REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 31 MAI 2019
(n° 212 , 4 pages)
N° du répertoire général : N° RG 19/00209 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B72ZK
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Mai 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 19/01536
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 27 Mai 2019
Décision RÉPUTÉE CONTRADICTOIRE
COMPOSITION
Madame Chantal PERDRIX, agissant par délégation du Premier Président,
assistée de Mme Patricia PUPIER, Greffière
et en présence de Mme Brigitte CHEMIN, substitute générale,
APPELANTE
Mme [A] [Q] (personne faisant l'objet des soins)
née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 1]
demeurant [Adresse 1]
actuellement hospitalisée à l'hôpital [Établissement 1]
non comparante en personne, représentée par Maître Marie-Laure MANCIPOZ, avocat au barreau de Paris
INTIMÉ
LE DIRECTEUR DU GHU PSYCHIATRIE ET NEUROSCIENCES SITE [Établissement 1]
[Adresse 2]
non comparant, non représenté
MINISTÈRE PUBLIC
Représentée par Mme Brigitte CHEMIN, substitute générale,
Par décision du 7 mai 2019 , le directeur de l'hôpital [Établissement 1] à [Localité 1], a prononcé l'admission en soins psychiatriques de [A] [Q] sur le fondement des articles L. 3212-1 et suivants du code de la santé publique. Depuis cette date, l'intéressée fait l'objet d'une hospitalisation complète dans l'établissement.
Par requête du 10 mai 2019 le directeur a régulièrement saisi le juge des libertés et de la détention de PARIS aux fins de poursuite de la mesure.
Par décision du 16 mai 2019 le juge des libertés et de la détention de PARIS a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète.
Par déclaration du 21 mai 2019 réceptionnée par courriel le 22 mai 2019 et enregistrée au greffe le 22 mai 2019, Me MANCIPOZ, conseil de madame [Q] a interjeté appel de la dite ordonnance.
Les parties ainsi que le directeur de l'établissement ont été convoqués à l'audience du 27 mai 2019.
L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, en audience publique.
Le conseil de madame [Q] poursuit l'infirmation de la décision. Au soutien de son appel, elle fait valoir des moyens de nullité et soutient la demande de main levée de la mesure aux motifs que la patiente est hospitalisée pour une pneumonie.
L'avocate générale demande de rejeter les moyens de nullités et se réfère au certificat médical du 24 mai 2019 pour requérir le maintien de la mesure et la confirmation de l'ordonnance querellée.
Le conseil de madame [Q] a eu la parole en dernier.
MOTIFS
SUR LES MOYENS DE NULLITES
Sur la non communication de l'avis médical motivé au moment de la saisine du juge des libertés et de la détention et en tout état de cause sur la communication hors délai.
Me MANCIPOZ soutient que la régularité de la saisine du juge des libertés et de la détention suppose que dans le délai imparti par les dispositions de l'article L. 3211-12-1,1 du CSP la requête soit conforme aux prescriptions de l'article R. 3211-10 et accompagnée de l'ensemble des documents visés notamment aux articles R. 3211-24 du CSP, qu'en application de l'article L. 3211-12-1 du CSP l'avis médical motivé doit être joint à la requête qui saisit le juge des libertés et de la détention, qu'il s'agit d'une formalité substantielle, que son absence constitue une irrégularité qui doit entraîner la main levée de la mesure d'hospitalisation et ne peut être régularisée passé le délai de 8 jours pour saisir le juge des libertés et de la détention ; qu'en l'espèce l'avis médical motivé n'était pas joint à la requête du 10 mai 2019 et n'a pas été communiqué avant le délai de 8 jours soit le 14 mai 2019.
Il ressort de la procédure que l'avis médical motivé est daté du 14 mai 2019, qu'il a été transmis au juge des libertés et de la détention avant l'audience du 16 mai 2019, qu'il a donc pu être contradictoirement examiné par les parties, que le fait qu'il n'ait pas été joint à la requête du 10 mai 2019 n'a pas causé de grief à madame [Q], qu'il n'y a pas lieu à annulation.
Sur l'absence de convocation du curateur.
Me MANCIPOZ soutient que le défaut de convocation du curateur de madame [Q] affecte la procédure d'une nullité de fond particulièrement substantielle qui peut être soulevée pour la première fois devant la cour.
Elle fait valoir que madame [Q] a indiqué à l'audience devant le juge des libertés et de la détention être sous curatelle, que son curateur a transmis le jugement de curatelle et l'a informée par un courriel du 23 mai 2019 qu'il lui a été demandé de signer la demande de tiers des soins psychiatriques dont fait l'objet madame [Q], qu'ainsi il est démontré que l'existence de la mesure de protection dont bénéficie madame [Q] est connue de l'hôpital, que le directeur de l'établissement aurait dû préciser le nom du curateur dans sa requête.
Il convient de rappeler que s'il résulte de la jurisprudence de la chambre civile de la cour de cassation, qu'en vertu des dispositions de l'article R. 3211-13 du code de la santé publique qui prescrit 's'il y a lieu' la convocation du tuteur ou du curateur du requérant, le défaut de convocation entraîne la nullité de la procédure, encore faut il que l'information selon laquelle le patient fait l'objet d'une mesure de protection ait été porté à la connaissance du juge, ce qui ne fut pas le cas en l'espèce.
En effet, aucune pièce du dossier médical de madame [Q] ne fait référence à un curateur ou un tuteur, madame [Q] ayant indiqué à l'audience devant le juge des libertés et de la détention être sous curatelle, dès le 22 mai 2019, le greffe de la cour d'appel a transmis par fax une demande auprès du tribunal d'instance de PARIS 14ème aux fins de faire connaître si une mesure de protection était en cours concernant madame [Q], aucune réponse n'est parvenue avant la tenue de l'audience.
Dans ses conclusions d'appel, parvenus au greffe de la cour d'appel le vendredi 24 mai 2019, Me MANCIPOZ a joint notamment un jugement de curatelle renforcée du 18 décembre 2015, une ordonnance du 22 décembre 2017 désignant monsieur [G] en qualité de curateur, un courriel de ce dernier confirmant que madame [Q] l'avait prévenu de son hospitalisation et indiquant que le médecin de [Localité 2] lui avait demandé de le contacter.
Contrairement à ce que soutient Me MANCIPOZ, dans son courriel le curateur de madame [Q] n'indique pas qu'il a été informé de l'hospitalisation à [Établissement 1] mais de l'hospitalisation à [Localité 2], celle ci ayant pour cause une pneumonie.
Il y a donc lieu de rejeter l'exception de nullité.
Sur les autres moyens de nullités l'impossibilité d'obtenir une demande de soins par tiers, l'absence d'information de la famille, l'insuffisance de motivations des décisions administratives et leur notification tardive.
Dans sa décision le juge des libertés et de la détention a fait valoir que ces exceptions de nullités avaient été soulevées après la fin de non recevoir soulevée, qu'il a de ce fait déclaré ces moyens de nullité irrecevables.
La cour constate que les exceptions de procédure comme indiquées ci-dessus sont irrecevables au regard des dispositions de l'article 74 du code de procédure civile comme étant des exceptions de procédure qui n'ont pas été présentées avant toute défense au fond devant le premier juge et qui ne peuvent donc être invoquées en cause d'appel ; il convient de rappeler que ces dispositions sont applicables alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.
SUR LE FOND
Aux termes de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1.
Aux termes de l'article L. 3211-12-1 du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l'établissement a prononcé son admission ou modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète ; que cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par le psychiatre de l'établissement.
En cas d'appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine.
En l'espèce, il résulte des pièces médicales figurant au dossier, notamment de l'avis motivé du 14 mai 2019 que madame [Q] a été admise suite à une recrudescence symptomatique d'une psychose chronique, qu'elle présente une élation de l'humeur avec logorrhée plus ou moins organisée, avec une dissociation de la pensée ; elle présente un vécu délirant persécutif à mécanisme interprétatif et imaginatif centré sur son lieu de vie et ses voisins, qu'elle est dans le déni de ses troubles.
Le certificat médical de situation du 24 mai 2019 rappelle qu'il s'agit d'une patiente âgée de 73ans, suivie dans le secteur depuis de nombreuses années, hospitalisée dans un contexte de troubles du comportement dans sa résidence, associés à des éléments d'élation thymique ; les symptomes d'exaltation thymique ne régressent que très partiellement, avec un discours qui reste sublogorrhéique, diffluent ; elle présente toujours des idéations délirantes à thématique persécutive ; l'adhésion au vécu persécutif reste intact et total. Il est conclu à la nécessité de la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète.
Eu égard à l'ensemble des éléments médicaux figurant à la procédure il apparaît que [Q] présente des troubles importants du comportement se traduisant par des idées délirantes à thématique persécutive, ces éléments justifiant la poursuite de cette mesure d'hospitalisation complète sous contrainte, il convient de confirmer l'ordonnance querellée.
PAR CES MOTIFS
Le délégué du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire,
Rejetons les moyens de nullités
Confirmons l'ordonnance querellée.
Laissons les dépens à la charge de l'État.
Ordonnance rendue le 31 MAI 2019 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA MAGISTRATE DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conforme notifiée le 31 mai 2019 par fax à :
X patient à l'hôpital
ou/et ' par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l'hôpital
' tiers par LRAR
' préfet de police
' avocat du préfet
' tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d'appel de Paris