ARRET N° Sa . PRODEL TECHNOLOGIES C/ SA. GURDEBEKE
RO/JA COUR D APPEL D AMIENS CHAMBRE ECONOMIQUE ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2003 RG :00/04499 JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE EN DATE DU 06 octobre 2000 PARTIES EN CAUSE : APPELANTE SA. PRODEL TECHNOLOGIES 153 Rue de Verdun 60170 CARLEPONT " agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au dit siège. " Comparante concluante par me CAUSSAIN, avoué à la Cour et plaidant par Me MORAIN substituant Me VARAUT, avocat au barreau de Paris ET : INTIMEE SA. GURDEBEKE 471, Rue d'En Bas 60640 FRETOY LE CHATEAU " prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ". Comparante concluante par la SCP LE ROY, avoué à la Cour et plaidant par Me BURG collaborateur de la SCP HUGLO LEPAGE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS. DEBATS : A l'audience publique du 03 juin 2003 ont été entendus les avoués et les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives devant Mme X...- MESSAGER, Conseiller, siégeant en vertu des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile qui a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 30 septembre 2003 pour prononcer l'arrêt. GREFFIER : Mme Y... COMPOSITION DE LA COUR LORS DU Z... : Mme ROHART-MESSAGER, Conseiller en a rendu compte à la Cour composée de : M. CHAPUIS DE MONTAUNET, Président, M. A... et Mme ROHART-MESSAGER, Conseillers, Qui en a délibéré conformément à la loi. PRONONCE : A l'audience publique du 30 septembre 2003, l=arrêt a été prononcé par M. CHAPUIS DE MONTAUNET, Président de chambre, qui a signé la minute avec Mme Y..., Greffier présent lors du prononcé. DECISION * * * Vu le jugement du 06 octobre 2000 par lequel le Tribunal de commerce de COMPIEGNE : - s'est déclaré compétent dans les demandes n 'appelant à la cause les prescriptions de l'arrêté préfectoral du 17 septembre
1991, - a dit la STE PRODEL TECHNOLOGIES recevable en sa demande, - l'a débouté en sa demande d'annulation du rapport de l'expert et entériné ce rapport, - a entériné le rapport établi par le sapiteur soit une surface d'exploitation de 108.576 m avec une surface débordante par rapport à la surface théorique cadastrale de 851 m , - a dit que le préjudice commercial lié aux odeurs n'est pas démontré et débouté la STE PRODEL TECHNOLOGIES de sa demande de dommages et intérêts, - l'a condamnée à payer à la STE GURDEBEKE une somme de 100.000F en application de l'article 700 du Nouveau code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens. * Vu l'appel interjeté par la STE PRODEL TECHNOLOGIES et ses conclusions enregistrées le 16 octobre 2001 et tendant à : - infirmer le jugement, - se déclarer compétent sur ses demandes, - dire recevable son action et la déclarer bien fondée, Vu les articles 231 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile, -prononcer la nullité du rapport d'expertise déposé par M. B... le 11 janvier 1999, En tout état de cause et vu l'article 1382 du Code Civil, Vu les arrêtés préfectoraux des 21 septembre 1978 et 17 septembre 1991, - dire et juger que l'arrêté préfectoral du 17 septembre 1991 autorise l'exploitation du CET sur une surface de 6 ha, - dire et juger fautive l'exploitation du CET de CARLEPONT par la STE GURDEBEKE comme ne respectant pas les prescriptions de cet arrêté préfectoral, notamment en ce qui concerne l'extension illégale de la surface autorisée, les conditions d'exploitation des casiers, l'absence de réaménagements du site, l'aménagement d'une pente de 3 % et l'activité non autorisée de tri-compostage sur le CET, - ordonner, sous astreinte de 5000F par jour, à la STE GURDEBEKE de cesser toute exploitation de sa décharge sur les parcelles de terrain non autorisées par la Préfecture, leur remise en état initial, le réaménagement des terrains exploités et notamment le respect des prescriptions tenant au reboisement de la parcelle 13, la mise à
niveau de la pente générale de 3%, - la condamner à lui payer une somme de 5.000.000 F en réparation du préjudice moral, d'image, commercial et financier subi, à titre subsidiaire, - ordonner sous astreinte de 5.000 F par jour à la STE GUDEBEKE de produire son registre d'exploitation de tous les casiers de déchets exploités jusqu'à ce jour, figurant sur un plan précisant le contour des parcelles de terrain autorisées à être exploitées dans la limite de 6 ha, conformément aux prescriptions juridiques de l'arrêté préfectoral du 17 septembre 1991, en tout état de cause, - la condamner à lui payer une somme de 100.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise dont distraction pour ceux d'appel est requise au profit de Me CAUSSAIN, avoué aux offres de droit. * Vu, enregistrées le 15 janvier 2002, les conclusions présentées par la STE GURDEBEKE et tendant à : à titre principal, -se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes de la STE PRODEL, à titre subsidiaire, -déclarer son action irrecevable, à titre infiniment subsidiaire, -la débouter de l'ensemble de ses demandes, en tout état de cause, -la condamner à lui payer la somme de 30.490 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile. SUR CE, Attendu que de l'instruction résulte les faits suivants : La STE GURDEBEKE exploite sur les communes de CARLEPONT et MOULIN SOUS TOUVENT un site d'enfouissement technique d'ordures ménagères autorisé par arrêtés du Préfet de l'Oise des 21 septembre 1978 et 17 septembre 1991. La STE PRODEL qui exploite également, un site industriel à CARLEPONT reproche à la STE GURDEBEKE de ne pas respecter les prescriptions réglementaires qui lui ont été imposées pour la gestion de sa décharge d'ordures ménagère et lui
impute, en particulier, la présence d'odeurs pestilentielles émanant de celle-ci, compromettant les conditions de son activité. C'est dans ces conditions que, par acte du 20 mai 1996, la STE PRODEL a sollicité du Président du Tribunal de Commerce de COMPIEGNE, statuant en référé, la désignation d'un expert afin de connaître l'origine et la nature des odeurs susmentionnées et vérifier la conformité de l'exploitation de la décharge par rapport aux arrêtés préfectoraux l'autorisant. Par ordonnance du 14 juin 1996, le juge des référés a désigné M. B..., expert, à l'effet de :
- se rendre sur le site du centre d'enfouissement technique exploité par la STE GURDEBEKE SA. A MOULIN SOUS TOUVENT, - se faire communiquer l'ensemble des registres devant être tenus en application des dispositions des arrêtés préfectoraux susvisés et notamment de ceux relatifs à la provenance des déchets admis sur le site de la décharge ( paragraphe 4 du titre 3 de l'arrêté du 17 septembre 1991) et ceux relatifs aux analyses périodiques effectuées par la STE GURDEBEKE sur les eaux rejetées, - se faire communiquer tout document légal ou administratif, - fournir un avis circonstancié sur l'origine et nature des odeurs dégagées par le centre d'enfouissement technique et en particulier, indiquer si ces odeurs sont liées à la nature des déchets admis sur le site ou au non-respect des prescriptions des arrêtés préfectoraux des 21 septembre 1978 et 17 septembre 1991, - vérifier que la surface d'exploitation de la décharge est bien de 6 ha conformément à l'autorisation préfectorale du 17 septembre 1991 (article 1 page 4), - donner un avis circonstancié sur les éventuels manquements à la réglementation, - d'une manière générale répondre aux dires et explications des parties et tenter de les concilier. Par arrêt du 22 octobre 1996 la présente Cour a confirmé cette ordonnance sauf à limiter la mission confiée à l'expert, celui-ci n'ayant ni à indiquer si les odeurs par le centre d'enfouissement technique sont liées au
non-respect des prescriptions des arrêtés préfectoraux des 21 septembre 1978 et 17 septembre 1991, ni à vérifier la conformité de la surface d'exploitation de la décharge à l'autorisation préfectorale du 17 septembre 1991, ni à donner un avis circonstancié sur les éventuels manquements à la réglementation ni, enfin à tenter de concilier les parties. L'expert a déposé son rapport le 11 janvier 1999. SUR LES DEMANDES PRESENTES PAR L'APPELANTE ET TENDANT A DIRE ET JUGER QUE L'ARRETE PREFECTORAL DU 17 SEPTEMBRE 1991 AUTORISE L'EXPLOITATION DU C.E.T. SUR UNE SURFACE DE 6 HA, QUE LA STE GURDEBEKE NE RESPECTE PAS LES PRESCRIPTIONS DUDIT ARRETE ET QU'IL CONVIENT DE LUI ORDONNER SOUS ASTREINTE DE CESSER TOUTE EXPLOITATION DE SA DECHARGE SUR LES PARCELLES DE TERRAIN NON AUTORISEES. Attendu que si le juge judiciaire civil est compétent pour en fixer le sens s'agissant d'un acte administratif réglementaire, il ne saurait interpréter un acte administratif individuel à moins qu'il ne soit parfaitement clair ; Attendu, en l'espèce, et en conséquence que, s'il appartient au juge judiciaire et donc la présente cour d'apprécier les constations et avis émis par l'expert ainsi que les conséquences de l'activité privée exercée par la STE PRODEL TECHNOLOGIES et, notamment, les éventuels troubles provoqués par l'exploitation commerciale susrappelée, il ne saurait pour autant se prononcer sur les demandes susvisées formulées par cette dernière, lesquelles supposaient l'interprétation d'un acte administratif individuel dont le contentieux même dont il fait l'objet exclut qu'il puisse être qualifié de parfaitement clair. SUR LA RECEVABILITE DE LA STE PRODEL TECHNOLOGIES. Attendu que si la STE GURDEBEKE excipe du caractère postérieur de l'installation de la STE PRODEL TECHNOLOGIES
à proximité de la décharge de MOULIN SOUS TOUVENT pour contester la recevabilité de l'action engagée à son encontre et si elle fait état à cet effet des dispositions de l'article L 112-16 du code de la Construction et de l'Habitation, l'appelante soutient, pour sa part, s'être implantée sur le site de CARLEPONT le 05 décembre 1970 et indique alors avoir fait procéder, par inscription au greffe du Tribunal de Commerce de COMPIEGNE sous le n° B 562 055 871, au transfert de son siège social sur ledit site ; que l'intimé ne conteste pas utilement les documents produits à l'appui des affirmations de la STE PRODEL TECHNOLOGIES et ne justifie pas, en tout état de cause, de l'antériorité de l'exploitation de son propre centre d'enfouissement technique ; qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'appelante recevable en sa demande. * SUR LE RAPPORT D'EXPERTISE. Attendu que si l'appelante demande que soit prononcé la nullité du rapport expertal aux motifs que l'expert n'a pas effectué les opérations de carottage du C.E.T. non plus que l'analyse des rejets liquides et des gaz de fermentation auxquelles il s'était engagé dans sa note aux parties du 09 août 1996 et ne s'est pas non plus fait communiquer les documents devant être tenus par la STE GURDEBEKE, il convient tout d'abord de relever que la mission de l'expert a été réduite par l'arrêt susrappelé du 22 octobre 1996 et que, de toute façon, il ressort de la liste des documents produits à l'expertise que la STE GURDEBEKE a transmis les analyses réalisées sur les piézomètres à l'amont et à l'aval hydraulique du site ainsi que les analyses réalisées par la STE HOFSTETTER sur les gaz à la sortie de l'installation de brûlage des biogaz ; qu'il sera, également, souligné que la STE PRODEL TECHNOLOGIES n'a jamais prétendu en cours d'expertise que les analyses ainsi produites auraient été faites dans les conditions susceptibles de méconnaître les droits des parties ; que, par
ailleurs, la circonstance que l'expert ne se serait pas fait communiquer l'ensemble des documents devant être tenus par la STE GURDEBEKE en application des arrêtés préfectoraux susmentionnés ne saurait, en elle-même, être constitutive, en l'absence d'une quelconque violation du principe du contradictoire, ou de la neutralité auquel est tenu l'expert, d'un motif de nullité du rapport ; que la STE PRODEL TECHNOLOGIES ne peut qu'être déboutée de sa demande d'annulation du rapport. Attendu, toutefois, et ainsi qu'il a été ci-dessus exposé, qu'il n'appartient pas à la présente Cour d'interpréter l'arrêté préfectoral du 17 septembre 1991 et d'apprécier s'il y a eu " extension illégale de la surface autorisée par cet acte administratif individuel ", ou, plus généralement, violation des prescriptions de celui-ci qu'il s'agisse des conditions d'exploitations des casiers,
de l'absence de réaménagements du site ou de la prétendue existence de cuvettes de retenues d'eaux pluviales ne respectant pas la pente générale de 3% de la décharge ; qu'en revanche, si la Cour est nécessairement compétente pour apprécier les éventuelles nuisances olfactives conséquences de l'activité privée, il ressort des énonciations du rapport expertal que les gaz odorants accompagnant le méthane sont toujours présents dans les C.E.T. en exploitation normale et que les produits gazeux soufrés responsables des odeurs nauséabondes ont un seuil de détection olfactif très bas et très au-dessous du seuil de toxicité ; que l'expert souligne aussi que " cette formation de gaz n'a rien d'exceptionnel et que tous les sites qui traitent des ordures ménagères de cette façon " fabriquent " ce type de gaz de décomposition " ; que ledit expert constate également après plusieurs visites sur le site n'avoir pas revelé d'odeurs caractéristiques et nauséabondes " que ce soit en été ou en hiver " ce qui tend à prouver que " le phénomène est ponctuel s'il est réel " ; qu'enfin, le rapport expertal souligne que " la rose des vents " émise par les centres météorologiques et les aéroports voisins montre que la ville de CARLEPONT devrait être la moins sujette à ces odeurs ( à l'inverse des communes de TRACY LE VAL et TRACY LE MONT ) alors que c'est dans cette dernière que se trouve la STE PRODEL . " ; que les documents versés aux débats par l'appelante, et notamment l'attestation émanant des salariés, ne sont pas de nature à infirmer les constatations de l'expert mais plutôt à imputer les désagréments olfactifs dont il est fait état davantage au système de ventilation de son usine-vitrine ", comprenant un centre de recherches et de développement, qu'à l'activité directe de la STE GURDEBEKE ; que, par ailleurs, et à supposer même qu'eussent pu être caractérisées des nuisances fautives, la STE PRODEL TECHNOLGIES ne justifie pas, au-delà d'affirmations générales et non corroborées, de l'effectivité
du préjudice commercial ou financier dont elle excipe, que c'est, donc, par une juste appréciation des circonstances de la cause, et après avoir constaté l'absence de faute et de préjudice indemnisables que les premiers juges ont débouté l'appelante de sa demande de dommages-intérêts. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE. Attendu que la STE PRODEL TECHNOLOGIES , condamnée aux dépens d'appel, versera à l'intimée la somme de 3.000 euros au titre de l'article susvisé. PAR CES MOTIFS La COUR ; Statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit l'appel jugé régulier en la forme ; Au fond, le rejetant, confirme le jugement ; Déboute l'appelante de l'ensemble de ses prétentions ; La condamne aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP LE ROY, avoué ; La condamne enfin à payer à la STE GURDEBEKE la somme de 3.000 euros au titre des frais hors dépens. LE GREFFIER,
LE PRESIDENT,