcelle de terrain constituant le lot n°525 sise à Adidogomé, au prix de un million cent mille (1.100.000) francs CFA ; qu’un individu prétendant être le petit frère du feu vendeur se nommant Y Af, a entrepris des travaux de partage et de construction sur le lot en cause et poursuit lesdits travaux malgré qu’il lui a été notifié copie de la grosse d’une ordonnance aux fins de cessation des travaux le 16 mai 2007, ce qui l’oblige à saisir la justice ; que s’opposant aux prétentions de la requérante, le requis fait valoir que l’action de cette dernière ne saurait prospérer, en ce que la vente alléguée est irrégulière et inopposable aux autres membres de la collectivité ; qu’en effet, soutient-il, feu APEDO, auteur commun de Y Af et Y Aa, a, de son vivant, quatre femmes dont il a eu 22 enfants ; que l’immeuble litigieux fait partie d’un ensemble de sept (07) lots vendus par Y Aa au détriment des autres héritiers ; qu’un indivisaire ne peut, seul disposer d’un bien indivis sans le consentement unanime des autres co-indivisaires, au sens de l’article 497 alinéa 4 du code des personnes et de la famille ; que le sieur Y Aa n’était pas mandaté pour procéder à une telle vente ; qu’il n’avait aucune qualité ni pouvoir pour disposer d’un bien indivis ; qu’ainsi, la vente alléguée est irrégulière et partant nulle pour avoir porté sur un bien indivis ; Que par jugement n°3094/09 rendu le 16 octobre 2009, le Tribunal de première instance de Lomé a confirmé le droit de propriété de feu B A sur l’immeuble revendiqué, objet du lot n°525, d’une contenance de six (06) ares, situé à Adidogomé (P/GOLFE) et limité au Nord par une rue de 16 mètres, au Sud par le lot n°526, à l’Est par le lot n°522 et à l’Ouest par le lot n°527 ; a dit que la requérante est devenue propriétaire exclusive de cet immeuble par voie d’héritage ; a débouté le défendeur de ses prétentions non fondées ; a ordonné l’exécution provisoire du présent jugement, nonobstant toutes voies de recours et sans caution…. ; Que suivant l’arrêt dont pourvoi, la Cour d’appel de Lomé a confirmé, en toutes ses dispositions, la décision du premier juge ; Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, pour confirmer le jugement entrepris, adopté les motifs du premier juge qui a confirmé le droit de propriété de feu B A sur la parcelle litigieuse, en ce que ce dernier était un acquéreur de bonne foi et que la longue possession, sans équivoque dudit immeuble depuis son acquisition, ne souffre d’aucune ambiguïté, alors qu’il s’agit d’un bien indivis à tous les membres de la collectivité Y, et d’avoir, ainsi violé les dispositions des articles 505 et 507 du code des personnes et de la famille ; Attendu que, pour rejeter le moyen tiré de ce que la parcelle querellée vendue à feu B A est un bien indivis à tous les membres de la collectivité Y, la Cour d’appel de Lomé a retenu que le demandeur au pourvoi n’a pas rapporté la preuve de l’indivision alléguée ; Attendu que conformément aux dispositions de l’article 43 du code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au soutien de sa prétention » et qu’aux termes de l’article 44 du même code, « le juge a le pouvoir d’ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement admissibles »
Attendu que, pour reprocher au demandeur au pourvoi de n’avoir pas rapporté la preuve de l’indivision et que la parcelle litigieuse est un bien indivis à tous les membres de sa collectivité, la Cour d’appel de Lomé n’a, cependant, pas démontré que les héritiers de feu B A qui, pourtant, ont initié la présente procédure, ont justifié par les faits de la cause que la parcelle revendiquée, est un bien personnel et exclusif du sieur Y Aa, vendeur de leur feu père B A au moment de son acquisition par celui-ci ; que pire la Cour d’appel de Lomé, n’a ordonné d’office aucune mesure d’instruction pour se convaincre de ce que la parcelle dont s’agit n’est pas un bien indivis ; Or, attendu qu’il ressort du reçu de vente en date du 18 décembre 1986 que, alors que l’acquéreur, feu B A était assisté dans cette transaction par les nommés B Ae et B Ad qui ont signé ledit reçu de vente comme témoins de ce dernier, aucun membre de la collectivité Y n’y a été invité ou participé pour attester par sa signature du reçu de vente de la parcelle litigieuse, prouvant ainsi que cette parcelle est un bien personnel et exclusif de son frère vendeur et non un bien indivis ; que l’absence des membres de sa collectivité à cette transaction est un signe constant que le sieur Y Aa avait voulu dissimuler cette cession aux autres membres de sa collectivité pour ne pas susciter des oppositions et contestations de la part de ces derniers ; que cette attitude du vendeur prouve à suffisance que la parcelle querellée vendue clandestinement par Y Aa est un bien indivis et non son bien personnel et exclusif ; Attendu dès lors qu’en motivant comme elle l’a fait alors que la Cour d’appel de Lomé ne s’est pas assuré que la défenderesse au pourvoi a démontré par les faits de la cause la preuve qu’au moment de l’acquisition de la parcelle querellée par leur feu père, ladite parcelle était un bien personnel exclusif de son vendeur, la juridiction du second degré a violé les dispositions des articles 505 et 507 du code des personnes et de la famille, faisant ainsi encourir à sa décision la cassation et l’annulation, le pourvoi étant fondé en son moyen unique ; PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement, en matière civile et en état de cassation ; En la forme Reçoit le pourvoi ; Au fond
Le dit fondé ; En conséquence, casse et annule l’arrêt n°29/17 rendu le 26 janvier 2017 par la Cour d’appel de Lomé ; Renvoie cause et parties par-devant la même Cour autrement composée, pour y être à nouveau, statué conformément à la loi ; Ordonne la restitution de la taxe de pourvoi ; Condamne la défenderesse au pourvoi aux dépens ; Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge et au pied de la décision critiquée ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi seize décembre deux mille vingt et un et à laquelle siégeaient : Monsieur Koffi KODA, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ; Messieurs Badjona SAMTA, Kuma LOXOGA, madame Kayi ABBEY-KOUNTE et monsieur Tcha-Tchibara AYEVA tous quatre conseillers, à la chambre judiciaire de la Cour suprême, MEMBRES ; En présence de monsieur Ag X, 2ème avocat général près la Cour suprême ; Et avec l’assistance de maître Tilate BISSETI-MARDJA, greffier à la Cour suprême, GREFFIER ; En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier. /.