COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 12/01/2011
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N° de MINUTE :
N° RG : 09/07643
Jugement (N° 08/2500)
rendu le 15 Octobre 2009
par le Tribunal de Commerce de ROUBAIX TOURCOING
REF : CP/CD
APPELANTE
SARL AVANTAGE prise en la personne de ses représentants légaux
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour
Assistée de Me TUBIANA, avocat au Barreau de PARIS
INTIMÉE
SAS PROMOD prise en la personne de ses représentants légaux
Ayant son siège social [Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par la SCP COCHEME-LABADIE-COQUERELLE, avoués à la Cour
Assistée de Me FABRE de la SCP BAKER ET MAC KENZIE, avocats au Barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Christine PARENTY, Président de chambre
Jean Michel DELENEUVILLE, Conseiller
Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique DESMET
DÉBATS à l'audience publique du 18 Novembre 2010 après rapport oral de l'affaire par Christine PARENTY
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président, et Véronique DESMET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 juin 2010
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Vu le jugement contradictoire du 15 octobre 2009 du tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing ayant débouté la société Avantage de toutes ses demandes dirigées contre la société Promod, ayant rejeté la demande reconventionnelle de cette dernière et ayant condamné la société Avantage à payer à la société Promod 30000 € sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté le 28 octobre 2009 par la société Avantage ;
Vu les conclusions déposées le 10 novembre 2009 pour la société Avantage ;
Vu les conclusions déposées le 4 février 2010 pour la société Promod ;
Vu l'ordonnance de clôture du 30 juin 2010 ;
La sarl Avantage a interjeté appel aux fins d'infirmation du jugement ; elle demande à la cour de prononcer la nullité du contrat la liant à la société Promod aux torts de cette dernière, subsidiairement de dire que la résiliation de la part de Promod est abusive et fautive, de dire qu'il y a eu de la part de la société Promod violation de l'article L 442-6 du code de commerce, de prononcer la résiliation du contrat aux torts de cette dernière, de fixer son préjudice à 229 208€ au titre du préjudice matériel, 200000€ au titre du préjudice moral, de constater que contractuellement sa rémunération devait être de 397 263,60€ sur laquelle Promod lui doit 130 425,55€, de constater que si la société Promod entendait le contester, il faudrait revenir à l'accord contractuel issu du courriel émis par elle le 11 septembre 2002, de constater que la marge passerait à 56% de sorte que la société Promod, débitrice au titre du détournement de marge, lui devrait 218024,80€ : elle demande la condamnation de la société Promod à cette somme avec intérêts depuis ses dernières conclusions ou depuis l'assignation et anatocisme ; elle réclame enfin 100 000€ sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'intimée sollicite la confirmation et formule un appel incident en demandant à la cour de constater que la société Avantage a violé son obligation de non concurrence et de la condamner à lui payer 20 000€ de dommages et intérêts ; à titre subsidiaire, elle fait valoir que la société Avantage ne justifie ni de l'existence ni du quantum des préjudices allégués ni d'un manque à gagner ; elle sollicite son débouté et 50 000€ sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Promod, qui a pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation d'articles de prêt à porter féminin a désiré s'implanter en Guyane et pris contact avec monsieur [U] [H], dirigeant d'une société Avantage ; le 16 septembre 2002, elle a remis un DIP et un projet de contrat de distribution. Le contrat a été signé le 11 février 2003, après négociation avec un CA annuel de 550 000€, des frais pour établissement des plans d'aménagement de 10 000€, un montant de lettre de crédit de 100 000€, une durée de trois ans, une exclusivité de création et d'exploitation du point de vente sur tout le territoire avec comme contrepartie l'engagement de ne commercialiser que des articles sous la marque Promod. Parallèlement, le local commercial était donné en location gérance et le magasin devait ouvrir avant le 26 mars 2003.
La société Avantage plaide qu'il s 'agit d'un contrat de franchise qui est nul pour défaut de respect de l'article L 330-3 du code de commerce qui prévoit la communication 20 jours minimum avant la signature du contrat d'un document d'information devant contenir un certain nombre d'informations prévues à l'alinéa 1 du dit article, communication dont Promod n'apporte pas la preuve, la simple mention figurant au contrat de cette communication étant insuffisante à en apporter la preuve et la sanction en étant la nullité du contrat.
Elle plaide ensuite qu'il y a eu violation immédiate du contrat dans son exécution financière puisque la société Promod a d'emblée mis en place une technique consistant à surfacturer les marchandises, ne versant pas la rémunération prévue de 33,50% du chiffre d'affaires, mettant en connaissance de cause la société en difficultés d'où les problèmes de retard de paiement.
Le 29 mars 2005, la société Promod résiliait le contrat pour retard dans la fourniture de la lettre de crédit contractuellement prévue, retards répétés de paiement, non enlèvement des marchandises, non réalisation du CA prévu.
La société Avantage conteste chacun des motifs :
- la lettre de crédit a été réduite dans son montant d'un commun accord ;
-le retard de paiement a été ponctuel et la faute en revient à Promod qui a irrégulièrement ponctionné le compte ;
-le non enlèvement de colis est un seul incident du mois de septembre 2004 pour lequel elle s'est expliquée, qui a fait l'objet d'un recours contre le transitaire, sachant que le prix de la marchandise a été payé ;
- s'il est exact que le chiffre d'affaires n'a pas été atteint, la faute en revient à Promod qui gérait tout, mais ne fournissait pas les qualités, quantités et prix permettant la réalisation de son propre chiffre, n'ayant pas su s'adapter en Guyane et sachant que le rôle d'Avantage était limité à la fourniture du local et du personnel.
Elle en conclut qu'en ne formulant aucun grief sérieux, Promod s'est rendue coupable d'une faute sanctionnable par l'article L 442-6 du code de commerce qui lui a causé un préjudice représenté par ses investissements initiaux et un préjudice moral. Elle ajoute que la marge garantie était de 33,5% sur le prix de vente au public ou de 56% si l'on se réfère au courriel du 11 septembre 2002 qui fait état d'un prix de vente de + 10% en Guyane, d'un prix de facturation de 44% soit une marge de 56%.
La société Promod lui réplique que les manquements ont été répétés, que la lettre de crédit, réduite à 50 000€, n'a été remise qu'avec un retard de trois mois, que les marchandises ont à plusieurs reprises été enlevées avec retard ce qui a entraîné une baisse significative du chiffre d'affaires et un réapprovisionnement plus difficile, Avantage ayant affiché à plusieurs reprises sa volonté d'annuler des expéditions, que le CA prévu n'a pas été atteint, alors que son objectif était le plus bas du réseau, que ces raisons contractuellement prévues l'ont amenée à résilier le contrat par LRAR du 29 mars 2005 avec effet à trois mois. Après négociations, la société Promod a maintenu sa position. Elle souligne que son adversaire l'a d'abord assignée le 24 octobre 2005 mais ne s'est pas présentée à l'audience de sorte que la procédure a été radiée, que plus de trois ans après, elle l' a assignée une seconde fois.
Elle fait valoir :
-que le DIP a été communiqué puisque paraphé par monsieur [H] le 16 novembre 2002 et repris au contrat ;
-qu'Avantage ne démontre pas que les pièces n'auraient pas été régulières ou que son consentement aurait été vicié ;
- que le contrat correspond pour l'essentiel au projet sauf modifications toutes en faveur d'Avantage ;
- que les manquements soulignés dans la lettre de rupture sont patents et répertoriés dans le contrat comme des motifs de résiliation, la non réalisation de l'objectif ne pouvant être imputée au fournisseur mais plutôt au commerçant indépendant ;
-que la soi -disant absence de compétitivité des marchandises sur le marché Guyanais n'est établie par aucun élément, Avantage ne pouvant plaider qu'elle s'est engagée pour commercialiser des marchandises qu'elle savait inadaptées sur un marché local bien connu d'elle d'autant qu'elle avait eu l'occasion de connaître, avant, les produits Promod, ayant plutôt refusé les propositions de réassort, preuve qu'elle était bien maîtresse de la gestion des stocks ;
- qu'Avantage a été à chaque fin de période commerciale remplie de ses droits et ne saurait réclamer quoi que ce soit, les chiffres de son préjudice étant totalement injustifiés.
Reconventionnellement, elle souligne que la société Avantage a adhéré au réseau de distribution de Sinequanone au mépris de la clause de non concurrence qui la tenait jusqu'au 13 juillet 2006 comme le prouve le constat du 18 mai 2006 lui causant un préjudice qu'elle évalue à 20 000€.
Sur ce point, la société Avantage estime que la rupture étant due à la faute de Promod, cette demande en devient irrecevable, qu'elle est en tous cas mal fondée puisque la date à prendre en considération est le 29 mars 2006, soit un an après la résiliation, et non le 14 juillet 2006, après le délai de trois mois.
Sur ce
Sur la nullité du contrat
- La société Avantage reproche tout d'abord à la société Promod de ne pas lui avoir fourni le DIP, or conformément aux dispositions légales ce document a été remis ainsi que le projet de contrat de distribution le 16 février 2002, comme en atteste les pièces versées par l'intimée paraphées et signées de monsieur [H] et le contrat a été signé entre les parties le 11 février 2003 : l'argument doit être rejeté.
- puis elle plaide une mauvaise exécution immédiate du contrat par une surfacturation commise par la société Promod qui aurait ' pompé la part financière lui revenant et mettant sa comptabilité en déficit'; à l'appui de cette affirmation, elle n'apporte pas le moindre élément ni avance le moindre calcul étayé. On sait que le contrat a débuté en mars 2003 et il faudra attendre un courrier, au demeurant en réponse, du 14 avril 2005 pour voir naître l'allusion en page 3 à des 'erreurs de marge' qui ne reprennent absolument pas les chiffres avancés aujourd'hui et que la société Avantage qualifie elle-même 'd'incidents', décrits comme réparés et qui ne l'ont pas ' démotivée dans son attachement à développer Promod'; l'argument manque de sérieux et principalement de preuve. Comme en attestent les pièces 39 et 40, Avantage a été réglée de ses droits à la fin de chaque période commerciale; elle n'a jamais contesté les comptes établis entre elles; si ceux-ci lui avaient paru entachés d'une erreur, elle n'aurait pas manqué d'en faire part à son interlocutrice au moment de l'émission des documents comptables. Elle n'est pas crédible à le faire bien après et surtout alors qu'elle a réceptionné la lettre de résiliation et qu'elle veut ériger cette contestation en argument de défense. Il convient de débouter la société Avantage de sa demande de nullité, le tribunal ayant à juste titre souligné que les changements apportés au projet, à l'issue des négociations, sont survenus par suite d'avantages consentis par la société Promod, preuve s'il en était besoin que le consentement de la société Avantage n'a pas été vicié.
Sur la résiliation
la société Promod invoque quatre manquements :
- l'article 18.1 prévoyait la remise d'une lettre de crédit de 100 000€ dès la signature du contrat; l'intimée apporte la preuve que malgré son accord de la voir réduite à 50 000€, elle ne l'a obtenue que le 20 mai 2003, après trois mois de retard et de multiples relances. Il s'agit d'une des causes de résiliation prévue au contrat. La société Avantage se défend mal de ce grief parfaitement fondé.
- les retards de paiements sont étayés par les nombreux rappels envoyés par la société Promod à la société Avantage, avant et après la réception de la lettre de crédit; il s'agit également d'un cas de résiliation. La débitrice ne peut prétendre contre la vérité, étayée par des pièces, que ces retards n'auraient été que ponctuels : ils ont été récurrents.
- le non enlèvement des marchandises a donné lieu à des échanges par mail, Promod interpellant son interlocutrice sur les difficultés liées de non réapprovisionnement, de difficulté de renouvellement de stock, Avantage ayant à plusieurs reprises annulé des expéditions comme cela résulte des pièces; là encore Avantage ne peut parler d'un seul incident alors qu'on discute davantage de politique de gestion, le dialogue semblant difficile sur ces points.
- la non réalisation de l'objectif en termes de chiffre d'affaires qui avait été fixé à 550 000€ et qui n'a pas été atteint : la société Avantage pour se dédouaner de cette réalité évidente tente d'affirmer sans aucun élément concret que Promod assurait la gestion du magasin tandis qu'elle ne mettait à disposition que le local et le personnel. L'argument ne tient pas car si Avantage s'était engagée à respecter les propositions de réassort de son stock formulées par Promod comme contractuellement prévu, il a été constaté qu'elle avait bien gardé sa liberté de le gérer comme elle l'entendait; en outre, vu la distance, les moyens informatiques ne solutionnant pas tout, il est difficile d'affirmer que Promod aurait gardé la complète maîtrise des choix de gestion d'autant qu'Avantage, société indépendante connaissait le marché local. Elle assumait seule la responsabilité de son exploitation et des choix qu'elle avait la liberté de faire dans ce cadre, cette direction d'entreprise ne se limitant pas à une mise à disposition de moyens, et ne relevant pas de la responsabilité du fournisseur, fut -il lié par un contrat d'objectif.
C'est dans ces conditions que par LRAR du 29 mars 2005 la société Promod a résilié le contrat de distribution avec effet à trois mois conformément aux articles 6 et 24 du contrat et en parfaite adéquation avec lui.
La résiliation n'est pas abusive ni fautive; légitimée, elle fait échec à tout recours de la part de la société Avantage, qui n'a pas respecté le contrat, contre la société Promod et encore plus sur la base de l'article L442-6 du code de commerce tandis que leurs relations contractuelles sont issues du contrat de distribution.
La confirmation du débouté de la société Avantage s'impose en conséquence sur l'ensemble de ses demandes.
Sur la demande reconventionnelle du chef du non respect de la clause de non concurrence
l'huissier qui a fait le constat du 18 mai 2006 relève la présence sur plusieurs portes-fenêtres de l'inscription ' Sinéquanone, 'marque connue de prêt à porter féminin; cela est insuffisant à affirmer que la société Avantage, dont le nom continue à figurer en tête de l'entrée du magasin a poursuivi son exploitation sous cette enseigne et qu'elle serait membre d'un réseau de distribution de cette marque; cela peut vouloir dire qu'elle vend notamment des vêtements de cette marque mais pas forcément exclusivement; la preuve est trop fragile d'un non respect de la clause de non concurrence post contractuelle prévue à l'article 19.
La cour déboute la société Promod de la demande qu'elle a formulée à cet égard.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
il est légitime de condamner la société Avantage à payer 20000€ de ce chef à la société Promod. Succombant, la société Avantage sera déboutée de la demande qu'elle a formulée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;
Condamne la société Avantage à payer 20000€ à la société Promod en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, avoués, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Le GreffierLe Président
Véronique DESMETChristine PARENTY