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02/03/2023 | TOGO | N°02/23

Togo | Togo, Cour suprême, 02 mars 2023, 02/23


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPRÊME DU TOGO _____________
CHAMBRE ADMINISTRATIVE ____________
ARRET N°02/23 du 02 MARS 2023 _____________
RECOURS N°04/RS/23 du 07 février 2023 ____________
AFFAIRE : Le bimensuel Y A, représenté par son directeur de publication, Ae Aj C (Me KPADE) C/ La décision N°028/HAAC/23/P du 1er février 2023 de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) portant suspension du bimensuel Y A (Me DANDAKOU)
PRESENTS : MM
DJIDONOU : PRESIDENT   HOUSSIN ASS

AH MEMBRES ZEKPA  GBADOE 
AZANLEDJI-AHADJI : M.P. DORSOU...

COUR SUPRÊME DU TOGO _____________
CHAMBRE ADMINISTRATIVE ____________
ARRET N°02/23 du 02 MARS 2023 _____________
RECOURS N°04/RS/23 du 07 février 2023 ____________
AFFAIRE : Le bimensuel Y A, représenté par son directeur de publication, Ae Aj C (Me KPADE) C/ La décision N°028/HAAC/23/P du 1er février 2023 de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) portant suspension du bimensuel Y A (Me DANDAKOU)
PRESENTS : MM
DJIDONOU : PRESIDENT   HOUSSIN ASSAH MEMBRES ZEKPA  GBADOE 
AZANLEDJI-AHADJI : M.P. DORSOU : GREFFIERE
REPUBLIQUE- TOGOLAISE Travail-Liberté-Patrie --------------
« AU NOM DU PEUPLE TOGOLAIS »
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS (02/03/2023)
A l’audience publique ordinaire de la chambre administrative de la Cour suprême, tenue au siège de ladite Cour le jeudi deux mars deux mille vingt-trois, est intervenu l’arrêt suivant : LA COUR
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour suprême le 7 février 2023, sous le numéro 04, présentée par maître Elom Koffi KPADE, avocat au Barreau du Togo, pour le compte du bimensuel Y A et de monsieur C Ae Aj, directeur de publication dudit journal ; Le bimensuel Y A et monsieur C Ae Aj demandent à la Cour suprême d’annuler la décision N°0028/HAAC/P/23 du 1er février 2023 prise par la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) pour excès de pouvoir ; Vu la décision attaquée ; Vu le récépissé n°04 relatif à la consignation, délivré le 7 février 2023 par le greffier en chef ; Vu les mémoires en réponse et en duplique de la HAAC ; Vu le mémoire en réplique du bimensuel Y A et de monsieur C Ae Aj, directeur de publication dudit bimensuel ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la constitution du 14 octobre 1992 ensemble les textes modificatifs ;
Vu la loi organique n°2018-029 du 10 décembre 2018 portant modification de la loi organique n°2004-021 du 15 décembre 2004 relative à la HAAC ; Vu la loi n°2021-031 du 6 décembre 2021 modifiant la loi organique n°2018-029 du 10 décembre 2018 relative à la HAAC ; Vu la loi organique n°2020-001 du 7 janvier 2020 relative au code de la presse et de la communication ; Vu la loi portant code de déontologie et d’éthique du journaliste ; Vu la loi n°2021-007 du 21 avril 2021 portant code de procédure civile ; Vu la loi organique n°97-05 du 6 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience qui a eu lieu le jeudi 2 mars 2023 ;  Après avoir entendu à l’audience publique : Le rapport de monsieur GBADOE Edoh Dodji, conseiller à la chambre administrative de la Cour suprême ; Les observations de Me Elom Koffi KPADE, conseil du bimensuel Y A et de monsieur C Ae Aj, directeur de publication dudit journal ; Les observations de Me Modjona-Esso T. DANDAKOU, conseil de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) ; Les conclusions de monsieur B Ak, cinquième avocat général près la Cour suprême ; SUR LES CONCLUSIONS A FIN D’ANNULATION
Considérant que dans sa parution n°0032 du lundi 16 janvier 2023, le bimensuel Y A a publié un article intitulé "M. Af AG, le tout puissant PDG des filiales du groupe Bolloré au Togo devenu simple salarié de MSC" ; qu’estimant que ledit article le diffamait et comportait des allégations mensongères, monsieur AG Ac Af, par lettre en date du 23 janvier 2023, porta plainte contre le journal devant la Haute Autorité de l’Audiovisuelle et de la Communication (HAAC) ; que celle-ci, après audition de monsieur C Ae Aj le 1er février 2023, par décision n°028/HAAC/P/23, datée du même jour, a suspendu de parution pour trois (03) mois ledit journal ; Que l’audition de monsieur NAPO-KOURA, le 1er février 2023, était consécutive à deux précédentes auditions, la première, le 11 août 2022 à la suite de la publication par le journal, dans son n°0022 du vendredi 29 juillet 2022, d’un article intitulé : "Aa, la ville martyre du Togo en état de siège économique. OTR/IMPOTS : après la pression fiscale de Al Ad de 1980 à 1990, c’est le tour de Faure de faire saigner les populations" ; la deuxième, le 14 décembre 2022, après la plainte pour diffamation contre le journal, déposée entre les mains de la HAAC, par lettre en date du 23 novembre 2022, de monsieur X Ai, directeur général du MIFA (Mécanisme Incitatif de Financement AmZ, suite à la publication, dans son n°0029 du mercredi 16 novembre 2022, d’un article intitulé : "Quand les paysans de Hèzoudè-Tchamba saisissent Ah Al pour escroquerie dans la filière soja" ; que ces deux premières auditions avaient conduit le bimensuel Y A à publier des rectificatifs aux deux articles incriminés, respectivement dans ses parutions numéros 0023 du mercredi 12 août 2022 et 0031 du mercredi 14 décembre 2022 ; Considérant que suivant requête en date du 6 février 2023, signée de maître Elom Koffi KPADE, avocat au Barreau du Togo, enregistrée au greffe de la Cour suprême le 7 février 2023, le bimensuel Y A et monsieur C Ae Aj exercèrent un recours en annulation pour excès de pouvoir contre la décision de la HAAC ; Considérant qu’à l’appui de leur recours, les requérants soutiennent que la décision attaquée viole la loi, notamment les dispositions de l’article 59 de la loi organique n°2018-029 du 10 décembre 2018 portant modification de la loi organique n°2004-021 du 15 décembre 2004 relative à la HAAC, et celles de l’article 65 de la loi organique n°2021-031 du 23 novembre 2021 modifiant la loi organique n°2018-029 du 10 décembre 2018 relative à la HAAC, en ce qu’elle a été prise alors même, d’une part, s’agissant de son opportunité, que le journal n’a pas été l’objet d’une mise en garde publique préalable ; et, d’autre part, s’agissant de son quantum (trois mois de suspension de parution), que le bimensuel n’était pas non plus en état de récidive pour écoper d’une telle mesure, n’ayant été l’objet, auparavant, d’aucune mesure de suspension antérieure ; qu’ils invoquent, par ailleurs, la violation de l’article 66 de la loi organique n°2021-031 du 23 novembre 2021 modifiant la loi organique n°2018-029 du 10 décembre 2018 relative à la HAAC, pour incompétence de la HAAC en matière de diffamation, de dénonciation calomnieuse ou d’atteinte à l’honneur ; Considérant que dans ses mémoires en réponse et en duplique, la HAAC, par le canal de maître DANDAKOU, conclut, d’un côté, à l’irrecevabilité du moyen tiré de la violation de l’article 66 de la loi organique n°2021-031 du 23 novembre 2021 modifiant la loi organique n°2018-029 du 10 décembre 2018 relative à la HAAC, pour n’avoir été soulevé qu’après une défense au fond et parce que, contrairement à l’interprétation qu’en donnent les requérants, ce texte lui donne bien compétence en matière de diffamation, de dénonciation calomnieuse ou d’atteinte à l’honneur, dès lors que la plainte émane, non pas d’un représentant de l’autorité publique, mais d’un citoyen quelconque ; qu’elle conclut, d’un autre côté, au rejet du recours comme non fondé ; qu’elle soutient qu’elle n’a nullement violé les dispositions invoquées ; qu’elle estime que les requérants ont été bien l’objet de mises en garde à chaque audition de monsieur NAPO-KOURA à la suite de la publication des articles incriminés, comme en témoignent les rectificatifs apportés par le journal aux deux premiers articles incriminés dans les parutions ultérieures, ainsi que le communiqué n°06/HAAC/2022/P en date du 11 août 2022 ; qu’elle prétend, par ailleurs, que l’article 59 de la loi organique invoqué ne fait nullement de la publication par elle de la mise en garde une condition pour sa validité dès lors qu’il ressort clairement des éléments du dossier qu’une telle mise en garde a été faite et qu’à sa suite les requérants ont publié des articles rectificatifs ; SUR LA RECEVABILITE FORMELLE DU RECOURS
Considérant que l’article 67 de la loi n°2021-031 du 6 décembre 2021 modifiant la loi organique n°2018-029 du 10 décembre 2018 relative à la HAAC dispose que : « les décisions prises en application de la présente loi sont motivées. Elles sont exécutoires après notification aux médias concernés. Les décisions de la HAAC sont susceptibles de recours en annulation devant la chambre administrative de la Cour suprême qui statue dans un délai d’un (01) mois » ; Considérant que les requérants ont reçu notification de la décision attaquée le 2 février 2023 ; que le 7 février 2023 ils ont déposé leur requête signée et accompagnée des pièces requises ; que tous les actes de la procédure ayant été accomplis conformément aux dispositions de l’article 67 de la loi n°2021-031 du 6 décembre 2021 modifiant la loi organique n°2018-029 du 10 décembre 2018 relative à la HAAC, il y a lieu de déclarer le recours recevable en la forme ; SUR LA LEGALITE DE LA DECISION
Sur la légalité externe
Incompétence de l’auteur de l’acte
Considérant que pour être recevable, une exception d’incompétence doit être soulevée in limine litis, c’est-à-dire avant toute défense au fond ; que les requérants n’ayant soulevé, dans le cas d’espèce, cette exception que dans leur mémoire en réplique, après une défense au fond dans la requête ayant saisi la cour, ce moyen est donc irrecevable. Sur la légalité interne
Violation de la loi
Considérant que l’article 59 de la loi n°2018-029 du 10 décembre 2018 portant modification de la loi organique n°2004-021 du 15 décembre 2004 relative à la HAAC dispose que : « en cas de non-respect des obligations imposées par les textes législatifs et réglementaires, la HAACmet en demeure les titulaires d’autorisation d’installation et d’exploitation d’une entreprise de communication audiovisuelle ou met en garde les titulaires de récépissé de parution de publication nationale ou en ligne.
La HAAC rend publiques ses mises en demeure ou mises en garde.
Elle applique les dispositions des articles 62, 65 et 66 en cas de non-respect des dispositions des articles 27, 49 et 55 de la présente loi » ; Considérant que l’article 65 de la loi n°2021-031 du 6 décembre 2021 modifiant la loi organique n°2018-029 du 10 décembre 2018 relative à la HAAC dispose que : « en cas d’inobservation des recommandations, décisions et mises en garde par les titulaires des récépissés de parution des publications et de diffusions nationales et en ligne, la HAAC peut prononcer l’une des autres sanctions suivantes : - la suspension de parution pour quinze (15) jours de la parution pour les quotidiens ; - la suspension de parution de deux (02) à quatre (04) mois de la parution pour les autres organes.
En cas d’extrême gravité, le président de la HAAC adresse une requête au président de la juridiction territorialement compétente qui prononce l’interdiction de parution de toute publication avec retrait de la carte de presse » ; Considérant qu’une mise en garde est l’action d’avertir, de prévenir quelqu’un de quelque chose ; que mettre en garde, c’est conseiller la circonspection, avertir d’un risque ; Considérant que si l’article 65 susvisé fait de l’inobservation de la mise en garde par un organe la condition sine qua non de la prise par la HAAC de la sanction disciplinaire de suspension de parution, l’article 59 susvisé n’a, cependant, imposé aucune forme à la mise en garde ; que celle-ci peut donc être autant verbale qu’écrite et doit simplement être rendue publique ; Considérant que dans le cas d’espèce, ainsi qu’il résulte des pièces du dossier, il est établi que le bimensuel Y A et son directeur de publication, monsieur C Ae Aj, ont bien été l’objet d’une mise en garde, rendue publique par la HAAC à travers le communiqué n°06/HAAC/2022/P du 11 août 2022 dont les termes sont précis et non équivoques en ce qui les concerne, même s’il y a eu, in fine une ouverture à l’endroit des "professionnels des médias" appelés "au respect scrupuleux des règles de déontologie et d’éthique" du journaliste ; Considérant que les dispositions du code de la presse et de la communication et du code de déontologie et d’éthique du journaliste font obligation à tout journaliste de "publier uniquement les informations dont la source, la véracité et l’exactitude sont établies" ; qu’elles lui interdisent "la calomnie, les accusations sans preuve" ; que selon l’article 23 alinéa 1 de la loi n°2018-029 du 10 décembre 2018 portant modification de la loi organique n°2004-021 du 15 décembre 2004 relative à la HAAC, "la HAAC veille à la culture et au développement de la conscience professionnelle, au respect de la déontologie et de l’éthique en matière de presse et de communication" ; Considérant que la publication, par le bimensuel Y A, dans ses numéros 0029 du mercredi 16 novembre 2022 et 0032 du lundi 16 janvier 2023, des articles incriminés, en violation des dispositions du code de la presse et de la communication et de celles du code de déontologie et d’éthique du journaliste, et après le communiqué de la HAAC susmentionné, est constitutive de l’inobservation de la mise en garde de la HAAC et justifie la mesure disciplinaire de suspension de parution de trois (03) mois conforme à l’article 65 précité ; qu’ainsi le recours n’est pas fondé et doit être rejeté ; Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 42, alinéa 3 de la loi organique n°97-05 du 6 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême, « s’il est fait droit au recours, la consignation est restituée et les frais supportés par le trésor » ; qu’a contrario, il n’y a pas lieu à restitution de la consignation s’il n’est pas fait droit aux recours ; qu’ainsi, il y a lieu d’ordonner la confiscation de la consignation ; DECIDE
Article 1er : Déclare recevable le recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision n°028/HAAC/P/23 du 1er février 2023 de la HAAC introduit par le bimensuel Y A et son directeur de publication, monsieur C Ae Aj ; Article 2 : Rejette ledit recours ; Article 3 : Ordonne la confiscation de la consignation ; Article 4 : Ordonne la notification de la présente décision au bimensuel Y A, à monsieur C Ae Aj et à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) ;
Délibérée par la Cour en son audience publique ordinaire du jeudi 2 mars 2023 à laquelle siégeaient : Madame DJIDONOU Akpénè, présidente de la chambre administrative, présidente ; Messieurs HOUSSIN Kossi, ASSAH Kossivi Kindbelle Yvetus, madame ZEKPA Apoka et monsieur GBADOE Edoh Dodji, tous quatre, conseillers à la chambre administrative de la Cour suprême, membres ; En présence de madame AZANLEDJI-AHADZI Ab Ag, procureur général près la Cour suprême ; Et avec l’assistance de maître DORSOU Essi Djigbodi, greffière à la Cour suprême, greffière ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la présidente et la greffière. /.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 02/23
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;tg;cour.supreme;arret;2023-03-02;02.23 ?
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