ARRÊT
N°04/2021
DU 09 juin 2021
RECOURS EN ANNULATION
Monsieur Af C
C/
Conseil des Ministres de l’Union
Monétaire Ouest Africaine (UMOA)
Composition de la Cour :
M. Daniel Amagoin TESSOUGUE,
Président ;
M. Salifou SAMPINBOGO, Juge
Rapporteur ;
M. Euloge AKPO, Juge ;
Mme Victoire Eliane ALLAGBADA
JACOB, 1°“ Avocat Général ;
Me Boubakar TAWEYE MAIDANDA, Greffier.
EXTRAIT DES po MINUTES DU GREFFE
COUR DE JUSTICE DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST X YA)
AUDIENCE PUBLIQUE DU 09 JUIN 2021
La Cour de Justice de l'UEMOA, réunie en audience publique ordinaire, le neuf (09) juin deux mille-vingt- un (2021), à laquelle siégeaient :
M. Daniel Amagoin TESSOUGUE, Président ;
M. Salifou SAMPINBOGO, Juge rapporteur ;
M. Euloge AKPO, Juge ;
en présence de Mme Victoire Eliane ALLAGBADA, Premier Avocat Général ;
avec l’assistance de Me Boubakar TAWEYE MAIDANDA, Greffier ;
a rendu l’Arrêt contradictoire dont la teneur suit :
ENTRE :
Monsieur Af C, ancien Directeur Général de la Fédération des Caisses du Crédit Mutuel du Sénégal, demeurant à Dakar quartier Sacré Cœur 3, villa n° 9702, ayant pour Conseil la Société Civile Professionnelle d’Avocats BA & OUMAÏS, sise à Dakar, 5, Avenue Aa Ah, Immeuble Ac Ab, 12°m° étage, Appartement 123, agissant par le Conseil de la Société Civile Professionnelle d’Avocats BA & OUMAÏS, sise à Dakar, 5, Avenu Aa Ah, Immeuble Ac Ab, 12è"° étage, Appartement 123 ;
Demandeur, d’une part ;
ET Le Conseil des Ministres de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA), ayant pour Conseil la Société Civile Professionnelle d’Avocats N’GAN, ASMAN & Associés, Avocats près la Cour d’Appel d’Abidjan, 37 rue de la Canebière, 01 BP 3361, Abidjan 01 — Tél : +225 22 40 47 00/05, assistée du Cabinet SAWADOGO & SAWADOGO, Avocats près la Cour d’Appel de Ad, constitué pour les besoins de la cause ;
Défendeur, d’autre part ;
Page 1 sur 13 LA COUR
VU le Traité de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine en date du 10 janvier 1994, tel que modifié le 29 janvier 2003 ;
VU le Protocole additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l’'UEMOA ;
VU l’Acte additionnel n° 10/96 du 10 mai 1996 portant Statuts de la Cour de Justice de l’UEMOA ;
VU le Règlement n° 01/96/CM du 05 juillet 1996 portant Règlement de procédures de la Cour de Justice de l’'UEMOA ;
VU le Règlement n°01/2012/CJ du 21 décembre 2012 relatif au Règlement administratif
de la Cour de Justice de l’UEMOA ;
VU le Procès-Verbal n°02/2016/CJ du 26 mai 2016 relatif à la prestation de serment et à
l’installation des membres de la Cour de Justice de l’UEMOA ;
VU le Procès-Verbal n°2019-08/A1/02 du 28 mai 2019 relatif à la désignation du Président de la Cour et à la répartition des fonctions au sein de la Cour ;
VU le Procès-Verbal n°2019-09/AP/07 du 03 juin 2019 relatif à l’installation du Président de la Cour de Justice de l’UEMOA ;
VU l’Ordonnance N°021/2019/CJ du 20 novembre 2019 portant fixation des jours des Assemblées de la Cour de Justice de l’'UEMOA ;
VU la requête en date du 16 janvier 2018, enregistrée au Greffe de la Cour de Céans sous le n°18 ROO1, par laquelle Monsieur Af C ;
VU le procès-verbal de l’audience publique ordinaire du 11 novembre 2020 ;
VU le procès-verbal de l’audience publique ordinaire du 10 mars 2021 ;
VU le procès-verbal de l’audience publique ordinaire du 19 mai 2021 ;
VU l’Ordonnance n° 17/2021/CJ du 25 mai 2021 portant composition de la formation plénière devant siéger en audience publique du 09 juin 2021 ;
VU les pièces du dossier ;
VU les convocations des parties ;
ouï le Juge rapporteur en son rapport ;
CONSIDERANT que le Conseil du demandeur, régulièrement convoqué, n’a pas comparu ;
ouï le Conseil du Conseil des Ministres de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA), en ses observations orales ;
ouï le Premier Avocat Général en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément au droit communautaire :
Page 2 sur 13 I. FAITS ET PROCEDURE
Considérant que par requête en date du 16/01/2018, enregistrée à la Cour sous le n° 18R001
du 16/01/2018, Monsieur Af C, ancien Directeur Général de la Fédération des
Caisses du Crédit Mutuel du Sénégal, a introduit un recours en appréciation de la légalité et en
annulation de la Décision n° 022/26/09/CM/UMOA du Conseil des Ministres de l’'UMOA qui
confirme la Décision n° 40 du 16 juin 2016 de la Commission Bancaire de l’UMOA portant
interdiction d’exercer toute fonction de responsabilité dans un établissement financier de la
zone UMOA prise à son encontre ;
Que lors d’une mission de vérification globale commise par la Commission Bancaire de
l’UMOA auprès de la Fédération des Caisses du Crédit Mutuel du Sénégal, en abrégé FCCMS,
du 3 au 24 août 2015, la mission d’inspection a relevé des actes de mauvaise gestion à l’encontre
de Monsieur Af C alors Directeur Général, notamment le règlement de ses
dépenses personnelles via la carte bancaire VISA de l’Etablissement, la double prise en charge
de ses frais d’hébergement et de séjour à l’occasion de mission, la perception des primes de
productivité d’un montant de 26, 2 millions de F CFA par an en 2013 et 2015 et ce, dans un
contexte où la situation de l’établissement est préoccupante, etc. ;
Que la Commission Bancaire, par Décision n°040-06-2016/CB/C du 16 juin 2016, a prononcé
la démission d’office de Monsieur Af C de ses fonctions de Directeur Général
de la FCCMS et l’interdiction pour ce dernier d’exercer des fonctions d’administration de
gestion ou de contrôle d’un système financier décentralisé ou d’un établissement de crédit de
l’UMOA ;
Que Monsieur Af C a introduit le 25 juillet 2016, un recours auprès du Conseil
des Ministres de l’'UMOA contre la décision de la Commission Bancaire ;
Que le Conseil des Ministres de l'UMOA, après avoir statué sur le recours de Monsieur
Af C, a déclaré dans sa Décision n° 021/26/09/2016/CM/UMOA du 26
septembre 2016, que :
« Article 2 : Le Conseil des Ministres de l'UMOA juge irrecevable, au fond, le recours introduit
par Monsieur C le 25 juillet 2016 contre la décision n°040-06-2016/CB/C du 16 juin
2016 de la Commission Bancaire de l'UMOA.
Page 3 sur 13 La Décision susvisée de la Commission Bancaire de l'UMOA est bien fondée, motifs pris de la
violation des dispositions légales et règlementaires applicables aux systèmes financiers
décentralisés en République du Sénégal de la FCCMS et engageant la responsabilité directe et
personnelle de Monsieur Af C.
Subséquemment, la sanction infligée à Monsieur Af C par la Commission
Bancaire de l'UMOA est proportionnée aux griefs relevés à son encontre.
Article 3 : Le Conseil des Ministres confirme, dans toutes ses dispositions la décision n°040-
06-2016/2016/CB/C du 16 juin 2016 de la Commission Bancaire de l'UMOA. » ;
Qu’ainsi, Monsieur Af C a saisi la Cour de Justice de l’'UEMOA d’un recours
en appréciation de légalité et en annulation de la Décision n°022/26/2016/CM/UMOA du 26
septembre 2016 du Conseil des Ministres de l’UMOA, et demande à la Cour de :
- Déclarer son recours recevable ;
- Annuler la Décision n° 22/26/09/CM du 26 septembre 2016 du Conseil des Ministres de
l’UMOA ;
- Annuler par voie de conséquence la Décision n° 40 du 16 juin 2016 de la Commission
bancaire de l’UMOA ;
- Condamner le défendeur aux dépens ;
- Ordonner la restitution de la caution ;
Qu’après des échanges entre le requérant et le défendeur qui ont produit une requête et un
mémoire en défense, complétés par une réplique du requérant et d’une duplique du défendeur,
le Président de la Cour a par deux ordonnances distinctes, constaté la fin de la procédure écrite
et procédé à la désignation d’un juge rapporteur ;
Que celui-ci dans son rapport a suggéré à la Cour d’ordonner des mesures d’instructions
notamment en demandant le rapport de vérification de la Commission bancaire qu’a servi de
fondement à la décision querellée ;
Que la Cour est passée outre par arrêt avant-dire-droit ;
Page 4 sur 13 II. PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
I[.1. En la forme
Considérant que le requérant a déposé le 16/01/2018 un recours en appréciation de la légalité
et en annulation de la Décision n°022/26/09/2016/CM/UMOA du 26 septembre 2016 du
Conseil des Ministres de l’UMOA ;
Qu'il joint à sa requête un récépissé de cautionnement et conclut que son recours introduit dans
les formes et délais requis par la loi est recevable ;
Que le défendeur soulève in limine litis l’incompétence de la Cour de céans ;
Qu'il indique que cette incompétence a un triple fondement ;
Qu'elle est tirée tant des dispositions des articles 14 et 15 du Règlement 01/96/CM/UEMOA
portant Règlement de procédures de la Cour de Justice de l'UEMOA, des dispositions de
l’article 3 du Traité de l'UEMOA, que de l’article 38 ancien (ou 43 nouveau) de l’Annexe à la
convention régissant la Commission Bancaire ; qu’il soutient que si d’aventure la Cour venait
à retenir sa compétence, elle ne manquera pas cependant de déclarer Mr Af C
mal fondé en son recours pour les motifs ci-après ;
IL.2. Au fond
Considérant que le requérant reprend les considérants qui sont évoqués par le Conseil des
Ministres pour justifier sa décision et répond point par point :
« Considérant que la mission de vérification globale effectuée du 03 au 24 août 2015, a relevé
à l'encontre du Directeur Général des actes de mauvaises gestions matérialisés par le
règlement de ses dépenses personnelles via la carte bancaire VISA de l'Etablissement, la
double prise en charge de ses frais d'hébergement et de séjour à l’occasion de missions, la
perception des primes de productivité d’un montant de 26,2 millions de FCFA par an en 2013
et 2015 et ce, dans un contexte où la situation financière de l'établissement est préoccupante ».
Que le demandeur précise que les dépenses engendrées par l’utilisation de la carte ont été toutes
régularisées respectivement en mars 2013 et février 2015 et qu’au moment où la mission est
intervenue en août 2015, il n’existait aucune dette liée à l’utilisation de la carte ;
Page 5 sur 13 Que concernant la possibilité d’une double prise en charge lors de missions à l’étranger,
le requérant précise que les sommes versées avant la venue de la mission de la Commission
Bancaire, pour régulariser des dépenses supplémentaires ont été de trop et il devrait recevoir un
remboursement, suite à sa requête ;
Que concernant la prime de productivité, Monsieur C explique que la politique de
motivation du personnel à travers les primes de productivité et les primes de performance
remonte à plus de 10 ans bien avant sa nomination en février 2012 ;
Que le Conseil d’Administration a toujours approuvé le versement des primes versées aux
salariés y compris celles versées au Directeur, comme en attestent les procès-verbaux des
réunions du Conseil d’Administration des 08 avril 2013, 16 juin 2014, 23 février 2015 et juin
2016 ;
Qu’en vertu de l’accord d’entreprise, les primes de performance et de productivité sont
devenues des avantages acquis ;
Que pour preuve, la lettre d’emploi de 2008 à lui adressée, le mentionne expressément ;
Que les primes ne peuvent pas être octroyées en violation des dispositions régissant l’accord
d’entreprise dont l’article 12 laisse le soin au Président du Conseil d’Administration de
déterminer celle du Directeur Général ;
Que les informations financières et prudentielles présentées aux tableaux tirés du rapport de
vérification de la Commission Bancaire de l’UMOA sur la situation financière de
l’établissement prouvent le contraire de celle que qualifie de préoccupante la décision du
Conseil des Ministres de l’'UMOA, et qu’il est très grave de soumettre à la signature de l’autorité
des faits inexacts ;
Que concernant l’absence de dispositif de suivi des avantages en nature du Directeur
Général, la qualification est excessive car au passage de la mission de contrôle, un dispositif de
suivi des avantages en nature du Directeur Général existait mais comme toute œuvre humaine,
il est perfectible ;
Que sur le défaut de remboursement des dépassements de plafonds desdits avantages,
l’analyse minutieuse des avantages en nature accordés au Directeur Général fait ressortir une
économie sur l’ensemble du budget consommé et supporté par l’Etablissement de 2.627.377
FCFA entre 2013 et 2015 ;
Page 6 sur 13 Que le dépassement téléphonique relevé rapporté au budget de fonctionnement, montre qu’un
tel état de fait est très loin de mettre en péril l’établissement ;
Que le Directeur Général a ordonné de prélever à la source pendant six mensualités les
montants des dépassements à rembourser et qu'aucun texte ne dispose qu’en cas de dépassement
de plafonds d’un avantage en nature accordé, la sanction est la destitution ;
Que concernant les augmentations régulières du traitement du Directeur Général, sans
tenir compte des situations financières et prudentielles dégradées de l’établissement, le
constat sur l’augmentation des salaires du Directeur Général au cours des trois dernières années
est matériellement inexact ;
Que le rapport du Chef de service Paye à la Direction des Ressources Humaines sur la question
contredit le constat de la Commission Bancaire de l’UMOA : « L'analyse faite tout au long de
ce rapport a démontré que les éléments de salaires du Directeur Général fixés par les instances
de décision de juillet 2012 au mois de novembre 2015, n’ont subi aucune augmentation… » ;
Que sur la preuve juridique de l’exclusion de la prime de productivité de la base de
détermination de son traitement salarial, la note du Président du Conseil d’Administration
qui fixe les primes liées aux fonctions de Directeur Général dans laquelle ne figure pas la prime
de productivité et que c’est cette prime de productivité qui a été considérée comme faisant partie
de son salaire, par la Commission Bancaire pour déduire une prétendue augmentation dudit
salaire au motif qu’il n’aurait pas rapporté la preuve que la prime de productivité ne fait pas
partie de son salaire ;
Que cette démarche est contraire à deux principes fondamentaux de droit ;
Qu'elle viole le régime juridique de la charge de la preuve et l’impossibilité juridique de
rapporter la preuve d’un fait négatif ;
Que de deux chose l’une, soit la prime de productivité est inclue et dans ce cas, on ne peut
parler d’augmentation de salaire mais de perception de sommes indues, soit elle fait partie du
salaire et dans ce cas, seule l’augmentation de salaire injustifiée peut être invoquée, mais pas
les deux faits, tous constitutifs de fautes sanctionnables et sanctionnées ;
Qu’enfin la décision attaquée est illégale car elle ne précise pas la disposition de la loi 2008-47
du 03 septembre 2008 portant règlementation des systèmes financiers décentralisés du Sénégal
qui aurait été violée et conclut que cette absence de précision de la disposition de la loi qui
aurait été violée est constitutive à la fois d’un défaut de base légale et d’un défaut de motivation,
Page 7 sur 13 mais constitue également une atteinte à ses droits de la défense, car il ignorait la disposition de
la loi violée qui sert de fondement aux sanctions prises à son encontre ;
Que sur la matérialité des faits reprochés à M. Af C, le demandeur conteste la
matérialité des faits à lui reprochés ; que cependant, la matérialité desdits faits, relatifs au
règlement des dépenses personnelles du requérant via la carte VISA de la FCCMS, la perception
de primes de productivité d’un montant de 26, 2 millions de FCFA, l’augmentation régulière
de son traitement salarial, n’est pas contesté par le requérant ; que ce dernier reconnait
explicitement la matérialité de ces faits, puisqu’il leur dénie toute gravité pouvant justifier la
sanction prise à son encontre ; qu’il ne peut dénier la gravité des faits parce que lesdits faits
existent ;
Que l’article 28 ancien de l’annexe à la Convention régissant la Commission Bancaire édicte
que : « Lorsque la Commission Bancaire constate une infraction à la règlementation bancaire
et à toutes autres législations applicables aux établissements de crédit sur le territoire d’un
Etat membre sans préjudice des sanctions pénales ou autres encourues, elle prononce une
ou plusieurs des sanctions disciplinaires suivantes … » ; qu’en vertu de cette disposition, la
Commission Bancaire dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier la gravité des actes
relevés dans la gestion des structures sous son contrôle et prononcer les sanctions qui
s’imposent ;
Que sur la prime de productivité, il ressort des principes de droit commun que : « Les
modalités et le montant de la rémunération du Directeur Général sont fixés par le Conseil
d'Administration. Le cas échéant les avantages en nature qui lui sont attribués sont fixés de la
même manière que sa rémunération » cf. article 490 de l’Acte Uniforme relatif au Droit des
Sociétés Commerciales ;
Que le requérant a perçu une prime de productivité sur décision du Président du Conseil
d’Administration ;
Qu'il ressort de l’article précité que seul le Conseil d’Administration a pouvoir pour fixer la
rémunération du Directeur Général et le cas échéant octroyer des avantages en nature à ce
dernier ;
Que la décision prise de son chef par le Président du Conseil d’Administration de payer au
requérant une prime de productivité est donc illégale, celui-ci n’ayant pas pouvoir de prendre
une telle décision ;
Que ledit Président du Conseil d’Administration a reçu les mêmes sanctions que le requérant ;
Page 8 sur 13 Que sur la légalité de la décision du Conseil des Ministres, une lecture un tant soit peu
attentive et de bonne foi permet de noter que la décision querellée précise bien que les faits
reprochés au requérant violent la loi n° 2008-47 du 03 septembre 2008 ;
Que concernant le grief lié à la double sanction qu’interdirait l’article 71, il ressort de la
combinaison des articles 30 et 31 de la loi susvisée que le principe de l’application cumulative
de la sanction disciplinaire relative à la démission d’office et l’interdiction pour le dirigeant
concerné d’exercer des fonctions d’administration de gestion ou de contrôle d’un système
financier décentralisé de l’'UMOA est ainsi posé de façon non équivoque et la logique de cette
mesure tombe sous le bon sens ;
Qu'elle vise à éviter qu’une personne frappée d’une sanction puisse reproduire les mêmes actes
de mauvaise gestion auprès d’un autre établissement dans un autre Etat membre de l’UMOA ;
IIL.1. Sur la forme
a) Sur la compétence de la Cour
Considérant que l’article 2 du Traité modifié de l’'UEMOA dispose : « Par le présent Traité,
les Hautes Parties contractantes complètent l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA)
instituée entre elles, de manière à la transformer en Union Economique et Monétaire Ouest
X YA), ci-après dénommée l'Union » ; que l’article 62 du même Traité modifié
par l’article 40 du Traité de l’'UMOA du 20 janvier 2007 dispose : « la politique monétaire de
l’Union est régie par les dispositions du Traité de l'Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA)
et par les textes subséquents. Sans préjudice des objectifs qui lui sont assignés, elle soutient
l’intégration économique de l'Union » ;
Considérant que s’il est vrai qu’il y a deux Traités UMOA et UEMOA, ils constituent depuis
le 20 janvier 2007 un même corps de règles et la Cour de Justice demeure un Organe de contrôle
juridictionnel commun à l’UMOA et à l'UEMOA qui forment l’Union dénommée UEMOA ;
que dès lors, la juridiction de céans est compétente pour connaitre de la présente cause ;
b) Sur la recevabilité de la requête
Considérant que le Protocole Additionnel n° 1 relatif aux Organes de contrôle de l’Union
dispose en son article 8 :
Page 9 sur 13 « Sur recours formé par un Etat membre, par le Conseil ou par la Commission, la Cour de
Justice apprécie la légalité des règlements, directives et décisions.
Le recours en appréciation de la légalité est ouvert, en outre, à toute personne physique ou
morale, contre tout acte d’un Organe de l’Union lui faisant grief.
Les recours prévus au présent article doivent être formé dans un délai de deux mois à compter
de la publication de l'acte, de sa notification au requérant, où à défaut, du jour où celui-ci en
a eu connaissance » ;
Que le requérant a déposé le 16 /01/2018 un recours en appréciation de légalité et en annulation
de la décision n°022/26/2016/CM/UMOA du 26 septembre 2016 du Conseil des Ministres de
l’UMOA ;
Que la décision lui a été notifiée le 16/11/2017 suivant correspondance en date du 13/11/2017 ;
Qu'il joint à sa requête un récépissé de cautionnement ;
Qu'’à l’analyse la requête doit être déclarée recevable ;
IIL.2. Sur le fond
a) Sur la matérialité des faits et moyens invoqués par le requérant
Considérant qu’il a été relevé des actes de mauvaise gestion à l’encontre de Monsieur
Af C, alors Directeur Général de la Fédération des caisses de crédit Mutuel du
Sénégal en abrégé FCCMS, lors de la mission globale de vérification commise par la
commission bancaire de l’UMOA ; qu’il s’agit du règlement de ses dépenses personnelles via
la carte bancaire de l’établissement et de la double prise en charge de ses frais d’hébergement
et de séjour à l’occasion de mission, la perception de primes de productivité, alors que la
situation financière de l’établissement est préoccupante, des augmentation irrégulières du
traitement du Directeur Général ainsi que des avantages en nature qui lui sont octroyés ;
Qu'il ressort de l’entier dossier que la matérialité desdits faits, notamment celle relative au
règlement des dépenses personnelles du requérant via la carte VISA de la FCCMS, à la
perception de prime de productivité d’un montant de 26,2 millions de francs CFA et à
l’augmentation irrégulière de son traitement n’est pas contestée par le requérant ;
Que ce dernier reconnait explicitement la réalité de ces faits, mais leur dénie toute gravité
pouvant justifier la sanction prise à son encontre ;
Page 10 sur 13 Que l’article 28 ancien de l’annexe à la convention régissant la commission Bancaire dispose
que : « lorsque la Commission Bancaire constate une infraction à la réglementation bancaire
et à toutes autres législation applicables aux Etablissement de crédit sur le territoire d’un Etat
membre…, sans préjudice des sanctions pénales ou autres encourues, elle prononce une ou
plusieurs des sanctions disciplinaires suivantes.» ;
Qu'en vertu de cette disposition, la Commission Bancaire dispose d’un pouvoir d’appréciation
de la gravité des actes relevés dans la gestion des structures sous son contrôle et de qualification
de ceux-ci et prononce les sanctions qu’elle estime utiles ;
Qu'il ressort de la présentation de ses moyens de défense que le requérant émet des jugements
de valeur sur la gravité des faits portés par l’organe de contrôle qu’est la Commission Bancaire
ayant conduit à sa sanction ;
Qu’à défaut d’erreur manifeste sur l’exactitude des faits, le juge ne saurait exercer un contrôle
sur les jugements de valeurs portés par un organe de l’Union sur des faits enregistrés, lors du
contrôle d’une structure se trouvant sous sa tutelle ;
Qu'il suit de tout ce qui précède que le moyen tiré de la constations des faits (ou irrégularités)
développés par le requérant est donc inopérant ;
b) Sur la légalité de la décision du Conseil des Ministres de l'UMOA
Considérant que Monsieur Af C conteste toute légalité à la décision du
Conseil des ministres prise à son encontre aux motifs :
- d’une part, que la décision du Conseil des Ministres n’a pas précisé le texte que les actes
à lui reprochés auraient violés ;
- d’autre part, que ladite décision violerait les dispositions de l’article 71 de la loi n°2008-
47 du 30 septembre 2008 portant réglementation des Systèmes Financiers Décentralisés
de la République du Sénégal ;
Que malgré cette allégation, il importe de constater que la décision du Conseil des Ministres
précise suffisamment que les faits reprochés au requérant violent la loi n°2008-47 du 3
septembre 2008 portant réglementation des Systèmes Financiers Décentralisés de la République
du Sénégal ;
Qu'il s’ensuit que ce moyen invoqué par le requérant doit être écarté ;
Page 11 sur 13 Considérant qu’en outre, s’agissant de la violation supposée de l’article 71 de la loi n°2008-
47 du 3 septembre 2008 portant réglementation des Systèmes Financiers Décentralisés de la
République du Sénégal par la décision querellée, le requérant soutient que cette violation
résulterait d’une double sanction prise par la Commission Bancaire à son encontre, alors que
ledit article ne prévoit pas de cumul de sanctions ;
Qu'’aux termes de l’article 71 susvisé : « suivant la nature de la gravité des infractions commise,
le ministre dans le cas des systèmes financiers décentralisés visés à l’article 44, la Banque
Centrale ou la Commission Bancaire peuvent prendre les sanctions disciplinaires suivantes :
l'avertissement, le blâme, la suspension ou l'interdiction de tout ou partie des opérations ; la
suspension ou la destitution des dirigeants responsables » ;
Que dans le même sens, l’article 30 de la même loi dispose que « nul ne peut être membre d’un
organe d'administration, de gestion ou de contrôle dans un système financier décentralisé, ni
directement ni par personne interposée, administrer, diriger, gérer ou contrôler un système
financier décentralisé ou une de ses agences proposer au public, la création d’un système
financier décentralisé, ni disposer du pouvoir d'engager l’institution s’il a fait l’objet d’une
condamnation définitive par suite d’infractions portant atteinte aux biens ou pour crimes de
droit commun » ;
Que de la lecture combinée de ces deux articles, il ressort que la sanction disciplinaire relative
à la démission d’office, prévue à l’article 71, a pour conséquence, en vertu de l’article 30,
l’interdiction pour le dirigeant concerné d’exercer les fonctions d’administration, de gestion ou
de contrôle d’un Système Financier Décentralisé de l’UMOA ou de l’une de ses agences ;
Qu'il en résulte en définitive, que le principe de l’application cumulative de ses dispositions
est posé de façon non équivoque par la loi sur les Systèmes Financiers Décentralisés ;
Qu'en tout état de cause, la décision du Conseil des Ministres, confirmant la décision de la
Commission Bancaire, ne viole aucune disposition de la loi sur les Système Financiers
Ae qui interdirait la double sanction ;
Que ce moyen du requérant est inopérant ;
Qu’il y a en conséquence lieu de rejeter les demandes formées par le requérant et tendant en
l’appréciation de légalité et en annulation de la Décision n°022/26/2016/CM/UMOA du 26
septembre 2016 du Conseil des ministres de l’UMOA ;
Page 12 sur 13 IIT.3. Sur les dépens
Considérant qu’aux termes de l’article 60 du règlement de procédure de la Cour, « Toute partie
qui succombe est condamnée aux dépens » ;
Considérant que Af C a succombé en ses moyens et demandes au fond ;
Qu’il y a lieu de le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement en premier et dernier ressort, en matière de droit
communautaire :
En la forme
- Se déclare compétente,
- Déclare le recours recevable,
Au fond
- déboute Af C de toutes ses demandes,
- Condamne Af C aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique à Ad les jour, mois et an que
dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.
Suivent les signatures illisibles.
Pour expédition certifiée conforme
Ad, le 09 juin 2021
Pour le Greffier
Le Greffier-Adjoint
Ag B
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