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28/03/2002 | FRANCE | N°2000-3100

France | France, Cour d'appel de Versailles, 28 mars 2002, 2000-3100


L'office public d'HLM de Nanterre a confié à la société CERP la réalisation d'un ensemble immobilier comprenant 127 logements et ce, en trois tranches. La société CERP a sous-traité les lots peinture et revêtements de sols à la société PEINTURE NORMANDIE, selon deux contrats en date du 24 février 1995. Une commande supplémentaire concernant un appartement nä401 a été passée le 6 août 1997. Les travaux ont été exécutés, mais la société PEINTURE NORMANDIE, qui se plaignait de ne pas en être intégralement payée, a saisi le tribunal de commerce de Nanterre, selon assign

ation en date du 11 décembre 1998. Par jugement en date du 18 avril 2000, l...

L'office public d'HLM de Nanterre a confié à la société CERP la réalisation d'un ensemble immobilier comprenant 127 logements et ce, en trois tranches. La société CERP a sous-traité les lots peinture et revêtements de sols à la société PEINTURE NORMANDIE, selon deux contrats en date du 24 février 1995. Une commande supplémentaire concernant un appartement nä401 a été passée le 6 août 1997. Les travaux ont été exécutés, mais la société PEINTURE NORMANDIE, qui se plaignait de ne pas en être intégralement payée, a saisi le tribunal de commerce de Nanterre, selon assignation en date du 11 décembre 1998. Par jugement en date du 18 avril 2000, le tribunal a : - dit la société PEINTURE NORMANDIE mal fondée en sa demande de voir prononcer la nullité de l'accord de paiement avec la société CERP ; - constaté que celle-ci ne s'était pas opposée à l'action en paiement directe initiée par le sous-traitant auprès du maître de l'ouvrage ; - débouté la société PEINTURE NORMANDIE, se prévalant des dispositions de la loi du 31 décembre 1975, de sa demande de voir considérer comme définitivement acceptés les décomptes transmis par la société CERP ; - ordonné pour le surplus une expertise. Pour statuer ainsi, les premiers juges ont considéré que l'accord de paiement par lequel la société CERP réglait la société PEINTURE NORMANDIE ne valait pas renonciation par celle-ci au paiement direct par le maître de l'ouvrage, que la société CERP ne s'était pas opposée au paiement direct, mais qu'elle avait pu valablement contester les décomptes qui lui étaient transmis, ce point justifiant l'expertise ordonnée. La société PEINTURE NORMANDIE a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 4 mai 2000. Se prévalant de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975, elle a estimé que les décomptes qu'elle avait adressés à la société CERP devaient être considérés comme acceptés par elle, faute d'avoir été contestés dans les formes et délai légaux, et elle s'est ensuite attachée à réfuter l'argumentation de la société CERP

tendant à soutenir qu'elle n'était pas tenue par le délai légal ou bien qu'elle aurait vérifié les décomptes dans le délai. Elle a conclu, en conséquence, à la nullité de la stipulation contractuelle de paiement des travaux à soixante jours, et ce par application du titre II et de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1975. Elle a demandé à la cour de dire que ses décomptes étaient réputés définitivement acceptés pour un montant de 531.313,97 F, de condamner la société CERP à les transmettre au maître de l'ouvrage sous astreinte de 10.000 F par jour de retard, ou, à défaut de les payer. Elle a réclamé, en outre, la condamnation de la société CERP à lui payer la somme de 51.752,44 F au titre du préjudice subi pour le décalage de paiement, des pénalités de retard de 17 % à partir de : - 1ère tranche : 14 décembre 1998, - 2ème tranche : 19 octobre 1997, - appartement 401 : 14 décembre 1998, - 3ème tranche : situation juillet : du 9 septembre 1998 au 13 décembre 1998, - 3ème tranche décompte définitif : 14 décembre 1998, la capitalisation des intérêts et des pénalités de retard et enfin, une somme de 50.000 F au titre de l'article 700 du NCPC. La société CERP a répliqué que la société PEINTURE NORMANDIE était irrecevable à solliciter la nullité de la stipulation contractuelle de paiement des travaux pour la première fois dans ses dernières conclusions, alors qu'elle avait limité son appel et acquiescé implicitement dans ses conclusions du 9 août 2000 au débouté de sa demande par les premiers juges. Subsidiairement, elle a approuvé les premiers juges d'avoir admis la validité de la stipulation contractuelle, laquelle n'entraînait nullement renonciation au paiement direct. Puis, elle s'est élevée contre le fait qu'elle n'aurait pas contesté les décomptes dans le délai de quinze jours. Elle a ajouté que le décompte de la première tranche n'avait pas été régulièrement notifié, que le décompte prétendument définitif du 26 juin 1995 ne l'était pas, que les travaux des deux

premières tranches avaient été payées et même au-delà, que l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 n'était pas applicable dans les rapports entre l'entrepreneur principal et le sous-traitant, et que la société PEINTURE NORMANDIE avait adressé sa demande au maître de l'ouvrage qui l'avait contestée. Elle a donc conclu à la confirmation du jugement entrepris et a sollicité, en outre, une somme de 40.000 F pour procédure abusive et des sommes de 40.000 et 30.000 F au titre de l'article 700 du NCPC. Au cas où la cour jugerait l'expertise inutile, elle a examiné les décomptes de la société PEINTURE NORMANDIE pour en déduire après compensation avec les sommes versées en trop et les travaux de levée des réserves, la société PEINTURE NORMANDIE lui devait une somme de 11.638,15 F, dont elle a demandé paiement avec des intérêts légaux. Elle s'est, en toute hypothèse, opposée aux pénalités et intérêts prétendument contractuels réclamés, en faisant valoir qu'il s'agissait d'une demande nouvelle en cause d'appel, que les délais de paiement indiqués ne concernaient que le maître de l'ouvrage, que les dispositions de l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'étaient pas applicables, que les pénalités ne lui avaient pas été indiquées préalablement, que le point de départ des intérêts et pénalités étaient arbitraires et qu'il y avait lieu, en toute hypothèse, de faire application des dispositions de l'article 1152 du Code civil. SUR CE, Considérant que la société PEINTURE NORMANDIE n'a jamais indiqué, ni dans sa déclaration d'appel, ni dans ses conclusions qu'elle limitait son appel à certaines des dispositions du jugement entrepris ; Qu'elle n'avait pas d'obligation, dans ses premières conclusions, de critiquer expressément tous les chefs du jugement qu'elle déférait à la cour ; Qu'elle n'a jamais acquiescé, même implicitement, au refus des premiers juges de prononcer la nullité de l'accord de paiement ; Que son appel est donc recevable sur ce point ; Mais considérant que

seule est prescrite par l'article 7 de la loi nä75-1334 du 31 décembre 1975 la renonciation au paiement direct ; Que l'institution dans les marchés publics d'un paiement direct du sous-traitant par le maître de l'ouvrage n'a pas pour effet de décharger l'entrepreneur principal de son obligation contractuelle au paiement des travaux réalisés ; Qu'il s'en déduit que l'accord de paiement passé entre la société CERP et la société PEINTURE NORMANDIE, dès lors qu'il ne se substitue pas au paiement direct, mais se cumule avec lui, reste valable dans les rapports contractuels entre l'entrepreneur principal et le sous-traitant ; Qu'il convient donc de confirmer sur ce point le jugement entrepris ; Que, pour autant, les premiers juges ne pouvaient pas déduire de ce que les premières situations avaient été réglées selon les modalités prévues au contrat de sous-traitance, que la société PEINTURE NORMANDIE avait renoncé au paiement direct ; Que c'est également à tort qu'ils se sont référés aux dispositions de l'article 13 de la loi du 31 décembre 1975, inapplicables en l'espèce ; Considérant que l'article 8 de cette même loi stipule :

"L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. "Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées. "Les notifications prévues à l'alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception" ; Que, pour autant, ce texte ne crée pas, à la charge de l'entrepreneur principal, une obligation de payer les travaux à la place du maître de l'ouvrage qui se refuserait à le faire, à moins que ce refus ne soit motivé par un fait fautif de l'entrepreneur principal, comme, par exemple, la non transmission par

celui-ci du décompte au maître de l'ouvrage ; Qu'il permet simplement au sous-traitant dûment autorisé par l'entrepreneur principal, de percevoir directement du marché de l'ouvrage des sommes dues par celui-ci au titre du marché principal, sans craindre des contestations ultérieures de la part de l'entrepreneur principal des paiements qui auraient été effectués ; Qu'en revanche, l'acceptation des pièces justificatives pour le paiement direct n'implique pas, de la part de l'entrepreneur principal, renonciation dans ses rapports avec le sous-traitant à invoquer le bénéfice du contrat qui les lie, et, notamment à se prévaloir de l'inexécution des travaux ou de leur mauvaise exécution ; Considérant qu'en l'espèce, la société PEINTURE NORMANDIE a régulièrement adressé ses décomptes à la société CERP, à l'exception de celui de la première tranche adressé à un tiers dont le nom est illisible sur l'accusé de réception versé aux débats et qui serait, selon l'appelante, le coordinateur C2L ; Que la société CERP n'a pas adressé le refus motivé des pièces prévu par la loi, le courrier du 26 octobre 1998, antérieur à la réception des décomptes, dont elle se prévaut ne pouvant en tenir lieu ; Mais considérant qu'il est exact qu'il importe peu, en l'espèce, que les décomptes de la société PEINTURE NORMANDIE aient été acceptés ou non par la société CERP ; Qu'en effet, la société PEINTURE NORMANDIE a régulièrement adressé sa demande de paiement direct au maître de l'ouvrage, ce qui incidemment rend sans intérêt sa demande de transmission des décomptes sous astreinte ; Que le maître de l'ouvrage a refusé de la payer, dès lors qu'il a entendu lui appliquer des moins-values ; Que ce fait est étranger à la société CERP qui ne peut donc en être tenue pour responsable ; Qu'il reste alors à déterminer le montant des sommes restant dues à la société PEINTURE NORMANDIE ; Que la cour ne disposant pas des éléments suffisants pour statuer, confirmera en son principe l'expertise

ordonnée par les premiers juges, mais modifiera la mission confiée à l'expert, celle-ci méconnaissant manifestement les dispositions de l'article 238 alinéa 3 du NCPC ; PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement : - DÉCLARE la société PEINTURE NORMANDIE recevable et partiellement fondée en son appel. - DIT n'y avoir lieu à évocation. - CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société PEINTURE NORMANDIE de sa demande de nullité de l'accord de paiement, constaté que la société CERP ne s'était pas opposée à l'action en paiement direct et ordonné une expertise confiée à M. X... - LE RÉFORME pour le surplus et y ajoutant, - DIT que les décomptes transmis à la société CERP sont réputés acceptés au sens de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975, sauf ceux concernant la première tranche des travaux. - DIT toutefois que le refus de l'Office public D'HLM de Nanterre de payer la société PEINTURE NORMANDIE pour des motifs non imputables à la société CERP rend inopérante l'acceptation des décomptes. - DIT que l'expert aura pour mission de : - convoquer les parties ; - prendre connaissance des pièces contractuelles et entendre tous sachants ; - examiner les travaux exécutés par la société PEINTURE NORMANDIE ; - dire s'il existe des moins-values, non-façons ou malfaçons ; - dans l'affirmative, chiffrer leur coût ; - d'une façon générale, donner son avis sur les comptes présentés par les parties. - DIT que la consignation à effectuer par la société PEINTURE NORMANDIE au greffe du tribunal de commerce de Nanterre devra intervenir avant le 31 mai 2002, à peine de caducité de la désignation de l'expert. - CONFIRME les dispositions non contraires relatives au déroulement de l'expertise. - DÉBOUTE les parties de toutes demandes contraires ou plus amples. - DIT que chaque partie conservera à sa charge les dépens qu'elle a exposés devant la cour. Et ont signé le présent arrêt : Le Greffier

Le Président C. CLAUDE

F. CANIVET 12ème chambre A - Délibéré du 28/03/2002 RG Nä3100/00 Sa Peinture Normandie (Scp Bommart-Minault) c/ Sa CERP (Scp Gas) PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement : - DÉCLARE la société PEINTURE NORMANDIE recevable et partiellement fondée en son appel. - DIT n'y avoir lieu à évocation. - CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société PEINTURE NORMANDIE de sa demande de nullité de l'accord de paiement, constaté que la société CERP ne s'était pas opposée à l'action en paiement direct et ordonné une expertise confiée à M. X... - LE RÉFORME pour le surplus et y ajoutant, - DIT que les décomptes transmis à la société CERP sont réputés acceptés au sens de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975, sauf ceux concernant la première tranche des travaux. - DIT toutefois que le refus de l'Office public D'HLM de Nanterre de payer la société PEINTURE NORMANDIE pour des motifs non imputables à la société CERP rend inopérante l'acceptation des décomptes. - DIT que l'expert aura pour mission de : - convoquer les parties ; - prendre connaissance des pièces contractuelles et entendre tous sachants ; - examiner les travaux exécutés par la société PEINTURE NORMANDIE ; - dire s'il existe des moins-values, non-façons ou malfaçons ; - dans l'affirmative, chiffrer leur coût ; - d'une façon générale, donner son avis sur les comptes présentés par les parties. - DIT que la consignation à effectuer par la société PEINTURE NORMANDIE au greffe du tribunal de commerce de Nanterre devra intervenir avant le 31 mai 2002, à peine de caducité de la désignation de l'expert. - CONFIRME les dispositions non contraires

relatives au déroulement de l'expertise. - DÉBOUTE les parties de toutes demandes contraires ou plus amples. - DIT que chaque partie conservera à sa charge les dépens qu'elle a exposés devant la cour. Et ont signé le présent arrêt : Le Greffier

Le Président C. CLAUDE

F. CANIVET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2000-3100
Date de la décision : 28/03/2002

Analyses

CONTRAT D'ENTREPRISE - Sous-traitant - Marchés publics - Paiement direct par le maître de l'ouvrage - Action contre l'entrepreneur principal

Si l'article 7 de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance proscrit toute renonciation au paiement direct, l'institution dans les marchés publics d'un paiement direct du sous-traitant par le maître de l'ouvrage n'a pas pour effet de décharger l'entrepreneur principal de son obligation contractuelle au paiement des travaux réalisés par son sous-traitant. Il s'ensuit qu'un accord de paiement passé entre un entrepreneur principal et un sous-traitant, dès lors qu'il ne se substitue pas au paiement direct mais se cumule avec lui, reste valable dans les rapports contractuels entre ces deux parties


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-03-28;2000.3100 ?
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