La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2013 | FRANCE | N°12/06335

France | France, Cour d'appel de Lyon, Sécurité sociale, 28 mai 2013, 12/06335


AFFAIRE SECURITE SOCIALE







R.G : 12/06335





CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SAVOIE



C/

SA CASCADES







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Cour de Cassation de PARIS

du 12 Juillet 2012

RG : M1122134











COUR D'APPEL DE LYON



Sécurité sociale



ARRÊT DU 28 MAI 2013













APPELANTE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SAVOIE

[Adr

esse 1]

[Localité 1]



Représentée par Madame [O] [X], munie d'un pouvoir







INTIMÉE :



SA CASCADES

[Adresse 2]

[Localité 2]



représentée par la SELAFA FIDAL (Me Christine CARON-DEBAILLEUL), avocats au barreau de LILLE













PARTIES CONVOQUÉES LE : 12 M...

AFFAIRE SECURITE SOCIALE

R.G : 12/06335

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SAVOIE

C/

SA CASCADES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Cour de Cassation de PARIS

du 12 Juillet 2012

RG : M1122134

COUR D'APPEL DE LYON

Sécurité sociale

ARRÊT DU 28 MAI 2013

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SAVOIE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Madame [O] [X], munie d'un pouvoir

INTIMÉE :

SA CASCADES

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par la SELAFA FIDAL (Me Christine CARON-DEBAILLEUL), avocats au barreau de LILLE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 12 MARS 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Avril 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Michèle JAILLET, Conseiller

Assistés pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 Mai 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS ET PROCEDURE

Attendu que monsieur [U], salarié de la société Cascades depuis le 2 mai 1974, a été victime d'un accident du travail le 16 février 2007 le rendant inapte à pouvoir exercer ses anciennes fonctions de « chauffeur de chaudière »;

Qu'il a été reclassé sur un poste au laboratoire en juin 2007 puis sur un poste de trituration à compter d'avril 2008;

Qu'il était membre du CHSCT;

Attendu que monsieur [U] a mis fin à ses jours sur son lieu de travail le [Date décès 1] 2009 à 15 heures;

Que le certificat médical initial daté du [Date décès 1] 2007 mentionne 'décès par pendaison';

Que l'employeur a souscrit une déclaration d'accident du travail le 23 mars 2009 avec réserves mentionnant : « monsieur [R] [U] a été retrouvé par un ses collègues le [Date décès 1] 2009 dans l'atelier de trituration à 15 heures. La victime était pendue à un tuyau à l'aide d'une corde. Apparemment son décès serait lié à sa pendaison » ;

Attendu que la CPAM a diligenté une enquête administrative puis après avis favorable de son médecin conseil a reconnu le caractère professionnel de ce décès le 20 août 2009;

Attendu que la société Cascades a saisi la commission de recours amiable de la Caisse Primaire d'Assurance maladie de Savoie d'un recours aux fins de lui voir déclarer inopposable la prise en charge de cet accident au titre de la législation professionnelle;

Attendu que la commission de recours amiable par décision du 1er septembre 2009 a rejeté la contestation considérant qu'il n'existait pas d'élément permettant de détruire la présomption d'imputabilité instituée par l'article L. 411- 1 du code de la sécurité sociale;

Attendu que le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Savoie, par jugement contradictoire du 8 novembre 2010, a:

- infirmé la décision de la commission de recours amiable de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Savoie en date du 20 août 2009

- déclaré inopposable à la société Cascades la décision de la commission de recours amiable de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Savoie en date du 20 août 2009

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;

Attendu que la cour d'appel de Chambéry, statuant sur appel formé par la CPAM de la Savoie, par arrêt contradictoire du 31mai 2011, a:

- confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions

- dispensé la CPAM de la Savoie du paiement du droit institué par l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale;

Attendu que la Cour de Cassation, statuant sur le pourvoi formé par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Savoie, par arrêt contradictoire du 12 juillet 2012,a:

- cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel de Chambéry

- remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit les a renvoyées devant la cour d'appel de Lyon

- condamné la société Cascades aux dépens;

Que la motivation de la Cour de Cassation est la suivante :

« Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'[R] [U], salarié de la société Cascades (l'employeur), a mis fin à ses jours le [Date décès 1] 2009, sur le lieu de son travail ;

Que la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie (la caisse) ayant reconnu le caractère professionnel de ce décès, son employeur a saisi la juridiction de sécurité sociale d'une demande tendant à ce que cette décision de prise en charge lui soit déclarée inopposable ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que, constituant un acte délibéré, le suicide perpétré aux temps et lieu de travail ne peut revêtir le caractère d'un accident du travail que s'il trouve sa cause dans des difficultés d'origine professionnelle, et que c'est à juste titre qu'en l'absence de tout élément de preuve de l'existence de difficultés professionnelles pouvant expliquer le geste de la victime, l'employeur a contesté la décision de prise en charge de ce suicide ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'[R] [U] étant décédé au temps et au lieu de travail, il appartenait à l'employeur, dans ses rapports avec la caisse primaire, pour écarter la présomption d'imputabilité résultant de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, de prouver que ce décès avait une cause totalement étrangère au travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; »;

Attendu que la cour de renvoi a été régulièrement saisie par la CPAM de la Savoie;

Attendu que la CPAM de la Savoie demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 2 janvier 2013, visées par le greffier le 9 avril 2013 et soutenues oralement, de:

- réformer le jugement rendu le 8 novembre 2010;

Qu'elle soutient que monsieur [U] s'est donné la mort au temps et lieu de travail en l'absence éléments médicaux ou administratifs de nature à démontrer que ce suicide est totalement étranger au travail, l'employeur ne détruit pas la présomption d'imputabilité s'appliquant;

Attendu que la société Cascades demande à la cour par conclusions écrites, déposées le 26 février 2013, visées par le greffier le 9 avril 2013 et soutenues oralement, de:

- recevoir l'appel de la CPAM de la Savoie mais le dire mal fondé

- confirmer en tous points le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 8 novembre 2010

- condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie à la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

Qu'elle soutient que:

- les dispositions de l'article L. 453-1 du code de la sécurité sociale qui s'opposent à prendre en charge au titre des accidents du travail les lésions corporelles résultants des actes volontaires avec intention de causer ces lésions, s'opposent à ce qu'un suicide puisse être qualifié d'un accident du travail

- le suicide de monsieur [U] est dû à une cause étrangère au travail ;

Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement;

MOTIFS DE LA DECISION:

Attendu que monsieur [U], né le [Date naissance 1] 1958, salarié de la société Cascades qui a travaillé à la chaufferie jusqu'à l'accident du travail du16 février 2007, puis reclassé au laboratoire pendant 6 mois avant d'être affecté au service trituration en avril 2008, s'est suicidé sur son lieu de travail et au temps du travail ;

Attendu que dans le cadre de l'enquête réalisée par la CPAM, ont été entendus des collègues de travail, un supérieur hiérarchique, le secrétaire du CHSCT et le DRH de l'entreprise ainsi que son épouse ;

Que les collègues de travail de monsieur [U] et son supérieur hiérarchique l'ont présenté comme un collègue consciencieux, ouvert, ne semblant avoir aucun problème particulier;

Que l'un d'entre eux a précisé qu'il « paraissait plutôt content de son nouveau poste » auquel il était affecté suite au reclassement intervenu depuis son accident du travail et « ambitionnait d'obtenir un poste de conducteur » ;

Que le secrétaire du CHSCT a souligné combien monsieur [U] était très actif, s'impliquait beaucoup et avait des projets ;

Que le DRH a précisé que monsieur [U] paraissait bien à son nouveau poste et suivait une validation des acquis et expériences ;

Que madame [U] a indiqué que son époux avait le sentiment d'avoir « raté sa vie professionnelle » mais était « plutôt satisfait de son travail » au service trituration tout en soulignant qu'il effectuait de nombreux remplacements notamment le week-end, n'osant pas les refuser « de peur qu'on lui propose à nouveau un licenciement comme cela avait été le cas lors de son inaptitude, ce qui l'avait beaucoup perturbé », le fatiguant énormément ;

Qu'elle a ajouté qu'il lui avait dit récemment devoir tenir deux ans avant d'avoir un poste fixe, avoir des craintes concernant l'annulation de 4 jours de repos devant suivre ses congés et le trouvait « plutôt bien » ;

Attendu que l'employeur verse notamment aux débats, outre la déclaration d'accident du travail du 27 mars 2007 effectuée au nom de monsieur [U], une correspondance du médecin du travail du 14 mai 2007 maintenant la contre indication aux efforts de l'épaule droite pour ce salarié, les fiches d'aptitude avec réserves du médecin du travail des 12 novembre 2007 et 8 septembre 2008, la fiche d'évaluation de monsieur [U] du 21 novembre 2008 au poste de gouverneur polyvalent service trituration dans laquelle son travail est jugé de satisfaisant à très satisfaisant, l'accord par écrit de monsieur [U] à sa mutation à compter du 21 avril 2008 au service trituration au poste de gouverneur polyvalent travaillant en 3 x 8 continu, les feuilles de pointage de monsieur [U] de mai 2007 à mars 2009 et des attestations ;

Que le responsable du service trituration a indiqué que l'intégration de monsieur [U] à son nouveau poste s'est bien déroulée, qu'il avait accédé à la demande de ce dernier d'évoluer vers un poste de conducteur et que monsieur [U] suivait une formation depuis février 2009 ; Qu'il a souligné l'implication du salarié dans son travail et dans la vie de l'atelier ;

Qu'un ingénieur a attesté que monsieur [U] lui avait demandé de suivre une formation au poste de conducteur et qu'il avait adhéré à sa demande, le salarié étant reparti satisfait à son poste ;

Qu'un ingénieur sécurité, membre du CHSCT, a souligné la motivation et l'implication dans ses fonctions au sein du CHSCT et précisé avoir constaté qu'il « semblait se trouver à l'aise » dans sa nouvelle fonction de gouverneur ;

Qu'un responsable de formation, qui a côtoyé monsieur [U] dans le cadre de la démarche de validation des acquis par l'expérience, pour l'obtention de « pilote de BP pilote d'installation productions », a souligné le caractère volontaire, positif, sérieux motivé de ce dernier ;

Qu'une formatrice, dans ce même cadre, a indiqué avoir rencontré monsieur [U] le 17 mars 2009, que son travail était bien avancé, devait être dactylographié, une dernière réunion étant programmée en avril pour finaliser le dossier ;

Que le DRH a attesté que monsieur [U] « n'a jamais fait l'objet d'une éventuelle ou probable procédure de licenciement » ;

Qu'un ouvrier a indiqué avoir vu monsieur [U] la veille de sa mort pour l'achat d'une moto qu'il devait aller voir le samedi suivant avec son épouse ;

Que le contremaitre a indiqué qu'aucune demande de congés n'a été refusée à monsieur [U] ;

Que le responsable chaufferie a indiqué avoir constaté, sans indication de date, que monsieur [U] parlait seul à son poste de travail et lui avait répondu n'avoir aucun problème à son travail mais un problème personnel ;

Que le médecin du travail a indiqué n'avoir pas été interrogé dans le cadre de l'enquête diligentée par la CPAM ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail et à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ;

Que ce texte crée une double présomption :

- la lésion fait présumer l'accident,

- l'accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé d'origine professionnelle.

Que l'accident se définit par une action soudaine à l'origine d'une lésion corporelle ;

Attendu que l'article L453-1 du code de la sécurité sociale énonce que ne donne lieu à aucune prestation ou indemnité, en vertu du livre IV du code de la sécurité sociale, l'accident résultant de la faute intentionnelle de la victime ;

Attendu que d'une part, aucun des éléments versés ne permet d'établir que le suicide de monsieur [U] doit être analysé en un acte réfléchi et volontaire, totalement étranger au travail qu'il exécutait ce jour là ;

Que les documents précédemment analysés ne sont pas contradictoires avec le témoignage de son épouse et l'éclairent ;

Que les personnes entendues tant au sein de l'entreprise que la veuve de monsieur [U] ont rappelé que ce dernier avait souffert de la mesure de reclassement en laboratoire dont il avait dû faire l'objet suite à l'accident du travail dont il avait été victime le 16 février 2007, ne s'était pas plu à ce poste où il était resté 6 mois, avait demandé à en changer et se trouvait «plutôt » bien ou content ou satisfait dans ce nouveau poste de gouverneur au sein du service trituration mais espérant évoluer vers un poste de conducteur ;

Que madame [U] a précisé sans être démentie que son époux, dont il est établi qu'il travaillait en 3 x 8, effectuait des remplacements régulièrement notamment les week-ends ;

Que si l'employeur affirme que ce dernier était demandeur pour effectuer des heures majorées au regard des primes perçues, aucun élément ne vient le corroborer ;

Que si le responsable chaufferie a pu constater, sans indication de date, que monsieur [U] parlait seul à son poste de travail et lui avait répondu n'avoir aucun problème à son travail mais rencontrer un problème personnel, ce témoignage imprécis non corroboré par aucun autre élément ne peut être retenu ;

Attendu que d'autre part, [R] [U] étant décédé au temps et au lieu de travail, il appartient à l'employeur, dans ses rapports avec la CPAM, pour écarter la présomption d'imputabilité résultant de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, de prouver que ce décès a une cause totalement étrangère au travail ;

Que contrairement à ce que soutient l'employeur il n'est pas confronté à une preuve impossible compte tenu du respect de la vie privée ;

Que d'ailleurs un collègue de travail a pu témoigner sur les projets d'acquisition d'une motocyclette de monsieur [U], lequel présenté, comme ouvert, pouvait alerter des collègues de travail sur les difficultés personnelles qu'il était susceptible de rencontrer ;

Que cette preuve d'une cause étrangère au travail n'est pas rapportée ;

Attendu que le suicide de monsieur [U] survenu le [Date décès 1] 2009 au lieu et temps de travail doit être déclaré opposable à la société Cascades ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'application de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt contradictoire sur renvoi de cassation

Reçoit l'appel

Infirme la décision entreprise rendu le 8 novembre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Savoie en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

Déclare opposable à la société Cascades le suicide de monsieur [U] survenu le [Date décès 1] 2009 au lieu et temps de travail

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Malika CHINOUNE Nicole BURKEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 12/06335
Date de la décision : 28/05/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon 51, arrêt n°12/06335 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-28;12.06335 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award