RG N° 09/01093
J.L. B.
N° Minute :
Grosse délivrée
le :
S.C.P. CALAS
S.C.P. GRIMAUD
Me RAMILLON
S.C.P. POUGNAND
S.E.LA.R.L. DAUPHIN
& MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRET DU JEUDI 07 OCTOBRE 2010
Appel d'une décision (N° RG 2008J8)
rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE
en date du 10 décembre 2008
suivant déclaration d'appel du 24 Février 2009
APPELANTE :
Société BANQUE DELUBAC poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par la SCP Franck et Alexis GRIMAUD, avoués à la Cour
assistée de Me Thierry BISSIER substitué par Me PINKSTER, avocats au barreau de PARIS
INTIMES :
Maître [B] [Y] ès qualités de liquidateur judiciairede la société OMNIACOM
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
représenté par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour
assisté de Me David HERPIN, avocat au barreau de VALENCE
Monsieur [K] [S]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
défaillant
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel MULLER, Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller,
Mme Françoise CUNY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Nadine LEICKNER, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 01 Juillet 2010, Monsieur MULLER, Président a été entendu en son rapport,
Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour,
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La société OMNIACOM, dirigée par Monsieur [K] [S], a été placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de ROMANS en date du 13 Juin 2007 sur conversion de la procédure de redressement judiciaire ouverte le 22 janvier 2007.
A la demande du liquidateur judiciaire la BANQUE DELUBAC a versé le 28 juin 2007 une somme de 6.169,38 € correspondant au solde créditeur du compte bancaire de la société OMNIACOM.
Contestant les écritures de débit du compte intervenues entre le 13 et le 21 juin 2007, le mandataire liquidateur a fait assigner la BANQUE DELUBAC en paiement de la somme de 6.821,21 €. Cette dernière a appelé en garantie Monsieur [K] [S].
Par jugement du 10 décembre 2008 le Tribunal de Commerce de ROMANS a statué en ces termes :
Dit que les paiements débités sur le compte bancaire de la société OMNIACOM postérieurement au 13 juin 2007, date du jugement prononçant la liquidation judiciaire de OMNIACOM, ne sont pas opposables à Maître [B] [Y] ès-qualités de liquidateur de la société,
Condamne la BANQUE DELUBAC & CIE au paiement de la somme de SIX MILLE HUIT CENT SOIXANTE ET UN EUROS et VINGT ET UN CENTIMES (6.861,21 €) à Maître [B] [Y], pour le compte de la liquidation judiciaire OMNIACOM, outre intérêts de droits au taux légal à compter du 12 décembre 2007, date d'assignation,
Condamne Monsieur [K] [S] au paiement de la somme de MILLE QUATRE CENT CINQUANTE EUROS ET DIX SEPT CENTIMES (1.450,17 €) à la banque BANQUE DELUBAC & CIE, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice consécutif à l'émission des chèques n° 0640801, 0640802 et 0640804, le jour du prononcé du jugement de liquidation judiciaire de la société OMNIACOM, dont il était gérant,
Dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire du présent jugement,
Condamne la BANQUE DELUBAC & CIE au paiement de la somme de CINQ CENT EUROS (500 €) à Maître [Y], ès-qualités de liquidateur au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la BANQUE DELUBAC & CIE de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de Monsieur [K] [S].
La société en commandite simple BANQUE DELUBAC a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 24 décembre 2009.
Vu les conclusions signifiées et déposées le 6 juillet 2009 par la société DELUBAC qui s'oppose, par voie d'infirmation, à l'ensemble des demandes formées par Maître [Y], ès-qualités, dont elle prétend obtenir une indemnité de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et qui subsidiairement sollicite la condamnation de Monsieur [K] [S] à lui payer la somme de 6.807,39 € à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de 1.500 € pour frais irrépétibles, aux motifs :
que les débits litigieux réalisés entre le 13 et le 21 juin 2007 correspondent pour la plupart à des chèques émis par la société OMNIACOM antérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire,
que la créance de provision a été transférée aux bénéficiaires dès l'émission des chèques,
que la date de l'opération est présumée correspondre à celle figurant sur les chèques, à défaut de preuve contraire non rapportée par le liquidateur judiciaire,
que les 3 chèques émis le jour même du prononcé de la liquidation judiciaire l'ont été pour les besoins de la poursuite d'activité autorisée jusqu'au 27 juin 2007,
qu'il en est de même du prélèvement ORANGE effectué le 13 juin 2007,
qu'en toute hypothèse le dirigeant, qui a émis les chèques litigieux sans autorisation et en violation de la règle du dessaisissement lui doit sa garantie.
Vu les conclusions signifiées et déposées le 6 novembre 2009 par Maître [Y], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société OMNIACOM, qui sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et la condamnation de l'appelante au paiement d'une nouvelle indemnité de procédure de 1.600 € aux motifs :
que les règles du dessaisissement immédiat du débiteur placé en liquidation judiciaire et de l'interdiction de paiement des créances antérieures font obstacle à tout débit du compte bancaire, qui est automatiquement clôturé dès le prononcé de la liquidation judiciaire,
que le maintien temporaire d'activité ne déroge pas à ces principes, chaque émission de chèque et chaque opération de débit devant être autorisée par le mandataire liquidateur,
que les opérations litigieuses sont donc inopposables à la liquidation judiciaire, indépendamment de la bonne ou de la mauvaise foi de la banque,
que la date figurant sur le chèque ne constitue pas une preuve suffisante de la date effective de remise du chèque au bénéficiaire, en sorte que le transfert de la provision n'est intervenu en l'espèce qu'au jour de l'encaissement,
qu'il importe peu enfin que les chèques aient été émis pour payer des dettes nées régulièrement de la poursuite d'activité, puisqu'ils n'ont pas été contresignés par le liquidateur.
Vu l'assignation délivrée le 4 août 2009 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile à Monsieur [K] [S], qui n'a pas constitué avoué.
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MOTIFS DE L'ARRET
A compter de son placement en liquidation judiciaire le débiteur, dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, ne peut réaliser aucune opération sur le compte bancaire de l'entreprise, sous peine d'inopposabilité à la procédure collective.
Ainsi qu'en décide l'article R 641-37 du code de commerce, seul le liquidateur peut faire fonctionner sous sa signature les comptes bancaires du débiteur pendant un délai de six mois, et au-delà pendant la durée du maintien de l'activité lorsqu'elle a été autorisée par le Tribunal.
L'incapacité du débiteur subsiste même en cas de maintien exceptionnel de l'activité, comme en l'espèce, alors que dans cette hypothèse, sauf désignation d'un administrateur, c'est le liquidateur judiciaire qui administre l'entreprise sans possibilité de délégation au débiteur, ainsi que le prévoit l'article L 641-10 du code de commerce.
Les opérations de débit du compte bancaire de la société OMNIACOM, réalisées à l'insu du liquidateur judiciaire entre le 13 juin 2007, jour du prononcé de la liquidation judiciaire, et le 21 juin 2007, ne peuvent donc en principe être opposées à la procédure collective, peu important que le banquier gestionnaire du compte n'ait pas eu connaissance du jugement de liquidation judiciaire.
Il appartient par conséquent à la BANQUE DELUBAC de démontrer, comme elle le prétend, que la créance de provision a été transférée aux bénéficiaires des chèques, tirés par la société OMNIACOM, antérieurement au 13 juin 2007.
Pour faire cette preuve elle affirme que, si le transfert de la provision est réalisée par l'émission du chèque, celle-ci se confond en l'espèce avec la date de création des chèques, qui
est présumée être celle de leur remise aux bénéficiaires, à défaut pour elle d'être en possession des bordereaux de remise à l'encaissement.
La date d'émission d'un chèque ne peut cependant être présumée être celle de sa création. Or la banque, qui n'était pas dans l'impossibilité de justifier des dates de remise à l'encaissement dès lors qu'il lui appartenait de demander en cours d'instance la délivrance de pièces détenues par les bénéficiaires ou leurs banquiers en vertu des articles 138 et suivants du code de procédure civile, ne produit aucun document de nature à établir que le tireur s'était dessaisi des chèques litigieux antérieurement à sa mise en liquidation judiciaire.
Elle ne démontre donc pas que les 8 chèques débités entre le 14 juin 2007 et le 21 juin 2007 avaient été mis en circulation avant le 13 juin 2007, ni par voie de conséquence que la propriété de la provision avait été irrévocablement transférée aux bénéficiaires avant cette date.
Le jugement mérite donc confirmation en ce qu'il a déclaré inopposable au liquidateur judiciaire le débit de la somme globale de 6.861,21 € ; étant observé que le prélèvement de la somme de 53,82 €, réalisé le jour même du prononcé de la liquidation judiciaire sans l'aval du mandataire de justice, est frappé de la même inopposabilité.
C'est également à juste titre que le Tribunal a considéré qu'en émettant trois chèques le jour même du prononcé, en sa présence, de la liquidation judiciaire Monsieur [S], gérant de la société OMNIACOM, avait commis une faute intentionnelle, dont il ne pouvait ignorer les éventuelles conséquences dommageables.
Cette faute est d'une particulière gravité, puisqu'il a été porté atteinte à la règle impérative du dessaisissement, et doit être considérée comme étant incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales du dirigeant.
En cela elle est séparable des fonctions de celui-ci et engage la responsabilité de son auteur à l'égard des tiers au sens de l'article L 223-22 du code de commerce.
La décision sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné Monsieur [S] au paiement de la somme de 1.450,17 € à titre de dommages et intérêts, représentant le montant cumulé des trois chèques portant la date du 13 juin 2007.
Ne démontrant pas que le dirigeant aurait sciemment antidaté les autres chèques litigieux, la BANQUE DELUBAC a enfin justement été déboutée du surplus de sa demande indemnitaire.
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PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par défaut, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Condamne la société BANQUE DELUBAC à payer à Maître [Y], ès-qualités, une nouvelle indemnité de procédure de 1.000 €,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à la charge de Monsieur [K] [S],
Condamne la société BANQUE DELUBAC aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la S.E.L.A.R.L. d'avoués DAUPHIN & MIHAJLOVIC,
SIGNE par Monsieur MULLER, Président et par Madame LEICKNER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.