COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 2-4
ARRÊT AU FOND
DU 18 SEPTEMBRE 2019
A.R.
N° 2019/268
Rôle N° 17/01104 -
N° Portalis DBVB-V-B7B-74GD
[X] [F]
[N] [F]
C/
[V] [L] veuve [F]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jean-baptiste RAFFIN
Me Pierre ESCLAPEZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 08 Décembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/02200.
APPELANTS
Madame [X] [F]
née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 10]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Jean-baptiste RAFFIN de l'ASSOCIATION RAFFIN - PISTONE, avocat au barreau de TOULON
Monsieur [N] [F]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 2]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Jean-baptiste RAFFIN de l'ASSOCIATION RAFFIN - PISTONE, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
Madame [V] [L] veuve [F]
née le [Date naissance 3] 1946 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Pierre ESCLAPEZ de l'AARPI ESCLAPEZ-SINELLE-PILLIARD, avocat au barreau de TOULON
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 29 Mai 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme Annie RENOU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre
Mme Annie RENOU, Conseiller
Mme Annaick LE GOFF, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2019 et qu'à cette date le délibéré par mise à disposition était prorogé au 18 Septembre 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2019,
Signé par M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [G] [F] a contracté un premier mariage le 16 octobre 1962 avec madame [C] [R]. De cette union sont issus deux enfants , [N] [F] et [X] [F]. Le divorce du couple est intervenu en 1975.
Monsieur [G] [F] a épousé en secondes noces madame [V] [L], le 17 mars 1984. Le couple a adopté le régime de la séparation de biens.
Le 3 septembre 1984 , monsieur [G] [F] a fait donation à son épouse de l'universalité des biens meubles et immeubles composant la succession , en usufruit seulement en cas d'existence , lors de son décès , d'enfants issus d'une précédente union.
Monsieur [G] [F] est décédé le [Date décès 1] 2005 , laissant pour lui succéder ses enfants issus de sa première union , monsieur [N] [F] et madame [X] [F] et son épouse , madame [V] [L].
S'étonnant de la modicité de l'actif successoral , monsieur [N] [F] et madame [X] [F] ont saisi le juge des référés d'une demande d'expertise.
Par ordonnance du 27 mai 2008 , le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulon a désigné monsieur [W] [Y] en qualité d'expert , avec pour mission de décrire l'actif successoral au moment du décès de [G] [F] , et l'évolution de son patrimoine de 1992 jusqu'au [Date décès 1] 2005.
Le rapport a été déposé le 29 janvier 2013.
Au vu de ce rapport , soutenant que madame [L] n'avait jamais contribué aux charges du mariage , que les biens acquis en indivision avaient été financés par le mari seul , que madame [L] avait fait obstacle à l'expertise et refusé de laisser évaluer un bien qu'elle avait acquis en propre , monsieur [N] [F] et madame [X] [F] ont assigné madame [V] [L] par acte d'huissier du 4 avril 2013 , pour la voir condamner à leur payer avec exécution provisoire la somme de 243 891 euros due à la succession , la voir privée de tous droits sur cette somme par application des règles du recel successoral et obtenir la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 778 du code civil outre celle de 10 000 euros pour résistance abusive.
Par jugement avant-dire-droit du 28 mai 2015 , constatant que le régime du rapport des libéralités avait été modifié par la loi du 23 juin 2006 et que la succession du défunt avait été ouverte antérieurement , soit le [Date décès 1] 2005 , le tribunal a révoqué l'ordonnance de clôture et invité les parties à conclure sur la loi applicable à l'action tendant au rapport des libéralités.
Par conclusions notifiées par RPVA le 5 janvier 2016 , monsieur [N] [F] et madame [X] [F] , indiquant que la version de l'article 843 ancien du code civil était applicable aux faits de la cause , ont demandé au tribunal :
- d' ordonner la liquidation de la succession de [G] [F] ;
- de condamner madame [V] [L] à leur payer la somme de 243 891 euros appartenant à la succession au titre des opérations portant sur les immeubles du couple ;
- de dire qu'elle sera privée de tous droits dans ladite succession en l'état du recel successoral dont elle s'est rendue coupable , y compris s'agissant de l'usufruit ;
- de condamner madame [V] [L] à payer à monsieur [N] [F] et madame [X] [F] la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 778 du code civil outre celle de 10 000 euros pour résistance abusive ;
- de condamner la même à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de rocédure civile outre les dépens comprenant les frais d'expertise , distraits au profit de maître Didier GESTAT DE GARAMBE.
Ils soutenaient que madame [L] n'avait jamais contribué aux charges du mariage et que le bien indivis , tout comme l'appartement situé [Adresse 2] , lui appartenant en propre , ont été acquis avec des fonds appartenant à leur père . Ils fondaient leur demande sur l'article 843 ancien.
Ils soulignaient ensuite la réticence de madame [L] à communiquer au notaire les noms et adresses des enfants du premier mariage ainsi que le silence opposé aux questions de l'expert , pour en tirer la conclusion que le recel serait constitué.
Ils ajoutaient que l'article 1360 du code de procédure civile ne pouvait être opposé à leur demande , compte tenu de la date du décès de leur père.
Madame [L] concluait au rejet des demandes.
Subsidiairement , elle demandait au tribunal de dire que la somme de 25 924 euros prélevée sur le compte joint des époux ayant financé sa part dans l'acquisition des biens immobiliers et le bien de Toulon dont elle était propriétaire en propre constituait la rémunération de l'abandon de sa carrière professionnelle et du sacrifice de ses droits à la retraite.
Par jugement en date du 8 décembre 2016 , le tribunal de grande instance de Toulon a :
- déclaré recevable la demande en partage judiciaire ;
- ordonné l'ouverture des opérations de compte , liquidation et partage de la succession de monsieur [G] [F] ,
- désigné maître [D] [A] , notaire à [Localité 8] , pour y procéder ;
- commis le magistrat désigné à cet effet par ordonnance présidentielle de roulement , pour surveiller les opérations et faire rapport en cas de difficultés ;
- dit qu'en cas d'empêchement ou de refus du notaire , il pourra être procédé à son remplacement par ordonnance sur requête ;
- débouté monsieur [N] [F] et madame [X] [F] de leur demande de rapport à la succession de [G] [F] ;
- condamné [N] [F] et [X] [F] in solidum à payer à madame [V] [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens distraits au profit de maître GESTAT DE GARAMBE.
Sur l'article 1360 du code de procédure civile , le tribunal a jugé que ce texte était applicable aux faits de la cause ; que ses prescriptions avaient été respectées puisque des échanges de vues étaient intervenus entre les parties pendant l'expertise .
Sur le fond , il a récapitulé les transactions immobilières , à savoir que :
- en 1992 , les époux , séparés de biens , ont acquis pour un coût total de 148 226 euros la villa de [Localité 4] , de manière égalitaire. Le tribunal a rappelé que l'expert n'a pas été en mesure de déterminer l'origine précise des apports de fonds pour le bien de [Localité 4] , et a estimé que le bien avait été acquis par l'épargne des époux.
- L'immeuble a été revendu 268 310 euros , les droits de madame étant de la moitié soit 134 155 euros ;
- le 25 mars 1999 , madame a acquis en propre l'appartement de la [Localité 6] à [Localité 9] pour 48 627 euros , prix payé avec le compte joint.
- le 30 août 2001 , les époux ont acquis une villa à [Localité 8] au prix de 289 653 euros . Madame [L] a participé à cette acquisition à hauteur de 90 707 euros prêtés par ses parents ; le tribunal a considéré que son époux lui a avancé la somme de 54 119,50 euros . La villa de [Localité 4] ayant été vendue le 17 octobre . L'épouse a perçu 109 763 euros sur la part de 134 155 euros qui lui revenait , ce qui , selon le tribunal , a compensé , à hauteur de 24 392 euros , sa dette envers son époux , 25 924 euros restant dus.
Le tribunal a appliqué l'article 843 du code civil dans sa version applicable au litige , lequel disposait que 'tout héritier , même bénéficiaire , venant à la succession , doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs , directement ou indirectement. Il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt , à moins qu'il ne lui aient été faits expressément par préciput et hors part , ou avec dispense de rapport.
Les legs faits à un héritier sont réputés faits par préciput et hors part , à moins que le testateur n'ait exprimé une volonté contraire , auquel cas le légataire ne peut demander sa part qu'en moins prenant'.
Le tribunal a jugé que le legs en usufruit n'était pas rapportable en vertu de ce texte.
Il a aussi appliqué l'article 829 ancien du même code en vertu duquel 'chaque héritier fait rapport à la masse , selon les règles qui seront ci-après établies , des dons qui lui ont été faits et des sommes dont il est débiteur'.
Il a rappelé que l'intention libérale ne se présume pas , et que les demandeurs ne rapportaient pas la preuve de l'intention libérale de leur père , même s'ils faisaient valoir qu'elle pouvait se
déduire du financement par le mari des biens immobiliers et de la disparité des revenus des époux.
Il a motivé sa décision en disant que , pour suivre son mari qui avait des responsabilités importantes à la Banque de France , elle-même y travaillant également mais ne pouvant en province travailler dans la même succursale , madame [L] a demandé sa retraite anticipée le 1° juillet 1988 . Elle occupait alors un poste de chef de comptabilité , et son mari se trouvait nommé comme directeur de la banque de France à [Localité 1].
Le tribunal a alors jugé qu'elle avait eu une perte importante de revenus et de droit à la retraite;
Que , sur les biens immobiliers , madame [L] a bénéficié de la somme de 25 924 euros (moitié des 54 119,50 euros que son mari lui a avancés sur le bien de [Localité 8] ) et de 48 627,25 euros pour le bien de [Localité 9] ; que cela correspondait à 310,62 euros par mois pendant les 20 années de cotisation si elle avait pris sa retraite à 62 ans; que monsieur avait un revenu 7 fois supérieur au sien du fait de son abandon de sa carrière professionnelle ; que le versement de la somme de 74 551 euros ne révélait pas une intention libérale mais une juste rémunération des sacrifices de madame [L] , d'où le débouté des demandes des enfants [F].
Monsieur [N] [F] et madame [X] [F] ont relevé appel le 17 janvier 2017.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 août 2017 , monsieur [N] [F] et madame [X] [F] demandent à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la liquidation et le partage de la succession de monsieur [N] [F] ;
- de le réformer pour le surplus , et statuant en lieu et place :
- de dire et juger que madame [L] s'est rendue coupable de recel successoral par dissimulation d'héritiers et d'actifs de sorte qu'elle sera privée de tout droit dans la succession, y compris s'agissant de l'usufruit stipulé à son profit par le de cujus selon dispositions à cause de mort ;
- en conséquence de ce recel successoral , de condamner madame [V] [L] à leur payer la somme de 243 891 euros et de la condamner à rapporter cette somme à la masse successorale de la succession de [G] [F] ;
- subsidiairement , de dire et juger que madame [L] est débitrice à l'égard de feu [G] [L] et donc de sa succession de la somme de 243 891 euros et de la condamner à rapporter cette somme à la masse successorale ;
- en tout état de cause , de la condamner au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en application de l'article 778 du code civil en réparation du préjudice subi du fait des sommes détournées outre 10 000 euros pour résistance abusive ;
- de condamner madame [L] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui comprendront le coût du rapport d'expertise de 14 463,79 euros.
Ils indiquent tout d'abord que l'article 1360 du code de procédure civile n'est pas applicable aux faits de la cause et qu'en tout état de cause , les conclusions ultérieures ont régularisé les manquements susceptible d'être reprochés à l'assignation.
Ils sollicitent l'application de l'article 843 ancien du code civil.
Ils contestent le jugement en ce qu'il a commis une dénaturation de leur demande dans la mesure où ils ne sollicitaient pas le rapport de donations , mais la prise en compte de créances à rapporter à la masse successorale en application de l'article 1543 du code civil et de l'article 829 ancien du même code qui dispose que ' chaque cohéritier fait rapport à la masse suivant les règles qui seront ci-après établies , des dons qui lui ont été faits , et des sommes dont il est débiteur' ; que c'est le rapport des sommes dont madame [L] est débitrice qu'ils sollicitent.
Dans la mesure où ils ne sollicitent pas le rapport de donations , ils rappellent qu'il est vain de dire , comme le prétend madame [L] , qu'elle ne sera pas tenue au rapport.
Sur les créances , ils estiment que le tribunal s'est trompé en ne valorisant pas les créances conformément à l'article 1543 du code civil ; qu'en appliquant la valorisation concernant l'immeuble de [Localité 8] , l'expert est parvenu à une créance de 117 518 euros ; que s'y ajoute la différence entre la valeur actuelle de l'appartement de [Localité 9] de 175 000 euros selon une estimation réalisée par madame [L] elle-même et le prix de vente de 48 627 euros soit 126 373 euros , ce qui représente un total de 243 891 euros.
Ils précisent qu'il n'est pas possible que cette somme vienne en rémunération de l'abandon de sa profession par madame [L] ;
Que , tout d'abord , elle n'a pas contribué aux charges du mariage ;
Que de surcroît , sa renonciation à sa carrière professionnelle lui a quand même permis de percevoir une retraite de 13 833 euros par mois ; qu'elle perçoit désormais en plus la pension de réversion de son époux de 3 000 euros par mois ; que la contribution de monsieur à l'achat des biens indivis et de l'immeuble propre ne peut donc s'analyser selon eux comme un acte rémunératoire.
Sur le recel , ils font valoir que madame n'a pas voulu donner l'adresse des appelants à l'expert ni laisser visiter son bien propre ; qu' elle n'a par ailleurs communiqué aucun élément sur les économies disparues.
Par dernières conclusions récapitulatives du 30 juin 2017 , madame [V] [L] demande à la cour :
- de déclarer irrecevable la demande en partage judiciaire ;
- subsidiairement :
* de débouter les consorts [F] de leur demande en partage ;
* de confirmer le jugement ;
Vu l'article 843 du code civil ;
* de débouter les consorts [F] de leur action en paiement de la somme de 243 891 euros à titre de rapport ;
* de dire et juger que madame [L] a retiré la somme de 134 155 euros de la vente de la villa de [Localité 4] ;
* de constater que ne lui a été remise que la somme de 109 763 euros ;
* de dire et juger que la différence , de 24 392 euros , a été conservée sur le compte joint;
* de dire et juger que , pour acquérir la villa de [Localité 8] , les époux [F] ont utilisé des fonds en provenance du patrimoine de madame [L] à hauteur de 94 510 euros , le prix total s'élevant à 289 653 euros ;
* de constater que le surplus de 50 316 euros a été prélevé sur le compte joint ;
en conséquence :
* de constater que , globalement , le compte joint a financé l'acquisition de la part de madame [L] dans les biens immobiliers pour 25 924 euros ;
* de dire et juger que cette somme ainsi que le prix d'acquisition de l'appartement de [Localité 9] ont été payés au moyen des fonds disponibles sur le compte joint en rémunération ou indemnisation , notamment de l'abandon par madame [L] de sa carrière professionnelle , du sacrifice de ses droits à la retraite et de sa participation excédant son obligation de contribuer aux charges du mariage ;
* de débouter les appelants de leur demande au titre du rapport successoral ;
Vu l'article 778 du code civil ;
- de débouter les appelants de leur demande tendant à voir priver madame [L] de tout droit dans la succession de monsieur [F] ;
- de débouter les appelants de leurs demandes pour le surplus ;
- de condamner les appelants à lui payer in solidum la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Madame [L] fait valoir que l'article 1360 du code de procédure civile est applicable aux faits de la cause ;
que les consorts [F] n'ont pas fait connaître leurs intentions quant à la répartition des biens ni les diligences entreprises en vue d'un partage amiable ; que leur action est donc irrecevable.
Elle ajoute qu'en application de l'article 757 ancien et des termes de la donation portant sur l'usufruit , son usufruit ne porte que sur les biens existants au décès de son époux ; qu'elle ne bénéficie donc pas des rapports de ses cohéritiers et est elle-même dispensée du rapport des donations qu'avait pu lui faire monsieur [F] ;
Que la cour de cassation a jugé que , pour les successions ouvertes entre le 1° juillet 2002 et le 1° janvier 2007 , le conjoint survivant peut cumuler ses droits ab intestat et les libéralités reçues.
Madame [L] en déduit que , dans l'hypothèse où les appelants démontreraient que des donations lui ont été faites , elle n'est pas tenue au rapport;
Madame [L] , sur le rapport des créances , indique ;
- que la villa de [Localité 4] , au vu du rapport de l'expert , a été financée par des fonds provenant du patrimoine de monsieur [F] et de son patrimoine ; que l'expert n'a pas déterminé l'origine précise des apports sur fonds propres .
- que sa part dans la villa de [Localité 8] a été achetée avec des fonds lui appartenant en propre et venant de ses parents à hauteur de 94 510 euros , son mari lui ayant avancé la somme de
50 316 euros ;
- que la villa de [Localité 4] a été revendue le 17 octobre 2001 pour 268 310 euros et que la part lui revenant était de 134 155 euros ; qu'elle n'a reçu que 109 763 euros ; que le solde de sa part, de 24 392 euros , est resté sur le compte joint , ce qui a remboursé partiellement les 50 316 euros avancés par son mari pour l'achat de [Localité 8] ;
Que restait donc due par elle sur l'achat de l'immeuble de [Localité 8] la somme de 25 924 euros, outre le prix d'acquisition de [Localité 9] .
Elle reprend , sur cette créance , l'argumentation retenue par le tribunal sur la notion d'acte rémunératoire , cette créance se trouvant selon elle compensée par l'abandon de sa carrière professionnelle
Elle précise que la pension de réversion n'est que de 1 774, 21 euros et qu'elle a largement contribué aux charges du mariage par l'activité qu'elle a déployée à la maison et par l'organisation des soirées nécessaires à la vie professionnelle de son époux.
Que la prise en charge de travaux pour [Localité 4] à hauteur de 2 600 euros par son mari ne peut donner lieu à créance en application de l'article 2 du contrat de mariage aux termes duquel chacun des époux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive , de sorte qu'ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux.
Madame [L] indique qu'il ne peut y avoir lieu à recel successoral car l'action ne se situe pas dans la cadre d'un partage mais d'un démembrement de propriété entre l'usufruit qui lui revient et la nue propriété qui revient aux consorts [F] .
Qu'en tout état de cause , les appelants sont défaillants dans la charge de la preuve qui leur incombe ; que notamment , elle n'a pas dissimulé l'existence des enfants , mais n'a pu donner au notaire leur adresse , qu'elle ne connaissait pas ; qu'elle n'a pas fait obstruction à l'expertise
De manière superflue au regard des éléments du dossier , elle affirme qu'elle n'a pas profité d'un prétendu abus de faiblesse de son époux , atteint de la maladie de parkinson.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2019.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que le litige soumis à la cour pose deux sortes de problèmes , dont les parties ont fait quelque peu l'amalgame à savoir :
- la liquidation du régime matrimonial de séparation de biens des époux [F] [L] d'une part ;
- les opérations de liquidation de la succession de monsieur [F] d'autre part ;
Qu'il ne s'agit donc pas de savoir si madame [L] doit rapport à la succession des donations que son mari a pu lui consentir , de sorte que l'argumentation de madame [L] tendant à dire qu'en sa qualité d'usufruitière , elle n'est pas soumise à rapport , est inopérante ; qu'il s'agit de déterminer si , dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial , elle doit remboursement de créances à son époux , lesquelles tomberont ensuite dans la succession ;
Qu'il convient donc pour la cour d'examiner le problème des créances entre époux dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial , puis le problème de l'ouverture des opérations de compte , liquidation , partage de la succession de monsieur [F] ;
1°) Sur les créances entre époux dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial
Attendu que les créances entre époux ne relèvent pas des opérations de partage ; que l'article 1360 du code de procédure civile ne leur est donc pas applicable ; que , par ailleurs , la détermination des créances dans le cadre de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux ne constitue pas le partage , mais un préalable au partage ;
Attendu que , dans le présent litige , les créances sont de deux ordres :
- les créances que monsieur [F] était susceptible de détenir contre l'indivision ou son épouse au titre de l'achat des biens indivis de [Localité 4] et de [Localité 7] ;
- la créance que monsieur [F] était susceptible de détenir contre son épouse au titre de l'achat de l'appartement qu'elle a acheté à titre personnel [Localité 6] à [Localité 9] ;
a) Sur les créances que monsieur [F] était susceptible de détenir contre son épouse ou l'indivision au titre de l'achat des biens indivis de [Localité 4] et de [Localité 7] ;
Attendu qu'il sera noté que ces deux biens ont constitué le logement conjugal ;
Attendu que le bien de [Localité 4] , acquis en 1992 , l'a été , selon le rapport de l'expert [Y] , à hauteur de 50 % par chacun des époux ;
Qu'il a été revendu le 17 octobre 2001 au prix de 268 310 euros , soit 134 155 euros devant revenir à chaque époux ;
Que monsieur [F] a reçu l'intégralité du prix de vente et a reversé à son épouse la somme de 109 763,29 euros ;
Que sur ce bien , un compte d'indivision est à faire , qui devra l'être au besoin par le notaire désigné , dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial des époux ; qu'il en va de même des travaux réalisés sur ce bien par monsieur [L] à hauteur de 2 896,53 euros , et ce sur le fondement de l'article 815-13 du code civil ;
Attendu que reste le problème du bien immobilier de [Localité 8] , lui aussi acquis en indivision par les époux [F] [L] le 30 août 2001 pour 295 751 euros versés par monsieur [F] à hauteur de 205 044 euros et madame [L] , grâce à une donation de ses parents , à hauteur de 90 707 euros , outre des frais d'acte de 6 098 euros pris en charge par monsieur [F] , la cour ne comprenant pas les frais d'acquisition de 31 000 euros retenus par l'expert ;
Qu'il en résulte que le bien a coûté , frais compris , 301 849 euros ;
Attendu que monsieur l'a donc financé à hauteur de 70 % et madame à hauteur de 30 % ; qu'il n'est pas établi que la somme de 24 392 euros revenant à madame sur le bien de [Localité 4] , dont elle indique qu'elle était restée sur le compte joint ait servi à rembourser partiellement les
50 316 euros avancés par son mari pour l'achat de [Localité 8] ; que l'expert ne le dit pas ;
Attendu que le principe de la valorisation de l'article 815-13 du code civil , s'agissant d'un bien indivis doit s'appliquer aux faits de la cause ;
Que le bien avait une valeur de 372 000 euros , non contestée semble-t-il , au décès de monsieur [L] .
Que le pourcentage de monsieur dans l'achat doit être reporté sur cette somme , ce qui représente un montant de 260 400 euros , de même que pour madame , ce qui représente une somme de 111 600 euros ;
Que monsieur a donc droit à une créance de 74 400 euros sur son épouse ;
Que le décompte de monsieur [Y] qui aboutit à une créance de 95 293 euros avec valorisation et une créance de 84 868 euros sans valorisation ne peut être retenu car il se contente dans chaque calcul de déduire de la part des indivisaires la part réglée par madame [L] sans tenir compte des pourcentages versés par les parties ;
Attendu que madame [L] prétend que la part prise en charge pour son compte par son mari constitue une rémunération de son activité pour le compte du couple ;
Qu'elle précise que la pension de réversion n'est que de 1 774, 21 euros et qu'elle a largement contribué aux charges du mariage par l'activité qu'elle a déployée à la maison et par l'organisation des soirées nécessaires à la vie professionnelle de son époux et que la prise en charge de travaux pour [Localité 4] à hauteur de 2 600 euros par son mari ne peut donner lieu à créance en application de l'article 2 du contrat de mariage aux termes duquel chacun des époux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive , de sorte qu'ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux.
Qu'elle soutient à cet effet qu'elle a abandonné son travail à la Banque de France en 1988 pour pouvoir le suivre et contribuer à l'ensemble des activités rendues nécessaires par le statut de monsieur [L] de directeur de ladite banque ;
Attendu qu'elle justifie de ses dires , et du fait que sa retraite n'était que de 1031,20 euros par mois en 1992 , alors que monsieur [F] percevait sur la même période un revenu mensuel de 7 179,94 euros par mois , avantages en nature compris ;
Attendu qu'il est établi qu'en finançant la part de son épouse dans le financement ou les travaux des immeubles indivis de [Localité 4] et de [Localité 8] qui ont constitué successivement le logement conjugal , monsieur [F] a contribué aux charges du mariage dans une proportion qui n'excédait pas son obligation , sans qu'il soit nécessaire à ce stade de s'interroger sur l'existence ou non d'une donation rémunératoire ;
Qu'aucune créance n'est donc due à ce titre par madame [L] ;
b) Sur la créance que monsieur [F] était susceptible de détenir contre son épouse au titre de l'achat de l'appartement qu'elle a acheté à titre personnel [Localité 6] à [Localité 9] ;
Attendu que monsieur [F] a financé le bien personnel de madame [L] à [Localité 9] à hauteur de 48 627 euros ;
Que madame prétend que monsieur [F] a entendu la rémunérer de son activité pour le couple ;
Attendu qu'il est constant que madame [L] a abandonné son travail pour suivre son mari ; que toutefois , elle est peu précise sur le sacrifice consenti par elle puisqu'elle ne joint aucun document relatif à une reconstitution de carrière par exemple , ni ne quantifie l'activité qu'elle a pu déployer aux côtés de son époux ;
Que , dans la mesure où c'est à elle de rapporter la preuve du caractère rémunératoire du transfert de richesse entre elle et son époux , il y a lieu de dire qu'en l'état des documents qu'elle produit , elle échoue à rapporter cette preuve ;
Qu'elle devra donc une créance dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial , qui constituera ensuite une créance de la succession de monsieur [L] , qui devra être valorisée , conformément aux articles 1543 et 1469 du code civil , à hauteur de la valeur de son bien au décès de monsieur [L] que la cour n'a , au vu des pièces produites , pas la possibilité de chiffrer ; qu'en effet , la valeur de 175 000 euros invoquée résulte d'une attestation d'une agence immobilière datée de 2008 , alors que monsieur [F] est mort 3 ans avant , en 2005.
2°) Sur le partage de la succession
Attendu , sur la recevabilité de la demande en partage , que l'article 1360 du code de procédure civile dispose qu' 'à peine d'irrecevabilité , l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable' ;
Attendu qu'il est de jurisprudence constante que les manquements de l'assignation initiale peuvent être régularisés en cours d'instance ;
Attendu que l'article 1360 susvisé est issu du décret n° 2006-1805 du 23 décembre 2006 qui dispose que :
' I Le présent décret entre en vigueur le 1° janvier 2007 ;
II Le chapitre 1° du titre 1° est applicable aux indivisions existantes et aux successions ouvertes non encore partagées à cette date dans la mesure où la loi du 23 juin 2006 susvisée leur est également applicable' ;
Attendu que l'article 47-1 de la loi du 23 juin 2006 n° 2006-728 relatif aux dispositions transitoires dispose quant à lui , notamment , que :
II Les dispositions des articles 2 ,3 , 4 , 7 et 8 de la présente loi ainsi que les articles 116 , 466, 515-6 et 813 à 814-1 du code civil , tels qu'ils résultent de la présente loi , sont applicables , dès l'entrée en vigueur de la présente loi , aux indivisions existantes et aux successions ouvertes non encore partagées à cette date. Par dérogation à l'alinéa précédent , lorsque l'instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi , l'action est poursuivie et jugée selon la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation . Les autres dispositions de la présente loi sont applicables aux successions ouvertes à compter de son entrée en vigueur, y compris si des libéralités ont été consenties par le défunt antérieurement à celle-ci.
III Les donations de biens présents faites entre époux avant le 1° janvier 2005 demeurent révocables dans les conditions prévues par l'article 1096 du code civil dans sa rédaction antérieure à cette date. Ces dispositions présentent un caractère interprétatif pour l'application de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce' ;
Attendu que les termes de l'article 47-1 montrent que la loi susvisée s'applique aux indivisions existantes et aux successions ouvertes non encore partagées au 1° janvier 2007 ; que l'article 2 de la loi , applicable dans les conditions susvisées , vise les articles 815 et suivants concernant les indivisions , y compris les indivisions successorales ;
Attendu qu'il est constant que , par acte notarié du 30 août 2001 , monsieur [G] [F] et madame [V] [L] , mariés sous le régime de la séparation de biens, ont acquis en indivision chacun pour moitié un immeuble sis à [Localité 8] lieudit [Localité 3] ;
Attendu qu'au décès de monsieur [F] , madame [L] est devenue propriétaire en pleine propriété de la moitié de ce bien , ainsi que de l'usufruit de l'autre moitié , en raison de la donation entre époux qui lui a été consentie par monsieur [F] le 3 septembre 1984 ; que les enfants de monsieur [L] sont devenus nu-propriétaires de la moitié de ce bien ;
Attendu qu'il existe donc une situation d'indivision entre les parties dans leur ensemble sur la nue-propriété , et qu'il y a donc lieu à partage ;
Attendu que monsieur [F] est décédé le [Date décès 1] 2005 ; que l'indivision était donc existante et la succession non encore partagée au 1° janvier 2007 ; que la loi du 23 juin 2006 lui est donc globalement applicable , même si les donations de biens présents entre époux antérieures au 1° janvier 2005 restent régies par la loi ancienne ;
Attendu que l'article 1360 du code de procédure civile est quant à lui issu du décret du 23 décembre 2006 , et plus particulièrement du chapitre 1° du titre 1 dudit décret ; qu'il est donc applicable dans les conditions de la loi et , par conséquent , aux faits de la cause ;
Attendu qu'il n'apparaît pas que l'assignation en partage ni les conclusions subséquentes , y compris devant la cour , décrivent , même sommairement , l'actif à partager ; que surtout , les intentions des enfants de monsieur [F] concernant le partage du bien indivis ne sont pas précisées ;
Attendu que , de même , aucun des actes des demandeurs au partage ne précise les diligences entreprises pour y parvenir ; qu'ils se contentent de 'faire état des nombreux échanges de vues intervenus pendant l'expertise pour aboutir à la résolution amiable du litige, à laquelle ils ne sont toutefois pas parvenus avant l'assignation' ;
Qu'aucun document , antérieur à l'expertise ou concomitant à celle-ci , ou des échanges de lettre entre avocats ou devant notaire , ne sont joints au dossier ; qu'au contraire , la lecture du rapport d'expertise montre des parties campées sur leurs positions , en l'absence de tout dialogue et de toute tentative de partage amiable ;
Attendu que la simple allégation des 'diligences accomplies' , dans les conclusions , est insuffisante pour remplir la condition posée par l'article 1360 de 'précision des diligences entreprises pour parvenir au partage amiable' ;
Attendu , par suite , qu'il convient d'infirmer le jugement déféré et de déclarer irrecevable la demande en partage de madame [X] [F] et de monsieur [N] [F] , qui inclut celle relative au recel successoral et à la résistance abusive de l'intimée qui lui sont accessoires ;
Que , sous réserve de la preuve qui s'impose aux consorts [F] en la matière , il sera rappelé que , même si madame [L] est usufruitière de la succession de son époux au regard de la donation qu'il lui a consentie , elle n'en est pas moins co-indivisaire de la nue propriété du bien de [Localité 8] et que , à ce titre , les textes du recel successoral sont susceptibles de s'appliquer à elle ;
3°) Sur les autres demandes
Attendu que , chaque partie succombant partiellement à l'instance d'appel , il y a lieu de laisser à la charge de chacune d'elle ses dépens respectifs d'appel ;
Qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune d'entre elle ses propres frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR , statuant publiquement , contradictoirement et en dernier ressort :
INFIRME le jugement déféré , sauf en ce qu'il concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile en première instance ;
STATUANT à nouveau :
DIT que , préalablement au partage de la succession de monsieur [G] [F] , il doit être procédé à la liquidation du régime de séparation de biens de monsieur [G] [F] et de madame [X] [L] veuve [F] ;
DIT qu'un compte d'indivision reste à faire pour l'immeuble indivis de [Localité 4] ;
DIT que la créance de monsieur [F] [G] sur madame [L] pour l'achat du bien immobilier indivis de [Localité 8] est de 74 400 euros ;
DIT que les créances de monsieur [F] [G] dans le cadre du financement et des travaux de ces deux immeubles indivis , qui restent à parfaire , correspondent à la part contributive de monsieur [F] dans les charges du mariage ;
DIT par suite que madame [L] ne doit sur ces deux immeubles aucune somme à la succession de monsieur [G] [L] ;
DIT que madame [L] est redevable d'une créance dans le cadre de la liquidation de son régime matrimonial et , par suite , de la succession de monsieur [G] [F] , pour le financement que celui-ci a fait de son bien personnel sis [Adresse 5] ;
DIT que cette créance sera à évaluer à la date du décès de monsieur [G] [L];
DIT que madame [V] [L] ne justifie pas d'une donation rémunératoire de la part de son époux concernant cet immeuble ;
DECLARE irrecevable la demande en partage de la succession de M. [G] [F] formulée par mademoiselle [X] [F] et monsieur [N] [F] faute de respecter les dispositions de l'article 1360 du code de procédure civile , qui emporte irrecevabilité de la demande au titre du recel successoral et de la résistance abusive reprochée sur ce point à Madame [L] ;
LAISSE à la charge de chacune des parties ses propres dépens d'appel ;
LAISSE à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles d'appel respectifs.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT