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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3ème Chambre A
ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2019
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05337 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N3TL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 AOUT 2018
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN
N° RG 17/00194
APPELANT :
Monsieur [Y] [B]
né le [Date naissance 5] 1983 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 1]. N° 18
[Localité 7]
Représenté par Me BELMOKHTAR substituant Me Caroline ANEGAS, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/011353 du 24/07/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMEE :
Madame [T] [X] épouse [B]
née le [Date naissance 4] 1991 à [Localité 9]
de nationalité marocaine
Chez Mme [U] [J] - [Adresse 8]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/000553 du 13/02/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 11 Juin 2019
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 JUIN 2019, en chambre du conseil, Magali VENET ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du même code, devant la cour composée de :
Madame Véronique BEBON, Présidente
Madame Béatrice VERNHET, Conseiller
Mme Magali VENET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Audrey VALERO
Ministère public :
L'affaire a été visée par le ministère public le 21 mai 2019
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Madame Véronique BEBON, Présidente, et par Madame Audrey VALERO, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Mme [T] [X] et M. [Y] [B] se sont mariés le [Date mariage 2] 2015 à [Localité 9] (Maroc), sans contrat de mariage préalable.
Le mariage a été retranscrit dans les registres français de l'état civil le 07 décembre 2015.
Aucun enfant n'est issu de cette union.
Par assignation en date du 12 janvier 2017, M. [B] a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Perpignan afin de solliciter l'annulation du mariage.
Par jugement du 27 août 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Perpignan a :
- débouté M. [B] de ses demandes de nullité de mariage, de restitution de la dot et de dommages et intérêts,
- débouté Mme [X] de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné M. [B] aux dépens.
Le 24 octobre 2018, M. [B] a relevé appel des dispositions l'ayant débouté de sa demande de nullité du mariage, de ses demandes de restitution de la dot et de dommages et intérêts et l'ayant condamné aux dépens.
Dans ses dernières conclusions du 08 janvier 2019, auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. [B] demande à la cour de :
- dire et juger M. [B] recevable et bien fondé en son action en annulation du mariage,
- constater le défaut de consentement en raison de l'erreur sur les qualités essentielles de l'épouse,
- prononcer la nullité du mariage contracté par les époux avec toutes les conséquences de droit,
- ordonner la transcription de l'arrêt à intervenir sur les registres de l'état civil,
- donner acte à M. [B] de ce qu'il communiquera les pièces à M. Le Procureur de la République à première demande,
- condamner Mme [X] au paiement de justes dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi à hauteur de 5 000 euros,
- la condamner sous astreinte journalière de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à la restitution des bijoux composant la dot versée par l'époux ou la somme de 429 euros en compensation,
- la condamner au paiement de justes dommages et intérêts en réparation du préjudice moral à hauteur de 5 000 euros,
- la débouter de l'ensemble de ses demandes fins, et prétentions,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Dans ses dernières conclusions du 04 avril 2019, auxquelles il est référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Mme [X] demande à la cour de :
- débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement,
A titre incident,
- réformer le jugement dont appel en ce que Mme [X] a été déboutée de sa demande de dédommagement,
- condamner M. [B] à verser à Mme [X] la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et le préjudice moral en découlant.
Par avis en date du 21 mai 2019, le Ministère Public s'en rapporte à la décision de la cour.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du mariage :
En application de l'article 146 du code civil et des articles 10 et 11 du code de la famille marocain, il n'y a pas de mariage sans consentement.
En application de l'article 180 du code civil, et 56 du code de la famille marocain, le mariage peut être annulé en l'absence de consentement libre des époux, en raison de l'existence d'une contrainte ainsi que s'il y a eu erreur sur la personne du conjoint, ou sur ses qualités essentielles.
Au cas d'espèce, pour solliciter l'annulation du mariage, M. [B] fait valoir que son épouse n'avait pas de véritable intention matrimoniale, qu'il a été trompé sur ses qualités essentielles, qu'elle l'a épousé pour obtenir un titre de séjour, puis l'a quitté dès son obtention.
Il précise qu'elle a déposé plainte pour des faits de violences qu'il conteste avoir commis, et qu'elle a déposé une demande en divorce afin de pouvoir se maintenir sur le territoire français.
Il reconnaît cependant que sa femme a présentée le 24 juin 2016 des lésions sur le visage, selon lui d'origine inexpliquées, pour lesquelles il lui a fait consulter le docteur [P] qui atteste le 22 septembre 2016 que l'intéressée présentait le 24 juin 2016 une ecchymose orbitaire gauche, bien que ce même médecin, en contradiction avec cette attestation, mentionne le 22 septembre 2017 qu'il n'aurait jamais constaté de violences physiques apparentes sur Mme [X].
M. [B] verse en outre des attestations de sa famille mentionnant que suite à son arrivée en France, Mme [X] a adopté un comportement très réservé, qu'elle ne parlait pas français, et qu'il existait des difficultés de communication entre elle et son époux, étayées de nombreuse disputes, avant qu'elle quitte le domicile conjugal le 24 juin 2016, selon les dires de l'époux, après avoir présenté des blessures inexpliquées.
Ces éléments ne démontrent nullement l'absence d'intention matrimoniale de Mme [X] lors du mariage, ni d'une quelconque erreur de l'époux concernant les qualités essentielles de sa femme à laquelle il ne peut être reproché un comportement réservé, deux mois après son arrivée dans un pays étranger dont elle ne maîtrisait pas la langue.
Mme [X] fait valoir que son intention matrimoniale était sincère lors de son union avec M. [B] mais que ce dernier lui a fait subir quotidiennement des violences physiques et psychologiques, et que l'intervention de sa famille a été nécessaire en juin 2016 pour la soustraire aux coups dont elle a été victime.
Il ressort des éléments de la procédure, et notamment des attestations de M. Et Mme [J], que Mme [X] et M. [B] se sont mariés après s'être fréquentés plusieurs années au Maroc en octobre 2015 puis que cette dernière a rejoint son époux en France en avril 2016.
Il est précisé que lors de son arrivée, M. [B] et sa famille lui ont confisqué son portable ainsi que ses papiers d'identité et ont exercé des violences régulières à son encontre.
M. et Mme [J] sont intervenus à son domicile le 24 juin 2016, après avoir été alertés par le père de Mme [X] qui réside au Maroc d'un incident survenu au domicile conjugal. Ils précisent avoir trouvé Mme [X] 'dans un très mauvais état', cette dernière présentant : 'un visage gonflé, un oeil au beurre noir, ainsi que des brûlures au poignet et paraissait complètement désespérée.'
Il ressort du certificat médical établi au service des urgences de [Localité 7] le 25 juin 2016 qu'elle présentait :
- un traumatisme crânien avec perte de connaissance initiale,
- un hématome péri-orbitaire gauche 4X4cm,
- des dermabrasions du visage 2X2 cm,
- un traumatisme buccal lèvre supérieure et inférieure,
- des lésions face antérieure poignet gauche, aspect de brûlure.
Une ITT inférieure à 8 jours était retenue.
Dans son dépôt de plainte en date du 25 juin 2016, Mme [X] mentionne que son mari n'a cessé de l'humilier et de la transformer 'en état d'esclave' depuis son arrivée en France, et que le 24 juin 2016, son mari l'a frappée à coups de poings en la projetant sur le mur et l'a brûlée avec des piques de brochettes, sachant que ses propos sont compatibles avec les lésions constatées dans le certificat médical joint.
Elle précise que ce dernier a pris peur en voyant à quel point son visage était tuméfié et qu'il a appelé son père au Maroc pour se disculper des violences, ce dernier ayant averti M. et Mme [J] pour qu'ils viennent la récupérer au domicile de son mari.
Il ressort de ces éléments qu'il n'est pas démontré que Mme [X] a quitté son époux en raison d'une absence de volonté matrimoniale viciant son consentement au mariage, mais en raison des violences que ce dernier lui a fait subir le 24 juin 2016, à propos desquelles, M. [B], qui reconnaît avoir constaté l'existence de lésions sur le visage de sa femme justifiant qu'elle consulte un médecin, n'apporte aucune explication plausible.
Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté les demandes de M. [B] tendant à l'annulation du mariage, à la restitution de la dot ainsi qu'à l'obtention de dommages et intérêts et la décision sera confirmée en ce sens.
Sur les dommages et intérêts sollicités par l'épouse:
En application de l'article 1240 du code civil, des dommages et intérêts peuvent être octroyés en réparation d'un préjudice.
En l'espèce, il n'est pas contestable que la procédure engagée par l'époux en annulation du mariage est de nature à causer un préjudice moral à Mme [X] en ce qu'elle met en cause sa probité quant à son intention matrimoniale, alors qu'il est établi qu'elle a été contrainte de quitter le domicile conjugal en raison des violences exercées par son mari à son encontre.
C'est pourquoi, il convient de faire droit à sa demande et de condamner M. [B] à lui verser la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts.
Sur les dépens:
Il convient de condamner M. [B], qui succombe en ses demandes, aux dépens d'appel, étant précisé qu'il est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, après en avoir délibéré, contradictoirement,
Confirme le jugement en ses dispositions critiquées, à l'exception de celle relative aux dommages et intérêts sollicités par l'épouse.
Le réformant de ce seul chef,
Condamne M. [Y] [B] à verser 2000 € de dommages et intérêts à Mme [T] [X],
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne M. [Y] [B] aux dépens d'appel, étant précisé qu'il est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
AV/MV