ARRET N° 42.
N° RG 21/00688 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIHRF
AFFAIRE :
M. [R] [Y], Mme [O] [E] épouse [Y]
C/
M. [G] [I], Société NELSKAMP
S.A.R.L. CLUB ARDOISE,
GS/LM
Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
Grosse délivrée à
Me Michel LABROUSSE
Me Emmanuel GARRELON
Me Martine GOUT
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE
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ARRET DU 02 FEVRIER 2023
Le DEUX FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS la chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur [R] [Y]
né le 27 Mai 1952 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Michel LABROUSSE de la SCP D'AVOCATS MICHEL LABROUSSE - CELINE REGY - FRANCOIS ARMA ND & ASSOCIES, avocat au barreau de TULLE
Madame [O] [E] épouse [Y]
née le 07 Février 1953 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Michel LABROUSSE de la SCP D'AVOCATS MICHEL LABROUSSE - CELINE REGY - FRANCOIS ARMA ND & ASSOCIES, avocat au barreau de TULLE
APPELANTS d'une décision rendue le 21 mai 2021 par le Tribunal judiciare de BRIVE LA GAILLARDE
ET :
Monsieur [G] [I]
né le 04 Janvier 1954 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Emmanuel GARRELON de la SELARL AXIUM AVOCATS, avocat au barreau de BRIVE
Société NELSKAMP, demeurant [Adresse 4])
non comparante ni représentée
INTIMES
S.A.R.L. CLUB ARDOISE, société à responsabilité limitée, au capital de 50250.00 euros, immatriculée au RCS de Brive, sous le numéro 483 019 378, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, en sa qualité de gérant, domicilié ès qualités audit siège, demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Martine GOUT de la SELAS GOUT DIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TULLE
PARTIE INTERVENANTE
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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 01 Décembre 2022. L'ordonnance de clôture a été rendue le 09 novembre 2022.
La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Mme Mandana SAFI, Greffier. A cette audience, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 02 février 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
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LA COUR
FAITS et PROCÉDURE
Les époux [Y] ont confié la remise en état de la toiture de leur habitation à M. [G] [I], lequel leur a facturé sa prestation le 2 avril 2009 au prix de 9 481 euros TTC qui a été intégralement payé à cet entrepreneur.
Se plaignant de désordres, les époux [Y] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Brive qui a ordonné, le 29 octobre 2015, une expertise confiée à M. [T] en présence de la société Club Ardoise, fournisseur des tuiles et de la société de droit allemand Nelskamp, fabricant.
L'expert a déposé son rapport le 29 juin 2017.
Le 11 mars 2019, les époux [Y] ont assigné M. [I] et la société Nelskamp devant le tribunal judiciaire de Brive en réparation de leur préjudice sur le fondement, titre principal, de la garantie décennale, et subsidiairement de la garantie des vices cachés.
Par jugement du 21 mai 2021, le tribunal judiciaire a débouté les époux [Y] de leur action après avoir retenu que les conditions de l'engagement de la garantie décennale de M. [I] n'étaient pas réunies et que ceux-ci étaient forclos à agir contre la société Nelskamp sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Les époux [Y] ont relevé appel de ce jugement.
MOYENS et PRÉTENTIONS
Les époux [Y] demandent la condamnation solidaire de M. [I] et de la société Nelskamp à lui payer les sommes de 9 623,38 euros en réparation de leur préjudice matériel et 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral sur le fondement, titre principal, de la garantie décennale et, subsidiairement, de la garantie des vices cachés. Ils exposent que les travaux ont fait l'objet d'une réception tacite au 3 avril 2009 et que la fissuration des tuiles compromet la solidité de l'ouvrage et le rend impropre à sa destination. Ils ajoutent que les tuiles posées sont affectées d'un défaut qui ne leur a été révélé que le 29 juin 2017, avec le dépôt du rapport d'expertise, en sorte qu'ils n'étaient pas forclos à agir sur le fondement de la garantie des vices cachés lorsqu'ils ont engagé leur action en justice.
M. [I] conclut à la confirmation du jugement. Subsidiairement, il demande à être garanti de toutes condamnations par les sociétés Club ardoise et Nelskamp.
La société Club ardoise conclut à la confirmation du jugement. Subsidiairement, elle demande à être garantie de toutes condamnations par la société Nelskamp.
La société Nelskamp n'a pas constitué avocat.
MOTIFS
Sur la garantie décennale.
Les époux [Y] ont pris possession de l'ouvrage après remise en état par M. [I], sans émettre de réserve, et ils ont intégralement réglé la facture établie par cet entrepreneur le 2 avril 2009, manifestant ainsi leur volonté de réceptionner les travaux réalisés. La date de cette réception sera fixée au 3 avril 2009, conformément à leur demande fondée sur l'avis de l'expert.
Les époux [Y] se prévalent des conclusions de l'expert judiciaire, qui après avoir constaté que 50% des tuiles utilisées pour la couverture de leur habitation présentaient des fissures similaires sur toute leur épaisseur, a considéré que ce défaut pouvait présenter un caractère évolutif, et compromettre à terme, la solidité de la toiture ou la rendre impropre à sa destination de couverture étanche.
Les premiers juges ont exactement rappelé que seuls des désordres qui compromettent actuellement la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination peuvent relever de la garantie décennale. Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque l'expert judiciaire a constaté (rapport p. 24) que si l'eau migre à l'intérieur des tuiles par les fissures, celles-ci ne 'semblent pas à ce jour laisser passer l'eau de pluie' mais que l'on peut craindre que, sous l'effet d'un gel important, la tuile finisse par casser et rendre l'ouvrage impropre à sa destination, sans que l'on puisse dire dans quel délai se phénomène pourra se produire. L'expert n'a donc constaté, lors de ses investigations techniques, aucune infiltration qui soit de nature à compromettre la solidité de la toiture ou la rendre impropre à sa destination et les époux [Y] ne produisent aucun élément postérieur à l'expertise de juin 2017 démontrant que le risque envisagé par l'expert s'est produit dans le délai de la garantie décennale qui s'est achevé le 3 avril 2019. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées par les maîtres de l'ouvrage sur le fondement de cette garantie.
Sur la garantie des vices cachés.
Les époux [Y] sollicitent le bénéfice de cette garantie en soutenant que les fissures affectant les tuiles préexistaient à leur acquisition, sans que ce défaut soit apparent, et rendent celles-ci impropres à l'usage auquel elles sont destinées.
Selon l'article 1648, alinéa 1er, du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
Ce délai de deux ans s'analyse en un délai de forclusion.
Il résulte de l'article 2220 du code civil que les dispositions régissant la prescription extinctive ne sont pas applicables aux délais de forclusion, sauf dispositions contraires prévues par la loi.
La suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du code civil n'est donc pas applicable aux délais de forclusion.
Il s'ensuit que le délai de forclusion de l'article 1648, alinéa 1er, du code civil n'est pas susceptible de suspension mais peut, en application de l'article 2242 du code civil, être interrompu par une demande en justice jusqu'à l'extinction de l'instance.
En l'occurrence, M. [Y] a adressé à M. [I] un courrier daté du 14 décembre 2014 pour l'informer des désordres qu'il a constatés dans les termes suivants: 'je vous informe que j'ai eu la désagréable surprise de constater qu'un grand nombre de tuiles étaient fissurées, vous l'avez constaté lors de votre visite à mon domicile il y a une quinzaine de jours. Vous êtes donc responsable de ces travaux, je vous demande de refaire cette toiture assez rapidement avant d'occasionner d'autres dégâts, isolation des combles qui vient d'être refaite etc...'.
Il résulte des termes de ce courrier que les époux [Y] avaient une connaissance exacte de la nature et de l'étendue du désordre à la date du 14 décembre 2014 qui doit marquer le point de départ du délai de forclusion de deux ans de l'article 1648, alinéa 1er, du code civil.
Ce délai a été interrompu le 25 septembre 2015, date à laquelle les époux [Y] ont assigné M. [I] devant le juge des référés aux fins d'expertise, et cette interruption s'est achevée avec l'ordonnance de référé du 29 octobre 2015 désignant M. [T] en qualité d'expert, cette décision mettant fin à cette instance et faisant courir, à compter de sa date, un nouveau délai de deux ans.
Or, les époux [Y] n'ont assigné M. [I] en réparation de leur préjudice que le 11 mars 2019, soit après l'expiration du délai de deux ans qui a pris fin le 29 octobre 2017, en sorte que, par ces motifs substitués à ceux du jugement, c'est à juste titre que le tribunal judiciaire a décidé que leur action n'était pas recevable comme étant atteinte par la forclusion de l'article 1648, alinéa 1er, du code civil.
Sur les recours en garantie de M. [I] et de la société Club ardoise.
L'action indemnitaire principale des époux [Y] n'étant pas accueillie, ces recours en garantie sont devenus sans objet.
PAR CES MOTIFS
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après enavoir délibéré conformément à la loi;
CONFIRME le jugement rendu le 21 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Brive ;
CONDAMNE solidairement M. [R] [Y] et son épouse, Mme [O] [Y], à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile :
- la somme de 1 500 euros à M. [G] [I],
- la somme de 1 500 euros à la société Club ardoise ;
CONDAMNE M. [R] [Y] et son épouse, Mme [O] [Y], aux dépens, et DIT qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE, LA PRÉSIDENTE,
Line MALLEVERGNE. Corinne BALIAN.