Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société LS Distribution a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2013.
Par un jugement nos 1602894/7, 1602902/7 du 25 octobre 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par deux requêtes enregistrées le 26 décembre 2018 sous le n° 18PA04045 et le
9 janvier 2019 sous le n° 19PA00232, la société LS Distribution, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 25 octobre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme qui ne saurait être inférieure
à 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'envoi de la proposition de rectification pendant les congés estivaux l'a privée des garanties attachées à la procédure contradictoire et a irrégulièrement inversé la charge de la preuve ;
- le règlement des créanciers de la société MCO en lieu et place de cette société a été effectué dans un souci de conserver de bonnes relations avec cette dernière ;
- la doctrine administrative prévoit, dans le cas du paiement direct des sous-traitants, l'autoliquidation de la taxe par l'entrepreneur principal ;
- les travaux ont été effectués dans l'intérêt de l'exploitation ;
- le véhicule Mercedes a été acquis auprès de MmeA.... qui a été rémunérée par des prélèvements qu'elle effectuait directement dans les comptes de la société ;
- elle a servi d'intermédiaire dans la cession d'une voiture acquise en crédit-bail ;
- il résulte des dispositions des articles 266 1-a et 267 du code général des impôts et de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-40 n°40 que la taxe sur la valeur ajoutée est due sur la somme perçue sur les opérations d'entremise ;
- les véhicules ont été acquis à titre onéreux.
Le président de la 2ème chambre de la Cour a, en application des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, dispensé ces deux requêtes d'instruction.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) LS Distribution relève appel du jugement du 25 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2013 à la suite d'une vérification de sa comptabilité.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Il est constant que les propositions de rectification des 31 juillet et 7 août 2014 ont été notifiées à la société à l'adresse de son siège social, que les plis les contenant ont été présentés à cette adresse et ont fait l'objet d'un avis d'instance et que ces plis sont revenus non réclamés à l'expéditeur. Lesdites propositions de rectification doivent en conséquence être regardées comme ayant été régulièrement notifiées. La circonstance que la requérante aurait avisé le service vérificateur qu'elle serait en congés lors de l'envoi des propositions de rectification n'est pas établie et n'est en tout état de cause pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure contradictoire dès lors qu'il appartenait au contribuable de prendre les dispositions nécessaires pour recevoir son courrier.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ayant été notifiés selon la procédure de taxation d'office prévue par les dispositions du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, la société requérante a en application des dispositions précitées de l'article L. 193 du même livre, la charge d'apporter la preuve de l'exagération des impositions qu'elle conteste.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. " Il résulte de l'instruction que les rehaussements du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés ont été notifiés à la société LS Distribution par une proposition de rectification du 7 août 2014 selon la procédure de redressement contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. Ces rehaussements n'ont pas été contestés dans le délai prescrit. En conséquence, la société LS Distribution, en application des dispositions précitées, supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions qui en procèdent. Dès lors qu'ainsi qu'il a été déjà dit au point 2, il appartenait au contribuable de prendre les dispositions nécessaires pour recevoir son courrier, la société requérante ne saurait valablement soutenir que le fait de ne pas avoir répondu dans les délais impartis aux propositions de rectification qui lui ont été adressées au cours d'une période de congés, alors même que le service vérificateur aurait été averti de cette prise de congés, aurait irrégulièrement inversé la charge de la preuve.
En ce qui concerne le rehaussement relatif à la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur des factures de complaisance :
5. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de service. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l'ignorer. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération.
6. Il résulte de l'instruction que la société LS Distribution a comptabilisé, au cours de la période du 25 mars au 31 décembre 2013, des charges pour des travaux facturés par la société MCO à concurrence de la somme globale de 42 967,15 euros et a déduit la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur ces factures à l'occasion des paiements présentés comme effectués au titre de leur règlement. Il est toutefois constant que les chèques émis par la requérante, pour les montants correspondants aux charges comptabilisées, étaient libellés aux noms de tiers. Ces tiers étaient soit des personnes physiques, non identifiées comme des professionnels et ne pouvant donc pas être des sous-traitants de la société MCO, soit des sociétés tierces, sans lien établi avec la société MCO. Ces éléments sont de nature à établir que la société MCO n'a pas elle-même réalisé les travaux en cause et que les factures mentionnées ci-dessus étaient des factures de complaisance, ce que le contribuable, qui a réglé des factures à des personnes physiques ou morales qui ne les ont pas émises, ne pouvait ignorer. Si la société requérante fait pour sa part valoir que ces paiements ont été effectués au profit de créanciers de la société MCO, à la demande de celle-ci, et doivent par suite être regardés comme le règlement des factures émises par cette société, elle ne verse pas d'éléments probants à l'appui de ses allégations de nature à démontrer que les travaux facturés ont été effectués par la société MCO et que la société MCO lui a effectivement demandé d'effectuer des règlements à des tiers. C'est par suite à bon droit, et alors même que les travaux auraient été réalisés dans l'intérêt de l'exploitation, que l'administration a considéré que la société MCO n'était pas le véritable prestataire des travaux facturés et que les factures qu'elle a émises constituaient ainsi des factures de complaisance, ce que l'intéressée ne pouvait ignorer. L'administration était en conséquence fondée à remettre en cause, sur le fondement des dispositions des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée déduite à ce titre et à procéder au rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant au titre de l'exercice clos en 2013. Les prescriptions de la doctrine administrative qui prévoient, dans le cas du paiement direct des sous-traitants, l'autoliquidation de la taxe par l'entrepreneur principal, ne sauraient être en tout état de cause utilement invoquées, dans la mesure où il ne résulte pas de l'instruction et il n'est d'ailleurs même pas allégué que les bénéficiaires des paiements auraient agi en tant que sous-traitants de la société MCO, et que par suite la société requérante se trouverait dans la situation prévue par la doctrine administrative en cause.
En ce qui concerne les rehaussements relatifs aux modalités de cession de deux véhicules :
7. La société LS Distribution conteste les modalités d'imposition retenues par le service, tant en matière de taxe sur la valeur ajoutée que d'impôt sur les sociétés, relatives à la cession, au cours de l'exercice vérifié, de deux véhicules d'occasion immatriculés dans la catégorie des véhicules particuliers. L'administration a estimé que le prix d'achat de ces deux véhicules n'était pas justifié et a remis en cause le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, soit sur la différence entre le prix de cession et le prix d'achat, soumis à la taxe l'intégralité du prix de vente et rejeté la déduction des charges déduites des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés au titre de l'achat des véhicules en cause.
8. La société LS Distribution soutient que le véhicule Mercedes a été acquis auprès de MmeA.... qui l'a apporté à l'intéressée pour une valeur de 44 000 euros. Toutefois la Cour ne trouve au dossier aucun document permettant de constater que MmeA.... ait été propriétaire de ce véhicule avant son acquisition par la société requérante. La circonstance, invoquée par l'intéressée, que MmeA.... effectuerait régulièrement des prélèvements inscrits au débit de son compte courant ouvert dans la comptabilité de l'entreprise jusqu'à être remplie de ses droits, ne saurait, à la supposer même établie, démontrer la réalité de la cession en cause. Il en est de même de la circonstance que l'opération aurait été comptabilisée au compte " fournisseurs à payer ", en l'absence de pièces justificatives du bien-fondé de cette écriture.
9. La société LS Distribution conteste également les rehaussements relatifs à la cession du véhicule Porsche Cayenne en faisant valoir qu'elle a servi d'intermédiaire dans la cession d'une voiture acquise en crédit-bail et qu'elle doit être regardée comme ayant été rémunérée sur la seule base d'une commission. La seule circonstance, invoquée par la société, que le véhicule avait été acquis par les précédents propriétaires dans le cadre d'un contrat de crédit bail ne saurait dispenser la société de la charge de prouver la réalité de l'opération d'intermédiaire dont elle se prévaut. Elle n'apporte pas cette preuve en se bornant à produire un acte de cession des parts sociales de la société du 18 juin 2011, enregistré auprès du service des impôts des particuliers de Saint-Maur des Fossés, précisant que M.A.... a repris à son compte le contrat de crédit-bail dudit véhicule, et à se prévaloir, comme précédemment, de ses écritures comptables dépourvues de toutes pièces justificatives. En l'absence de toute précision et de tout document permettant d'apprécier la réalité et les modalités d'une opération d'intermédiaire, le moyen tiré de ce qu'il résulte des dispositions des articles 266 1-a et 267 du code général des impôts et de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-40 n°40 que la taxe sur la valeur ajoutée est due sur la somme perçue sur les opérations d'entremise ne saurait qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société LS Distribution n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes en décharge des impositions litigieuses et des pénalités dont elles ont été assorties. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les deux requêtes de la société LS Distribution sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société LS Distribution.
Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 avril 2019.
Le rapporteur,
F. MAGNARD Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 18PA04045, 19PA00232