COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 63B
1ère chambre
1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 JANVIER 2011
R.G. N° 09/06507
AFFAIRE :
[H] [M]
S.A.R.L. ERTV
C/
S.C.P. [S] [T] ET [X] [K]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Juin 2009 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° chambre : 1
N° Section :
N° RG : 2008/1740
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- SCP TUSET- CHOUTEAU
- SCP GAS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TREIZE JANVIER DEUX MILLE ONZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [H] [M]
né le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 7] (Tunisie)
[Adresse 3]
S.A.R.L. ERTV
société à responsabilité limitée ayant son siège [Adresse 5] agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
représentés par la SCP TUSET-CHOUTEAU - N° du dossier 20090372
Rep/assistant : Me Juliana KARILA DE VAN substitué par Me Joëlle BEGARD (avocat au barreau de VERSAILLES)
APPELANTS
****************
S.C.P. XAVIER BARIANI ET MATHIEU CHARDON
société civile professionnelle d'huissiers de justice ayant son siège [Adresse 6], inscrite au RCS de [Localité 9] sous le numéro 349 492 934 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP GAS - N° du dossier 20090773
Rep/assistant : Me Emmanuel SYNAVE (avocat au barreau de VERSAILLES)
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Novembre 2010, Madame Bernadette WALLON, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Bernadette WALLON, président,
Madame Evelyne LOUYS, conseiller,
Madame Dominique LONNE, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
Pour une meilleure compréhension du litige, il y a lieu de rappeler les faits constants suivants :
- par courrier du 10 avril 2002, Me [W], avocat au bareau de Versailles et conseil de M.[H] [M], a mandaté la SCP Xavier [T]-[X] [K], huissiers de justice à Versailles, afin de poursuivre une procédure de saisie de droits d'associé entre les mains de la société ERTV et d'aboutir à la vente des parts détenues dans cette société par M. [D] [M], en vertu d'un titre exécutoire obtenu le 23 novembre 1999 du tribunal d'instance de Poissy par M. [H] [M], lui-même associé et gérant de ladite société,
- Me [W] a joint à son courrier, le titre exécutoire, le procès verbal de saisie des droits d'associé du 25 février 2000 et sa dénonciation du 3 mars 2000 au débiteur, ainsi que le certificat de non contestation de cette saisie, cette procédure de saisie ayant été précédemment diligentée par Me [U], huissier de justice,
- par courrier du 15 mai 2002, Me [W] a communiqué à la SCP Bariani-Chardon les nouvelles coordonnées de M. [D] [M] :"Chez Monsieur [L] [O] [Adresse 4]",
- M.[H] [M] lui a également communiqué deux autres adresses de M.[D] [M] [Adresse 1],
- le 15 mai 2003, M.[H] [M] a fait procéder à la vente forcée des parts sociales de M.[D] [M] et les a acquises par adjudication,
- la signification à M.[D] [M] du cahier des charges en vue de la vente de ses parts (procès-verbal de recherches infructueuses du 06 mars 2003) , la signification de la date de la vente des parts ( procès-verbal de recherches infructueuses du 25 avril 2003) et l'acte de dénonciation du procès-verbal de la vente des parts ( procès-verbal de recherches infructueuses du 26 mai 2003) ont toutes été effectuées à l'adresse [Adresse 3],
- le 16 juin 2004, M. [D] [M] a fait assigner M. [H] [M] devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Versailles aux fins de voir prononcer la nullité de l'acte de signification du cahier des charges du 6 mars 2003, la nullité de l'acte de signification de la date de vente des parts du 24 avril 2003 et par voie de conséquence la nullité de la vente des parts sociales réalisée le 15 mai 2003, au motif que ces actes ont été signifiés à une mauvaise adresse,
- par jugement du 5 octobre 2004, confirmé par arrêt du 12 janvier 2005de la cour d'appel de Versailles, M.[D] [M] a obtenu gain de cause .
Par acte d'huissier du 10 janvier 2008, M. [H] [M] et la SARL ERTV ont assigné la SCP [T]- [K] aux fins de faire juger qu'elle est responsable du préjudice subi du fait de la nullité de la vente des parts sociales de M.[D] [M], prononcée judiciairement, et de la voir condamner au paiement de différentes sommes en réparation de ce préjudice, matériel et moral.
Par déclaration du 28 juillet 2009, M.[H] [M] et la société ERTV ont interjeté appel du jugement du 18 juin 2009 du tribunal de grande instance de Versailles qui les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes et a condamné M.[H] [M] à verser à la SCP Bariani et Chardon la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts, la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Vu les dernières conclusions de M. [H] [M] et dela SARL ERTV en date du 15 septembre 2010, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs moyens, et par lesquelles ils demandent à la cour de :
* déclarer leur appel recevable et bien fondé,
* infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
* déclarer la SCP Bariani et Chardon responsable des dommages subis par M. [H] [M] et par la SARL ERTV du fait de la nullité de la vente des parts sociales de M. [D] [M] prononcée judiciairement,
* condamner la SCP Bariani et Chardon à payer à M. [H] [M] :
- la somme de 18.220€ en réparation de son préjudice matériel constitué par les frais de procédure, d'avocats spécialisés, d'avoué, d'expert-comptable,
- la somme de 5.000€ en réparation de son préjudice moral,
*condamner la SCP Bariani et Chardon à payer à la société ERTV la somme de 5 547€ en réparation de son préjudice matériel,correspondant aux frais d'avocats spécialisés, et aux frais d'actes pour procéder aux modifications des assemblées, des statuts et des régimes spéciaux à la suite de la nullité de la procédure de saisie-vente des droits sociaux,
* débouter la SCP Bariani et Chardon de toutes ses demandes,
* condamner la SCP Bariani et Chardon à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 5.000€ à M. [H] [M] et la même somme à la SARL ERTV,
* condamner la SCP Bariani et Chardon aux dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Tuset-Chouteau.
Vu les dernières conclusions de la SCP Bariani et Chardon en date du 05 octobre 2010 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et par lesquelles elle demande à la cour de :
- déclarer M. [H] [M] mal fondé en son appel, l'en débouter,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre de la SCP Bariani et Chardon en raison de la fraude commise par M. [H] [M],
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé que seule la faute commise sciemment par M. [H] [M], en refusant de communiquer à la SCP Bariani et Chardon les lettres recommandées en date des 19 mars 2002 et 4 février 2003, a concouru de façon exclusive à la réalisation des différents préjudices que ce dernier estime devoir imputer à la SCP,
- débouter M. [H] [M] de l'intégralité de ses demandes,
- réformer la décision entreprise s'agissant du montant de l'indemnité allouée à la SCP Bariani et Chardon à titre de dommages-intérêts,
- condamner M. [H] [M] à payer à la SCP Bariani et Chardon, en réparation de l'intégralité des préjudices subis du fait tant de son attitude déloyale et des désagréments qui en sont résultés ainsi que de sa procédure abusive une somme d'un montant de 20.000€ à titre de dommages-intérêts,
- y ajoutant, le condamner à payer à la SCP Bariani et Chardon une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Gas.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 novembre 2010.
MOTIFS DE LA DECISION
Il ne résulte d'aucun des courriers de la SCP Bariani-Chardon versés aux débats qu'elle a reconnu sa responsabilité.
En effet, un telle reconnaissance ne saurait résulter ni du courrier du 09 février 2005par lequel elle a répondu à M.[H] [M] :"Afin de me permettre de répondre utilement, je vous remercie de bien vouloir m'indiquer quel est le montant de vos demandes envers notre société . A réception de votre courrier, je me rapprocherai de ma compagnie d'assurances", ni du courrier du 22 février 2005 par lequelle elle indique avoir mandaté sa compagnie d'assurances "afin que celle-ci puisse procéder à l'instruction du dossier", ni du courrier du 22 juillet 2005 aux termes duquel elle propose la fixation d' un rendez-vous téléphonique .
Par ailleurs, le courrier de la société Covea Risks en date du 19 décembre 2005 adressé au conseil de M.[M], s'il contient une offre d'indemnisation, au demeurant refusée, se situe expressément dans un contexte de recherche de solution amiable du litige et indique :"... si la responsabilité de Maître [T] est susceptible d'être recherchée, elle ne doit pas occulter celle propre de votre client. Je fais bien entendu ici référence aux lettres recommandées des 19 et 22 mars 2002 par lequel ce dernier était informé de la nouvelle adresse de son frère, informations qu'il n' a pas délivré à son mandataire...".
M.[H] [M] soutient que la nullité de la vente des parts sociales de M.[D] [M] a été prononcée par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 12 janvier 2005 au motif qu'il n'a pas pu être démontré que la SCP Mariani-[K] avait tenté de signifier les actes de procédure à l' adresse [Adresse 4] (78), alors qu'il avait communiqué cette adresse à la SCP Bariani-Chardon dès le 15 mai 2002 .
Il conclut qu'il ne reproche pas à la SCP [N] de ne pas avoir tenté la délivrance des actes à cette adresse (en effet il ne conteste pas le fait que la SCP [T] -[K] s'est transportée à l'adresse du [Adresse 4], qu'elle a constaté sur place la présence d'une boîte aux lettres portant uniquement le nom de "[L]" et qu'elle y a laissé un avis de passage) mais il lui reproche de ne pas avoir mentionné dans les actes de signification, ayant donné lieu à l'établissement des procès-verbaux de recherches infructueuses, les diligences effectuées à cette adresse, ce qui, selon lui, a motivé le prononcé de leur nullité.
Il résulte des pièces régulièrement versées aux débats et notamment des actes de signification :
- que le 06 mars 2003, la SCP [N] a signifié à M.[D] [M] le cahier des charges établi en vue de la vente de ses parts à l'adresse située [Adresse 3], comme étant son dernier domicile connu, le procès-verbal de recherches infructueuses indiquant qu'aucune personne répondant à l'identification du destinataire de l'acte n'y a son domicile ou sa résidence , l'huissier indiquant qu'il a pu apprendre selon la déclaration de l'ex-épouse de M.[M] que ce dernier a quitté les lieux depuis 1996, que la nouvelle adresse de M.[M] ne lui a pas été communiquée et que les diverses recherches effectuées notamment par minitel sont restées vaines,
- que suivant procès-verbal de recherches infructueuses du 25 avril 2003, la SCP [N] a signifié à M.[D] [M] la date de la vente de ses parts d'associé, toujours à la même adresse, [Adresse 3],
- que le procès-verbal de la vente des actions de M.[D] [M], adjugées le 15 mai 2003 au profit de M.[H] [M], a été signifié à M.[D] [M] selon procès-verbal de recherches infructueuses du 26 mai 2003, également à cette même adresse,
- que toutes les lettres recommandées sont revenues avec la mention "non réclamée".
Tant le jugement du juge de l'exécution du 05 octobre 2004 que l'arrêt de la cour d'appel confirmatif du 12 janvier 2005 ont mis en exergue qu'il résultait de deux lettres recommandées avec accusé de réception, l'une du 19 mars 2002 reçue le 22 mars 2002, l'autre du 04 février 2003 reçue le 20 février 2003 , donc antérieures aux significations sus-visées effectuées par la SCP [N], que M.[D] [M] a informé son frère, M.[H] [M], de ce que son adresse était chez Monsieur [O] [L], [Adresse 4], en lui demandant d 'y faire parvenir "toutes correspondances relatives à la société ERTV".
La Cour d'appel a retenu dans sa motivation :" Considérant dès lors que l'irrégularité de la procédure de vente des droits d'associés diligentée par Monsieur [H] [M] à l'encontre de son frère [D] est manifeste, ces irrégularités tenant à la notification de l'ensemble des actes de cette procédure à une mauvaise adresse alors que l'appelant ([H] [M]) était informé depuis le 22 mars 2002 de l'adresse exacte de son frère, ayant nécessairement causé un grief à celui-ci puisqu'il n'a pu être présent à la vente de ses propres parts sociales ; que le jugement entrepris sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a annulé la vente des parts sociales de M.[D] [M] dans la société ERTV".
Il en résulte donc, ainsi que l'ont pertinemment retenu les premiers juges, que ce n'est pas le défaut de mention des diligences de la SCP [N] qui a été ainsi retenu pour annuler la vente des parts sociales de M.[D] [M] mais une absence de signification à l'adresse que M.[D] [M] avait expressément fait connaître à son frère depuis le 22 mars 2002, élément qui incontestablement n'a pas été porté à la connaissance de la SCP Bariani-Chardon.
M.[H] [M], qui ne verse pas aux débats ces deux courriers et qui ne conteste pas ne pas les avoir transmis à la SCP Bariani-Chardon, soutient que le fait qu'il n'ait pas informé l'huissier qu'il avait reçu ces deux lettres recommandées de son frère les 22 mars 2002 et 20 février 2003 importe peu à partir du moment où l'adresse à laquelle son frère [D] se domiciliait dans ces deux courriers faisait en tout état de cause partie des trois adresses qu'il avait déjà communiquées à la SCP Bariani-Chardon et où d'autre part il n'est pas démontré que l'étude d'huissier a tenté de signifier les actes de saisie à l'adresse visée par ces deux courriers.
Il soutient également que si la SCP Bariani-Chardon avait mentionné dans ses différents actes de signification les diligences accomplies lors de la tentative de signification à l'adresse de Poissy, M.[D] [M] n'aurait pas pu se prévaloir d'une irrégularité de la procédure de saisie.
Mais cette argumentation ne peut pas être accueillie dans la mesure où si les deux lettres de M.[D] [M] à son frère des 19 mars 2002 et 04 février 2003 avaient été portées à la connaissance de la SCP Bariani-Chardon, les différentes diligences en vue de rechercher le véritable domicile du débiteur ou à défaut son dernier domicile connu n'avaient plus de raison d'être car il convenait dès lors de signifier tous les actes à cette adresse chez M.[L] à Poissy, adresse à laquelle M.[D] [M] faisait élection de domicile, ainsi que le fait justement valoir la SCP intimée. En outre, en ce cas, seule cette adresse à [Localité 8] aurait alors pu constituer la dernière adresse connue.
Au surplus, étant rappelé que M.[H] [M] ne remet pas en cause le fait que la SCP [N] s'est présentée à l'adresse [Adresse 4] et qu'elle n'y a pu y effectuer aucune signification, la boîte aux lettres portant uniquement le nom de [L], si le contenu des deux courriers adressés par M.[D] [M] à son frère [H] avait été connu de la SCP Bariani-Chardon, elle aurait pu effectuer une signification des actes à domicile élu.
En outre, le contenu des courriers des 19 mars 2002 et 04 février 2003 contredisaient les éléments d'information donnés par M.[H] [M] à la SCP [N] puisque l'intimée verse aux débats une note, non discutée, qu'elle a établie, antérieurement aux différentes significations qu'elle a effectuées, et qui fait état des renseignements suivants donnés à l'huissier par M.[H] [M] : "L'adresse au [Adresse 3] serait celle où il serait susceptible de recevoir son courrier (chez son ex femme).Les 2 autres ( à Poissy chez Mr [L] et à Vernouillet)sont exceptionnelles- M.[D] [M] était parti à l'étranger et avait communiqué ses 2 adresses (valable chacune un an)".
Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté M.[H] [M] de l'ensemble de ses demandes, ce dernier ne pouvant arguer de sa propre défaillance seule à l'origine du préjudice invoqué du fait de l'annulation de la vente des parts sociales.
Les premiers juges ont justement apprécié le préjudice subi par la SCP [N] en lui allouant la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts sanctionnant le comportement déloyal de M.[H] [M].
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE M.[H] [M] à payer à la SCP Xavier Bariani- Mathieu Chardon la somme complémentaire de 3.000 € au titre des frais non compris dans les dépens d'appel et exposés dans la présente instance,
CONDAMNE M.[H] [M] et la société ERTV aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement par la SCP Gas, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Evelyne LOUYS conseiller pour le Président empêché et par Madame Sylvie RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le conseiller,