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02/11/2009
ARRÊT N° 454
N°RG: 08/04610
CF/EKM
Décision déférée du 02 Juillet 2008 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 07/00107
Mme DUCHAC
[V] [U]
représenté par la SCP BOYER LESCAT MERLE
C/
[D] [B]
représenté par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET
[P] [E] épouse [B]
représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE NEUF
***
APPELANTE
Mademoiselle [V] [U]
[Adresse 1]
[Adresse 6]
[Localité 4]
représenté par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour
assisté de Me Hubert DESPAX, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555/2008/016058 du 28/01/2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMES
Monsieur [D] [B]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET, avoués à la Cour
assisté de la SELARL DUMAINE - LACOMBE- RODRIGUEZ, avocats au barreau de TOULOUSE
Madame [P] [E] épouse [B]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET, avoués à la Cour
assistée de la SELARL DUMAINE - LACOMBE- RODRIGUEZ, avocats au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 22 Septembre 2009 en audience publique, devant la Cour composée de :
A. MILHET, président
O. COLENO, conseiller
C. FOURNIEL, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par A. MILHET, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE :
Le 9 février 2004, les époux [B] ont formulé une offre d'achat d'une ancienne ferme avec dépendances située à [Localité 7], dont mademoiselle [V] [U] et sa mère, aujourd'hui décédée, étaient propriétaires indivises.
Mademoiselle [U] a accepté cette offre mais a refusé d'apposer sa signature sur l'acte sous seing privé que sa mère a signé le 24 mars 2004.
Une ordonnance du juge des référés a condamné mademoiselle [U] sous astreinte à signer l'acte sous seing privé de vente, décision confirmée par arrêt de cette cour, et une seconde ordonnance de référé a constaté la non exécution par mademoiselle [U] de son obligation et liquidé l'astreinte.
Cet acte n'étant pas régularisé, les époux [B] ont fait assigner mademoiselle [U] aux fins de voir dire et juger la vente parfaite et obtenir le paiement de dommages et intérêts.
Mademoiselle [U] a constitué avocat mais n'a pas conclu.
Suivant jugement en date du 2 juillet 2008, le tribunal de grande instance de TOULOUSE a :
-dit que l'offre d'achat en date du 9 février 2004 acceptée par mademoiselle [V] [U] constituait une vente parfaite ;
-dit que le jugement valait acte authentique de vente ;
-ordonné la publication du jugement à la conservation des hypothèques ;
-condamné mademoiselle [U] à payer aux époux [B] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, et celle de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
-ordonné l'exécution provisoire.
Mademoiselle [U] a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 5 septembre 2008 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas discutées.
Elle demande à la cour :
-à titre principal de :
*dire et juger que le mandat du 9 février 2004 est entaché d'une nullité absolue dans les termes de la loi du 2 janvier 1970,
*constater qu'il n'est pas produit l'autorisation du juge des tutelles quant à la signature de madame [C], tutrice venant aux droits de sa mère, madame [L],
*en l'absence d'accord sur la chose et sur le prix, infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
-à titre subsidiaire de :
*compte tenu de l'absence de sa signature et de sa volonté démontrée de ne pas vendre, dire que l'offre d'achat du 9 février 2004 ne constitue pas une vente parfaite, n'y avoir lieu à application de l'article 1583 du code civil, et réformer le jugement en toutes ses dispositions ;
-à titre très subsidiaire, de :
*dire que les circonstances de la signature contestée caractérisent un vice du consentement au titre de l'erreur et de la violence au sens de l'article 1109 du code civil,
*constater que sur les documents produits, l'offre du 9 février 2004 ne comporte pas la signature de la tutrice de sa mère et que l'accord du juge des tutelles quant à la cession projetée n'est pas produit,
*dire qu'il n'y a pas vente et débouter les époux [B] de leurs demandes, fins et conclusions ;
-à titre encore plus subsidiaire, de :
*désigner tel expert graphologue pour donner tous éléments quant à la réalité de la signature de l'offre d'achat,
*lui donner acte de ce qu'elle se réserve la possibilité d'engager, si nécessaire, une action en rescision pour lésion, dire et juger recevable une telle action et désigner trois experts au titre des dispositions de l'article 1680 du code civil.
Mademoiselle [U] sollicite enfin la condamnation des époux [B] au paiement de la somme de 3.000 euros sur les bases de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.
L'appelante fait valoir que l'offre d'achat ne porte pas de numéro alors que le mandat en comporte un le même jour, et ce en méconnaissance de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970, que l'hypothèse de sa signature le même jour est difficilement crédible, qu'elle conteste être la signataire de ce document, et que le prix est lésionnaire.
En réponse aux conclusions adverses, elle maintient sa position quant à la nullité absolue de l'offre qu'elle affirme ne pas avoir signée, souligne qu'elle n'a jamais rencontré les acheteurs, selon les témoignages adverses, et qu'elle est fragile psychologiquement, que les prétendues circonstances de la signature sont loin de caractériser un consentement libre et éclairé, et prétend que ces écritures confirment l'absence d'accord du juge des tutelles quant à la signature de l'acte par madame [C], tutrice de madame [L].
Les époux [B] concluent à la confirmation du jugement, sauf à condamner madame [U] au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, et de celle de 3.000 euros pour frais irrépétibles.
Ils demandent à la cour d'ajouter certaines mentions pour les besoins de la publication de la décision, de condamner mademoiselle [U] aux dépens qui comprendront les frais de publication après décès, et de dire que le recouvrement des dépens d'appel sera opéré par la SCP NIDECKER-PRIEU-JEUSSET.
Les intimés soutiennent que le mandat de recherche de bien à acquérir est régulier, qu'au demeurant même s'il avait été irrégulier mademoiselle [U] qui n'est pas le mandant ne serait pas recevable à en poursuivre la nullité, qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'édicte que pour sa validité une offre d'achat doive porter le numéro du mandat conféré à l'agent immobilier chargé d'une recherche de bien, que le consentement de l'appelante est intervenu après réflexion et n'est pas discutable, que l'absence de position, inexactement alléguée, de la tutrice de sa mère est sans portée sur son consentement, que l'analyse de la signature portée sur l'offre d'achat a déjà été réalisée, que la cour n'est saisie d'aucune demande de rescision pour lésion, que la tutrice de madame [L] a consenti à la cession, et que ce moyen est à ce stade sans portée, madame [L] étant décédée en cours de procédure et madame [U] ayant accepté sa succession.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 22 septembre 2009.
* * *
MOTIFS DE LA DECISION :
- Sur la nullité du mandat et de l'offre d'achat :
Mademoiselle [U] prétend dans les motifs de ses écritures que l'offre d'achat serait nulle au motif qu'elle ne porte pas le numéro du mandat d'acheter, et dans le dispositif de ses conclusions demande qu'il soit dit et jugé que le mandat du 9 février 2004 est entaché d'une nullité absolue.
Or le mandat de recherche en vue d'acheter donné par les époux [B] à la SARL CPI portant le n°972 est inscrit sur le registre des mandats tenu par l'agence immobilière conformément aux dispositions de l'article 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972.
L'appelante ne justifie de l'existence d'aucune disposition légale ou réglementaire exigeant qu'une offre d'achat, dont la forme est soumise au droit commun, porte le numéro du mandat confié à l'agent immobilier.
En conséquence ce moyen de nullité doit être rejeté.
- Sur les contestations relatives à l'acceptation de l'offre d'achat :
L'offre d'achat du 9 février 2004 est revêtue de la signature des acquéreurs et d'une signature pour le vendeur, dont mademoiselle [U] dénie l'authenticité, tout en admettant qu'elle ressemble à la sienne.
Elle verse aux débats à titre d'éléments de comparaison :
-un mandat de vente avec exclusivité, non daté, donné à l'agence TED IMMOBILIER
-une photocopie de sa carte nationale d'identité
-un courrier du 22 janvier 2007 adressé à la SARL CPI.
L'examen des signatures apposées sur ces documents fait ressortir des différences, notamment dans les caractéristiques d'attaque de la première lettre et le graphisme d'ensemble, ce qui démontre que l'intéressée signe habituellement selon un tracé libre dépourvu d'une grande régularité.
La comparaison entre ces signatures et la signature litigieuse révèle cependant de nombreux points de similitude quant à la composition, la taille et l'inclinaison de la signature, ainsi que la forme et la terminaison de plusieurs lettres.
Ces éléments de convergence, confrontés aux variations de tracé relevées entre les signatures fournies aux fins de comparaison, conduisent à retenir l'authenticité de la signature déniée, sans qu'il y ait lieu de recourir à une expertise graphologique.
Au demeurant il résulte du témoignage de monsieur [J] et de madame [G], dont l'appelante n'a pas contesté en justice la sincérité, que mademoiselle [U] a signé cette offre d'achat à leur domicile en présence de trois de ses amis, ce que confirme l'agent immobilier dans une attestation sur l'honneur datée du 7 mars 2005.
Les déclarations de ces personnes sur les circonstances de l'acceptation de l'offre ne permettent nullement de suspecter la validité du consentement donné par mademoiselle [U], laquelle ne fournit aucune pièce de nature à caractériser l'erreur ou la violence dont elle prétend avoir été l'objet.
Elle produit uniquement une convocation en date du 17 janvier 2008 pour une audience du juge des tutelles de TOULOUSE relative à la mise en place d'une mesure de protection la concernant, mais il ne peut être tiré aucune conséquence de cette procédure postérieure de près de quatre ans à l'acceptation de l'offre d'achat des époux [B], étant au surplus observé qu'il n'est pas justifié de l'instauration effective d'une mesure de protection à l'égard de l'appelante.
La proposition d'achat a donc été régulièrement acceptée par mademoiselle [U] le 9 février 2004, et elle contient toutes les données nécessaires à l'identification du bien ainsi que la mention d'un prix déterminé, de sorte que l'accord des parties sur la chose et sur le prix a ainsi été parfaitement concrétisé.
- Sur l'absence d'autorisation du juge des tutelles concernant la signature de l'acte sous seing privé pour madame [L] veuve [U] :
Madame [C], désignée par le juge des tutelles en qualité de tutrice de madame [N] [L] suivant décision du 4 décembre 2000, a signé l'acte sous seing privé de vente du 24 mars 2004.
L'autorisation du juge des tutelles pour la vente est mentionnée au titre des conditions suspensives sans lesquelles l'acquéreur n'aurait pas contracté.
Selon l'acte de notoriété établi à la suite du décès de son père monsieur [R] [U], mademoiselle [V] [U] était héritière de la totalité des biens meubles et immeubles dépendant de la succession de ce dernier, sauf les droits de sa conjointe survivante, à savoir l'usufruit de l'ensemble des biens en l'absence d'exercice par l'épouse du droit d'option ouvert par l'article 758-4.
Madame [N] [U] est décédée le [Date décès 3] 2005.
Il n'est pas contesté que mademoiselle [U], nue-propriétaire qui a refusé de signer l'acte sous seing privé, est titulaire de la pleine propriété des biens objet de la cession litigieuse du fait du décès de sa mère dont elle a accepté la succession.
Par suite le défaut de réalisation de la condition suspensive tenant à l'autorisation du juge des tutelles est dépourvu d'incidence sur le caractère parfait de la vente intervenue entre elle et les époux [B].
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que l'offre d'achat du 9 février 2004, acceptée par mademoiselle [V] [U], constituait une vente parfaite, et que ledit jugement valait acte authentique de vente.
- Sur le caractère lésionnaire du prix :
Les bien vendus ont été estimés en mars 2004 par la Bourse de l'Immobilier à 152.000 euros prix net vendeur.
Le prix convenu de 107.000 euros représentant 8,44 douzièmes de cette estimation n'apparaît pas lésionnaire.
L'existence d'une lésion n'est pas davantage argumentée si l'on se réfère à l'évaluation faite en 2009 par l'expert immobilier RIVIERE qui propose une valeur vénale de 160.000 euros en 2004, dont le prix de 107.000 euros correspond à 8,02 douzièmes.
Mademoiselle [U] ne produit pas d'éléments de nature à faire présumer la lésion qu'elle invoque.
- Sur les autres demandes :
En ne déférant pas à deux injonctions successives du juge des référés, alors que son accord avait été donné en début d'année 2004, et en persistant dans son refus d'honorer son engagement, mademoiselle [U] a fait preuve d'une résistance manifestement abusive.
La somme de 2.000 euros allouée par le premier juge aux époux [B] à titre de dommages et intérêts sera confirmée.
Il convient de maintenir l'indemnité pour frais non compris dans les dépens accordée aux demandeurs en première instance, et de condamner mademoiselle [U] au paiement d'une somme complémentaire de 1.000 euros au titre des frais que les intimés ont dû exposer en cause d'appel.
Les époux [B], qui ont obtenu l'exécution provisoire du jugement, ne produisent pas de document justificatif des difficultés de publication à la conservation des hypothèques qu'ils invoquent.
Il n'y a donc pas lieu de faire droit à leur demande complémentaire sur ce point.
- Sur les dépens :
Mademoiselle [U] qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
* * *
PAR CES MOTIFS
La cour
En la forme, déclare l'appel régulier ;
Au fond, confirme le jugement ;
Y ajoutant :
Condamne mademoiselle [U] à payer aux époux [B] la somme de 1.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens de l'instance d'appel ;
Rejette toutes autres demandes ;
Ordonne la publication du présent arrêt à la conservation des hypothèques ;
Condamne mademoiselle [U] aux dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés par la SCP NIDECKER-PRIEU-JEUSSET, avoué à la cour, étant précisé que mademoiselle [U] bénéficie de l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER :LE PRESIDENT :