RG N° 05/04574
J.L. B.
N° Minute :
Grosse délivrée
le :
S.C.P. CALAS
S.C.P. GRIMAUD
Me RAMILLON
S.C.P. POUGNAND
S.E.L.A.R.L. DAUPHIN
& MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
SUR RENVOI DE CASSATION
ARRET DU JEUDI 25 FEVRIER 2010
Recours contre une décision (N° R.G. 51-02-0041)
rendue par le Tribunal paritaire des baux ruraux de DIGNE
en date du 10 septembre 2002
ayant fait l'objet d'un arrêt rendu le 11 mars 2003
par la Cour d'Appel de AIX EN PROVENCE
et suite à un arrêt de cassation du 21 septembre 2005
SUIVANT DECLARATION DE SAISINE DU 07 Novembre 2005
APPELANT :
Monsieur [U] [C]
né le [Date naissance 4] 1945 à [Localité 10]
[Adresse 16]
[Adresse 16]
[Localité 2]
représenté par la SCP HERVE-JEAN POUGNAND, avoués à la Cour
assisté de Me François BALIQUE, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
S.A. SAFER - SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
- assignée en intervention forcée-
[Adresse 17]
[Localité 1]
représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour
assistée de Me Yves JOLIN substitué par Me COLLING, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE
Madame [S] [T] tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de Madame [V] [P]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 5]
représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour
assistée de Me Yves JOLIN substitué par Me COLLING, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE
Monsieur [K] [D] (changement de nom de [I] en [D])
né le [Date naissance 6] 1950 à [Localité 15]
[Adresse 18]
[Localité 13]
représenté par la SCP Jean & Charles CALAS, avoués à la Cour
assisté de Me Dominique FACCIO, avocat au barreau de NICE
Madame [V] [P] - décédée le [Date décès 8]/2006
née le [Date naissance 3] 1923 à [Localité 9]
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 11]
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel MULLER, Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller,
Mme Françoise CUNY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Nadine LEICKNER, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique sur renvoi de cassation tenue le 06 JANVIER 2010, les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour JEUDI 25 FEVRIER 2010.
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Poursuivant l'exploitation ovine de son père, Monsieur [U] [C] est au bénéfice d'un bail rural verbal portant sur la propriété de Madame [S] [V], épouse [T], située sur le territoire de la commune de [Localité 13] (04) et composée d'une bergerie, d'un logement et d'un pâturage, le tout pour une superficie de 64 ha, 16 a 59 ca.
Le 27 novembre 2001 Me [J], notaire à [Localité 12], a notifié à Monsieur [C] la promesse de vente régularisée le 15 juin 2001 au profit de la S.A.F.E.R., avec faculté de substitution, moyennant le prix de 400.000 F.
Le 14 janvier 2002 le fermier a notifié son intention d'exercer son droit de préemption, mais a contesté le prix du fonds.
Le 7 février 2002, il a saisi le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de DIGNE LES BAINS à l'effet d'obtenir la fixation du prix par voie d'expertise.
Par jugement du 10 septembre 2002, confirmé par la Cour d'Appel D'AIX EN PROVENCE le 11 mars 2003, le tribunal a toutefois déclaré sa demande forclose, à défaut de saisine de la juridiction dans le délai de 2 mois de l'article L 418-2 du code rural.
Sur le pourvoi formé par le preneur, la Cour de Cassation, par arrêt du 21 septembre 2005, a cassé l'arrêt de la Cour d'Appel D'AIX EN PROVENCE dans toutes ses dispositions au motif que la notification faite au preneur ne comportait pas le prix, les charges, les conditions et les modalités des ventes partielles envisagées avec les trois acquéreurs substitués.
Par arrêt du 30 janvier 2008, la présente Cour de renvoi, saisie le 7 novembre 2005, a reconnu, par voie de réformation, à Monsieur [U] [C] la possibilité légale d'exercer son droit de préemption, a ordonné une expertise aux fins de déterminer la valeur de l'immeuble et a sursis à statuer dans l'attente des résultats de l'expertise sur la demande en annulation de la vente régularisée le 7 août 2003 au profit de Monsieur [K] [D] que la S.A.F.E.R. s'était substitué.
L'expert [B] [R] a déposé son rapport le 15 janvier 2009.
Vu les conclusions soutenues à l'audience du 6 janvier 2010 par Monsieur [U] [C] qui demande à la Cour :
de rejeter les exceptions de procédure et de forclusion opposées par les intimés,
d'annuler l'acte notarié de vente régularisé le 7 août 2003 au profit de Monsieur [D],
de le substituer à ce dernier en qualité de cessionnaire moyennant le prix de 60.522,26 € payable dans le mois de la signification de l'arrêt à intervenir,
d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir et de condamner les intimés au paiement d'une indemnité de procédure de 3.000 € aux motifs :
- qu'il est justifié de la publication de ses conclusions aux fins d'annulation de la vente,
- que l'absence aux débats de la commune de [Localité 13], acquéreur des parcelles résiduelles par acte séparé, est sans effet sur la présente action en nullité,
- que son action en nullité n'est pas éteinte alors d'une part que le délai de forclusion de 6 mois de l'article L 412-12 du code rural a été interrompu par son action initiale en fixation du prix qui tendait aux mêmes fins, et d'autre part que n'ayant eu connaissance de la date de l'acte de vente que le 26 novembre 2006 il a agi dans le délai légal en présentant pour la première fois sa demande par conclusions du 23 mai 2007,
- que la vente à son profit est aujourd'hui parfaite après acceptation du prix de 60.522,26 €, puisque l'exercice de son droit de préemption, sous réserve de la fixation judiciaire du prix, scelle l'accord des volontés,
- qu'en toute hypothèse en éludant sciemment son droit de préemption sans attendre l'issue de la procédure en fixation du prix, les parties à l'acte de vente du 7 août 2003 se sont rendues coupables d'une fraude qui justifie l'annulation.
Vu les conclusions soutenues à l'audience du 6 janvier 2010 par Madame [S] [T] qui demande à la Cour de déclarer nulle, irrecevable et forclose l'action en nullité formée par Monsieur [C], dont elle prétend obtenir une indemnité de procédure de 5.000 €, aux motifs :
- qu'il n'est pas justifié de la publication de la demande en annulation de la vente immobilière,
- qu'à défaut de mise en cause de la commune de [Localité 13], qui a acquis une partie du tènement, la demande est irrecevable,
- que l'action est tardive pour n'avoir pas été exercée dans le délai de 6 mois de la vente, qui était connue du fermier, étant observé que l'action en fixation du prix ne tendait pas aux mêmes fins.
Vu les conclusions soutenues à l'audience du 6 janvier 2010 par la S.A.F.E.R. qui demande également à la Cour de déclarer l'action nulle et irrecevable pour les motifs invoqués par la venderesse, et qui subsidiairement sollicite l'instauration d'une expertise aux fins de déterminer la valeur des biens à la date la plus proche du jugement.
Vu les conclusions soutenues à l'audience du 6 janvier 2010 par Monsieur [K] [D] qui demande à la Cour de déclarer irrecevable l'action en nullité et de condamner l'appelant au paiement d'une indemnité de procédure de 3.000 € aux motifs :
- que l'action en nullité n'a pas été intentée dans le délai de forclusion de 6 mois, qui a couru à compter du jour où le fermier a eu connaissance de la vente par la lettre du notaire rédacteur en date du 23 septembre 2003 et ultérieurement par la procédure en validation du congé délivré le 26 mars 2004,
- que le délai de 6 mois n'a pas été interrompu par l'action distincte en reconnaissance du droit de préemption,
- qu'aucune fraude n'a été commise alors que la vente est intervenue en l'état de l'arrêt d'irrecevabilité prononcé par la Cour d'Appel D'AIX EN PROVENCE.
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MOTIFS DE L'ARRET
Ainsi qu'il en est justifié, la demande en nullité de la vente conclue le 7 août 2003, formée par conclusions d'appel signifiées le 23 mai 2007, a été publiée le 9 novembre 2007 à la conservation des hypothèques de la ville de [Localité 11] (volume 2007 P. N° 8766).
Il a ainsi été satisfait aux prescriptions obligatoires de l'article 28 4ème c du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, en sorte qu'aucune irrecevabilité n'est encourue de ce chef.
L'absence aux débats de la commune de [Localité 13] n'est pas plus de nature à entraîner l'irrecevabilité de l'action en nullité de l'acte du 7 août 2003, alors que la vente partielle régularisée par acte séparé au profit de la commune n'est pas contestée par le fermier, qui entend être substitué exclusivement à Monsieur [K] [D].
Monsieur [C] fonde son action en nullité avec substitution sur les dispositions de l'article L 412-10 du code rural, qui sanctionnent notamment le propriétaire bailleur pour la vente du fonds préempté avant l'expiration des délais prévus à l'article L 412-9, manquement auquel doit être nécessairement assimilée la vente avant décision judiciaire définitive tant sur la régularité de la préemption que sur le prix contesté.
L'action en nullité avec substitution est toutefois soumise au délai de forclusion de 6 mois prévu à l'article L 412-12 alinéa 3 du code rural, qui régit l'ensemble des actions en nullité fondées sur
les manquements du bailleur à ses obligations, ayant eu pour effet de priver le preneur de l'exercice effectif de son droit de préemption.
La saisine initiale du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux aux fins de fixation judiciaire de la valeur vénale des biens n'a pas interrompu le délai d'action susvisé, qui n'a pas pu commencer à courir antérieurement à la vente litigieuse. Le point de départ du délai est, en effet, fixé au jour où la date de la vente est connue du preneur, ce qui implique d'évidence la régularisation préalable de celle-ci.
En toute hypothèse l'action en contestation du prix fondée sur l'article L 412-7 du code rural ne tend pas aux mêmes fins que l'action en nullité avec substitution de l'article L 412-10 du même code, dès lors que le preneur est en droit de renoncer à l'acquisition aux conditions et prix fixés par le tribunal, en sorte que les deux actions ne poursuivent pas le but unique de transmettre la propriété des biens au fermier.
Le Tribunal, puis la Cour D'AIX EN PROVENCE, n'étaient donc pas implicitement saisis de l'action en nullité, qui n'a été formée que devant la présente Cour de renvoi par conclusions signifiées le 23 mai 2007.
De la même façon, en raison de son caractère préfix, le délai de forclusion de l'article L 412-12 alinéa 3 du code rural n'a pas été suspendu jusqu'à l'arrêt de cette Cour du 30 janvier 2008, qui a définitivement et irrévocablement jugé que Monsieur [C] était en droit de préempter.
Par lettre recommandée du 23 septembre 2003, reçue le 25 septembre 2003, le notaire rédacteur de l'acte de vente litigieux du 7 août 2003 a informé le fermier de la date et des caractéristiques principales de la mutation intervenue au profit de Monsieur [D]. Monsieur [C] ne peut sérieusement contester avoir eu connaissance à cette occasion de la date de l'acte, mentionnée au verso de la correspondance, puisque au recto de celle-ci sont annoncées 'ci-après' les caractéristiques de la vente.
En toute hypothèse, dans le cadre de l'instance en validation du congé délivré par le nouveau propriétaire, il a reçu copie de l'acte de vente du 7 août 2003, ainsi qu'en fait foi la lettre de communication du 22 novembre 2005 émanant du conseil du bailleur, ce qui constitue un fait dont celui-ci peut se prévaloir malgré les effets juridiques attachés à la péremption de l'instance.
Force est dès lors de constater que l'action en nullité avec substitution, formée par conclusions du 23 mai 2007, a été introduite postérieurement à l'expiration du délai de forclusion de 6 mois, qui a commencé à courir le 25 septembre 2003 et au plus tard le 22 novembre 2005, en sorte qu'elle est frappée d'irrecevabilité.
Pour faire échec à cette fin de non-recevoir Monsieur [C] prétend encore qu'en vendant prématurément les biens sans attendre l'issue de la procédure judiciaire en cours les intimés l'ont frauduleusement empêché d'acquérir.
Au bénéfice d'une décision judiciaire (arrêt de la Cour d'Appel D'AIX EN PROVENCE du 11 mars 2003), certes révocable, mais présentant un caractère exécutoire, qui avait définitivement consacré l'irrecevabilité de la demande initiale du fermier, les parties à l'acte de vente du 7 août 2003 n'ont toutefois pas agi sciemment et de mauvaise foi dans le but de faire échec au droit de préemption. Tout au plus pourrait-il être soutenu qu'elles ont agi avec imprudence en prenant le risque d'une annulation ultérieure.
N'ayant pas immédiatement fait trancher la question de la forclusion de l'action en nullité, les intimés supporteront toutefois la charge des dépens exposés postérieurement à l'arrêt de cette Cour du 30 janvier 2008, y compris les frais d'expertise qui ont été exposés en pure perte.
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PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu son précédent arrêt du 30 janvier 2008,
Ecarte les fins de non recevoir tirées du prétendu défaut de publication de la demande et de l'absence aux débats de la commune de [Localité 13],
Déclare forclose l'action en nullité avec substitution de la vente régularisée le 7 août 2003 entre les consorts [V], la S.A.F.E.R. et Monsieur [K] [D],
Dit n'y avoir lieu de part ou d'autre à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Madame [S] [T], la S.A.F.E.R. et Monsieur [K] [D] aux dépens exposés postérieurement à l'arrêt du 30 janvier 2008 y compris les frais d'expertise,
SIGNE par Monsieur MULLER, Président et par Madame LEICKNER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.