EXTRAIT DE pa MINUTE DU GREFFE
COUR DE JUSTICE DE L'UEMOA
AUDIENCE PUBLIQUE DU 05 AVRIL 2006
Arrêt n° 01/2006
Affaire
Composition :
M. Yves D. YEHOUESSI, Président Monsieur Eugène YAÏ, Commissaire à l'UEMOA, M. Youssouf ANY MAHAMAN, Juge de nationalité ivoirienne, demeurant à Rapporteur Ouagadougou, lequel a élu domicile en l'étude de M. Daniel LOPES FERREIRA, Juge Maître Issouf BAADHIO, Avocat à la Cour, 01 BP M. Mouhamadou NGOM, Juge 2100 Ouagadougou 01,
Mme Ae X née OUEDRAOGO,
Juge d'une part ; M. Aa Z, 1°" Avocat Général
Mme Ac C née GNANOU,
Greffier suppléant ET
Recours en appréciation de la légalité de La Conférence des Chefs d'Etat et de l’Acte additionnel n° 01/2005 du 11 mai Gouvernement de l'UEMOA et la Commission de 2005 pris à Ab par le Président en l'UEMOA, prise chacune en la personne de son représentant légal, représentées par l’Agent Eugène exercice de la Conférence des Chefs d'Etat et
B, assisté de Maître Harouna SAWADOGO de Gouvernement de l'UEMOA.
et de Maître Abdoul Wahab BERTHE,
d'autre part ;
LA COUR
VU la requête en date du 23 mai 2005, présentée pour le compte de Monsieur
Eugène YAÏ, Commissaire à l'UEMOA, de nationalité ivoirienne, ayant
élu domicile en l’étude de Maître Issouf BAADHIO, Avocat à la Cour,
enregistrée au Greffe de la Cour le 24 mai 2005 sous le n° 03/05, et tendant
à ce qu’il plaise à la Cour , annuler l’Acte additionnel n° 01/2005 du 11 mai
2005 pris par le Président en exercice de la Conférence des Chefs d'Etat et
de Gouvernement ;
VU
VU
VU
VU
VU
VU
VU
VU l’Acte additionnel n° 01/2005 du 11 mai 2005 portant nomination de
Monsieur Ad A Y en qualité de membre de la Commission de
l'UEMOA ;
les lettres n° 18/2005 et 19/2005 en date du 25 mai 2005 du Greffier de la
Cour portant signification de la requête à Monsieur le Président de la
Commission et à la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement prise
en la personne de son représentant légal ;
la lettre n° 2744/PC/CJ du 30 mai 2005 de Monsieur le Président de la
Commission de l'UEMOA portant désignation de Monsieur Eugène
KPOTA comme Agent ;
la lettre n° 2745/PC/C] en date du 30 mai 2005 de Monsieur le Président de
la Commission de l'UEMOA, portant constitution de Maîtres Harouna
SAWADOGO et Abdoul Wahab BERTHE, Avocats respectivement à la
Cour de Ouagadougou et à la Cour de Bamako ;
le mémoire en défense de la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement et de la Commission de l'UEMOA en date du 22 juillet
2005 ;
le mémoire en réplique du requérant en date du 25 août 2005 ;
le mémoire en duplique de Maître Harouna SAWADOGO en date du
28 octobre 2005 ;
les autres pièces produites et jointes au dossier ;
VU le Traité de l'UEMOA, notamment en son article 38 ;
VU le Protocole additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de
l'UEMOA ;
VU l’Acte additionnel n° 10/96 du 10 mai 1996 portant Statuts de la Cour de
Justice de l'UEMOA ;
VU le Règlement n° 01/96/CM en date du 05 juillet 1996 portant Règlement de
procédures de la Cour de Justice de l'UEMOA;
OUÏ Monsieur Youssouf ANY MAHAMAN, Juge-Rapporteur, en son rapport ;
OUÏ Maître Issosuf BAADHIO, Avocat de Monsieur Eugène YAÏ, en ses
observations orales ;
OUÏ Maître Issa SAMA substituant Maître Harouna SAWADOGO, Avocat des
défenderesses, en ses observations orales ;
OUÏ Monsieur Eugène KPOTA, Agent de la Commission, en ses observations
orales ;
OUÏ le Premier Avocat Général, Monsieur Aa Z en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément au Droit communautaire ;
La Cour rend le présent arrêt :
I- FAITS ET PROCEDURE
Les faits de la cause, tels qu’exposés par le requérant et non contestés par les
défenderesses se présentent ainsi qu'il suit :
Par requête en date du 23 mai 2005, enregistrée au Greffe de la Cour le 24 mai
2005, Monsieur Eugène YAÏ a, par l'organe de son avocat, Maître Issouf
BAADHIO, introduit un recours en appréciation de légalité contre l’Acte
additionnel n° 01 du 11 mai 2005 de la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement de l’Union Economique et Monétaire Ouest Af qui a
nommé Monsieur Ad A Y en qualité de membre de la Commission
de l'UEMOA en remplacement du requérant.
Il y a lieu de rappeler que Monsieur Eugène YAÏ, a été nommé Commissaire à la
Commission de l'UEMOA suivant Acte additionnel n° 01 du 29 janvier 2003 de la
Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement.
Par Acte additionnel n ° 06 du 15 novembre 2004 de ce même organe, il a été mis
fin à ses fonctions et il a été remplacé par Monsieur Ad A Y. Cet Acte
a fait l’objet d’un recours en appréciation de légalité de la part du requérant et a
été annulé par la Cour de Justice de l'UEMOA par arrêt n° 03 du 27 avril 2005.
Nonobstant cette décision de la Cour, la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement a une seconde fois relevé Monsieur Eugène YAÏ de ses fonctions
par Acte additionnel n° 01/2005 du 11 mai 2005.
A la suite de son recours en annulation, Monsieur Eugène YAÏ a saisi la Cour
d’une requête tendant à surseoir à l'exécution de l’Acte additionnel attaqué. Cette 5 demande de sursis a été rejetée par ordonnance n° 05 en date du 25 juin 2005
du Président de la Cour de Justice.
Monsieur Eugène YAÏ fait valoir dans son recours que son mandat est en cours
d’exécution, qu'il n’a pas démissionné et qu'aucune procédure n’a été engagée
devant la Cour de Justice pour obtenir sa révocation conformément à l’article 30
du Traité. Il estime dès lors, que la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement ne peut pourvoir à son remplacement et qu’en l'espèce l’Acte
additionnel attaqué constitue une révocation pure et simple et une voie de fait
caractérisée.
Il sollicite l'annulation de l’Acte additionnel n° 01/2005 du 11 mai 2005 pour
violation des articles 16, 27, 28 et 30 du Traité de l'UEMOA.
Le recours a été signifié aux défenderesses le 25 mai 2005 par le Greffier de la
Cour.
Par lettre en date du 30 mai 2005, le Président de la Commission de l'UEMOA a
informé la Cour de la désignation de son Agent en la personne de Monsieur
Eugène KPOTA, Conseiller juridique de la Commission.
Par lettres en date respectivement du 31 mai et 16 juin 2005, Maître Harouna
SAWADOGO et Maître Abdoul Wahab BERTHE ont informé la Cour de leur
constitution pour la défense des intérêts des défenderesses.
Sur rapport du Juge rapporteur, l'Avocat Général entendu, la Cour a décidé
d’ouvrir la procédure orale sans mesures d'instruction préalables.
II- CONCLUSIONS DES PARTIES
Monsieur Eugène YAÏ conclut à ce qu'il plaise à la Cour :
- se déclarer compétente,
- le recevoir en son action.
e Au fond:
- dire et juger son action bien fondée, en conséquence annuler l’Acte
additionnel n° 01/2005 en date du 11 mai 2005 pour violation des articles
16, 27, 28 et 30 du Traité de l'UEMOA ;
- condamner les défenderesses aux entiers dépens.
Les défenderesses concluent à ce qu’il plaise à la Cour :
e au principal et en la forme :
- s'entendre in limine litis déclarer la Cour de Justice de l'UEMOA
incompétente pour apprécier la légalité de l’Acte additionnel n° 01/2005
du 11 mai 2005 portant nomination de Monsieur Ad A Y en
qualité de membre de la Commission de l'UEMOA ;
- s'entendre déclarer irrecevable la requête de Monsieur Eugène YAÏ pour
violation des articles 9 du Traité, 26 et 29 du Règlement de procédures
de la Cour de Justice.
e subsidiairement au fond :
s'entendre déclarer le recours en appréciation de légalité mal fondé ;
e en conséquence :
- débouter Monsieur Eugène YAÏ de toutes ses prétentions, fins et
moyens ;
- le condamner aux entiers dépens.
III - MOYENS ET ARGUMENTS DES PARTIES
A. Sur la compétence et sur la forme
a) Moyens et arguments des défenderesses
Par mémoire en date du 22 juillet 2005, enregistré au Greffe de la Cour sous le
n° 06/05 le même jour, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement et la
Commission de l'UEMOA font observer que le recours en appréciation de légalité
contre un Acte additionnel échappe à la compétence de la Cour dès lors qu’il
s'impose à elle au sens de l’article 19 du Traité. L’Acte additionnel s’analyse
comme un acte relevant du pouvoir discrétionnaire de la Conférence des Chefs
d'Etat et de Gouvernement qui s'impose aux organes de l'Union ainsi qu’aux
autorités des Etats membres.
Les parties défenderesses estiment que la Cour ne saurait apprécier la légalité
d’un acte qui a autorité sur elle, sans courir le risque de violer le Traité de
l'UEMOA.
8
Elles affirment que l’Acte additionnel est exclu du domaine des actes soumis au
recours en appréciation de légalité et que seuls « les règlements, directives et
décisions d’un organe » sont susceptibles d’être attaqués devant la Cour de céans.
Elles précisent que si la Cour de Justice veille au respect du droit quant à
l'interprétation du Traité de l’Union, c’est sous réserve qu'elle ne soit amenée elle-
même à violer ledit Traité.
Les parties défenderesses soutiennent en outre que dans le système institutionnel
de l’Union Economique et Monétaire Ouest Af et conformément à
l’article 9 du Traité, seule l’Union a la personnalité juridique et partant la capacité
juridique. En conséquence ladite action initiée contre un Organe de l’Union, doit
être dirigée à titre principal contre l'UEMOA, représentée par la Commission. En
ayant esté contre la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de
l'UEMOA représentée par la Commission et non contre l’Union, Monsieur
Eugène YAÏ n’a pas satisfait aux exigences de l’article 9 du Traité de l'UEMOÀA, ce
qui rend sa requête irrecevable.
Elles estiment également que la requête ne comporte aucune précision sur les
personnes des représentants légaux de la Conférence des Chefs d’Etat et de
Gouvernement et de la Commission ; et qu’elle a de ce fait violé l’article 26
alinéa 2 du Règlement de procédures de la Cour de Justice.
Elles font remarquer enfin que la signification de la requête à la Conférence des
Chefs d’Etat et de Gouvernement n’a pas été faite à Ab, domicile élu de son
Président en exercice et que la Cour se doit de déclarer le recours irrecevable
pour violation de l’article 29 du Règlement de procédures de la Cour.
b) Moyens et arguments du requérant
Monsieur Eugène YAÏ conclut à la compétence de la Cour de Justice de l'UEMOA
et fait observer qu’elle est chargée d’appliquer les règles de droit lorsqu’un litige
est porté devant elle. Selon lui, c’est la substance de l’article 9 du Protocole
additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle qui dispose que « lorsqu'elle est
saisie d’un recours en appréciation de légalité, la Cour de Justice prononce la
nullité totale ou partielle des actes entachés de vices de forme, d’incompétence, de
détournement de pouvoir, de violation du Traité de l’Union ou des actes pris en
application de celui-ci ».
Ainsi, tout acte non conforme au Traité est susceptible d’être annulé ou déclaré
invalide ; quand bien même les Actes additionnels s'imposent aux organes de
l’Union, ils ne peuvent bénéficier d’une immunité juridictionnelle.
Monsieur Eugène YAÏ estime que tant sur la base des textes définissant la
compétence de la Cour, que sur le fondement de l’article 19 du Traité, l’Acte
additionnel ne peut échapper à la compétence de la Cour de Justice. En effet,
l’Acte additionnel querellé est un acte individuel ; or il est de principe général
commun à tous les Etats membres de l'UEMOA que tout acte individuel faisant
grief peut être déféré à la censure des juridictions administratives ; aussi, tout
acte d’un organe de l'UEMOA qui fait grief à une personne peut être déféré à la
Cour de Justice de l'UEMOA.
c) Duplique des défenderesses
Par mémoire en duplique en date du 28 octobre 2005, les parties défenderesses
font remarquer que contrairement aux prétentions du requérant, aucune analogie 10 ne peut être établie entre l’Acte additionnel et les autres catégories d'actes
prévues par le Traité de l'UEMOA.
En effet, les prescriptions de l’article 19 du Traité selon lesquelles « les Actes
additionnels sont annexés au Traité. .. leur respect s'impose aux organes de
l’Union, ainsi qu’aux autorités des Etats membres » n’ont été reprises dans
aucune disposition relative aux autres actes des Organes de l’Union.
Il s'ensuit que si les Règlements, Directives et Décisions peuvent produire leurs
entiers effets, tout en étant assujettis à de possibles recours en annulation devant
la Cour de Justice de l'UEMOA, il en va autrement de l’Acte additionnel qui est
inattaquable par nature, parce que s'imposant aux Organes de l’Union, et donc à
la Cour elle-même.
Les défenderesses indiquent en outre que la requête de Monsieur Eugène YAÏ
doit être déclarée irrecevable pour défaut de qualité de la Conférence des Chefs
d’Etat et de Gouvernement, parce que les Actes additionnels étant par essence des
actes de l’Union, tout recours contre de tels actes doit être dirigé contre l’Union
représentée par son organe d’exécution qu’est la Commission de l'UEMOA.
Elles soutiennent que les Actes additionnels échappent à la compétence de la
Cour de Justice, parce que conformément aux dispositions des articles 19 et 44 du
Traité, ils s'imposent aux Organes de l’Union et aux Etats membres ; qu’ils sont
assimilables aux actes de gouvernement et jouissent d’une véritable immunité
juridictionnelle.
Elles affirment en outre, qu’aux termes de l’article 27 des Statuts de la Cour, « la
Cour est compétente pour connaître notamment des recours en annulation des Règlements, Directives et Décisions des Organes de l'UEMOA, tels que prévus
aux articles 8 et suivants du Protocole additionnel n° 1 ».
Elles estiment qu’en ne citant pas l’Acte additionnel parmi ces actes, l’article 27
des Statuts de la Cour a entendu le soustraire expressément du contrôle de
légalité de la Cour de Justice de l'UEMOA.
d) Mémoire en réponse du requérant
Dans sa réplique en date du 25 août 2005, le requérant explique qu’il n’a pas
attrait la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement et la Commission
devant la Cour de Justice mais qu’il a plutôt attaqué l’Acte additionnel n° 01 du
11 mai 2005 pour illégalité.
Il dit avoir clairement indiqué la partie défenderesse dans sa requête et avoir
aussi satisfait aux prescriptions de l’article 26 alinéa 2 du Règlement de
procédures.
Il estime que l'exception tirée du défaut de signification de la requête au domicile
élu de la partie défenderesse est inopérante étant donné qu’elle incombe au
Greffier de la Cour et qu’il ne peut être tenu pour responsable du ministère de
celui-ci.
Il soutient que les Actes additionnels s'imposent aux organes mais sont tenus
d’être conformes au Traité.
B. Sur le fond
a) Moyens et arguments du requérant
Au principal, Monsieur Eugène YAÏ fait observer que l’Acte additionnel querellé
viole les textes régissant la nomination et la révocation des membres de la
Commission de l'UEMOA notamment les articles 27 paragraphe 2 et 30 du Traité.
12
Il précise qu’il n’a pas démissionné, que son mandat n’est pas arrivé à terme et
qu'il n’a fait l’objet d'aucune procédure devant la Cour pour incapacité ; qu’en le
révoquant la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement a outrepassé ses
pouvoirs.
Il sollicite en conséquence de la Cour de déclarer nul et de nul effet l’Acte
additionnel n° 01/2005 du 11 mai 2005 qui est une reconduction identique de
l’Acte additionnel n° 06/2004 du 15 novembre 2004 dont le sort a été réglé par
arrêt de la Cour de Justice en date du 27 avril 2005.
Dans son dernier mémoire en réponse, le requérant reprend les moyens déjà
développés et demande leur application.
b) Moyens et arguments des défenderesses
Les parties défenderesses estiment que l’Acte additionnel attaqué a été pris dans
le strict respect du Traité de l'UEMOA avant de conclure au rejet des prétentions
du requérant.
Elles soutiennent que le Traité prévoit, en ses articles 27 et 30, deux motifs de
révocation fondés l’un sur la faute lourde et l’autre sur l'incapacité.
Par ailleurs, dans leurs observations orales, elles précisent que l’article 27 du
Traité permet à la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de modifier le
nombre de Commissaires.
Elles demandent enfin à la Cour d'appliquer les mêmes motifs que ceux utilisés
dans l'ordonnance n° 05 du 02 juin 2005 du Président de la Cour qui a mis en
balance les intérêts du requérant avec ceux de l'Union pour éviter de bloquer le
fonctionnement régulier de celle-ci.
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IV - MOTIFS DE L’'ARRET
A. Sur la compétence de la Cour
Les défenderesses estiment que la Cour de Justice est incompétente pour
apprécier la légalité d’un Acte additionnel car l’article 19 du Traité en fait une
catégorie particulière d’actes qui s'impose à l’ensemble des Organes de l’Union
ainsi qu’aux Autorités des Etats membres, et donc à la Cour de Justice de
l'UEMOA.
Il y a lieu de rappeler que dans son arrêt n° 3 du 27 avril 2005 qui a opposé les
mêmes parties sur les mêmes prétentions, la Cour a jugé que le « recours en
annulation tend à assurer le respect du droit dans l'interprétation et l'application
du Traité et qu'il serait contraire à cet objectif d'interpréter restrictivement les
conditions de recevabilité du recours en limitant sa portée aux Règlements,
Directives et Décisions communautaires et que la Cour doit veiller au respect de
la légalité communautaire à laquelle est soumis l’Acte en cause ».
La Cour a précisé que la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement est un
Organe de l'UEMOA, et que les actes individuels qu'elle prend et qui font grief
sont attaquables devant elle.
S'agissant de l’Acte additionnel, il y a lieu de distinguer deux catégories d'actes :
l’Acte additionnel à portée générale ou règlementaire tels que les Actes portant
Statuts de la Cour de Justice, et l’Acte additionnel à caractère individuel comme
ceux portant nomination des Commissaires, des Juges.
L’Acte additionnel à caractère individuel doit en tout état de cause, être conforme
au Traité. Et dès lors qu'il porte atteinte à la situation juridique d’un tiers, il reste 14 soumis au contrôle de la Cour de Justice de l'UEMOA qui seule « veille au
respect du droit quant à l'interprétation et à l'application du Traité de l’Union ».
Pour les mêmes motifs que ceux de l'arrêt n°3 du 27 avril 2005 qui a acquis
autorité de chose jugée, la Cour juge inopérants les arguments des défenderesses.
Il y a lieu de préciser en outre que l’article 8 du Protocole additionnel n°1 relatif
aux Organes de contrôle distingue deux catégories d’initiateurs de recours en
appréciation de légalité.
Ainsi, lorsque le recours est initié par un Etat membre, par le Conseil des
Ministres ou par la Commission, il ne peut être formé que contre les Règlements,
les Directives et les Décisions.
Tandis que dans le cas d’un recours ouvert à toute personne physique ou morale,
ce recours peut être formé contre « tout acte d’un Organe » de l’Union lui faisant
grief.
Par ailleurs aux termes de l’article 8 alinéa 4 du Protocole additionnel n° 1, le
législateur a assorti ce recours d’une amende de folle action à l'encontre de toute
personne de droit privé physique ou morale, en cas de recours manifestement
abusif ou dilatoire.
Il s'ensuit que le moyen tiré de l’incompétence est inopérant et doit être rejeté.
Dès lors la Cour de Justice est compétente pour connaitre de la légalité de l'acte
querellé.
B. Sur la recevabilité du recours
Les défenderesses opposent le défaut de qualité de la Conférence de Chefs d'Etat
et de Gouvernement et l’inobservation des formalités prescrites aux articles 9 du
Traité, 29 et 26 du Règlement de procédures de la Cour de Justice, à savoir, le
défaut d'indication des parties défenderesses, l’irrégularité de la signification et le
défaut de cautionnement.
15
Certes l’article 9 du Traité reconnait à l'Union une personnalité juridique et
dispose qu'elle est représentée en justice par la Commission ; le même article lui
fait jouir dans chaque Etat membre de la capacité juridique la plus large reconnue
aux pays membres par les législations nationales. À ce titre, la Commission
répond de l’Union et des actes dommageables posés par les Organes de celle-ci
comme le stipule l’article 15 du Protocole additionnel n° 1 sans pour autant se
substituer à eux devant la Cour.
Par ailleurs, il ressort des dispositions de l’article 29 alinéa 1 des Statuts de la
Cour de Justice et de l’article 22 alinéa 1 du Règlement de procédures que les
Organes de l’Union sont justiciables devant la Cour. Il en est de même des
stipulations de l’article 10 du Protocole additionnel n° 1 qui oblige l’'Organe dont
la décision est annulée à « prendre les mesures que comporte l'exécution de
l’arrêt de la Cour de Justice ».
En citant comme défenderesses la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement de l'UEMOA prise en la personne de son représentant légal et la
Commission de l'UEMOA prise en la personne de son représentant légal, le
demandeur n’a pas violé les dispositions de l’article 9 précité. Il convient dès lors
d’écarter ce moyen comme inopérant.
Quant au moyen tiré de la violation de l’article 29 du Règlement de procédures de
la Cour de Justice, en ce que la requête n’a pas été signifiée au domicile élu du
Président de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, il convient de
préciser que l'acte de signification n° 19/2005 du 25 mai 2005 du Greffier de la
Cour a été adressé à son destinataire sous couvert de Monsieur le Président de la
Commission de l'UEMOA, appuyé d’une lettre de transmission n° 05/041 du
25 mai 2005 du Président de la Cour.
16
En tout état de cause, même si irrégularité il y a eu dans les formalités de
signification, encore faut-il qu’il s'agisse de formalités dont le non respect vicie la
procédure écrite au point de mettre en péril les droits de la défense ; or dans le
cas d'espèce, les défenderesses ont pu désigner leur Agent pour les représenter et
ont pu constituer des Avocats qui ont présenté leurs moyens de défense tant dans
la procédure écrite que dans la procédure orale.
Il s'ensuit que le vice de forme invoqué n’a eu aucune influence sur le bon
déroulement de la procédure et n’a porté aucunement atteinte aux droits de la
défense au point d’influencer la décision à intervenir.
Enfin, en ce qui concerne la prétendue violation de l’article 26 du Règlement de
procédures, il est établi que le requérant a déposé une caution de trente mille
francs (30 000 F CFA) au Greffe de la Cour contre quittance en date du 03 juin
2005, suite à l'ordonnance n° 03/05 du 31 mai 2005 du Président de la Cour de
Justice fixant le dit cautionnement.
Il résulte de tout ce qui précède que les moyens tirés de l’irrecevabilité du recours
ne sont pas fondés et doivent être rejetés.
C. Au fond
Du défaut de pouvoir de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement et
de la violation des articles 16, 27, 28 et 30 du Traité.
Sur ce moyen, il convient de noter que les Commissaires sont nommés par la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement pour un mandat dont la durée
est de quatre (04) ans renouvelable. Ce mandat ne peut être interrompu qu’en cas
de faute lourde ou d'incapacité ou de démission.
17
L'article 30 du Traité précise que la révocation d’un Commissaire est
prononcée par la Cour de Justice à la demande du Conseil, pour sanctionner « la
méconnaissance des devoirs liés à l'exercice des fonctions de membre de la
Commission ». Même en cas d'incapacité avérée d’un Commissaire, que cette
incapacité soit professionnelle ou physique, la révocation de ce commissaire doit
suivre la procédure prescrite par l’article 30.
Il résulte des pièces versées au dossier que le requérant est entré en fonction le
05 mars 2003. Son mandat doit donc expirer en principe le 04 mars 2007 ; en
l’interrompant unilatéralement avant terme, l’Acte additionnel de la Conférence
des Chefs d'Etat et de Gouvernement a été pris en violation des dispositions des
articles 16, 27, 28 et 30 du Traité.
En effet, aucune disposition du Traité ne prévoit que la Conférence des Chefs
d’Etat et de Gouvernement détient le pouvoir de révoquer un Commissaire. Et
l’article 27 en édictant que la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement
pouvait changer le nombre de Commissaires n’y a pas ajouté le pouvoir de les
révoquer.
Il ressort de tout ce qui précède que l’Acte additionnel n° 01 du 11 mai 2005, a été
pris en violation des dispositions pertinentes du Traité
S'agissant de l'argument tiré de la jurisprudence de l'ordonnance n° 05 du
02 juin 2005 sur la nécessité de mettre les intérêts du requérant en balance avec
ceux de l’Union pour éviter de bloquer le fonctionnement d’un Département ou
d’un Organe, il convient de préciser que cette jurisprudence n’est applicable
qu’en matière de procédure d'urgence. En ce qui concerne le cas d'espèce, qui est
une procédure au principal, la question relative à la préservation des intérêts de
l’Union est réglée par l’article 10 du Protocole additionnel n° 1 qui dispose que:
18 «l’Organe de l’Union dont émane l'acte annulé est tenu de prendre les
mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour de Justice. Celle-ci a la
faculté d’indiquer les effets des actes annulés qui doivent être considérés
comme définitifs ».
En conséquence, il y a lieu de dire et juger que l’Acte additionnel attaqué ne
respecte pas les dispositions du Traité, et doit donc être annulé.
Mais cette annulation si elle produisait ses entiers effets atteindrait les actes pris
par le Commissaire entrant ; aussi, conformément aux dispositions de l’article 10
précité, il convient de dire que les effets de la nullité courent à compter du présent
arrêt afin de préserver les intérêts de l'Union par rapport aux actes déjà posés.
V - SUR LES DEPENS
Il ressort des dispositions de l’article 60 du Règlement de procédures de la Cour,
que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens.
Toutefois, aux termes de l’article 61 dudit Règlement, dans les litiges entre
l’Union et ses agents, les frais exposés par les Organes de l’Union restent à la
charge de ceux-ci, sans préjudice des dispositions de l'alinéa 5 de l’article 60 du
Règlement précité.
Les défenderesses ayant succombé en leurs moyens, il ya lieu, en application des
dispositions ci-dessus, de les condamner aux entiers dépens.
19
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement en matière de droit
communautaire :
- se déclare compétente pour apprécier la légalité de l’Acte additionnel
n° 01/2005 du 11 mai 2005 ;
- déclare le recours de Monsieur Eugène YAÏ recevable.
Au fond :
- dit que l’Acte additionnel n° 01/2005 du 11 mai 2005 portant nomination
de Monsieur Ad A Y a été pris en violation des articles 16,
27, 28 et 30 du Traité de l'UEMOA ;
- en conséquence, le déclare nul et de nul effet ;
- dit que cette nullité prend effet à compter de la date du présent arrêt ;
- condamne les défenderesses aux entiers dépens ;
Ainsi prononcée en audience publique les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier suppléant.
Suivent les signatures illisibles.
Pour copie conforme dressée au Greffe de la Cour, le 12 avril 2006.
Diénaba WINKOUN/GNANOU