COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 3 MAI 2001
(N , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1999/22428 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 2 août 1999 par le J.A.F. du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de CRETEIL (6ème chambre Cabinet B) RG n° : 1997/30201 Date ordonnance de clôture : 8 mars 2001 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : AU FOND APPELANT :
Monsieur X..., Hayder Y...
né le xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx(Algérie)
de nationalité française et algérienne
demeurant chez M. Y...
8 Lot F1 Extension
DRARIA (Algérie)
Représenté par Maître BETTINGER, avoué
Assisté de Maître DAZI-MASMI,
avocat à la Cour (E 1303) INTIMEE :
Madame Soraya Z...
née le 10 février 1963 à PARIS 10ème
de nationalité française et algérienne
demeurant 44, rue Pasteur
94600 CHOISY LE ROI
Représentée par Maître MOREAU, avoué
Assistée de Maître Christine AMENTA-TRINQUET,
avocat au barreau du Val-de-Marne (PC 093)
AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE
N BAJ : 1999/041337
Décision du 24 janvier 2000
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats et du délibéré
Président : Madame A...
Conseiller : Monsieur B...
Conseiller : Monsieur C...
GREFFIER
lors des débats et du prononcé
de l'arrêt : Mlle D...
MINISTERE PUBLIC
Représenté aux débats par Monsieur E...,
Avocat Général, qui a été entendu en ses explications.
DEBATS
à l'audience du 22 mars 2001
tenue en chambre du conseil
ARRET - CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par Madame A...,
Président, qui a signé la minute avec
Mlle D..., Greffier. * * *
M. X... Y... a interjeté appel d'un jugement rendu le 2 août 1999 par le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Créteil ayant rejeté les exceptions d'incompétence et d'irrecevabilité qu'il avait soulevées au vu d'un jugement de divorce algérien, prononcé le divorce des époux Y... - Z... à ses torts, accordé à la mère l'exercice de l'autorité parentale pour l'enfant Samy issu de leur union, fixé la résidence de celui-ci chez la mère, réservé son droit de visite et d'hébergement, et condamné à verser la somme mensuelle de 1.000 F, avec indexation, au titre de sa part contributive à l'entretien et à l'éducation du mineur ainsi qu'à verser à Mme Soraya Z... la somme de 1 F à titre de dommages et intérêts.
M. X... Y... conclut à l'infirmation de ce jugement. Il demande à la Cour d'examiner l'exception d'incompétence des juridictions françaises, de renvoyer en conséquence Mme Soraya Z... à mieux se pourvoir devant les juridictions algériennes et de déclarer irrecevables les demandes de celle-ci en raison de l'autorité de la chose jugée du jugement de divorce prononcé le 22 avril 1997 par le Tribunal de Cheraga en Algérie. Très subsidiairement, il demande à la Cour de prononcer le divorce aux torts partagés des deux époux, de dire que l'autorité parentale sur l'enfant Samy sera exercée par le père seul en raison de l'éloignement des domiciles des deux parents puisqu'il vit en Algérie avec son fils, de fixer la résidence habituelle de l'enfant Samy chez lui, de dire que Mme Soraya Z... ne pourra exercer un droit de
visite et d'hébergement qu'à l'occasion de ses déplacements en Algérie et en dehors de l'Algérie, sans être assorti de sérieuses garanties, de supprimer sa part contributive à l'entretien et à l'éducation de l'enfant et de lui donner acte de ce qu'il ne réclame rien à la mère à ce titre. M. X... Y... conclut enfin à la condamnation de Mme Soraya Z..., outre aux dépens, à lui verser la somme de 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Mme Soraya Z... demande à la Cour de se déclarer incompétente au profit du conseiller de la mise en état pour statuer sur l'exception d'incompétence du juge français, de confirmer le jugement attaqué tant sur le rejet de la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée du jugement algérien de divorce que sur le fond. Elle demande à la Cour de lui donner acte que le mari avoue être remarié depuis le 12 décembre 1998, union dont est issu un second enfant. Mme Soraya Z... demande à la Cour de condamner M. X... Y..., outre aux dépens, à lui payer la somme de 20.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
M. X... Y... a par ailleurs déposé des conclusions d'incident devant le conseiller de la mise en état pour voir statuer sur la base de l'article 771 du nouveau code de procédure civile sur l'exception d'incompétence du juge français qu'il a soulevée. Mme Soraya Z... a, en réplique, à cet incident conclu à l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence, faute d'avoir été soulevée par M. X... Y... avant ses conclusions au fond.
Il a été indiqué aux avoués avant la clôture que la Cour statuerait dans son arrêt sur la question de savoir qui, du conseiller de la
mise en état ou de la Cour, est en l'espèce compétent pour se prononcer sur la compétence des juridictions françaises.
SUR CE LA COUR : Sur la compétence du conseiller de la mise en état ou de la Cour pour se prononcer sur la compétence des juridictions françaises :
Considérant que d'après l'article 910 du nouveau code de procédure civile qui renvoie aux dispositions des articles 763 à 787 de ce même code, le conseiller de la mise en état exerce un certain nombre de prérogatives destinées à assurer la régulation de la procédure, et est à ce titre compétent pour régler divers incidents de procédure, et notamment toutes les exceptions de procédure sans restriction depuis l'intervention du décret du 28 décembre 1998 ayant modifié l'article 771 du nouveau code de procédure civile ;
Considérant que si le conseiller de la mise en état a ainsi une compétence, dès lors qu'il est désigné et jusqu'à son dessaisissement lors de l'ouverture des débats devant la Cour en application de l'article 779 du nouveau code de procédure civile, pour statuer, à l'exclusion de toute autre formation de la Cour, sur les exceptions de procédure, ses attributions s'exercent à l'intérieur des limites procédurales tracées par l'article 763 du nouveau code de procédure civile pour le contrôle de l'instruction de l'affaire ;
Considérant dès lors que le conseiller de la mise en état ne peut statuer sur les exceptions de procédure que si celles-ci ont été soulevées après sa désignation, et avant toute défense au fond conformément à l'article 74 du nouveau code de procédure civile, par conséquent, sans avoir été tranchées par le premier juge ou bien
lorsque celui-ci a statué par décision réputée non contradictoire dans la mesure où, en l'absence de comparution du défendeur, ni le juge de la mise en état, ni la juridiction de première instance, n'ont été en principe amenées à se prononcer sur de telles exceptions ;
Considérant qu'en l'espèce, l'exception d'incompétence internationale des juridictions françaises a bien été tranchée par le juge aux affaires familiales le 2 août 1999 qui l'a rejetée, que l'exception n'est pas ainsi soulevée pour la première fois par M. X... Y... en cause d'appel après la désignation du conseiller de la mise en état, la décision du premier juge à cet égard étant l'objet même de l'appel dont la connaissance échappe ainsi à la compétence du conseiller de la mise en état ; que la Cour est seule compétente pour statuer sur l'ensemble du litige ; Sur la compétence internationale du juge français :
Considérant que M. X... Y... soulève l'incompétence du juge français pour statuer sur le divorce en raison du lieu de résidence de la famille qui se trouve en Algérie, où il réside avec son fils Samy depuis avril 1996, au profit du Tribunal de Cheraga, et ajoute que Mme Soraya Z..., en faisant opposition devant les juridictions algériennes au jugement de divorce prononcé précisément par le Tribunal de Cheraga le 22 avril 1997 qu'il avait saisi le 12 mars 1997, a renoncé à se prévaloir du privilège de juridiction de l'article 14 du code civil ;
Considérant que la compétence internationale est donnée à l'ordre juridictionnel français par l'article 14 du code civil lorsque le français est demandeur, que Mme Soraya Z..., dont il n'est pas
contesté qu'elle est de nationalité française, a invoqué la compétence des tribunaux français sur cette base dans ses conclusions du 2 décembre 1998 devant le juge aux affaires familiales saisi par assignation du 4 décembre 1997, que si le plaideur français qui forme sa demande devant une juridiction étrangère est censé renoncer par là même à la compétence des tribunaux français fondée sur l'article 14 du code civil, Mme Soraya Z... n'a fait opposition au jugement algérien de divorce par défaut du 22 avril 1997 que pour contester la compétence des juridictions algériennes pour connaître du litige car le domicile conjugal se trouverait en réalité en France à Maisons-Alfort, qu'il n'y a eu aucune renonciation de sa part en comparaissant devant le juge algérien pour contester sa compétence ; Considérant que l'article 14 du code civil contraint le juge français à se déclarer compétent en raison de la nationalité française de Mme Soraya Z..., même si aucun critère ordinaire de compétence prévu à l'article 1070 du nouveau code de procédure civile n'est réalisé en France, qu'il convient donc de confirmer le jugement attaqué sur ce chef ;
Et considérant sur la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée du jugement de divorce prononcé par le Tribunal algérien de Cheraga le 22 avril 1997 soulevée par M. X... Y... qu'une décision étrangère de divorce ne peut produire de plein droit autorité en France qu'à la condition d'être régulière et d'avoir été rendue conformément aux règles du droit international privé ou à celles édictées par les Conventions internationales, en l'espèce, la Convention franco-algérienne du 27 août 1964 relative à l'exequatur et à l'extradition, applicable dans les relations juridiques entre
les deux pays ;
Considérant que l'article 1 de la Convention franco-algérienne précitée énumère les conditions que doit remplir la décision algérienne pour avoir en France de plein droit l'autorité de la chose jugée, et tout d'abord à l'alinéa a), que la décision dont s'agit émane d'une juridiction compétente selon les règles concernant les conflits de compétence admises dans l'Etat où la décision doit être exécutée ;
Considérant que le juge français étant compétent pour connaître du divorce des époux Y... - Z... sur la base de l'article 14 du code civil qui attribue aux tribunaux français une compétence exclusive de toute compétence concurrente, l'article 14 fait ainsi obstacle à la compétence du Tribunal algérien de Cheraga pour connaître de ce même divorce, que le jugement prononcé par cette juridiction le 22 avril 1997 l'ayant été par un juge incompétent au sens de l'article 1 alinéa a) de la Convention du 27 août 1964, ne peut être reconnue en France, que la fin de non recevoir soulevée par M. X... Y... doit être rejetée et la décision critiquée du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Créteil confirmée sur ce chef ; Sur le divorce :
Considérant que les époux Y... - Z... étant tous deux de nationalité française, leur divorce est donc régi selon la loi française désignée par l'article 310 du code civil ;
Considérant que M. X... Y... expose que Mme Soraya Z... agissait, depuis qu'elle était arrivée en France, en femme libre des charges du foyer et non en épouse et mère, que celle-ci a refusé de
réintégrer le domicile conjugal algérien à Draria ; que Mme Soraya Z... reproche à M. X... Y... de s'être montré agressif envers elle sur son lieu de travail, d'avoir quitté le domicile conjugal en juin 1996, de s'être remarié le 12 décembre 1998, union dont il a eu un fils, né le 17 novembre 1999 ;
Considérant que M. X... Y... produit des attestations qui mettent en valeur la vie harmonieuse du couple avant son départ d'Algérie pour la France dans les années 1990, lesquelles ne rapportent aucunement la preuve d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage imputable à Mme Soraya Z... ;
Considérant que Mme Soraya Z... produit des attestations qui décrivent les irruptions agressives de M. X... Y... sur le lieu de travail de son épouse (Mmes F... et Durand), une attestation établie par le consul d'Algérie à Vitry-sur-Seine le 13 mars 1998 de délivrance d'un visa d'entrée à M. X... Y... et à son fils Samy en avril 1996, l'époux ne contestant d'ailleurs pas être retourné en Algérie avec l'enfant depuis cette époque, un extrait de l'acte de mariage de M. X... Y... avec Mme Fahima G... célébré le 12 décembre 1998 à Alger ainsi qu'un extrait de l'acte de naissance de l'enfant Moncef né de cette union le 17 novembre 1999, que les faits reprochés à M. X... Y... sont ainsi prouvés et constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune au sens de l'article 242 du code civil, que le jugement attaqué ayant prononcé le divorce des époux Y... - Z... aux torts exclusifs du mari doit être confirmé ; Sur l'autorité parentale et la résidence de l'enfant Samy :
Considérant que M. X... Y... demande d'exercer l'autorité parentale sur son fils et de fixer la résidence de l'enfant chez lui en Algérie, conformément à la situation existante depuis avril 1996 ; Considérant que les attestations versées par M. X... Y... selon lesquelles l'enfant est bien intégré dans son milieu scolaire en Algérie et les affirmations de celui-ci sur l'environnement familial stable dans lequel se trouve Samy avec sa nouvelle épouse ne démontrent pas que l'intérêt de Samy commande de confier l'exercice de l'autorité parentale au père alors que la situation que M. X... Y... propose à la Cour d'entériner procède d'un coup de force de sa part, son épouse n'ayant pas consenti à ce que Samy soit déplacé en Algérie lorsqu'il a quitté le domicile conjugal en avril 1996, qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement attaqué ayant dit que l'autorité parentale sera exercée par la mère, chez qui l'enfant a sa résidence habituelle ;
Sur la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant :
Considérant que le parent qui n'a pas l'exercice de l'autorité parentale contribue, d'après l'article 288 alinéa 1 du code civil, à l'entretien et à l'éducation de l'enfant à proportion de ses ressources et de celles de l'autre parent, que M. X... Y... expose que le montant de sa contribution avait été fixé par le premier juge sans prendre en compte les charges et ressources de chacun des époux, et surtout sans égard au taux de change de la monnaie algérienne et donc de la charge que représente pour lui la part contributive en monnaie locale ;
Considérant que M. X... Y... ne précise pas le montant de ses ressources sans pour autant en nier l'existence, que Mme Soraya Z... a produit des bulletins de salaire au cours des années 1996, 1998 et 1999 qui font état d'un net à payer d'environ 6.000 F à 7.000 F par mois ainsi que ses charges de l'époque relative à la vie courante, qu'en l'absence d'éléments nouveaux, il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui a condamné M. X... Y... à payer la somme mensuelle indexée de 1.000 F à titre de contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant et a fait ainsi une juste appréciation de la situation au regard des conditions précisées ci-dessus ; Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive :
Considérant que Mme Soraya Z... n'établit pas de circonstances de nature à avoir fait dégénérer en abus l'appel de M. X... Y..., qu'elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Sur les dépens et l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Considérant que M. X... Y..., qui est condamné aux dépens, ne peut prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, que sa demande à ce titre est donc rejetée ;
PAR CES MOTIFS
Dit la Cour seule compétente, à l'exclusion du conseiller de la mise en état, pour statuer sur la compétence des juridictions françaises,
Confirme le jugement du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Créteil rendu le 2 août 1999,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne M. X... Y... aux dépens qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LE PRESIDENT