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14/12/2018 | FRANCE | N°16/05449

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 14 décembre 2018, 16/05449


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°462



R.G : N° RG 16/05449 et 16/05529 joints - N° Portalis DBVL-V-B7A-NEPL













M. Dominique X...



C/



SARL MEDIACO ATLANTIQUE

















Jonction et infirmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPE

L DE RENNES

ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2018







COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:



Monsieur E... L'HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors ...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°462

R.G : N° RG 16/05449 et 16/05529 joints - N° Portalis DBVL-V-B7A-NEPL

M. Dominique X...

C/

SARL MEDIACO ATLANTIQUE

Jonction et infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Monsieur E... L'HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 08 Novembre 2018

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Décembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT et intimé à titre incident :

Monsieur Dominique X...

né le [...] à SAINT-NAZAIRE (44)

demeurant [...]

représenté par Me Marie-Madeleine Y..., Avocat au Barreau de NANTES

INTIMEE et appelante à titre incident :

La SARL MEDIACO ATLANTIQUE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

Chemin du Moulin de la Ramée - ZI de Noés

[...]

représentée par Me Sonia Z... substituant à l'audience Me Emeric LEMOINE de la SELAFA CMS BUREAU D... A..., Avocats au Barreau des HAUTS-DE-SEINE

M. Dominique X... a été engagé le 31 mars 2008 par la SARL MEDIACO ATLANTIQUE, spécialisée dans la location avec opérateur de matériel de levage, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de chauffeur grutier manutentionnaire, statut ouvrier, groupe 5, coefficient 128 suivant la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

M. X... a été en arrêt de travail durant plusieurs périodes entre les août et décembre 2013. Il a été déclaré apte en 'évitant au maximum le port de charges lourdes' le 10 décembre 2013, puis le 17 mars 2014, apte avec restriction 'sans port de charges lourdes de plus de 25 kg manuellement'.

Le 17 mars 2015, M. X... a fait l'objet d'un avertissement pour être arrivé en retard sur un chantier le 3 février 2015 et avoir abîmé le rétroviseur de la grue le 9 février 2015.

Le 18 mars 2015, M. X... a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est tenu le 30 mars 2015. Il a été licencié pour faute grave le 14 avril 2015.

M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de NANTES le 11 août 2015, pour voir dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et obtenir le règlement de diverses sommes :

- 1.833,02 € au titre de rappel sur salaires lié à la mise à pied conservatoire,

- 3.173,12 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 4.402,36 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 713,32 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- 35.000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour est saisie d'un appel régulièrement formé par M. X... le 11 juillet 2016 contre le jugement du 16 juin 2016, par lequel le conseil de prud'hommes a :

- Dit que le licenciement de M. X... est intervenu pour faute grave,

- Dit que la moyenne des salaires retenue est de 2.201,18 € brut,

- Condamné la SAS MEDIACO ATLANTIQUE à verser à M. X... les sommes suivantes :

- 713,32 € brut au titre du solde des congés payés et 71,33 € brut au titre des congés payés afférents, assorties des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2015 et capitalisation des intérêts et ce, sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard à compter du 15ème jour jusqu'au 45ème jour suivant le prononcé du présent jugement,

- 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné à la SAS MEDIACO ATLANTIQUE de remettre à M. X... un bulletin de salaire récapitulatif des sommes dues au titre du solde de congés payés et des congés payés afférents, une attestation Pôle Emploi rectifiée, tout document conforme à la présente décision, sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard à compter du 15ème jour jusqu'au 45ème jour suivant le prononcé du présent jugement,

- Débouté M. X... du surplus de ses demandes,

- Dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision présente, et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire devront être supportées par la société défenderesse,

- Condamné la SAS MEDIACO ATLANTIQUE aux entiers dépens.

Vu les écritures de M. X... soutenues oralement à l'audience et par lesquelles il demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- fixé le salaire moyen à 2.201,18 €,

- condamné la société MEDIACO à payer le solde de l'indemnité de congés payés à hauteur de 713,32 € brut, outre 71,33 € brut au titre des congés payés afférents et lui décerner acte du règlement déjà effectué,

- Infirmer le jugement pour le surplus,

- Condamner la SAS MEDIACO ATLANTIQUE à lui payer les sommes suivantes ;

- 1.833,02 € au titre de rappel sur salaires lié à la mise à pied conservatoire et 183,30 € au titre des congés payés afférents,

- 3.173,12 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 4.406,36 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 440,06 € au titre des congés payés afférents,

- 713,32 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- Condamner MEDIACO ATLANTIQUE à la remise du bulletin récapitulant les sommes dues, ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiée, tout document conforme à la décision à intervenir sous astreinte de 100 € par jour de retard,

- A titre principal prononcer la nullité du licenciement discriminatoire et pour des faits constitutifs de harcèlement moral

En conséquence,

- Prononcer sa réintégration et condamner MEDIACO ATLANTIQUE à lui payer tous les salaires dont il a été privé depuis la notification de son licenciement le 14 avril 2015, jusqu'au prononcé de la décision à intervenir,

- A titre subsidiaire, si la réintégration est impossible, condamner la société MEDIACO à payer au titre des dommages et intérêt pour nullité du licenciement, la somme de 35.000 € net,

- A titre subsidiaire, si la nullité du licenciement n'est pas prononcée, condamner MEDIACO ATLANTIQUE à lui payer au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 35.000 € net,

- En tout état de cause, dire et juger que la société MEDIACO ATLANTIQUE a violé son obligation de sécurité de résultat,

- Condamner MEDIACO ATLANTIQUE à lui payer à titre de dommages intérêts pour l'atteinte à sa sécurité et à sa santé, la somme de 15.000 € net,

- Dire et juger que la société MEDIACO ATLANTIQUE lui a fait perdre la chance de bénéficier des dispositions du compte pénibilité,

- Condamner MEDIACO ATLANTIQUE à lui payer à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la loi sur la pénibilité, la somme de 5.000 €,

- Dire que ces sommes dues porteront intérêts à compter de l'introduction de l'instance pour celle ayant le caractère de salaire et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes et que conformément à l'article 1154 du code civil, avec capitalisation,

- Condamner MEDIACO ATLANTIQUE à lui payer la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles,

- Condamner la même aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, M. X... expose en substance que':

- L'avertissement daté du 17 février 2015 lui a été notifié par remise en main propre le 17 mars 2015, seule date certaine, la veille de la mise à pied conservatoire et de la convocation à un entretien préalable à un licenciement, sans qu'aucun fait nouveau ne se soit produit'; le fait de remettre ce courrier au salarié le 17 mars 2015 alors que l'employeur prétend avoir d'autres griefs pour des faits qui se seraient produits entre le 3 février et le 16 mars 2015 emporte épuisement du pouvoir disciplinaire';

- La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige fait état de griefs qui n'ont pas été évoqués lors de l'entretien préalable et qui reprend ceux mentionnés dans la lettre d'avertissement notifiée le 17 mars 2015'; l'examen des griefs ayant donné lieu au licenciement pour faute grave révèlent des faits inexacts et n'ayant pas de caractère sérieux';

- La circonstance que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement n'aient pas été indiqués au salarié lors de l'entretien préalable caractérise une irrégularité de forme et traduit le défaut de loyauté de l'employeur et une volonté de se débarrasser d'un salarié dont l'état de santé ne lui permettait plus d'assumer ses fonctions';

- Malgré les préconisations du médecin du travail, M. X... est resté affecté à la conduite des grues et aux vibrations qui accentuaient ses dorsalgies, au port de charges lourdes et au travail dans l'atelier'; aucune mesure particulière n'a été prise par l'employeur pour assurer la sécurité de son salarié'; l'employeur a en réalité licencié son salarié en raison de son état de santé, ce qui constitue une discrimination'; le licenciement est donc nul';

- Le non-respect des préconisations du médecin du travail et la violation de l'obligation de sécurité caractérisent des faits de harcèlement moral';

- En application du décret du 9 octobre 2014 relatif à l'exposition des travailleurs à certains facteurs de risque professionnel au-delà de certains seuils de pénibilité et à sa traçabilité, M X... aurait acquis des points de pénibilité à son poste'; le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, l'employeur a privé le salarié de son poste et des dispositions de la loi, notamment la chance de pouvoir acquérir des points utilisables pour de la formation, pour la réduction du temps de travail ou pour l'acquisition de point trimestre de retraite.

Vu les écritures de la société MEDIACO ATLANTIQUE soutenues oralement à l'audience et par lesquelles elle demande à la cour de :

- Infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. X... les sommes de 713,32 € au titre des congés payés et 71,33 € au titre des congés payés afférents ainsi que 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Confirmer le jugement pour le surplus,

- Débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes,

- Condamner M. X... à lui verser la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux éventuels dépens.

La société soutient en substance que':

- Un client s'est plaint du comportement de M X... au cours de la semaine 9 du 23 au 27 février 2015, lui reprochant un retard en début d'intervention, une manipulation dangereuse à proximité des caténaires et des voies SNCF, le passage de la benne à béton au-dessus de voitures obligeant ses collègues à les nettoyer'; compte tenu de ce comportement inacceptable, M X... a été remplacé immédiatement dès le lundi de la semaine suivante et a été affecté sur un autre chantier';

- M. X... n'a pas renseigné correctement les feuilles d'attachement afférentes au chantier de Messac et de Arbodomia, contrairement aux consignes expresses'; le défaut de mention sur ces feuilles d'attachement a des incidences en terme de responsabilité';

- Le 9 février 2015, M. X... a endommagé le support rétroviseur de la grue en heurtant la benne à béton du client sur le chantier';

- Une lettre motivée a été adressée à M. X... le 17 février 2015 avec accusé de réception lui demandant de modifier son attitude'; M.. X... n'a pas retiré cette lettre d'avertissement'; cette lettre lui a été de nouveau adressé le 23 février suivant et remise en main propre le 17 mars 2015';

-Les faits à l'origine de l'avertissement ne constituent pas le motif de licenciement'; la notification de l'avertissement est bien intervenue le 17 février 2015 de sorte qu'à la date de l'engagement de la procédure de licenciement, l'employeur n'avait pas épuisé son pouvoir disciplinaire';

- Le licenciement n'est pas lié à l'état de santé de M. X...'; l'employeur a respecté les préconisations du médecin du travail.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour une bonne administration de la justice, les dossiers n°16/05449 et 16/05529 seront joints sous le n°16/5449

Sur le salaire moyen

Il résulte des bulletins de paie produits que le salaire moyen de M X... est de 2.201,18 € brut, montant au demeurant non discuté. Il convient de confirmer la décision des premiers juges sur ce point.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Vu l'article L3141-3 du Code du travail

Il résulte du bulletin de paie du mois de mars 2015 que M X... avait un solde de congé payé de 25 jours. Selon l'attestation ASSEDIC du 14 avril 2015, il a perçu à l'occasion de la rupture la somme de 1.403,20 € en paiement de 20 jours de congés payés de telle sorte que la société MEDIACO reste lui devoir les sommes de 713,32 € brut.

S'agissant d'une indemnité compensatrice de congés payés, cette indemnité ne peut donner lieu à un droit à congé payé. La décision entreprise sera infirmée sur ce point.

Sur la nullité du licenciement

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n°'2008-496 du 27 mai 2008, notamment en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article'1er de la loi n°'2008-496 du 27'mai'2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M X... soutient que la véritable cause de son licenciement est son état de santé et que l'employeur l'a licencié pour faute grave afin d'éviter une procédure de licenciement pour inaptitude.

Pour étayer ses affirmations, M. X... produit notamment':

- un certificat médical du Docteur B... du service santé du travail de la région nantaise en date du 10 juin 2013 aux termes duquel M X... présente 'des dorsalgies depuis quelques semaines, accentuées par les vibrations des engins qu'il conduit', et préconisant un arrêt de travail si nécessaire';

- une fiche d'aptitude en date du 10 juin 2013 du médecin du travail déclarant M X..., suite à une visite périodique, «'apte avec réserves, adressé à son médecin traitant pour arrêt de travail'»';

- les bulletins de paie avec mention de jours d'absence pour maladie du 19 août au 31 août 2013, du 1er au 30 septembre 2013, du 1er au 15 octobre 2013, du 1er au 30 novembre 2013, du 1er au 3 décembre 2013, du 3 au 10 mars 2014';

- un courrier en date du 16 décembre 2013 du Docteur C... du centre Rachis de Nantes des nouvelles cliniques nantaises informant le Docteur B..., médecin du travail que, s'agissant de M. X..., le port de charges lourdes n'est pas conseillé pour un patient présentant un rachis lombaire arthrosique, que les vibrations peuvent déclencher des douleurs lombaires ou radiculaires,

- le courrier en date du 5 décembre du Docteur C... au médecin traitant de M. X..., dont copie a été adressé au médecin du travail et aux termes duquel l'évolution clinique de M. X... est favorable, il souhaite reprendre rapidement son activité professionnelle pour des raisons financières mais redoute une récidive douloureuse à la reprise de travail compte tenu des contraintes de son métier de grutier,

- la fiche d'aptitude en date du 10 décembre 2013 du médecin du travail, le Docteur B..., suite à une visite de reprise, aux termes de laquelle M. X... est «'apte à essai de reprise en évitant au maximum le port de charges lourdes supérieures à 25 kg ' revoir dans 3 mois'»,

- la fiche d'aptitude en date du 17 mars 2014 du même médecin, à la suite d'une visite périodique d'un salarié bénéficiant d'une surveillance médicale renforcée, aux termes de laquelle M. X... est «'apte avec restrictions, sans port de charges lourdes de 25 kg manuellement ' à revoir si nécessaire plus tôt que juin 2015'»,

- un document relatif aux plaques de répartition et de calage pour assurer la stabilisation et l'équilibre d'équipements lourds tels que les grues mobiles, ces plaques pesant de 6 à 30 kg pour une charge maximale supportée de 500 kg à 120 T,

Ces éléments établissent que M.. X... a bénéficié de plusieurs arrêts de travail en lien avec une dorsalgie ; qu'il faisait l'objet d'une surveillance particulière de la médecine du travail compte tenu du lien entre ses conditions de travail et sa pathologie ; que le médecin du travail avait formulé des préconisations eu égard à l'état de santé de M. X.... L'employeur, destinataire des arrêts de travail, des fiches d'aptitude et des préconisations du médecin du travail, avait nécessairement connaissance de ces informations.

M. X... établit ainsi l'existence d'éléments pouvant laisser présumer que son employeur l'a licencié en raison de son état de santé.

L'employeur fait valoir que le licenciement de M. X... n'est aucunement lié à son état de santé, qu'il était apte à exercer ses fonctions, que les préconisations du médecin du travail ont été respectées, qu'il a été licencié en raison de griefs constitutifs d'une faute grave.

Il ne produit aucune pièce justifiant que les préconisations de médecin du travail étaient respectées et notamment que le poste de M. X... n'impliquait pas de déplacement de charges de 25 kg ou plus. Il ne produit aucun document sur les caractéristiques techniques des grues sur lesquelles M. X... travaillait, ni sur les plaques de calage, leurs poids, les modalités de mise en place et est particulièrement taisant sur les conditions de travail de M. X..., sauf à procéder par de simples allégations.

L'employeur prétend que le licenciement est motivé par des faits constitutifs d'une faute grave et visés dans la lettre de licenciement du 14 avril 2015, à savoir : 'au cours de la semaine 9 du 23 au 27 février 2015, votre retard en début d'intervention, votre manipulation dangereuse à proximité des caténaires et des voies SNCF, le passage au-dessus de voiture avec la benne à béton, obligeant leurs compagnons à nettoyer ces voitures', 'les feuilles d'attachements afférentes à l'opération non renseignées correctement les 23 février et 2 mars 2015".

Or par courrier daté du 17 février 2015, la société MEDIACO faisait part à M. X... du mécontentement de la société BRIAND construction lors de son intervention sur le chantier de GLASSVER le 3 février 2015 en lui reprochant son retard d'une heure. Dans ce même courrier, la société MEDIACO reprochait également à M. X... des faits constatés le 12 février 2015 et survenus le 9 février 2015, à savoir la dégradation du support du rétroviseur de la grue Tadano. Et la société MEDIACO concluait ce courrier en ces termes «'nous vous conseillons vivement de vous ressaisir sans délai, de modifier votre attitude et de faire preuve de professionnalisme dans l'exécution de votre travail, faute de quoi, nous serions contraints d'envisager de prendre à votre encontre des mesures qui pourraient être plus lourdes de conséquence'».

Ce courrier dont les termes caractérisent un avertissement a été notifié en main propre à M X... le 17 mars 2015, soit postérieurement à l'ensemble des faits visés dans la lettre de licenciement. Peu importe que la société MEDIACO ait eu connaissance ou non de la nouvelle adresse de M. X... dès lors qu'en tout état de cause, M. X... étant présent chaque jour sur son lieu de travail, elle pouvait lui remettre en main propre l'avertissement daté du 17 février 2015 sans attendre un mois. Il est constant que l'employeur qui, bien qu'informé de l'ensemble des faits reprochés à un salarié, choisit de lui notifier un avertissement seulement pour certains d'entre eux, a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer ultérieurement un licenciement pour les autres faits connus avant la date de notification de la première sanction. En conséquence, bien qu'informé de l'ensemble des faits reprochés à M. X..., la société MEDIACO a choisi de lui notifier un avertissement seulement pour certains d'entre eux. Dès lors, la société MEDIACO qui ainsi avait épuisé son pouvoir disciplinaire, ne pouvait plus prononcer un licenciement pour des faits antérieurs au 17 mars 2015, date de notification de l'avertissement et tenter ainsi de faire l'économie d'une procédure de licenciement pour inaptitude physique.

L'employeur échoue ainsi à démontrer que le licenciement est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination liée à l'état de santé de M X.... La discrimination est établie.

En application de l'article'L.1132-4 du code du travail, le licenciement intervenu dans ce contexte est nul.

M. X... demande, à titre principal, sa réintégration dans l'entreprise, sauf si elle s'avère impossible. Or l'employeur ne produit aucun élément relatif à la faisabilité de la réintégration sollicitée et ne formule aucune observation sur ce point.

En conséquence, il convient d'ordonner la réintégration de M. X... au sein de la société MEDIACO et de condamner celle-ci à lui verser les rappels de salaire à compter de la notification du licenciement jusqu'à sa réintégration effective.

Le licenciement étant déclaré nul et la réintégration du salarié étant ordonnée, il n'y a pas lieu à paiement d'une indemnité légale de licenciement, ni à une indemnité compensatrice de préavis.

M. X... a été mis à pied à titre conservatoire dès la convocation à l'entretien préalable en date du 18 mars 2015. La société MEDIACO doit donc lui verser la somme de 1.833,02 € à titre de rappel sur salaires lié à la mise à pied conservatoire et 183,30 € au titre des congés payés afférents.

M. X... étant réintégré à compter de la notification du licenciement, il n'a pas perdu de chance de pouvoir bénéficier de l'application du décret du 9 octobre 2014 relatif à l'exposition des travailleurs à certains facteurs de risque professionnel au-delà de certains seuils de pénibilité et à sa traçabilité. Il sera donc débouté de la demande faite de ce chef.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En l'espèce, l'attitude de l'employeur qui a consisté à ignorer les préconisations du médecin du travail depuis le 10 décembre 2013 en confiant de manière habituelle à M. X... une tâche dépassant ses capacités physiques eu égard à son état de santé, met en péril cet état de santé et caractérise un harcèlement moral qui sera réparé par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 8.000 €.

Sur la capitalisation des intérêts

En application de l'article 1343-2 du Code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée. En l'espèce, il doit être fait droit à cette demande.

Sur la remise de document

La société MEDIACO sera condamnée à remettre à M. X... un bulletin de paie récapitulatif et une attestation Pôle emploi rectifiée conformément à la présente décision, sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Sur les frais irrépétibles

L'équité et la situation des parties commandent l'application de l'article 700 du Code de procédure civile comme indiqué au dispositif de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe:

ORDONNE la jonction des procédures n°16/05449 et 16/05529 sous le n°16/5449';

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

- fixé le salaire moyen de M X... à la somme mensuelle de 2.201,18 €,

- condamné la SAS MEDIACO ATLANTIQUE à verser à M X... la somme de 713,32€ brut d'indemnité compensatrice au titre du solde des congés payés,

INFIRME pour le surplus

Statuant à nouveau,

DIT que le licenciement de M. X... est nul ;

ORDONNE la réintégration de M. X... au sein de la SAS MEDIACO ATLANTIQUE à compter du 14 avril 2015';

CONDAMNE la SAS MEDIACO ATLANTIQUE à verser à M. X... son salaire mensuel de 2.201,18 € du 14 avril 2015 jusqu'à sa réintégration effective ;

CONDAMNE la SAS MEDIACO ATLANTIQUE à verser à M. X... la somme de 1.833,02 € au titre de rappel sur salaires lié à la mise à pied conservatoire et 183,30 € au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNE la SAS MEDIACO ATLANTIQUE à verser à M. X... la somme de 8.000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

ORDONNE à la SAS MEDIACO ATLANTIQUE de remettre à M. X... un bulletin de paie récapitulatif et une attestation Pôle emploi rectifiée conformément à la présente décision

DEBOUTE M. X... du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE la SAS MEDIACO ATLANTIQUE aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la SAS MEDIACO ATLANTIQUE à verser à M. X... la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 16/05449
Date de la décision : 14/12/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 08, arrêt n°16/05449 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-14;16.05449 ?
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