Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 16 février 2021 par lesquelles l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE) a refusé de lui attribuer une bourse scolaire pour l'année scolaire 2020-2021 pour ses enfants mineurs, A... et B... D....
Par un jugement n° 2105729/1-1 du 30 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2023, Mme D..., représentée par Me Hsina, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2105729/1-1 du 30 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler les décisions du 16 février 2021 de l'AEFE ;
3°) d'enjoindre à l'AEFE de tirer les conséquences de cette annulation et d'octroyer une bourse scolaire au profit de ses deux enfants mineurs dans les mêmes conditions que les années précédentes, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, d'enjoindre à l'AEFE de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'AEFE la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure dès lors, qu'en application de l'instruction applicable du directeur de l'AEFE, les dossiers incomplets pour des familles considérées comme ayant besoin d'une aide, notamment au regard de bourses précédemment obtenues, ne peuvent faire l'objet d'une décision de rejet, mais uniquement d'ajournement, précédée d'un entretien avec l'agent consulaire afin de vérifier la complétude du dossier de demande, plus particulièrement dans le cas de premières demandes ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation familiale et financière ;
- elles sont entachées d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où, en l'absence totale de revenus et de patrimoine, son dossier était complet, était identique à celui déposé précédemment lui ayant permis d'obtenir des bourses scolaires pour chacun de ses deux enfants, au titre de la même année scolaire, au Maroc.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2024, l'AEFE, représentée par la SCP Gury et Maître, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 13 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- l'instruction spécifique de l'AEFE sur les bourses scolaires au bénéfice des enfants français résidant à l'étrange, prise en application des articles D. 531-45 à D. 531-51 du code de l'éducation, et applicable à l'année 2020/2021 pour les pays du rythme nord ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jayer,
- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 1er septembre 2020, Mme D... a obtenu de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE), deux bourses scolaires intégrales, au titre de l'année 2020/2021, pour ses deux enfants mineurs alors inscrits au collège Anatole France de Casablanca (Maroc). A la suite d'un déménagement en Espagne, en septembre 2020, elle en a sollicité le transfert le 21 octobre suivant, ses fils étant désormais inscrits au sein du lycée français international de Murcie. Sa demande a été instruite dans le cade de la 2ème campagne des bourses scolaires. Mme D... relève appel du jugement du 30 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 16 février 2021 par lesquelles le directeur de l'AEFE a confirmé, sur recours gracieux, le rejet des demandes de bourse qu'elle a formées au bénéfice de ses deux fils mineurs pour l'année scolaire 2020/2021.
2. En premier lieu, l'AEFE est fondée à soutenir que le moyen de légalité externe, tiré de ce que la requérante n'a pu bénéficier d'un entretien avec l'agent en charge des bourses scolaires afin de procéder à la vérification de la complétude de son dossier, invoqué pour la première fois en cause d'appel, doit être écarté comme irrecevable dès lors que Mme D... avait uniquement soulevé des moyens de légalité interne en première instance et que ce moyen n'est pas d'ordre public.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 452-2 du code de l'éducation, l'AEFE " a pour objet : (...) / 5° D'accorder des bourses aux enfants de nationalité française scolarisés dans les écoles et les établissements d'enseignement français à l'étranger dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de l'éducation, du ministre chargé des affaires étrangères et du ministre chargé de la coopération ". Aux termes de l'article D. 531-45 du même code : " Les bourses accordées par l'Agence (...) en application des dispositions du 5° de l'article L. 452-2 sont proposées par des commissions locales instituées auprès des postes diplomatiques ou consulaires et attribuées après avis d'une commission nationale instituée auprès du directeur de l'agence ". L'article D. 531-46 poursuit en indiquant que, pour bénéficier des bourses scolaires à l'étranger, les élèves doivent : " 1° Etre de nationalité française et inscrits ou en cours d'inscription au registre des Français établis hors de France de la circonscription consulaire dans laquelle ils ont leur résidence ; / 2° Fréquenter un des établissements figurant sur la liste arrêtée chaque année par le ministre chargé de l'éducation, le ministre des affaires étrangères et le ministre chargé de la coopération en application du 5° de l'article L. 452-2 ; / 3° Résider avec leur famille dans le pays où est situé l'établissement scolaire fréquenté. (...) ". Aux termes de l'article D. 531-48 dudit code : " Les commissions locales examinent et présentent à la commission nationale les demandes de bourses scolaires dont peuvent bénéficier les élèves français établis hors de France dans les conditions définies aux articles D. 531-45 et D. 531-46. Elles répartissent entre les bénéficiaires les crédits délégués par l'agence, dans le respect des critères généraux définis par des instructions spécifiques ". Enfin, aux termes de l'article D. 531-51 de ce code : " La commission nationale est réunie deux fois par an. Elle est consultée sur toutes les questions relatives aux bourses scolaires ; elle examine les critères d'attribution et donne son avis sur les propositions de bourses des commissions locales. Elle propose à l'agence la répartition entre ces dernières de l'enveloppe annuelle des crédits alloués ".
4. Le directeur de l'AEFE a, sur le fondement de ces dispositions, adopté le 9 janvier 2020 une instruction spécifique applicable pour l'année scolaire 2020/2021 qui énonce les critères d'obtention des bourses scolaires par les familles des enfants mentionnés au 5° de l'article L. 452-2 du code de l'éducation et remplissant les conditions énoncées à l'article D. 531-46 du même code. Ce faisant, cette autorité doit être regardée comme ayant défini, sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, des orientations générales en vue de l'exercice de son pouvoir d'accorder des bourses scolaires, qui sont opposables aux familles ayant demandé de telles bourses. Cette instruction prévoit en son point 11-1 que : " lors d'un changement de résidence d'une famille après le dépôt d'un dossier, le dossier de demande de bourses ne peut faire l'objet d'un transfert automatique d'une circonscription consulaire à l'autre. La famille doit obligatoirement constituer un nouveau dossier auprès des services consulaires de son nouveau domicile ". Selon le point 4.9.3 relatif à l'examen des dossiers individuels : " Le poste instruit les demandes présentées dans le strict respect des dispositions réglementaires fixées (...) ; Le chef de poste détermine la recevabilité ou non de chacune d'elle. : Il détermine celles qui doivent faire potentiellement l'objet : - D'une attribution ; - D'un rejet " et selon le point 4.9.3.1 : " Doivent normalement conduire à une proposition de rejet : " - Les déclarations incomplètes, inexactes ou incohérentes des familles (...) ".
5. Il est constant que, pour avoir été présentée après le premier conseil consulaire s'étant réuni les 10 et 11 juin 2020, la demande de transfert de Mme D... devait être soumise au second conseil devant se réunir les 14 et 15 décembre suivant, et relevait ainsi des points précités. S'agissant du dernier conseil dans le cadre de la campagne nationale pour l'année 2020-2021, le poste instructeur ne pouvait prendre une décision d'ajournement, faute de conseil ultérieur permettant un second examen de la demande, Mme D... ne contestant pas l'incomplétude des dossiers présentés. Aucun vice de procédure ou erreur de droit ne saurait en conséquence être regardé comme caractérisé.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, qu'en dépit de l'obligation prévue par le point 11-1 de l'instruction spécifique précitée emportant obligation pour la famille de constituer un nouveau dossier auprès des services consulaires de son nouveau domicile en cas de changement de résidence, la requérante n'a pas annexé à ses demandes de bourse les pièces justificatives relatives à sa situation financière, tant en termes de ressources que de patrimoine telles que prévues par le point 3.3.1 de l'instruction spécifique. Elle reconnaît ne pas les avoir communiquées, pour avoir été convaincue qu'elle n'avait pas à le faire dans le cadre d'une demande de transfert, suite au précédent accord reçu. Cette communication spontanée étant toutefois obligatoire dès lors que les bourses sont accordées à condition de continuer à souscrire, notamment, à des critères tenant à la situation financière de la famille, Mme D... ne peut utilement se fonder sur la circonstance que l'AEFE ne l'a pas invitée à compléter ses dossiers. L'agence a ainsi pu, sans commettre d'erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, considérer que cette absence de pièces ne la mettait pas à même d'apprécier un éventuel changement de la situation financière de l'intéressée et, par suite, rejeter les demandes de bourses par les décisions attaquées. Si Mme D... a produit dans le cadre de son recours contentieux des pièces relatives à cette situation, cette communication, postérieure aux décisions contestées, est sans incidence sur leur légalité qui s'apprécie à la date de leur édiction.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et à la directrice de l'agence pour l'enseignement du français à l'étranger.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2024.
La rapporteure,
M-D. JAYERLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04473