Affaire Ad Aa B
contre
Comité Interparlementaire de l'UEMOA
Droit communautaire — Incompétence de la Cour de Justice de l'UEMOA
Sommaire de l’arrêt
Requête de Monsieur Ad Aa B, député à l’Assemblée
nationale du Niger, tendant à obtenir de la Cour de Justice de l'UEMOA son
rétablissement dans les fonctions de député, membre du Comité
Interparlementaire de l'UEMOA.
Les parlements des Etats membres ont, dans le cadre des compétences qu’ils
tiennent de l’article 35 du Traité, seuls pouvoir de désigner des députés
membres du Comité Interparlementaire. L'organisation interne de cette
désignation ne peut, dès lors, faire l’objet d’un contrôle juridictionnel de la
Cour de Justice de l'UEMOA, car elle ne rentre pas dans le cadre de ses
compétences telles que déterminées par les articles 1, 5 à 17 du Protocole
additionnel n°I relatif aux organes de contrôle et les articles 14 et 15 du
Règlement de Procédure de la Cour.
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GENERAL
Par requête déposée au greffe de la Cour de Justice de l’Union Economique et Monétaire
Ouest Africaine et enregistrée le 4 octobre 2001 et dont régularisation demandée le 26 octobre
2001 par le greffier par application de l’article 32 des statuts de la Cour, n’a pas été suivie
d’effet, Monsieur Ad Aa B a formé un recours devant la Cour de
Justice de l’UEMOA tendant à le réintégrer dans ses fonctions de député du Comité
Interparlementaire de l’UEMOA (CIP), aux motifs qu’après la dissolution de l’Assemblée
Nationale du Niger en décembre 1998, il a été réélu député du Niger en décembre 1999 et
devait de ce fait être reconduit automatiquement dans ses fonctions de député du CIP.
Le Président du CIP qu’il avait antérieurement saisi l’avait invité par lettre en date du 8 juin
2001, à s’adresser — pour règlement de la question — à l’Assemblée Nationale du Niger de qui
le CIP avait reçu la liste des cinq membres du corps législatif nigérien conformément aux
articles 35 du Traité de l'UEMOA et 5 du Règlement Intérieur du CIP.
Aucune disposition du Traité de l'UEMOA ne donne compétence à la Cour de connaître de
l’objet d’un tel recours. En effet, aux termes des articles 1, 5 à 17 du protocole additionnel
n°1 et des articles 14 et 15 du Règlement de Procédures, la juridiction communautaire ne
veille qu’au respect du droit quant à l’application et l’interprétation du Traité de l'UEMOA et
n’est compétente que dans les matières suivantes :
- Recours en manquement ;
Recours en appréciation de la légalité ;
Plein contentieux de la concurrence ;
Différends de travail entre l'UEMOA et ses agents ;
Recours en responsabilité extra contractuelle de l’Union contre ses agents, contre les tiers,
et des agents contre l’Union ;
- Recours préjudiciel ;
- Différends entre Etats membres relatifs au Traité si ces différends sont soumis à la Cour
en vertu d’un compromis ;
- Responsabilité contractuelle de l’Union si les clauses du contrat donnent compétence à la
Cour ;
- La Cour peut émettre des avis et recommandations sur la compatibilité d’un accord
international avec les dispositions du Traité ou sur toute difficulté d’application ou
d’interprétation du Traité, et ce à la demande des organes de direction de l’UEMOA et des
Etats membres.
L’objet du recours excède manifestement les attributions ci-dessus spécifiées.
La Cour est donc incompétente pour statuer sur le recours et devrait pouvoir conformément à
l’article 78 du Règlement de Procédures statuer sans autre forme de procédure, notamment
sans même signifier le recours à la partie défenderesse.
Le demandeur succombant, doit être condamné aux dépens.
Le Premier Avocat Général
Malet DIAKITE ARRET DE LA COUR
27 mars 2002
Entre
Monsieur Ad Aa B
Et
le Comité Interparlementaire de l'UEMOA (C.IL.P.)
La Cour composée de M. Yves D. YEHOUESSI, Président et rapporteur ; Mme Ramata
FOFANA, Juge ; M. Mouhamadou NGOM, Juge ; M. Malet DIAKITE, Premier Avocat
Général ; M. Raphaël P. OUATTARA, Greffier ;
rend le présent arrêt :
Considérant que par requête en date du 19 septembre 2001 parvenue et enregistrée au Greffe
de la Cour le 04 octobre 2001 sous le n° 02/2001, Monsieur Ad Aa B,
Député à l’Assemblée Nationale du Niger, résidant à Ab, sans autres précisions, sollicite
de la Cour son rétablissement dans ses fonctions de Député membre du Comité
Interparlementaire de l'UEMOA (CIP) ;
Considérant que le requérant, ressortissant de la République du Niger, était Député membre du
Comité Interparlementaire en 1997 ;
Que, selon lui, après la dissolution de l’Assemblée Nationale du Niger en 1998 il a été réélu
Député en décembre 1999 ; qu’en conséquence il a demandé au Président du CIP de lui
permettre de reprendre son titre de Député membre du CIP ainsi que les droits y afférents ;
Que le Président du CIP l’a invité, par lettre en date du 08 juin 2001, à s’adresser à l’Assemblée
Nationale du Niger en vue du règlement de sa requête ; ce qu’il fit par lettre du05 juillet 2001,
apparemment sans obtenir une suite favorable ;
Considérant que Monsieur Ad Aa B soutient que sa réélection en
décembre 1999 en qualité de Député à l’Assemblée Nationale du Niger, après la dissolution de
celle-ci en 1998, devrait entraîner « automatiquement » sa reconduction dans ses fonctions de
Député membre du CIP qu’il occupait, ce « conformément aux textes en vigueur » ;
Considérant qu’en application des articles 31 et 32 des Statuts de la Cour de Justice, le
Greffier de ladite Cour a invité, par lettre en date du 26 octobre 2001, le requérant à régulariser
sa requête en se conformant au délai de deux (2) mois prévu à cette fin ; que cette lettre,
réceptionnée le 29 octobre 2001 par Madame Ac pour le compte du requérant, n’a reçu
aucune suite, passé le délai fixé ;
Considérant que la Cour doit d’abord statuer sur sa compétence à connaître de cette affaire
avant d’examiner la recevabilité de la requête de Monsieur Ad Aa B ;
Considérant que la compétence de la Cour de Justice est déterminée par les articles 1, 5 à 17
du Protocole additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle et les articles 14 et 15 du
Règlement de Procédures de la Cour ;
Qu’aucune des dispositions sus indiquées ne donne compétence à la Cour pour connaître d’un
recours du genre de celui formulé et dont la nature n’est d’ailleurs pas précisée par le
requérant ;
Considérant qu’aux termes de l’article 16 du Traité de l'UEMOA « … les organes agissent
dans la limite des attributions qui leurs sont conférées par le Traité de l’'UMOA et le présent
Traité et dans les conditions prévues par ces Traités… » ;
Considérant que l’article 78 du Règlement de procédures de la Cour dispose que « lorsque la
Cour est manifestement incompétente pour connaître d’une requête ou lorsque celle-ci est
manifestement irrecevable, la Cour, l’Avocat Général entendu, peut statuer sans autre forme de
procédure … » ;
Qu’aux termes de l’article 14 du Règlement n° 1/2000/CDJ abrogeant et remplaçant le
Règlement n° 1/96/CDI relatif au Règlement administratif de la Cour de Justice, celle-ci peut
statuer même avant la signification de la requête au défendeur ;
Considérant que l’objet du recours de Monsieur Ad Aa B est
manifestement en dehors des attributions conférées à la Cour par les textes sus spécifiés ; qu’en
conséquence la Cour est incompétente pour connaître dudit recours ;
Considérant qu’il y a lieu de condamner le requérant aux dépens compte tenu de ce qui
précède ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière de Droit communautaire :
e Se déclare incompétente pour connaître du recours de Monsieur Ad Aa
B,
e Le condamne aux dépens.