Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 08 JUILLET 2020
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03354 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5BDN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/11628
APPELANTE
SARL STEFF agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 328 358 627
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Charles CUNY de l'AARPI PHI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0026
INTIMES
Madame [A] [D] épouse [F]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 2] (MAROC)
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Sophie VICHATZKY de l'ASSOCIATION TREHET VICHATZKY, avocat au barreau de PARIS, toque : J119, avocat postulant
Assistée de Me Hélène LYON, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [P] [F]
né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 2] (MAROC)
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Sophie VICHATZKY de l'ASSOCIATION TREHET VICHATZKY, avocat au barreau de PARIS, toque : J119, avocat postulant
Assistée de Me Hélène LYON, avocat au barreau de TOULOUSE
SARL NIL, société à l'égard de laquelle un ordonnance de caducité partielle a été rendue le 27 septembre 2018
[Adresse 3]
[Localité 1]
n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
En application :
- de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19;
- de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;
- de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;
L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 2 juin 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure;
La cour composée comme suit en a délibéré :
Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre
Madame Sandrine GIL, conseillère
Madame Elisabeth GOURY, conseillère
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
*****
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 4 janvier 2010, M. et Mme [F] ont donné à bail en renouvellement à la société STEFF des locaux à usage commercial sis [Adresse 4] pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 2008 moyennant un loyer annuel de 24.974,52 euros.
Soutenant avoir constaté en 2013 que la société STEFF n'exploitait plus directement le fonds et que le local était désormais occupé par la société NIL prétendant bénéficier d'un contrat de location-gérance, M. et Mme [F] ont, par acte du 10 juillet 2014, fait assigner ces deux sociétés devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir sous astreinte une copie complète du contrat de location-gérance signé le 1er juillet 2011 et les bilans des deux sociétés pour les années 2011 à 2013 ainsi que la requalification en contrat de sous-location interdite par le bail.
Par jugement du 11 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré recevable comme non prescrite l'action en justice de M. et Mme [F] ;
- prononcé à compter du jour de la présente décision la résiliation du bail renouvelé le 4 janvier 2010, liant M. et Mme [F] et la société STEFF et portant sur des locaux à usage commercial sis [Adresse 4] ;
- condamné la société STEFF à payer à M. et Mme [F] la somme de 150 000 € (cent cinquante mille euros) à titre de dommages et intérêts ;
- rejeté la demande en dommages et intérêts formée par la société STEFF ;
- condamné la société STEFF aux dépens, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- condamné la société STEFF à payer à M. et Mme [F] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné M. et Mme [F] à payer à la société NIL la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire ;
- rejeté toute demande plus ample ou contraire.
Par déclaration du 9 février 2018, la SARL STEFF a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance en date du 27 septembre 2018, le conseiller de la mise en état a :
- Constaté à la date du 28 mai 2018 la caducité partielle de la déclaration d'appel à l'égard de la SARL NIL ;
- Dit que la procédure se poursuivra entre les autres parties ;
- Prononcé la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de la SARL NIL, sauf le droit de déférer la présente ordonnance à la Cour par l'application de l'article 916 ;
- Dit que la présente décision sera notifiée aux parties ainsi qu'à leurs représentants par lettre simple.
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 9 mai 2018, la SARL STEFF demande à la cour de :
- infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 11 janvier 2018, en ce qu'il a :
. prononcé la résiliation du bail renouvelé le 4 janvier 2010, liant Monsieur et Madame [F] et la société STEFF et portant sur des locaux à usage commercial sis [Adresse 4].
. condamné la société STEFF à payer à Monsieur et Madame [F] la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
. rejeté la demande en dommages et intérêts de la société STEFF ;
Statuant à nouveau :
A titre principal,
- juger que l'action des consorts [F] est prescrite ;
A titre subsidiaire,
- débouter les consorts [F] de leur action en résiliation du contrat ;
En tout état de cause,
- condamner solidairement les consorts [F] à titre de dommages et intérêts, à payer à la société STEFF la somme de :
. 20 000 euros au titre du préjudice économique ;
. 20 000 euros au titre du préjudice moral ;
- condamner solidairement les consorts [F] à payer à la société STEFF la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 3 août 2018, les consorts [F], demandent à la cour de :
Vu le bail commercial initial des locaux sis [Adresse 4] du 15 janvier 1981,
Vu les dispositions de 1224 du code civil et celles des articles 699 et 700 du code de procédure civile,
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 11 janvier 2018 en ce qu'il a considéré que l'action en résiliation du bail intentée dans le délai quinquennal par Monsieur [F] n'était pas prescrite,
- Confirmer par conséquent le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 11 janvier 2018 :
. en ce qu'il en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail liant Monsieur et Madame [F] à la société STEFF à compter du 4 janvier 2010 pour les locaux à usage commercial sis [Adresse 4],
. en ce qu'il a reconnu à Monsieur et Madame [F] le droit d'être indemnisés au titre du préjudice financier causé par la signature des trois contrats de sous location en violation de l'interdiction contenue dans le bail,
. et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société STEFF,
STATUANT SUR L'APPEL INCIDENT DE MONSIEUR ET MADAME [F] :
- Infirmer le jugement en ce qu'il n'a alloué aux époux [F] qu'une somme de 150.000 € et non pas celle de 300.000 € sollicitée par ceux-ci,
- CONDAMNER la société STEFF au paiement d'une indemnité de 300 000 euros en réparation du préjudice financier qu'elle a causé aux époux [F] en sous louant le local sis [Adresse 4] appartenant à ces derniers,
EN CAS DE REJET DE CET APPEL INCIDENT :
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de grande Instance de Paris en ce qu'il condamnait la société STEFF au paiement d'une indemnité de 150 000 euros ;
En tout état de cause,
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de grande Instance de Paris en ce qu'il condamnait la société STEFF au paiement d'une indemnité de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC,
Y ajoutant :
- CONDAMNER la société STEFF au paiement d'une indemnité de 7 000 euros en application de l'article 700 CPC pour l'instance d'appel ainsi que les entiers dépens dont distraction au profit de l'avocat soussigné,
- DEBOUTER les défenderesses de l'ensemble de leurs demandes formées à titre reconventionnel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 juin 2020.
L'affaire était fixée pour être plaidée à l'audience du 2 juin 2020 à 14h. Conformément aux ordonnances de roulement rectificatives du premier président de la cour d'appel de Paris en date des 23 avril 2020 et 20 mai 2020, et en application de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, le président de la chambre a décidé que la procédure se déroulerait selon la procédure sans audience et il en a informé les parties. Celles-ci ont expressément accepté le recours à cette procédure sans audience de plaidoiries.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prescription de l'action :
La société STEFF reproche au premier juge d'avoir déclaré recevable l'action du bailleur alors que l'action en requalification du contrat de location-gérance en contrat de sous-location est prescrite au regard des dispositions de l'article L. 145-60 du code de commerce et que par conséquent le bailleur ne peut se prévaloir d'une sous-location pour solliciter la résiliation judiciaire du bail.
La cour rappelle qu'en application de l'article L. 145-60 du code de commerce, toutes les actions exercées en vertu du chapitre régissant le statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.
Il résulte de ce texte que seules les actions statutaires relèvent de la prescription abrégée de l'article L. 145-60 et que toutes les autres sont soumises à la prescription quinquennale de droit commun.
S'il n'est pas discuté que l'action en requalification d'un contrat de location-gérance en contrat de sous-location met en cause une question relevant du statut et est soumise à la
prescription de l'article L. 145-60, l'action intentée par M. et Mme [F] est d'une autre nature dès lors qu'elle tend à la résiliation judiciaire du bail pour manquement de la locataire à ses obligations contractuelles pour avoir, sous couvert d'une location-gérance, procédé à une sous-location dans des conditions prohibées par le bail. L'action du bailleur relève ainsi de la prescription quinquennale de droit commun dont le point de départ est constitué par la date à laquelle il a eu connaissance de l'infraction dont il se prévaut.
Il n'est pas contesté que la demande de résiliation judiciaire du bail a été formée pour la première fois par le bailleur aux termes d'écritures notifiées par voie électronique le 19 février 2017. Ayant eu connaissance de l'exploitation du fonds par la société NIL en mars 2013, il n'encourt aucune prescription de sorte que la fin de non-recevoir soulevée par la société STEFF sera écartée.
Sur la résiliation judiciaire du bail :
La société STEFF fait valoir que M. et Mme [F] sont défaillants dans l'administration de la preuve qui leur incombe quant à la prétendue absence de réalité de son exploitation du fonds dans les mois ayant précédé la première mise en location-gérance. Elle soutient au contraire qu'elle a exploité son fonds de commerce de prêt-à-porter féminin spécialiste de grandes tailles sous l'enseigne 'SANS COMPLEXE' sans interruption pendant onze ans avant de décider de le mettre en location-gérance ; que son activité n'a jamais été interrompue ni modifiée, la mention de l'activité 'nouveautés parfumerie de luxe mercerie et bonneterie' figurant sur l'extrait Kbis de 2003 n'ayant pas de valeur probante car découlant du code APE n'ayant qu'une valeur indicative ; que son objet social n'a fait l'objet que d'une modification en 2009 pour ajouter la possibilité d'exploiter en location-gérance. Elle invoque également la continuité de l'exploitation du fonds de commerce par les locataires-gérants successifs, se prévalant de la reprise du matériel, de l'absence de modification de la dénomination et de la nature du fonds de commerce, de l'identité des fournisseurs.
M. et Mme [F] répliquent qu'ils établissent que les contrats signés constituent en réalité des sous-locations prohibées par le bail. A cet effet, ils font valoir qu'il n'y a pas eu de reprise de stock, matériel, marchandise ou personnel par les locataires-gérants ; que la clientèle avait disparu, la société STEFF ayant modifié son activité en août 2009 pour exercer l'activité référencée sous le code APE 4775Z 'commerce de détail de parfumerie et de produits de beauté', activité qui avait déjà été exercée ainsi qu'en atteste l'extrait Kbis de novembre 2003, avant de transférer son siège social au [Adresse 1] le 26 mars 2020 ; qu'il n'existe pas de continuité entre l'activité exploitée par la société STEFF et celle des locataires-gérants successifs, la conservation de l'enseigne n'étant pas suffisante pas plus que l'existence de fournisseurs communs, les sociétés NIL et HELLA MARIAGE ayant plusieurs établissements ; que les liens particulièrement étroits entre la société STEFF et ces deux dernières sociétés tendent à établir que l'appelante cède peu à peu ses fonds de commerce après avoir conclu des contrats intitulés location-gérance, les loyers exorbitants des prétendues locations-gérances comprenant une partie du prix de cession auquel elle cède ses droits au bail sous forme de cession de fonds.
Le bail initial dont est titulaire la société STEFF comporte, au titre des charges et conditions, une interdiction de toute cession de droit au bail, toute sous-location sans le consentement exprès et écrit du bailleur, sauf toutefois dans le cas de cession du bail à son successeur dans le commerce. Aucune clause de ce bail n'interdit en revanche la location-gérance.
La cour rappelle que l'article L. 144-1 du code de commerce définit la location-gérance comme un contrat par lequel le propriétaire ou l'exploitant d'un fonds de commerce en concède la location à un gérant qui l'exploite à ses risques et périls ; qu'elle se distingue de la sous-location qui ne transfère que la jouissance des locaux alors qu'elle n'est qu'un accessoire du contrat de location-gérance.
Il est constant que la société STEFF a, aux termes d'un acte du 31 décembre 1998, acquis
de la société JR le fonds de commerce de prêt-à-porter exploité par cette dernière au [Adresse 4] et y a exercé dès l'année 1999 une activité sous l'enseigne 'sans complexe' avant de conclure successivement trois contrats de location-gérance portant sur son fonds, à savoir :
- un premier contrat, le 28 février 2010 avec Mme [H] [S], précédemment salariée de la société STEFF, portant sur un fonds de commerce de prêt-à-porter détail de vêtements Femmes et Enfants, le fonds comprenant l'enseigne, le nom commercial, la clientèle, l'achalandage y attachés, le droit au bail, le mobilier et matériel commercial servant à son exploitation décrits dans un inventaire annexé,
- un deuxième contrat le 1er juillet 2011 avec la société NIL portant sur un fonds de commerce de prêt à porter détail de vêtements Femmes et Enfants, le contrat prévoyant que le fonds comprend l'enseigne, le nom commercial, la clientèle, l'achalandage y attachés, le droit au bail, le mobilier et le matériel commercial décrit dans un inventaire annexé sans pour autant que cet inventaire ne soit produit,
- un troisième contrat le1er septembre 2016 avec la société HELLA MARIAGE portant sur un fonds de commerce de détail de vêtements confectionnés ou tissés en tissus, en peaux, en fourrure et synthétique, accessoires et lingerie femmes et enfants, bijouterie fantaisie, le fonds comprenant l'enseigne, le nom commercial, la clientèle, l'achalandage y attachés, le mobilier commercial, le matériel servant à son exploitation décrits dans un inventaire non produit aux débats, le droit au bail.
Aucun de ces contrats régulièrement enregistrés ne prévoit de reprise du personnel ou de stock mais ces constatations ne suffisent pas à établir que les locations-gérances alléguées sont en réalité des sous-locations déguisées dès lors que l'élément essentiel du fonds est constitué par l'existence d'une clientèle propre qui lui est attachée, la preuve de la disparition de la clientèle et donc du fonds lors de la signature du contrat de location-gérance incombant au bailleur.
Il ressort de l'historique des inscriptions modificatives de la société STEFF produit aux débats par M. et Mme [F] que son établissement secondaire du [Adresse 4] est devenu l'établissement principal au 18 août 2009, date de dépôt au tribunal de commerce des statuts modifiés de la société STEFF en suite de l'assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2009 ayant fixé le siège social à cette adresse aux lieu et place du [Adresse 5] et qu'à la date du 18 août 2009, le code APE du siège qui correspondait depuis le 5 janvier 2000 à une activité de 'commerce de détail d'habillement' (524C) a été modifié pour faire référence à une activité de 'commerce de détail de parfumerie et de produits de beauté' (code 4775Z), étant précisé que l'extrait Kbis de 2003 dont les parties font état dans leurs conclusions n'est pas produit. Cette mention de l'établissement du [Adresse 4] en tant qu'établissement principal a eu pour corollaire celle de sa suppression en tant qu'établissement secondaire mais contrairement à l'analyse qui en a été faite par le premier juge elle n'induit pas la disparition de la clientèle attachée au fonds exploité à l'adresse du [Adresse 4]. En outre, la modification du code APE du siège résultant de l'inscription modificative du 18 août 2009 ne saurait constituer la preuve d'un changement d'activité alors que le certificat d'inscription au Répertoire des Entreprises et des Etablissements établi le 17 août 2009 en suite de l'événement survenu le 30 juin 2009, à savoir la modification des statuts de la société STEFF, vise une activité de commerce de détail d'habillement en magasin spécialisé dans l'établissement du [Adresse 4]. A cet égard, la cour rappelle que le seul code APE n'a pas de valeur probante et que les modifications mentionnées ne suffisent pas à rapporter la preuve d'un changement d'activité. Il n'est dès lors pas établi un changement d'activité préalablement à la mise en location-gérance du fonds de nature à établir la disparition de la clientèle attachée au fonds alléguée par M. et Mme [F].
S'agissant de l'absence alléguée de continuité de l'activité exploitée depuis la mise en location-gérance, le contrat conclu avec Mme [S] comporte en annexe la liste du matériel repris tels que des mannequins, portants, présentoir, caisse enregistreuse, machines à coudre, fer à repasser. Si une telle liste n'est pas annexée aux deux autres contrats de location-gérance, la reprise du matériel est néanmoins prévue.
Les contrats de location-gérance conclus tant avec Mme [S] qu'avec la société
NIL visent une activité de commerce de prêt-à-porter détail de vêtements Femmes et Enfants tandis que troisième contrat mentionne qu'il porte sur un fonds de commerce de vêtements confectionnés ou tissés en tissus, en peaux, en fourrures et synthétique, accessoires et lingerie Femmes et enfants, bijouterie fantaisie. Il ne peut être invoqué de ce chef un changement dans la nature du fonds, ces activités relevant du même secteur et ciblant la même clientèle. Le grand-livre des fournisseurs de la société STEFF et des locataires-gérants successifs met d'ailleurs en évidence des fournisseurs communs entre celle-ci et les locataires-gérants successifs et s'il n'est pas discuté que les société NIL et HELLA MARIAGE disposent de plusieurs établissements, l'attestation du fournisseur LIN vise les périodes des locations-gérances consenties à ces dernières avant la reprise du fonds par la société STEFF en juin 2017 de sorte qu'il ne peut y avoir de confusion avec les autres établissements exploités par les locataires-gérants.
Il n'est par ailleurs pas contesté que l'enseigne 'sans complexe' a été utilisée par les locataires-gérants successifs et s'il ressort également de la production d'un extrait Kbis de la société NIL du 28 novembre 2016, postérieur à la résiliation du contrat de location-gérance la concernant, qu'elle exploite dans le local voisin du [Adresse 3] une activité de prêt-à-porter sous cette même enseigne 'sans complexe', en vertu d'un contrat de location-gérance qui lui a été consenti par la société ALICE, les attestations produites aux débats par la société STEFF et établies notamment par Mmes [Y] et [X] relatent qu'en 2018, soit après la résiliation du contrat de location-gérance consenti à la société HELLA MARIAGE, la boutique 'sans complexe' du [Adresse 4] procédait toujours et depuis 2000 à la vente de prêt-à-porter femme grande taille.
Il ne résulte dès lors pas de ces éléments que le fonds n'existait plus lorsque la société STEFF a conclu les contrats en cause ou qu'il y ait eu une absence de continuité de l'activité pendant la durée des contrats en cause de sorte que M. et Mme [F] ne peuvent se prévaloir de sous-locations déguisées. La demande de résiliation du bail reposant sur ce fondement sera en conséquence rejetée et par voie de conséquence la demande de dommages-intérêts formée par les bailleurs en découlant, et le jugement entrepris infirmé.
Sur la demande de dommages-intérêts :
L'exercice de l'action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages-intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. Faute pour la société STEFF de rapporter la preuve qui lui incombe, elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les demandes accessoires :
Le jugement entrepris étant infirmé, M. et Mme [F] supporteront les dépens de première instance et d'appel.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ni en première instance ni en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par mise à disposition, contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclare recevable comme non prescrite l'action en justice de M. et Mme [F],
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute M. et Mme [F] de leur demande de résiliation judiciaire du bail et de leur demande de dommages-intérêts subséquente,
Déboute la société STEFF de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. et Mme [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE