COUR SUPREME DU TOGO
CHAMBRE JUDICIAIRE ARRET N°003/22 du 20 JANVIER 2022 _________ Pourvoi N°015/RS/2020 du 05 février 2020 ___________ AFFAIRE
C Ad (Me Akoété GBEGNRAN)
C/
Ambassade du Gabon au Togo (SCP DOGBEAVOU) ___________
PRESENTS: MM
BASSAH : PRESIDENT
KODA SAMTA* MEMBRES AMOUSSOU-KOUETETE AYEVA
A : M.P. ADJETE-AMLA : GREFFIER
REPUBLIQUE- TOGOLAISE Travail-Liberté-Patrie
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT-DEUX (20/01/2022)
A l’audience publique ordinaire de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de ladite Cour, le jeudi vingt janvier deux mille vingt-deux, est intervenu l’arrêt suivant : LA COUR, Sur le rapport de monsieur Badjona SAMTA, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ; Vu l’arrêt n°095/19 rendu le 5 décembre 2019 par la Cour d’appel de Lomé ; Vu la requête à fin de pourvoi de maître Akoété GBEGNRAN, conseil du demandeur au pourvoi ; Vu le mémoire en réponse de la SCP DOGBEAVOU, conseil de la défenderesse au pourvoi ; Vu le mémoire en réplique de maître Akoété GBEGNRAN, conseil du demandeur au pourvoi ; Vu le mémoire en duplique de la SCP DOGBEAVOU & ASSOCIES, conseil de la défenderesse au pourvoi ; Vu les conclusions écrites de monsieur Ac B, deuxième avocat général près la Cour suprême ; Vu les autres pièces de la procédure ; Vu la loi organique n°97-05 du 6 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret n°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ; Ouï le conseiller Badjona SAMTA en son rapport ; Ouï maître Akoété GBEGNRAN, conseil du demandeur au pourvoi ; Ouï la SCP DOGBEAVOU & ASSOCIES représentée par maître SOSSOUKPE, conseil de la défenderesse au pourvoi ;
Le ministère public entendu ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant en matière sociale sur le pourvoi formé le 5 février 2020 par maître GBEGNRAN Akouété, avocat au barreau du Togo, agissant au nom et pour le compte du sieur C Ad, contre l’arrêt n°095/19 rendu le 5 décembre 2019 par la chambre sociale de la Cour d’appel de Lomé dans le différend qui oppose son client à l’Ambassade du Gabon au Togo, lequel arrêt a infirmé le jugement et statuant à nouveau, jugé le licenciement querellé légitime ; EN LA FORME
Attendu que les actes du pourvoi ont été faits dans les forme et délai de la loi ; qu’il est alors recevable ; AU FOND
Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure que le demandeur au pourvoi, sieur C Ad, jardinier en service à l’Ambassade du Gabon au Togo, a orienté un chauffeur qui voulait des informations relatives à l’obtention de visa pour le compte de son employeur en indiquant à celui-ci de se rapprocher d’un kiosque pas loin de l’Ambassade pour obtenir en contrepartie, la somme de cinquante mille (50.000) francs CFA, une fiche mentionnant les pièces à fournir ; que confondu, l’employé a reconnu les faits, ce qui lui a valu une mise à pied conservatoire suivie de la mesure de licenciement pour faute lourde ; Attendu que le tribunal du travail de Lomé, par jugement n°245/16 du 18 octobre 2016, a dit le licenciement abusif et condamné l’employeur aux conséquences de droit, au motif que la mesure de mise à pied qualifiée de conservatoire, non seulement n’est pas connue de la législation togolaise, mais aussi que le salaire correspondant à la période de la mise à pied n’ayant pas été perçu par le salarié, il suit que cette mise à pied est une sanction disciplinaire et que donc le licenciement opéré est une double sanction pour une seule et même faute, ce qui est interdit en droit du travail ; Attendu que sur appel de la défenderesse au pourvoi, la Cour d’appel, par arrêt dont pourvoi, a jugé le licenciement légitime pour cause de faute lourde, faute lourde qui justifie la mise à pied conservatoire en attente de la décision à prendre et que donc, la mise à pied n’est pas une sanction disciplinaire surtout que le salarié a perçu le salaire correspondant à la période de suspension ; Sur le moyen unique
Attendu qu’il est fait grief aux juges d’appel d’avoir violé un principe fondamental du droit social qui interdit la double sanction pour une même faute en ce qu’ils ont estimé que la mesure infligée au salarié n’est pas une mesure disciplinaire mais une mise à pied conservatoire qui, elle, n’est pas une sanction, la sanction étant le licenciement qui a suivi ; Attendu qu’en se prononçant ainsi alors que la mesure de mise à pied conservatoire dans la législation togolaise ne s’applique uniquement qu’aux salariés protégés (délégués du personnel), le salarié victime en l’espèce n’étant pas un salarié protégé, cette mesure ne se justifie guère et qu’aussi, en l’absence de preuve que le salarié a perçu le salaire correspondant à la période de suspension, il suit amplement qu’il y a eu déjà sanction de la faute de sorte que le licenciement querellé est une double sanction ; Qu’en droit du travail, la même faute ne pouvant être sanctionnée deux fois, les juges d’appel, ont violé ce principe de droit ; qu’il suit que le moyen est fondé et l’arrêt mérite cassation ; PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement, en matière sociale et en état de cassation ; EN LA FORME
Reçoit le pourvoi ; AU FOND
Casse et annule l’arrêt n°095/19 rendu le 5 décembre 2019 par la Cour d’appel de Lomé ; Dit n’y avoir lieu à renvoi ; Par conséquent, dit que le premier jugement produira ses pleins et entiers effets ; Ordonne la restitution de la taxe de pourvoi ; Condamne la défenderesse au pourvoi aux dépens ; Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision critiquée. Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi vingt-et-un octobre deux mille vingt et un à laquelle siégeaient :
Monsieur Koffi Agbenyo BASSAH, président de la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ; Messieurs Koffi KODA, Badjona SAMTA, Anani AMOUSSOU-KOUETETE et Tcha-Tchibara AYEVA tous quatre, conseillers à la chambre judiciaire de la Cour suprême, MEMBRES ; En présence de monsieur Aa Ab A, troisième avocat général près la Cour suprême ; Et avec l’assistance de maître Agnélé ADJETE-AMLA, greffier à la Cour suprême, GREFFIER ; En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président et le greffier. /.