N° RG 18/00341 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LPA4
Décision du
Tribunal de Grande Instance de [Localité 1]
Au fond du 21 décembre 2017
RG : 11/01266
[N]
[Q]
[Q]
[Q]
[Q]
[Z]
[Q]
[Q]
C/
Compagnie d'assurances ALLIANZ IARD
Société BESSARD PISCINES
Organisme CPAM DE L'AIN (CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'AIN)
SAS GRANULAT VICAT
Société GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE
SARL LMP ETABLISSEMENTS GIL ARMANDO
SELARL AJ PARTENAIRES
Organisme MUTUELLE APICIL PREVOYANCE
SA ALLIANZ
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 12 Novembre 2019
APPELANTS :
Mme [P] [N] épouse [Q]
née le [Date naissance 7] 1955 à [Localité 5] (69)
[Adresse 8]
[Adresse 17] (BELGIQUE)
Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938
Assistée de la SELARL CABINET CLAPOT - LETTAT, avocats au barreau de LYON, toque : 189
M. [W] [Q] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant-droit de Mme [M] [Q] née [O] le [Date naissance 8].49 et décédée le [Date décès 1].17
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 11] (BELGIQUE)
[Adresse 8]
[Adresse 17] (BELGIQUE)
Représenté par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938
Assisté de la SELARL CABINET CLAPOT - LETTAT, avocats au barreau de LYON, toque : 189
M. [F] [Q], frère de M. [W] [Q], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant-droit de Mme [M] [Q] née [O] le [Date naissance 8].49 et décédée le [Date décès 1].17
né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 11] (BELGIQUE)
[Adresse 14]
[Adresse 13] (BELGIQUE)
Représenté par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938
Assisté de la SELARL CABINET CLAPOT - LETTAT, avocats au barreau de LYON, toque : 189
M. [R] [Q] frère de M. [W] [Q], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant-droit de Mme [M] [Q] née [O] le [Date naissance 8].49 et décédée le [Date décès 1].17
né le [Date naissance 9] 1987 à [Localité 11] (BELGIQUE)
[Adresse 15]
[Adresse 3] (BELGIQUE)
Représenté par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938
Assisté de la SELARL CABINET CLAPOT - LETTAT, avocats au barreau de LYON, toque : 189
M. [T] [Q], fils de M. [W] [Q]
né le [Date naissance 5] 1993 à [Localité 8] (BELGIQUE)
[Adresse 4]
[Adresse 12])
Représenté par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938
Assisté de la SELARL CABINET CLAPOT - LETTAT, avocats au barreau de LYON, toque : 189
M. [B] [Z], fils de Mme [P] [N]
né le [Date naissance 6] 1986 à [Localité 10] (BELGIQUE)
[Adresse 2]
[Adresse 16])
Représenté par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938
Assisté de la SELARL CABINET CLAPOT - LETTAT, avocats au barreau de LYON, toque : 189
Mme [E] [Q] soeur de M. [W] [Q], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant-droit de Mme [M] [Q] née [O] le [Date naissance 8].49 et décédée le [Date décès 1].17
née le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 11] (BELGIQUE)
[Adresse 15]
[Adresse 3] (BELGIQUE)
Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938
Assistée de la SELARL CABINET CLAPOT - LETTAT, avocats au barreau de LYON, toque : 189
Mme [V] [Q] soeur de M. [W] [Q], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'ayant-droit de Mme [M] [Q] née [O] le [Date naissance 8].49 et décédée le [Date décès 1].17
née le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 11] (BELGIQUE)
[Adresse 7]
[Adresse 11])
Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938
Assistée de la SELARL CABINET CLAPOT - LETTAT, avocats au barreau de LYON, toque : 189
INTIMÉES :
La société ALLIANZ IARD SA, entreprise régie par le Code des Assurances, venant aux droits de GAN EUROCOURTAGE, représentée par ses dirigeants sociaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par la SELARL PERRIER & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 139
Assistée de la SCP AGMC AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, toque : P 430
S.A.R.L. BESSARD PISCINES prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocats au barreau de LYON, toque : 475
Assistée de Me Pierre PILLOUD, avocat au barreau de l'AIN
LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 1], prise en la personne de son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 19]
[Localité 1]
Non constituée
La société SAS GRANULAT VICAT venant aux droits de la société RUDIGOZ SAS
[Adresse 10]
[Localité 3]
Représentée par la SELARL CVS, avocats au barreau de LYON, toque : 215
Assistée de la SCP PEROL RAYMOND KHANNA ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : P0312
La Compagnie d'Assurances GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE - CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLE AGRICOLE, SA, ès qualité d'assureur de la société BESSARD PISCINES
[Adresse 18]
[Adresse 18]
[Localité 5]
Représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocats au barreau de LYON, toque : 1547
Assistée de la SCP REFFAY ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de l'AIN
La société LMP A.GIL SARL, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 20]
[Localité 4]
Représentée par la SELARL MONTMEAT-ROCHER, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE
La SELARL AJ PARTENAIRES représentée par Maître [L] [C], ès-qualité de mandataire ad'hoc de l'EURL GV PISCINES, désignée par ordonnance de M. le Président du Tribunal de commerce de [Localité 1] en date du 02 mars 2016
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par la SELARL LEGI 01, avocat au barreau de l'AIN
La MUTUELLE APICIL PREVOYANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 6]
Non constituée
La Compagnie ALLIANZ IARD SA, entreprise régie par le Code des Assurances prise en sa qualité d'assureur de la société LMP AGIL
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par la SELARL BERARD - CALLIES ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 428
Assistée de la SCP COMOLET MANDIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
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Date de clôture de l'instruction : 20 Juin 2019
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 30 Septembre 2019
Date de mise à disposition : 29 Octobre 2019, prorogée au 12 Novembre 2019, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Audience tenue par Françoise CARRIER, président, et Florence PAPIN, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Françoise CARRIER, président
- Florence PAPIN, conseiller
- Laurence VALETTE, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
Le 3 octobre 2002, M. [X] [G], propriétaire d'une maison à [Localité 9], a conclu avec l' EURL GV PISCINES, concessionnaire des piscines DESJOYAUX, un contrat portant sur l'installation d'une piscine.
Par avenant en date du même jour, M. [G] a confié à la SARL BESSARD PISCINES la réalisation de la maçonnerie de la piscine : terrassement, remblaiement, montage, coulage de la piscine, pose de liner et finitions. En vertu de cet avenant, il a été précisé que l'EURL GV PISCINES était chargée de l'électricité, du montage hydraulique ainsi que de la mise en route.
Le 5 décembre 2002, la société BESSARD PISCINES a passé commande de 5m3 de béton auprès de la société des Entreprises RUDIGOZ.
La Société des Entreprises RUDIGOZ a confié le transport du béton à la société de transport LMP A.GIL.
C'est dans ces conditions que le 6 décembre 2002, M. [W] [Q], employé comme chauffeur poids lourd depuis le 06 août 2002 par la société LMP A.GIL s'est présenté avec son camion-toupie muni d'un bras pompe téléguidé, autrement appelé flèche, de 24 mètres, sur le site de la société des Entreprises RUDIGOZ pour charger le béton.
Il s'est ensuite rendu sur le chantier. A l'emplacement indiqué pour la livraison, il a commencé à déplier sa flèche à l'aide d'une radio-commande à distance. Celle-ci devait se déplier en-dessous d'une ligne électrique de 20 000 volts, située à 9 mètres 20 du sol et au-dessus du mur séparatif de la propriété d'une hauteur de 1 mètre 50.
Il n'est toutefois pas parvenu à lever sa flèche à plus d'un mètre en raison de difficultés rencontrées avec sa radio-commande qui était défectueuse. M. [S], employé de la société BESSARD PISCINES, dépêché sur place, a, au vu de la dangerosité de la situation, décidé de mettre un terme à la livraison et invité M. [Q] à replier son matériel.
Celui-ci a alors, sur les directives de son employeur contacté téléphoniquement, entrepris de replier sa flèche à l'aide de la télécommande de secours dont le maniement était difficile et dont il ne s'était jamais servi. Lors de cette manoeuvre, il a touché les lignes électriques avec le bras-pompe et a été électrocuté par le passage de l'électricité dans le camion et le câble de la télécommande.
En suite de cet accident, M. [Q] a été très gravement blessé puisqu' amputé des deux membres supérieurs, mutilé au niveau de la partie arrière du crâne et gravement brûlé.
Par jugement en date du 6 novembre 2007, le tribunal correctionnel de BELLEY a déclaré M. [J] [D], dirigeant de la société LMP A.GIL, coupable du chef de blessures involontaires ayant entraîné une ITT de plus de trois mois par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence.
Il a par contre relaxé l'EURL GV PISCINES des mêmes chefs de poursuite.
Sur l'action civile, M. [D] a été déclaré entièrement responsable du préjudice subi par Mme [P] [Q] née [N] et a été condamné à lui verser la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts.
M. [Q] a engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société de transport LMP A.GIL.
Par jugement en date du 7 février 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'AIN a notamment retenu l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, dit n'y avoir lieu d'appeler en cause l'EURL GV PISCINES, l'entreprise BESSARD PISCINES et la SAS RUDIGOZ, ordonné le versement d'une provision à la victime et une expertise médicale confiée au docteur [K].
Sur appel de M. [Q], la cour par un arrêt du 10 janvier 2012, a notamment confirmé la décision entreprise en ce qu'elle avait dit n'y avoir pas lieu d'appeler en cause l'EURL GV PISCINES, l'entreprise BESSARD PISCINES et la SAS RUDIGOZ et en ce qu'elle avait retenu l'existence d'une faute inexcusable et a ordonné un complément d'expertise confié au docteur [K] afin de déterminer l'ensemble des préjudices subis par M. [Q], l'expertise organisée en première instance ayant eu pour but d'évaluer les seuls préjudices définis à l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale.
Le docteur [K] a déposé un nouveau rapport le 26 avril 2012.
Par jugement en date du 2 décembre 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'AIN a fixé les préjudices de M. [Q].
Sur appel de la SARL LMP-A.GIL et par arrêt en date du 29 juillet 2014, la cour d'appel de Lyon a notamment fixé le montant de l'indemnité totale revenant à [W] [Q] au titre de ses préjudices complémentaires à la somme de 277 172,80 €.
M. [Q] s'est désisté le 3 mars 2015 du pourvoi formé contre cet arrêt.
Par actes des 29 et 30 avril 2009, M. [W] [Q], Mme [P] [N] épouse [Q], son épouse, M. [T] [Q], son fils, M. [B] [Z], fils de Mme [N], Mme [V] [Q], sa s'ur, Mme [E] [Q], sa s'ur, M. [F] [Q], son frère, M. [R] [Q], son frère et Mme [M] [Q] née [O], sa mère, ont fait assigner la société GV PISCINES, la société BESSARD PISCINES, la société RUDIGOZ (aux droits de laquelle se trouve la société GRANULAT VICAT), la CPAM de [Localité 1] et la MUTUELLE APICIL PREVOYANCE devant le tribunal de grande instance de BOURG EN BRESSE en réparation de leurs préjudices respectifs.
Ont été appelées en intervention forcée ou sont intervenues volontairement par la suite la SARL LMP-A. GIL, l'assureur de celle-ci, la compagnie ALLIANZ-IARD, GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE, assureur de la société BESSARD PISCINES, et GAN EUROCOURTAGE (devenu ALLIANZ IARD), assureur de GV PISCINES.
L'EURL GV PISCINES ayant fait l'objet d'une dissolution amiable, Me [C] est intervenu en sa qualité de mandataire ad hoc désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce de BOURG-EN-BRESSE en date du 2 mars 2016.
Par jugement du 21 décembre 2017, le tribunal a :
- déclaré irrecevables les demandes de M. [W] [Q],
- déclaré irrecevables les demandes de Mme [P] [N] épouse [Q],
- déclaré recevables les demandes de M. [T] [Q], de M. [B] [Z], de Mme [V] [Q], de Mme [E] [Q], de M. [F] [Q], de M. [R] [Q], et de Mme [M] [Q] née [O], mais les en a intégralement déboutés,
- débouté la compagnie ALLIANZ IARD es qualité d'assureur de la société LMP A.GIL de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre des sociétés GRANULAT VICAT, de Me [C] es qualité de mandataire ad hoc de l'EURL GV PISCINES et de GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE es qualité d'assureur de la SARL BESSARD PISCINES,
- condamné in solidum M. [W] [Q], Mme [P] [N] épouse [Q], M. [T] [Q], M. [B] [Z], Mme [V] [Q], Mme [E] [Q], M. [F] [Q], M. [R] [Q], et Mme [M] [Q] née [O] à payer à la compagnie GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE, à la SARL BESSARD PISCINES, à la SAS GRANULAT VICAT, à Me [C] es qualité une somme de 1 500 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- rejeté toutes autres demandes.
Par déclaration du 15 janvier 2018, les consorts [Q]-[Z] ont interjeté appel.
Les conclusions des consorts [Q] déposées postérieurement à la clôture sont irrecevables.
Au terme de conclusions notifiées le 12 septembre 2018, les consorts [Q]-[Z] demandent à la cour de réformer le jugement et de :
- déclarer les entreprises GV PISCINES, BESSARD PISCINES et RUDIGOZ responsables du préjudice subi par M. [Q] et les condamner in solidum à lui payer les sommes suivantes :
' préjudices patrimoniaux temporaires :
- Frais divers 9 476,72 €,
- Assistance temporaire tierce personne 1 215 810 €,
- Perte de gains professionnels actuels 132 938,78 €,
' préjudices patrimoniaux permanents :
- Matériel médical : à réserver,
- Frais divers futurs 97 775,68 €,
- Aménagements de l'habitat : à réserver,
- Assistance par tierce personne 6 504 247,26 €,
- Incidence professionnelle 300 000 €,
' préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
- Déficit fonctionnel temporaire 82 860 €,
' préjudice esthétique temporaire 15 000,00 €,
' préjudice permanent exceptionnel 30 000 €
- condamner in solidum les mêmes à payer aux victimes indirectes les sommes suivantes à :
' Mme [P] [N] épouse [Q]
- Frais de transport : Mémoire
- Troubles dans les conditions d'existence 40 000 €,
- Préjudice d'affection 40 000 €,
- Préjudice sexuel 20 000 €,
' M. [T] [Q]
- Troubles dans les conditions d'existence 30 000 €,
- Préjudice d'affection 30 000 €,
' M. [B] [Z]
- Troubles dans les conditions d'existence 30 000 €,
- Préjudice d'affection 30 000 €,
' Mme [V] [Q]
- Frais de transport 2 500 €,
- Troubles dans les conditions d'existence 20 000 €,
- Préjudice d'affection 20 000 €,
' Mme [E] [Q]
- Frais de transport 2 500 €,
- Troubles dans les conditions d'existence 20 000 €,
- Préjudice d'affection 20 000 €,
' M. [F] [Q]
- Frais de transport 2 500 €,
- Troubles dans les conditions d'existence 20 000 €,
- Préjudice d'affection 20 000 €,
' M. [R] [Q]
- Frais de transport 2 500 €,
- Troubles dans les conditions d'existence 20 000 €,
- Préjudice d'affection 20 000 €,
' Mme [M] [Q] née [O]
- Frais de transport 2 500 €,
- Troubles dans les conditions d'existence 30 000 €,
- Préjudice d'affection 30 000 €,
- subsidiairement, ordonner une expertise à l'effet d'évaluer les conséquences médico-légales de l'accident dont a été victime M. [Q] et condamner in solidum les mêmes à lui verser une provision à M. [Q] d'un montant de 300 000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,
- réserver les préjudices des victimes indirectes,
En tout état de cause,
- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la CPAM de [Localité 1] et à la mutuelle APICIL PREVOYANCE,
- condamner les intimés à payer à M. [W] [Q] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me LAFFLY.
Au terme de conclusions notifiées le 11 juillet 2018, la SARL LMP ETABLISSEMENTS GIL ARMANDO demande à la cour de :
- confirmer le jugement, subsidiairement, condamner la compagnie ALLIANZ devra la relever et la garantir de toutes condamnations à intervenir la concernant,
- dans tous les cas, condamner les consorts [Q] et le cas échéant toute partie succombante à lui payer la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles et aux dépens avec faculté de recouvrement au profit de Me MONTMEAT de la SELARL MONTMEAT-ROCHER.
Au terme de conclusions notifiées le 27 septembre 2018, la SA ALLIANZ, prise en sa qualité d'assureur de responsabilité de la société LMP A GIL, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. [W] [Q] et Mme [P] [N] épouse [Q] irrecevables en toutes leurs prétentions,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mmes [V], [E] [Q] et MM [T], [R], [F] [Q] et M. [B] [Z] de l'intégralité de leurs demandes,
- débouter M. [W] [Q] en sa qualité d'ayant droit de Mme [M] [Q] née [O],
A défaut,
- débouter M. [W] [Q] et Mme [N] épouse [Q] de l'intégralité de leurs prétentions,
A titre subsidiaire,
- déclarer M. [W] [Q] irrecevable devant la juridiction civile à solliciter l'indemnisation des postes de préjudice non couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale,
- allouer à Mmes [V] et [E] et MM [T], [R] et [F] [Q] la somme de 5 000 € au titre de leur préjudice d'affection,
- allouer à M. [W] [Q] en sa qualité d'ayant-droit de Mme [M] [Q] née [O] et à MM [T] [Q] et [B] [Z] la somme de 10 000 € au titre de leur préjudice d'affection,
- débouter Mmes [V], [E], [M] et MM [R], [F], [T] [Q] et [B] [Z] de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,
- déclarer irrecevable toute demande de condamnation des consorts [Q] à l'encontre de la société LMP A GIL et à son encontre,
- déclarer les sociétés GRANULATS VICAT venant aux droits de la société RUDIGOZ, BESSARD PISCINES et GV PISCINES responsables de l'accident de travail survenu à M. [W] [Q] le 6 décembre 2002 subsidiairement les déclarer responsables à hauteur de 75%,
- condamner solidairement les sociétés GRANULAT VICAT venant aux droits de la société RUDIGOZ, BESSARD PISCINES, Me [L] [C] ès qualité de mandataire ad'hoc de l'EURL GV PISCINES et la société GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE, ès qualité d'assureur de la SARL BESSARD PISCINES, à lui payer la somme de 277 172, 80 € et 100% de la majoration du compte employeur, subsidiairement 75% de ces sommes,
Dans tous les cas,
- débouter les sociétés GRANULATS VICAT venant aux droits de la société RUDIGOZ, BESSARD PISCINES, Me [L] [C] ès qualité de mandataire ad'hoc de l'EURL GV PISCINES et la société GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE, ès qualité d'assureur de la SARL BESSARD PISCINES, de toutes leurs demandes formées à son encontre, prise en sa qualité d'assureur de la société LMP A GIL,
- condamner solidairement les sociétés GRANULATS VICAT venant aux droits de la société RUDIGOZ, BESSARD PISCINES, Me [L] [C] ès qualité de mandataire ad'hoc de l'EURL GV PISCINES et la société GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE, ès qualité d'assureur de la SARL BESSARD PISCINES, à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me BERARD de la SELARL BERARD-CALLIES.
Au terme de conclusions notifiées le 19 juillet 2018, la SELARL AJ PARTENAIRES en qualité de mandataire ad hoc de L'EURL GV PISCINES demande à la cour de :
- confirmer l'intégralité du jugement entrepris,
- condamner M. [W] [Q], Mme [P] [N], M. [T] [Q], M. [B] [Z], Mme [V] [Q], Mme [E] [Q], M. [F] [Q], M. [R] [Q] et Mme [M] [Q] in solidum à payer et porter à l'EURL GV PISCINES la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me TRIGON.
Au terme de conclusions notifiées le 14 janvier 2019, la société ALLIANZ IARD, venant aux droits de GAN EUROCOURTAGE, demande à la cour de confirmer le jugement et de :
- débouter les parties de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre,
subsidiairement,
- condamner in solidum les sociétés BESSARD PISCINES, GRANULATS VICAT et LMP-A.GIL et leur assureur à la relever et garantir des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
- déclarer irrecevables les demandes de M. [W] [Q] et de Mme [P] [Q],
- allouer à [V], [E], [R] et [F] [Q] la somme de 5 000 € chacun au titre de leur préjudice d'affection,
- allouer à Mme [M] [Q] et Messieurs [T] [Q] et [B] [Z] la somme de 10 000 € chacun au titre du préjudice d'affection,
- débouter l'ensemble des consorts [Q], et toute autre partie, du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,
- la déclarer fondée à opposer le montant du plafond de garantie soit 4 573.470 € et une franchise de 1 525 €,
- condamner les consorts [Q] et le cas échéant toute partie succombante à lui payer la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me LEVERT.
Au terme de conclusions notifiées le 11 juillet 2018, la société BESSARD PISCINES demande à la cour de :
- confirmer le jugement et débouter l'ensemble des demandeurs de leurs fins et prétentions,
- condamner les consorts [Q]-[Z] à lui payer la somme complémentaire de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
Au terme de conclusions notifiées le 16 janvier 2019, la société GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de M. [W] [Q], l'action de Mme [P] [N] épouse [Q],
- subsidiairement, confirmer la mise hors de cause de la société BESSARD PISCINES et, en conséquence débouter l'ensemble des parties de leurs demandes présentées à son encontre en sa qualité d'assureur de cette dernière,
- plus subsidiairement, débouter l'ensemble des demandeurs de l'ensemble de leurs prétentions,
en tout état de cause,
- confirmer la condamnation des consorts [Q] à lui payer la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance,
- dire qu'elle est fondée à opposer son plafond de garantie à hauteur de 1 850 120 €,
- condamner les consorts [Q] à lui payer la somme complémentaire de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux dépens d'appel.
Au terme de conclusions notifiées le 20 décembre 2018, la SAS GRANULAT VICAT, venant aux droits de la société RUDIGOZ, demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,
A titre subsidiaire,
- déclarer irrecevable comme prescrite, l'action engagée à son encontre par la société ALLIANZ IARD en sa qualité d'assureur de la société LMP A.GIL, l'en débouter,
- déclarer Mme [P] [N], épouse [Q], irrecevable en ses demandes indemnitaires
- déclarer [W] [Q], [V] [Q], [E] [Q], [F] [Q], [R] [Q] irrecevables et non fondés en leur demande d'indemnisation des préjudices personnels subis par Mme [M] [Q] et les débouter en conséquence de leurs demandes à ce titre,
- déclarer irrecevables et non fondés [T] [Q], [B] [Z], [V] [Q], [E] [Q], [F] [Q], [R] [Q] et [M] [Q], en leur demande d'indemnisation d'un préjudice de trouble dans les conditions d'existence et les débouter en conséquence de leurs demandes à ce titre,
Très subsidiairement,
- fixer l'indemnisation de [T] [Q] et [B] [Z] au titre du trouble dans les conditions d'existence à la somme de 5 000 € pour chacun d'eux,
- débouter [T] [Q], [B] [Z], [V] [Q], [E] [Q], [F] [Q], et [R] [Q], de leurs demandes d'indemnisation de frais de déplacement,
- fixer les indemnités réparant le préjudice d'affection de [T] [Q], [B] [Z], [V] [Q], [E] [Q], [F] [Q], et [R] [Q] aux sommes suivantes :
- [T] [Q] : 10 000 €,
- [B] [Z] : 8 000 €,
- [F], [R], [V] et [E] [Q] : 1 000 € à chacun d'eux, soit au total 4 000 €,
- déclarer M. [W] [Q], irrecevable et mal fondé en ses demandes indemnitaires,
- rejeter la demande d'expertise judiciaire,
- déterminer le partage de responsabilité pouvant exister, le cas échéant, entre l'employeur LMP A.GIL et les entreprises tierces que sont BESSARD PISCINES, GV PISCINES et RUDIGOZ,
- dire que la société ALLIANZ IARD en sa qualité d'assureur de LMP A.GIL conservera à sa charge les sommes objets de son recours, pour la quote-part correspondant à la responsabilité prépondérante de son assuré dans la survenance de l'accident de M. [W] [Q],
- condamner in solidum Maître [L] [C] ès qualités de mandataire ad'hoc de la société GV PISCINES et la société BESSARD PISCINES, sous la garantie de leurs assureurs respectifs ALLIANZ IARD et GROUPAMA RHONES ALPES AUVERGNE, à la garantir intégralement de toute éventuelle condamnation en principal, intérêts, frais et accessoires qui pourrait être mise à sa charge,
- rejeter l'appel en garantie formé à son encontre par toutes parties, et notamment ALLIANZ IARD en qualité d'assureur de GV PISCINES,
En toutes hypothèses,
- rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions présentées à son encontre, par l'ensemble des parties présentes à l'instance,
- condamner in solidum tous succombant à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me POUSSET-BOUGERE.
La mutuelle APICIL PREVOYANCE et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'AIN, régulièrement assignées par actes des 27 février et 1er mars 2018, n'ont pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes de M. [Q]
Sur la recevabilité
Les intimés soulèvent l'irrecevabilité des demandes de M. [Q] au motif que celui-ci a d'ores et déjà intégralement indemnisé non seulement en application du livre IV du code de la sécurité sociale mais également de son entier préjudice corporel en application de l'article L.452-3 et que la décision de la cour d'appel de LYON en date du 29 juillet 2014 a autorité de la chose jugée.
M. [Q] fait valoir que sa demande n'est pas irrecevable dès lors que la réparation prévue par le livre IV du code de la sécurité sociale est une réparation forfaitaire alors qu'il a droit à une réparation intégrale contre les tiers sur le fondement du droit commun en application de l'article L.454-1 du code de la sécurité sociale.
Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L'intérêt à agir n'est subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action.
Selon l'article L.454-1 du code de la sécurité sociale, la victime d'un accident du travail conserve la possibilité de réclamer au tiers responsable de l'accident, selon les règles du droit commun la réparation des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale c'est à dire au titre de la législation des accidents du travail et maladies professionnelles.
Selon l'article L.452-3, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime peut demander à celui-ci devant la juridiction de sécurité sociale, réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses posibilités de promotion professionnelle. Cette liste est devenue indicative suite à la décision du Conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, le salarié pouvant désormais demander à l'employeur la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
Nul ne pouvant être indemnisé deux fois pour un même préjudice, M. [Q] est dépourvu d'intérêt à agir s'agissant du préjudice complémentaire visé à l'article L.452-3, ayant été indemnisé à ce titre de façon réputée intégrale par l'arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel de LYON en date du 29 juillet 2014 de sorte que le jugement doit être confirmé sur ce point.
Toutefois, l'indemnisation complémentaire allouée par la juridiction de sécurité sociale suite à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ne constitue pas nécessairement une réparation intégrale du préjudice réparé au titre du livre IV du code de la sécurité sociale dès lors que cette réparation est une réparation forfaitaire.
Il en résulte que M. [Q] reste recevable à agir contre les tiers responsables en application de l'article L.454-1 du code de la sécurité sociale aux fins d'obtenir un surplus d'indemnisation au titre des postes couverts par le livre IV, ce sur le fondement du droit commun de la réparation intégrale.
Il lui appartient de démontrer que l'indemnisation obtenue de la sécurité sociale au titre du livre IV ne répare pas l'intégralité du préjudice subi, cette preuve relevant du fond et ne constituant pas un préalable à l'action de sorte que celle-ci est recevable.
Sur le préjudice
M. [Q] fait valoir que l'indemnisation forfaitaire prévue par le livre IV du code de la sécurité sociale n'a pas permis une indemnisation intégrale de son préjudice.
Les intimées font valoir :
- que la date de consolidation a été définitivement tranchée par le TASS de l'Ain puis par la cour d'appel de LYON,
- qu'en cas de partage de responsabilité de l'accident entre le tiers et l'employeur, la victime et ses ayants droit ne sont en droit d'obtenir de ce tiers la réparation de leur entier dommage que dans la mesure où celui-ci n'est pas déjà indemnisé par les prestations de sécurité sociales au titre du livre IV du code de la sécurité sociale,
- que M. [Q] ne rapporte pas la preuve de l'insuffisance de l'indemnisation perçue de la sécurité sociale.
Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention de sorte qu'il appartient à M. [Q] de rapporter la preuve que les prestations services par la sécurité sociale sont insuffisantes à réparer le préjudice relevant du livre IV.
La victime d'un accident du travail n'est pas recevable à demander que la consolidation de ses blessures soit fixée à une date différente de celle résultant de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie qu'elle n'avait pas contestée.
En outre, M. [Q] sollicite au titre de l'assistance temporaire tierce personne une indemnité de 1 215 810 € pour la période du 11 octobre 2004, date de consolidation déterminée par la CPAM, au 8 avril 2011, date à laquelle il souhaiterait voir fixer la consolidation selon le droit commun, alors que selon l'article L.434-2, la victime titulaire d'une rente, dont l'incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, a droit à une prestation complémentaire pour recours à tierce personne lorsqu'elle est dans l'incapacité d'accomplir seule les actes ordinaires de la vie de sorte que le besoin de M. [Q] d'assistance par une tierce personne a été indemnisé dans les conditions prévues à l'article L.434-2 à compter de la date de consolidation fixée par la CPAM, la période antérieure à cette date ayant été indemnisée par la juridiction de la sécurité sociale.
De même, M. [Q] sollicite une indemnité au titre d'une 'perte de gains professionnels actuels' à hauteur de 132 938,78 €, correspondant à la perte de salaires qu'il aurait subie pour la période du 10 octobre 2004 au 8 avril 2011, date à laquelle il souhaite voir fixer la consolidation en droit commun, au motif qu'il n'a pas perçu d' indemnités journalières pour cette période alors qu'il a perçu à compter du 10 octobre 2004, date de consolidation fixée par la CPAM, une rente au titre de son incapacité permanente de travail en application de l'article L.431-1 du code de la sécurité sociale qui a compensé sa perte de gains professionnels.
Il sollicite également une indemnité de 6 504 247,26 € pour l'assistance viagère d'une tierce personne à compter du 8 avril 2011 alors qu'il est indemnisé à ce titre dans les conditions fixées par l'article L.434-2.
Or il ne produit aucun élément justifiant du montant des indemnités et prestations prises en charge par la sécurité sociale au titre du livre IV permettant d'affirmer que celles-ci seraient insuffisantes à couvrir l'intégralité du préjudice patrimonial relevant du livre IV de sorte qu'il doit être débouté de ses demandes.
Sur les demandes des proches de M. [Q]
Les intimées font valoir que les demandes de Mme [Q] sont irrecevables, le jugement définitif du tribunal correctionnel de BELLEY en date du 6 novembre 2007 ayant statué sur l'action civile et alloué à celle-ci la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice.
Les appelants font valoir que les proches de la victime qui a survécu n'ont pas la qualité d'ayant droit selon les articles L.541-1 et suivants du code de la sécurité sociale de sorte que les proches n'ont pas été indemnisés par le tribunal des affaires de sécurité sociale ni par la chambre sociale de la cour d'appel.
C'est par de justes motifs, adoptés par la cour, que le premier juge a déclaré les demandes de Mme [Q] irrecevables et qu'il a également déclaré les demandes des autres membres de la famille de M. [Q] recevables.
Sur les responsabilités
1) Sur la responsabilité de la société GV PISCINES
Les appelants font valoir que nonobstant la décision pénale de relaxe, ils conservent une action contre la société GV PISCINES sur le fondement de la faute civile que constituent les manquements de celle-ci à son devoir de conseil, qu'en effet son gérant a déterminé la longueur de la pompe et l'emplacement de la livraison du béton, que le choix de cet emplacement a créé la situation de danger qui aurait nécessité que des mesures de prévention et de sécurité soient prises, que le défaut d'accomplissement de ces diligences est fautif.
Me [C] et la société ALLIANZ invoquent l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal correctionnel de BELLEY qui a relaxé la société GV PISCINES et font valoir que celle-ci n'était tenue d'aucune obligation de conseil à l'égard de la société BESSARD PISCINES, s'agissant d'un professionnel et non d'un sous-traitant, mais seulement à l'égard du client, M. [G].
Par jugement du 6 novembre 2007, devenu irrévocable, le tribunal correctionnel de BELLEY a relaxé L'EURL GV PISCINES des chefs de blessures involontaires par manquement délibéré à une obligation de sécurité.
Il résulte du caractère absolu de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil que les décisions pénales ont autorité de chose jugée ' erga omnes' de sorte que cette autorité est opposable à tous. Il en résulte que la décision susvisée est opposable aux consorts [Q], peu important qu'ils n'y aient pas été parties.
L'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur la qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé.
En l'espèce, le tribunal a retenu que la responsabilité de L'EURL GV PISCINES ne pouvait être engagée, que celle-ci n'avait aucune mission de maîtrise d'oeuvre ni même la simple surveillance des travaux de maçonnerie, qu'elle n'était intervenue qu'en qualité de vendeur d'éléments, les travaux de maçonnerie ayant été réalisés par l'entreprise BESSARD et qu'en conséquence elle ne pouvait 'pas donner d'instructions sur les opérations de livraison de béton qui incombaient à la seule entreprise livrant le béton'.
Ces motifs sont le support nécessaire de la décision de relaxe de sorte qu'ils ont autorité de la chose jugée et que les consorts [Q] sont irrecevables à voir la société GV PISCINES déclarée responsable sur le fondement d'une faute dans la coordination des opérations de livraison du béton au motif qu'elle aurait eu soit la qualité de maître d'oeuvre soit la qualité de donneur d'ordre.
C'est au surplus par de justes et pertinents motifs, adoptés par la cour, que le premier juge a débouté les époux [Q] de leurs demandes fondées sur un manquement au devoir de conseil de la société GV PISCINES.
2) sur la responsabilité de la société RUDIGOZ aux droits de laquelle vient la société GRANULATS VICAT
Les appelants font valoir que la société RUDIGOZ a fait preuve de négligence en ne demandant à la société BESSARD PISCINES aucune information sur les conditions de la livraison alors qu'elle confiait cette prestation à un sous-traitant de sorte qu'elle a contribué à créer une situation de danger ; qu'en outre, M. [S], technico-commercial dépêché sur place, avait donné l'ordre à M. [Q] de replier la flèche sans avoir requis une coupure d'urgence à EDF alors qu'à son arrivée la flèche était déployée sous la ligne électrique et que la télécommande fonctionnait mal.
La société VICAT fait valoir :
- que l'entreprise RUDIGOZ ne pouvait pas présupposer l'existence de quelconques difficultés de déchargement ni procéder à une vérification sur place compte tenu de la tardiveté de la commande (la veille pour le lendemain), qu'elle n'avait pas à s'informer de l'éventuelle existence d'obstacles,
- qu'il n'est pas établi que M. [S] avait connaissance de l'absence de formation de M. [Q] quant au maniement de la télécommande de secours ni de ses particularités de fonctionnement (celle-ci fonctionnait),
- que M. [Q] a replié sa flèche sur les ordres de son employeur et non sur les ordres de [S], celui-ci ayant seulement recommandé l'annulation de la livraison.
Le premier juge a justement retenu que la qualité de vendeur de béton de la société RUDIGOZ ne lui imposait aucune diligence de coordination du chantier. En outre, même à supposer qu'elle en ait eu l'obligation, rien ne permet d'affirmer que si l'entreprise RUDIGOZ avait demandé s'il existait des difficultés tenant à l'emplacement du chantier, elle aurait obtenu une réponse positive de la société BESSARD PISCINES, M. [H] ayant indiqué dans ses déclarations à l'inspecteur du travail que la question des lignes électrique n'avait jamais été évoquée avant l'accident, qu'il arrivait fréquemment que les pompes passent au dessus ou en dessous de lignes électriques et qu'en l'espèce, il était possible de réaliser les travaux en se plaçant sous les cables, ce dont il ressort qu'il considérait qu'aucune mesure particulière de prévention n'était nécessaire.
S'agissant de l'intervention de M. [S], il résulte des procès-verbaux concordants de M. [Q], de M. [D] et de M. [S] que celui-ci a, à la vue du danger, décidé de mettre un terme immédiat à la livraison en demandant à M. [Q] de replier son matériel mais que c'est sur instructions de M.[D] que M. [Q] a entrepris la manoeuvre avec la télécommande de secours.
L'intervention de M. [S], dans la situation d'urgence et sans aucune préparation, ne saurait lui conférer les responsabilité d'un coordinateur de chantier et ne saurait avoir pour conséquence de lui faire supporter la responsabilité des fautes commises en amont.
D'autre part, aucun élément ne fait apparaître qu'il connaissait la complexité du fonctionnement de la télécommande de secours ni qu'il avait été informé de ce que M. [Q] ne le maîtrisait pas de sorte que ne saurait lui être imputé à faute le fait d'avoir demandé à celui-ci de replier son matériel en vue de mettre un terme à la livraison, décision qui apparaissait adaptée à la situation de danger, ainsi que l'a justement retenu le premier juge, et qu'aucune responsabilité ne saurait être retenue à l'encontre de la société VICAT.
3) sur la responsabilité de la société BESSARD PISCINES
Les appelants font valoir que c'est fautivement que le responsable de la société BESSARD n'a pas signalé à la société RUDIGOZ la présence de la ligne électrique en surplomb du lieu de livraison et qu'elle n'a pris aucune mesure pour assurer la sécurité du chantier conformément aux dispositions légales applicables en la matière alors qu'il lui incombait d'assurer la coordination des entreprises intervenantes à ce stade en application de l'article L.4532-2 du code du travail.
La SARL BESSARD PISCINES et GROUPAMA font valoir que c'est la société GV PISCINES qui avait le rôle de coordinateur ainsi que cela résulte du bon de commande et de l'audition de M. [Y], vendeur pour la société GV PISCINES ; que la société BESSARD PISCINES n'était qu'un sous-traitant, ainsi que cela ressort du fait qu'elle n'a pas signé le bon de commande prévoyant son intervention et en définissant les modalités, et qu'elle était sans pouvoir décisionnaire sur M. [Q] au moment de l'accident dès lors que le préposé de l'entreprise RUDIGOZ, appelée par ses soins, avait pris la direction des opérations et donné les ordres qui lui apparaissaient nécessaires.
Selon l'article L.235-3 (devenu L.4532-2) du code du travail, une coordination en matière de sécurité et de santé des travailleurs doit être organisée pour tout chantier de bâtiment ou de génie civil où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, entreprises sous traitantes incluses, aux fins de prévenir les risques résultant de leurs interventions simultanées ou successives et de prévoir, lorsqu'elle s'impose, l'utilisation des moyens communs tels que les infrastructures, les moyens logistiques et les protections collectives.
Cette disposition impose donc qu'il y ait une coordination entre l'ensemble des chefs d'entreprise et travailleurs indépendants intervenant simultanément sur un même chantier.
Aux termes des articles L.235-4 et R.238-3 (devenus L.4532-7) du code de travail, en cas de chantier effectué pour l'usage personnel d'un particulier, ne nécessitant pas de permis de construire comme en l'occurrence, c'est l'entreprise dont la part de main d'oeuvre est la plus élevée qui a en charge la coordination pendant chacune de ses interventions sur le chantier.
En l'espèce, c'est la société BESSARD PISCINES qui a commandé la fourniture de béton à la société RUDIGOZ pour les besoins de ses travaux. Il résulte de ses déclarations à l'inspecteur du travail que M. [H] avait précisé au fournisseur lors de la commande la nécessité d'une pompe de 24 mètres. Celui-ci avait en outre préalablement reconnu les lieux, informé de ce que la livraison devait se faire à partir de l'allée de la propriété voisine et par dessus le mur séparatif des propriétés.
Le jour de l'accident se situait pendant la phase des travaux de maçonnerie lors desquels l'entreprise BESSARD PISCINES avait la plus grande part de main d'oeuvre. De ce fait, elle devait assurer la coordination des entreprises.
Elle ne s'est toutefois pas inquiétée des conditions de sécurité de la livraison. Sachant que le camion livreur était équipé d'une flèche de 24 mètres dont la dimension rendait possible un contact avec les fils électriques surplombant le lieu de livraison, elle n'a pris aucune mesure de prévention ou de protection de son personnel ou des autres intervenants ni prévu de demander à EDF de couper le courant.
M. [H] a en outre reconnu qu' il n'a pas signalé la présence de ces lignes électriques à son fournisseur de sorte que celui-ci n'a pu en informer son transporteur.
Ainsi sont caractérisées un défaut de diligences fautif de la société BESSARD PISCINES en relation de causalité directe et certaine avec la survenance de l'accident de M. [Q].
Il convient en conséquence de réformer le jugement sur ce point.
Il résulte de l'audition de M. [U], cadre d'exploitation chez EDF, que les travaux auraient pu être réalisés sans dommage, même sans coupure de courant, compte tenu de ce que les pompes peuvent se déplier à l'horizontale et de ce que la disposition des lieux lui laissait une marge de déploiement en hauteur de 4,5m.
Ainsi, la faute la plus grave est celle de l'employeur qui a consisté à laisser intervenir un salarié muni d'une télécommande hors service et non formé au maniement de la télécommande de secours. Il convient en conséquence de limiter la part de responsabilité de la société BESSARD PISCINES à 20%.
Sur les demandes des consorts [Q]
La société GROUPAMA fait valoir que les demandes ne sont pas étayées et que les troubles dans les conditions d'existence indemnisables sont ceux de la victime directe seule.
Il n'est pas justifié des frais de transport.
Les personnes qui ne partagent pas la vie de la victime ne peuvent prétendre à indemnité au titre de troubles dans les conditions d'existence de sorte que les frères et soeurs de M. [Q] ne sont pas fondés à prétendre à indemnité de ce chef.
M. [T] [Q] et M. [B] [Z] ne justifient pas d'un bouleversement dans leurs conditions de vie suite à l'accident dont a été victime leur père et beau-père qui serait indemnisable en sus du préjudice d'affection. Leur demande à ce titre est en conséquence rejetée.
La cour trouve dans le dossier les éléments lui permettant de fixer les indemnités réparant le préjudice d'affection ainsi qu'il suit :
- M. [T] [Q] : 12 000 €,
- M. [B] [Z] : 8 000 €,
- Mme [V] [Q], Mme [E] [Q], M. [F] [Q], M. [R] [Q], la somme de 5 000 € chacun,
Mme [M] [Q] n'est pas partie à l'instance d'appel de sorte qu'elle est irrecevable à solliciter une condamnation à son profit.
Sur les demandes de garantie
La société ALLIANZ en sa qualité d'assureur de l'employeur est fondée à exercer son recours subrogatoire à l'encontre de la société BESSARD et de son assureur GROUPAMA dans la limite de la part de responsabilité mise à la charge de l'entreprise soit 20%.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- déclaré M. [W] [Q] irrecevable en ses demandes au titre des préjudices complémentaires dont l'indemnisation a été soumise au TASS sur le fondement de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale puis à la chambre sociale de la cour et sur lesquels celle-ci a statué par son arrêt du 29 juillet 2014 ;
- déclaré irrecevables les demandes de Mme [P] [N] épouse [Q],
- déclaré recevables les demandes de M. [T] [Q], de M. [B] [Z], de Mme [V] [Q], de Mme [E] [Q], de M. [F] [Q], de M. [R] [Q] ;
Le réforme pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Déclare le présent jugement opposable à la CPAM de l'Ain et à la mutuelle APICIL ;
Déclare M. [W] [Q] recevable en ses demandes au titre des préjudices réparés en application du cadre du livre IV du code de la sécurité sociale mais l'en déboute ;
Déclare la société BESSARD PISCINES responsable in solidum avec la société LMP GIL de l'accident survenu le 3 octobre 2002 à [Localité 9] (Ain) ;
Condamne in solidum la société BESSARD PISCINES et la compagnie GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE à payer :
- à M. [T] [Q], la somme de 10 000 €,
- à M. [B] [Z], la somme de 8 000 €,
- à Mme [V] [Q], la somme de 5 000 €,
- à Mme [E] [Q], la somme de 5 000 €,
- à M. [F] [Q], la somme de 5 000 €,
- à M. [R] [Q], la somme de 5 000 € ;
Déboute M. [T] [Q], M. [B] [Z], Mme [V] [Q], Mme [E] [Q], Me [F] [Q] et M. [R] [Q] du surplus de leurs demandes ;
Dit que la responsabilité de l'accident incombe à 80% à la société LMP GIL et à 20% à la société BESSARD PISCINES ;
Condamne in solidum la société BESSARD PISCINES et la compagnie GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE à payer à la société ALLIANZ IARD 20% de la somme de 277 172,80€ et 20 % de la majoration du compte employeur ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes ;
Laisse à M. [W] [Q] et à Mme [P] [N] épouse [Q] la charge de leurs propres dépens ;
Condamne in solidum M. [W] [Q], Mme [P] [N] épouse [Q], M. [T] [Q], M. [B] [Z], Mme [V] [Q], Mme [E] [Q], M. [F] [Q] et M. [R] [Q] aux dépens des instances dirigées contre Me [C] es qualité de mandataire ad hoc de L'EURL GV PISCINES, contre la société GRANULAT VICAT et contre la société ALLIANZ IARD es qualité d'assureur de L'EURL GV PISCINES ;
Condamne in solidum la société BESSARD PISCINES et la compagnie GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE au surplus des dépens ;
Autorise Me [A] à recouvrer à leur encontre les dépens dont il aurait fait l'avance au profit de M. [T] [Q], M. [B] [Z], Mme [V] [Q], Mme [E] [Q], M. [F] [Q] et M. [R] [Q] sans avoir reçu provision.
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE