COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 18 NOVEMBRE 2016
N°2016/
Rôle N° 14/07508
[L] [X]
C/
CGE DISTRIBUTION AIX
Grosse délivrée le :
à :
Me Vincent BURLES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Alexandre BOULANT, avocat au barreau de PARIS
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section E - en date du 18 Mars 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/242.
APPELANT
Monsieur [L] [X], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Vincent BURLES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
CGE DISTRIBUTION AIX, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Alexandre BOULANT, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Agnès MICHEL, Président
Madame Gisèle BAETSLE, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2016
Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La SAS CGE DISTRIBUTION est une entreprise spécialisée dans la distribution de matériels électriques à destination des professionnels. Elle comporte 170 agences dont une à [Localité 1]. Au sein de cette agence travaillait M. [I] [G] en qualité de responsable crédit client, cadre, niveau 8, échelon 1. Ce salarié a fait l'objet d'une chirurgie cardiaque en urgence le 19 mai 2011 et dès lors dut être remplacé pendant son congé maladie.
C'est ainsi que M. [L] [X] a été embauché par la société CGE DISTRIBUTION suivant contrat de travail à durée déterminée en remplacement de M. [I] [G] pour une durée initiale de 6 mois du 7 juillet 2011 au 31 décembre 2011 contre une rémunération de 3 461,54 € bruts outre une prime de fin d'année avec une convention de forfait annuel de 215 jours travaillés.
Ce contrat de travail a été remplacé, en décembre 2011 selon le salarié, par une nouvelle convention visant cette fois la période du 7 juillet 2011 au 6 juillet 2012 en raison du prolongement de l'absence du salarié remplacé. Ce contrat a encore été renouvelé le 5 juillet 2012 jusqu'au 6janvier 2013. Le salarié a encore travaillé pour l'employeur du 7 au 9 janvier 2013, toujours sur le poste de M. [I] [G] qui n'avait pas repris le travail.
Au dernier état de la relation contractuelle le salarié percevait une rémunération brute totale incluant la prime de fin d'année de 3 891 €. Les relations contractuelles des parties étaient régies par la convention collective des commerces de gros.
Sollicitant notamment la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, M. [L] [X] a saisi le 5 mars 2013 le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, section encadrement, lequel, par jugement rendu le 18 mars 2014, a :
qualifié la relation de travail de contrat de travail à durée indéterminée ;
condamné l'employeur au paiement des sommes suivantes :
' 3 750 € pour procédure irrégulière ;
'11 250 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
' 1 125 € au titre des congés payés afférents au préavis ;
' 1 312 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
' 3 750 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
' 100 € au titre de la violation du suivi de la charge de travail ;
' 1 000 € au titre des frais irrépétibles ;
ordonné l'exécution provisoire ;
dit qu'il n'y a pas lieu à intérêts autres que les intérêts légaux ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
condamné l'employeur aux dépens.
M. [L] [X] a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 15 avril 2014.
Vu les écritures déposées à l'audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles M. [L] [X] demande à la cour de :
requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée ;
confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée et condamné l'employeur au titre de la procédure irrégulière, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents, de l'indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement abusif et de la violation de la charge de travail ;
infirmer le jugement sur les quanta accordés ;
condamner l'employeur aux sommes suivantes :
'indemnité pour procédure irrégulière : 3 891 € nets ;
'indemnité compensatrice de préavis : 11 673 € bruts ;
'congés payés sur préavis : 1 167 € bruts ;
'indemnité de licenciement : 1 394 € nets ;
'dommages et intérêts pour licenciement abusif : 20 000 € nets ;
'violation du suivi de la charge de travail : 1 000 € nets ;
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité spéciale de requalification ;
condamner l'employeur à la somme de 4 000 € à titre d'indemnité spéciale de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de violation du DIF ;
condamner l'employeur à la somme de 1 000 € pour violation du DIF ;
confirmer la condamnation à 1 000 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner l'employeur à la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles.
Vu les écritures déposées à l'audience et reprises par son conseil selon lesquelles la société CGE DISTRIBUTION AIX demande à la cour de :
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;
le condamner aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
1/ Sur le motif des contrats de travail à durée déterminée
Le salarié soutient que le motif du contrat se trouve en contradiction avec la précision de son terme. Mais en l'espèce l'employeur justifie par des pièces qui ne sont pas contestées que le salarié remplacé a bien fait l'objet d'une intervention cardiaque et que sa convalescence et partant son absence de l'entreprise se sont bien poursuivies durant toute la période d'emploi de l'appelant. Il n'est pas plus contesté que l'appelant a bien occupé le poste de travail du salarié malade.
L'article L. 1242-7 du code du travail dispose que : "Le contrat de travail à durée déterminée comporte un terme fixé avec précision dès sa conclusion. Toutefois, le contrat peut ne pas comporter de terme précis lorsqu'il est conclu dans l'un des cas suivants :
1° Remplacement d'un salarié absent ;
2° Remplacement d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu ;
3° Dans l'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée ;
4° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;
5° Remplacement de l'une des personnes mentionnées aux 4° et 5° de l'article L. 1242-2 ;
6° Recrutement d'ingénieurs et de cadres en vue de la réalisation d'un objet défini, prévu au 6° de l'article L. 1242-2.
Le contrat de travail à durée déterminée est alors conclu pour une durée minimale. Il a pour terme la fin de l'absence de la personne remplacée ou la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu."
Il ressort de ce texte que l'employeur était bien fondé à prévoir une durée minimale, comme il l'a fait dans chaque instrument, et que les termes ainsi fixés ne sont nullement en contradiction avec le motif de recours au contrat à durée déterminée.
2/ Sur la communication du contrat initial
L'article L. 1242-13 du code du travail dispose que le contrat de travail est transmis au salarié, au plus tard, dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche. Ce dernier fait valoir que le contrat initial lui aurait été transmis avec retard. Mais, ce faisant, il vise le second contrat établi du 7 juillet 2011 au 6 juillet 2012 et non le premier auquel il se substituait, établi du 7 juillet 2011 au 31 décembre 2011, qui est produit par l'employeur, et dont il n'est pas contesté qu'il a bien été signé par le salarié et transmis dans les délais de l'article précité.
3/ Sur le délai de carence
Le salarié se plaint encore du non-respect du délai de carence entre les contrats. Mais l'article L. 1244-4 du code du travail dispose que le délai de carence n'est pas applicable lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour assurer le remplacement d'un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé. Ainsi, en l'espèce, l'employeur n'avait pas à respecter de délai de carence pour le remplacement de M. [I] [G] qui était toujours en convalescence.
4/ Sur la période de travail du 7 au 9 janvier 2013
Il n'est pas contesté que le salarié a continué son remplacement du lundi 7 au mercredi 9 janvier 2013 et qu'il n'a pas signé de contrat de travail à durée déterminée pour cette période de trois jours. L'employeur soutient que son directeur régional, M. [W] [R] a bien remis le vendredi 4 janvier 2013 deux exemplaires du contrat de travail au salarié mais que ce dernier n'en a pas retourné d'exemplaire signé.
La cour retient qu'en application de l'article L. 1243-11 du code du travail la poursuite d'un contrat à durée déterminée sans renouvellement s'analyse en un contrat à durée indéterminée à compter du terme du contrat à durée déterminée mais qu'en l'espèce le salarié adressait à Mme [X] [B], du service paie, le 26 février 2013 un courriel ainsi rédigé qui établit qu'un contrat lui a bien été remis : "Hélas, certains propos de [W], tenus à mon égard, vers certaines personnes, ont été purement diffamants. La suite aurait été beaucoup plus tranquille s'il avait été plus "en retrait". Mais comme à son habitude.... Quoiqu'il en soit, le mal est fait ! Je vous rappelle qu'il y a eu 4 contrats de signés depuis juillet 2011 : 1er contrat signé pour une période de 6 mois, remplacé par un contrat de 12 mois, puis une prorogation de 6 mois et enfin un contrat de chargé de mission de 3 jours. Et 1 CDI signé avec une autre personne par la suite. Concernant le motif de non-conversion du CDD et CDI : demandez à [W] qu'elles en sont, exactement, les raisons ' Je suppose, évidemment, que vous comprendrez, aisément, les motifs de ce mail. Je souhaiterai connaître la position de votre direction à ce sujet. Un retour, très rapide, me satisferait."
Ainsi, il est suffisamment établi que le salarié, qui se prévaut d'un contrat de chargé de mission de 3 jours et même de l'avoir signé, ne peut valablement soutenir que l'employeur ne lui ait pas remis ce contrat dont ce dernier produit copie. En refusant, de mauvaise foi, de le retourner signé, le salarié, qui était manifestement en conflit avec son employeur, ne peut solliciter le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée. Il sera en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes de ce chef.
5/ Sur le suivi de la charge de travail
L'article L. 3121-46 du code du travail dispose qu'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année et qu'il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.
Dès lors que la salarié a bien travaillé un peu plus de 18 mois dans l'entreprise, l'employeur devait le faire bénéficier d'un entretien annuel. Toutefois, le salarié ne démontre nullement que le retard de 6 mois enregistré en l'espèce dans la tenue de cet entretien lui ait causé un préjudice et il invoque au contraire un préjudice "nécessairement" causé par la violation du texte précité.
La cour retient que le salarié ne démontre pas le préjudice dont il se prévaut en la matière et notamment qu'il aurait souhaité s'ouvrir à son employeur de difficultés quelconques concernant sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ou sur sa rémunération. En conséquence, le salarié sera débouté de ce chef.
6/ Sur les autres demandes
Le salarié qui succombe sera débouté de sa demande relative aux frais irrépétibles et il supportera les dépens de première instance comme d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Déboute M. [L] [X] de l'ensemble de ses demandes.
Condamne M. [L] [X] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT