DOSSIER N : 13/ 508
X...Julie
c/
Y...Adrien
Expédition certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire délivrée le à
-SCP Delvincourt-Caulier Richard-Maître Wosniak-Faria
L'AN DEUX MIL TREIZE,
Et le vingt sept février,
A l'audience de la Cour d'Appel de REIMS, où était présent et siégeait Monsieur Thierry Roy, Premier Président, saisi en application des dispositions de l'article 1061-1 du Code de procédure civile, assisté de Madame DRAPIER, Greffier,
Vu la déclaration d'appel enregistrée au Répertoire général de la Cour le 21 février 2013,
A la requête de :
Madame Julie X..., née le 23 octobre 1990 à Reims (Marne), demeurant ...,
Demanderesse,
Représentée par la SCP Delvincourt-Caulier Richard, Avocats au Barreau de Reims,
A
Monsieur Adrien Y..., né le 23 novembre 1984 à Reims (Marne), demeurant ...,
Défendeur, comparant en personne,
Assisté par Maître Wosniak-Faria, Avocat au Barreau de Reims,
Vu l'avis donné aux avocats d'avoir à comparaître le jeudi 21 février 2013 à 17 heures 30, devant Monsieur le Premier Président statuant en application des dispositions de l'article 1061-1 du Code de procédure civile,
A ladite audience, Monsieur le Premier Président a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, assisté de Madame Bif, Greffier,
A l'issue des débats, il a été indiqué que le délibéré serait prononcé le mercredi 27 février 2013, Et ce jour, 27 février 2013, a été rendue l'ordonnance suivante par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile :
Par courrier déposé au greffe de la Cour d'appel de Reims le 21 février 2013, Mademoiselle Julie X...a relevé appel, au visa de l'article 1061-1 du Code de procédure civile, d'un jugement rendu le 20 février 2013 par le Tribunal d'instance de REIMS qui, statuant en matière de funérailles, a fait droit à la demande de son ex-concubin, Monsieur Adrien Y..., en ordonnant l'inhumation de l'urne contenant les cendres de leur fille Chloé dans le cimetière de ... à Reims, alors que Mademoiselle X...souhaitait disperser les cendres sur la commune de Sermiers, berceau familial de la famille maternelle.
Mademoiselle X...réitère son argumentation liminaire tendant à obtenir la nullité de l'assignation délivrée sur requête pour violation des articles 16 et 495 du Code de procédure civile dans la mesure où seule l'ordonnance a été signifiée à la défenderesse sans que la copie de la requête lui soit remise, une telle irrégularité portante atteinte aux droits de la défense puisqu'elle ne permet pas de vérifier les conditions dans lesquelles l'ordonnance été obtenue.
Sur le fond, elle rappelle qu'elle s'est trouvée enceinte d'Adrien Y...alors qu'elle était âgée d'à peine 16 ans et qu'elle a accouché le 1er août 2007 d'une petite fille, Chloé ; que le couple s'est rapidement séparé en décembre 2007 dans des conditions difficiles suivies de nombreux incidents survenus au cours de l'année 2008, Julie X...reprochant à son ancien concubin de l'agresser verbalement et physiquement, de la harceler au téléphone et de la menacer ainsi que ses amis.
En novembre 2008, dans un souci d'apaisement, et après un jugement rendu le 11 septembre 2008 par le tribunal correctionnel ayant condamné Adrien Y...pour violences sans incapacité par concubin et appels téléphoniques malveillants réitérés, un accord a été homologué par le juge aux affaires familiales précisant un exercice conjoint de l'autorité parentale, organisant un droit de visite et d'hébergement pour le père au domicile de ses parents les deuxième et quatrième fins de semaine de chaque mois, à charge pour les grands-parents paternels de venir chercher l'enfant, et fixant une contribution d'éducation et d'entretien de 50 € par mois.
Mademoiselle X...soutient que le droit de visite et d'hébergement n'a été exercé que pendant quelques mois seulement, puis que les grands-parents ne sont plus venus chercher l'enfant et que Monsieur Y...ne venait que de façon épisodique et aléatoire pour exiger l'exercice de son droit de visite, ce à quoi elle s'opposait.
Le diagnostic d'un gliome infiltrant du tronc cérébral ayant été découvert le 5 septembre 2011, Chloé a été hospitalisée à Reims puis à Nancy, et enfin au domicile de ses grands-parents maternels où elle est décédée le 13 février 2013.
Mademoiselle X...déclare avoir prévenu son ex-concubin de la survenance de la maladie par courrier du 23 septembre 2011 adressé au domicile des grands-parents paternels, seule adresse qu'elle connaissait de l'intéressé. Elle conteste le fait que Monsieur Y...aurait été exclu des décisions médicales alors qu'il était informé des dates de consultation, des séances de rayons et chimiothérapie, auxquelles il n'a assisté qu'à de rares occasions alors qu'il prétend avoir été présent à tous les rendez-vous.
Elle soutient que Monsieur Y...ne s'occupait qu'occasionnellement de leur fille sans cesser d'entretenir des rapports agressifs et menaçants avec elle, même en présence de leur enfant.
Après le décès, Monsieur Y...a multiplié les interventions intempestives auprès des pompes funèbres et au funérarium cherchant encore à nuire à sa famille.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, elle soutient que l'intérêt de l'enfant est aujourd'hui irréaliste, que seul l'intérêt des parents peut exister.
Elle précise en outre qu'elle a été tenue dans l'ignorance de l'assignation qui a été remise le 18 février par l'huissier à son père, lequel n'a pas souhaité, compte tenu des circonstances, lui faire part de l'audience prévue le 20 février, lendemain du jour de la crémation. Que dans l'ignorance également de la décision rendue par le juge d'instance, elle s'est fait remettre le 21 février l'urne contenant les cendres qu'elle a aussitôt dispersées à Sermiers.
Elle considère que la demande de Monsieur Y...n'est pas légitime et conclut à l'infirmation de la décision et au débouté de sa demande.
Monsieur Adrien Y...rappelle qu'il a reconnu l'enfant dès le 8 juillet 2007 et que depuis l'ordonnance du juge affaires familiales, l'autorité parentale est conjointe, ce qui implique la recherche d'un commun accord pour définir les modalités des funérailles de l'enfant mineure.
Il constate que Mademoiselle X...lui dénie toute prérogative sur ce point, après l'avoir écarté de la vie de sa fille et de l'avoir empêché d'exercer son droit de visite. Il lui reproche de ne pas l'avoir prévenu rapidement de sa maladie, ni des soins qui lui ont été prodigués, les seules informations obtenues l'ayant été par les médecins ou l'hôpital.
Il affirme avoir été présent à tous les rendez-vous en dépit des obstacles qui lui ont été opposés, mais n'a pu être à ses cotés dans les derniers moments, l'accès au domicile de la mère lui ayant été refusé. De même, sa présence n'a pas été jugée souhaitable au funérarium où des incidents l'ont opposé à son ex concubine.
Monsieur Y...souhaite faire le deuil de sa fille et disposer d'un lieu de recueillement ; Pour tenir compte des rapports conflictuels entre Mademoiselle X...et lui, et dans l'intérêt de l'enfant, il souhaite que le lieu de recueillement ne soit pas attaché aux familles paternelle et maternelle et qu'un lieu neutre permettrait aux parents de se recueillir sur une sépulture réservée à l'enfant.
SUR CE,
Sur la nullité de l'assignation :
L'article 1061-1 du Code de procédure civile dispose qu'en matière de contestation sur les conditions des funérailles, " le tribunal d'instance est saisi à la requête de la partie la plus diligente selon l'un des modes prévus à l'article 829. Il statue dans les vingt-quatre heures. Appel peut être interjeté dans les vingt-quatre heures de la décision devant le premier président de la cour d'appel. Celui-ci ou son délégué est saisi sans forme et doit statuer immédiatement. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat " ;
Cette procédure spécifique, dérogatoire au droit commun, qui organise une procédure à très bref délai, renvoie à l'article 829 du Code de procédure civile lequel précise que la demande en justice devant le tribunal d'instance est formée par assignation, ou par une requête conjointe, ou encore par la présentation volontaire des parties devant le juge ;
Mademoiselle X...ayant été en l ‘ espèce régulièrement assignée, il ne saurait être fait grief à l'huissier de ne pas avoir joint la requête à l'ordonnance du juge, les dispositions de l'article 495 du Code de procédure civile n'étant pas applicable dans ce cas. Au surplus, le juge d'instance a relevé à juste titre que l ‘ assignation comportait les prétentions, moyens et arguments qui figuraient dans la requête ainsi que les pièces annexées, ce qui ne permet pas à Mademoiselle X...de justifier d'un quelconque grief ;
Au fond :
Le père de Mademoiselle X..., réceptionnaire de l'assignation affirme qu'il n'a pas voulu en informer sa fille compte tenu des moments douloureux qu'elle traversait, mais il a néanmoins missionné un avocat pour la représenter et assurer la défense de ses droits devant le tribunal d'instance ;
Cette rétention d'information est présentée comme ayant aussi permis par la suite à Mademoiselle X...de retirer seule l'urne auprès des pompes funèbres et d'accomplir son voeu en dispersant les cendres sur la commune de Sermiers, où elle avait des attaches familiales ;
Ce complot familial, qui constitue une voie de fait délibérée, n'a semble-t-il d'autre but que de faire échec à la voie judiciaire et d ‘ empêcher par tous les moyens le père de faire valoir ses droits ;
Il est profondément regrettable qu'à un moment aussi douloureux pour des parents, et quelles que soient la nature et la gravité des événements antérieurs qui ont pu affecter les relations du couple, les cendres d'un enfant soient encore utilisées pour régler des comptes ;
Le juge d'appel ne peut que constater que Mademoiselle X..., s'étant fait justice à elle-même au mépris des droits du père, n'a plus aucun intérêt à agir, ce qui prive par là même son appel d'une grande partie de son sens, au propre comme au figuré ;
Elle reste néanmoins consciente de l'ambiguïté de sa démarche, puisqu'elle ne demande pas explicitement le droit de disperser les cendres, mais se borne à demander le débouté de la demande du père, et ce qui revient au même en appel, l'infirmation de la décision ;
Cette décision du juge d'instance est pourtant empreinte de sensibilité et de respect des droits des deux parents au regard de l'accord, qu'ils avaient demandé à la justice d'homologuer, entérinant un partage conjoint de l'autorité parentale ;
Les reproches actuels fait au père concernant son absence, le non exercice des droits de visite, le non paiement de la pension alimentaire, n'ont cependant jamais donné lieu à une demande de déchéance de l'autorité parentale ;
En fin et surtout, il apparaît assez vain et dérisoire de mettre sur le même plan les incidents qui ont émaillé le couple de 2008 à 2013 avec la confiscation face à la mort de la procédure des funérailles. Il s'agit de valeurs différentes qui ne méritent pas le même traitement ;
La jurisprudence considère d'ailleurs généralement que la recherche d'un lieu neutre dans la commune où le couple a vécu, fussent quelques mois en harmonie, représente le meilleur compromis pour traduire l'intérêt de l'enfant ;
En tant que de besoin, il y a lieu, en conséquence, de confirmer par principe la décision ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRMONS en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 février 2013 par le juge d'instance de REIMS,
CONDAMNONS Mademoiselle Julie X...aux dépens.
Le Greffier, Le Premier Président,